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Date : 20220517


Dossier : A-83-21

Référence : 2022 CAF 86

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

LA SUCCESSION DE PASQUALE PALETTA

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 4 avril 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 mai 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

[BLANK]

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20220517


Dossier : A-83-21

Référence : 2022 CAF 86

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

LA SUCCESSION DE PASQUALE PALETTA

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF NOËL

INTRODUCTION

[1] Pasquale Paletta (M. Paletta) est décédé quelques mois avant que son appel soit entendu par la Cour canadienne de l’impôt. La succession a poursuivi l’instance, et l’audience a été tenue sur dix-huit jours. La Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt), sous la plume du juge Spiro, a accueilli l’appel. La succession a eu gain de cause à tous les égards, sauf en ce qui concerne une des années d’imposition, où M. Paletta a omis d’inclure une partie relativement minime des revenus faisant l’objet du débat.

[2] Au cours des années d’imposition 2000 à 2007, M. Paletta a touché des revenus de diverses sources, s’élevant dans l’ensemble à environ 38 millions de dollars. Or, la presque totalité de ces revenus, soit 37 millions de dollars, ont été effacés pour fins fiscales par des pertes qu’a réalisées M. Paletta à la suite d’opérations de change à terme. La première question que soulève le présent appel est de savoir si la Cour de l’impôt a conclu à bon droit que ces activités de change constituaient une source de revenu d’entreprise, et ce même si elle était d’avis qu’elles n’avaient pas pour objet de réaliser des profits. Si c’est le cas, l’appel ne saurait être accueilli.

[3] Or, si ce n’est pas le cas, la Cour devra décider si le ministre du Revenu national (le ministre) était habilité à établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de cotisation sous le régime du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) et à imposer la pénalité de 50 % prévue au paragraphe 163(2) au motif que M. Paletta a commis une faute lourde en qualifiant de pertes d’entreprise des pertes qui n’en étaient pas.

[4] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais l’appel, infirmerais la conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle les opérations de change à terme de M. Paletta donnaient lieu à une source de revenus et confirmerais le pouvoir du ministre de réexaminer les années d’imposition en question et d’imposer la pénalité par l’entremise des cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2000 à 2006.

[5] Comme dans la plupart des affaires mettant en jeu une planification fiscale complexe, les faits ne sont pas faciles à démêler. Nous sommes reconnaissants à la Cour de l’impôt qui a examiné les éléments de preuve en détail, avec soin et exactitude, et en a tiré des conclusions de fait essentielles. Celles-ci ont grandement facilité notre tâche, qui consiste à trancher l’appel.

FAITS

A. Stratégie de décalage

[6] De façon générale, suivant son plan, M. Paletta a conclu des paires de contrats avec des bureaux de courtage, par lesquels il s’engageait simultanément à acheter et à vendre des montants équivalents d’une devise étrangère, et ce à différentes dates très rapprochées à venir (dates de valeur). À mesure que le cours de la devise fluctuait, un des deux contrats passait en position de gain, et l’autre en position de perte. Avant la fin de l’année d’imposition, M. Paletta réalisait la portion équivalant à une perte, cristallisant du même coup la perte aux fins d’imposition. La portion équivalant au gain, quant à elle, était cristallisée au début de l’année d’imposition suivante. Grâce à cette stratégie de décalage, M. Paletta a structuré ses contrats de change de telle sorte que, bien que les montants transigés se contrebalançaient, l’un des deux donne lieu à une perte au cours de la première année et l’autre, à un gain correspondant l’année suivante.

[7] M. Paletta a répété les mêmes étapes à chacune des années en question, de façon à subir des pertes suffisantes pour neutraliser le gain qui serait généré par la réalisation du contrat de change en début d’année, mais aussi suffisantes pour couvrir son revenu tiré d’autres sources au cours de l’année. Ainsi, M. Paletta parvenait à différer indéfiniment le paiement de l’impôt.

[8] La même stratégie a été adoptée par deux autres entreprises appartenant à M. Paletta ou sous son contrôle. Celles-ci ont subi des pertes supérieures à 150 millions de dollars. Leurs appels respectifs ont été mis en suspend jusqu’à résolution du présent appel (motifs, par. 12).

B. Les nouvelles cotisations en question

[9] Les nouvelles cotisations ont été établies en 2014, bien après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Le ministre y a refusé les pertes découlant des activités de change qu’a déclarées M. Paletta pour les années d’imposition 2000 à 2006. À l’égard de l’année d’imposition 2007, le ministre a établi une nouvelle cotisation dans le seul but de refuser le report de pertes subies de ces mêmes activités au cours d’années précédentes, sans modifier le gain déclaré pour cette année-là. Il a imposé des pénalités pour faute lourde à l’égard de toutes les années où M. Paletta avait déclaré des pertes découlant de ses activités de change. Le tableau suivant illustre les pertes déclarées dont la déduction a été demandée et refusée (motifs, par. 13):

Année d’imposition

Pertes ou gains déclarés

2000

(6 184 460,89 $)

2001

(2 150 917,06 $)

2002

(10 007 726 $)

2003

(6 198 247,76 $)

2004

(4 294 300,06 $)

2005

(5 134 923,14 $)

2006

(21 236 115,40 $)

2007

6 444 216,20 $

Total

(48 762 747,11 $)

C. La thèse relative à la recherche de profits

[10] Selon la thèse avancée par M. Paletta au stade de l’opposition – et par la succession devant la Cour de l’impôt –, les opérations de change à terme avaient pour objet la réalisation de profits. Partant, les pertes subies constituaient des pertes d’entreprise.

[11] M. Paletta a structuré ses opérations de change en paires de contrats à terme (swaps terme contre terme) de façon à ce que les montants transigés se compensent. Il a également effectué des opérations en ayant recours à une combination d’options, mais cette alternative ne faisait qu’imiter le rendement de swaps terme contre terme, de manière synthétique. Dans leur plaidoirie, M. Paletta et la succession par la suite ont simplement affirmé que ces opérations avaient pour objet la recherche de profits. Plus précisément, il est ressorti à l’audience que la façon dont M. Paletta entendait tirer profit était par la fluctuation du différentiel des taux d’intérêt (c’est-à-dire la différence entre les taux d’intérêt, à savoir celui à payer sur une devise et celui à recevoir sur l’autre).

[12] Une preuve d’expert a été déposée au soutien de cette thèse. L’un des experts appelés à comparaître par la succession a admis que les dates de valeur des deux portions constituant les swaps étaient très rapprochées; en général elles ne variaient que de quelques jours. Cependant, selon lui cette situation n’avait rien d’inusité, car les opérations de M. Paletta mettaient en jeu des sommes notionnelles extrêmement élevées (dans les centaines de millions de dollars; des milliards au total). Il a expliqué que, bien que le rendement de ces opérations fût très faible, sur le plan commercial il était proportionnel au risque qui était pareillement très faible. À son avis, [traduction] « les opérations semblent avoir eu pour objet de générer un profit au bout du compte » (rapport de réfutation de Colin Knight en réponse au rapport d’expert de Richard Roland Poirier, al. 20(iv); voir également les par. 20 à 26, 102 à 116, 186, 194 et 242 à 260: dossier d’appel, vol. 16, p. 5825 à 5827, 5843 à 5845, 5860, 5862 et 5874 à 5877).

[13] La Cour de l’impôt a rejeté cette thèse d’emblée. Selon son appréciation de la preuve, dont celle portant sur le modus operandi des opérations pendant la période de sept ans et celle portant sur la structure tarifaire, M. Paletta n’avait aucunement l’intention de faire des profits, importants ou non.

[14] Plus précisément, M. Paletta a conclu les swaps terme contre terme non pas en vue de spéculer sur la fluctuation du différentiel des taux d’intérêt, mais en vue de profiter des mouvements du cours de la devise afin de générer les pertes importantes et les gains correspondants qui lui permettrait de réaliser la perte voulue pour fins fiscales à chaque année, tout en couvrant tous les risques de change. Au niveau financier, les pertes et les gains minimes tirés des fluctuations du différentiel des taux d’intérêt étaient accessoires et n’avaient guère de rapport avec les pertes et les gains réalisés à des fins fiscales, comme le démontre le tableau suivant (motifs, par. 96) :

Cycle des opérations

Pertes

Gains (réalisés au cours de l’année d’imposition suivante)

Écart net (profit/perte financier(ère))

2000

(5 974 460,89 $)

5 974 660,32 $

199,43 $

2001

(8 063 011,19 $)

8 030 844,73 $

(32 166,46) $

2002

(9 907 726,75 $)

9 912 321,58 $

4 594,82 $

2003

(16 011 042,22 $)

16 026 804,80 $

15 762,58 $

2004

(20 467 060 $)

20 313 547 $

(153 513 $)

2005

(25 231 920 $)

25 212 680 $

(19 240 $)

2006

(46 485 910 $)

46 422 000 $

(63 910 $)

2007

(39 998 730 $)

s/o

s/o

[15] Au total, M. Paletta a acquitté des frais de 770 000 $ pour effectuer les opérations, soit un pourcentage du montant des pertes voulues, lesquelles étaient communiquées à ses courtiers par l’intermédiaire de son fils Angelo (motifs, par. 70 à 72). À l’exception d’une seule année au cours de cette période, les frais acquittés excédaient la perte ou le gain financier réalisé par suite du swap. Grâce à la réalisation de la perte voulue, chaque année, M. Paletta était en mesure de déclarer des pertes sur opérations de change suffisantes pour effacer la presque totalité de ses autres revenus (motifs, par. 97 à 100). Bien qu’il ait décidé en 2007 d’« afficher » des gains supérieurs à 6 millions de dollars, une telle décision n’était pas incompatible avec son plan d’évitement fiscal. En effet, il avait antérieurement accumulé des pertes de change suffisantes qui contrebalanceraient ces gains (motifs, par. 98; voir aussi par. 7, note 3).

D. Conclusions de fait

[16] La Cour de l’impôt, en rejetant la théorie relative à la recherche de profits avancée par la succession, tire des conclusions de fait qu’il convient de souligner, car elles sont essentielles au règlement du présent appel. La Cour de l’impôt conclut que les opérations avaient [traduction] « pour seul objet chaque année la réalisation d’une certaine perte pour l’année » et que [traduction] « tout, sans exception, tendait à cette perte et à sa réalisation chaque année » (motifs, par. 70). En outre, selon elle, [traduction] « aucune personne désireuse de réaliser des gains n’aurait effectué les opérations réalisées par M. Paletta » (motifs, par. 134) et les opérations n’étaient pas justifiées sur les plans financier ou commercial (motifs, par. 128). La Cour de l’impôt rejette l’avis de l’expert cité par M. Paletta suivant lequel les opérations semblent avoir eu pour objet de générer des profits [traduction] « au bout du compte » (motifs, par. 140). Elle répète que « le seul objet des opérations était l’évitement fiscal » (motifs, par. 142).

[17] De plus, la Cour de l’impôt estime que [traduction] « la seule stratégie d’opérations de change employée par M. Paletta consistait à assurer la réalisation immédiate des pertes et un report indéfini des gains à des fins fiscales » (motifs, par. 143). Elle conclut également que M. Paletta et son fils connaissaient dès le départ les trois éléments qui formaient le plan (motifs, par. 101 et 263):

[traduction]

1. Avant la fin de l’année, la portion équivalant à une perte de l’opération de décalage serait close pour que soit réalisée la perte voulue pour l’année;

2. Peu après le début de l’année d’imposition suivante, la portion équivalant à un gain correspondante serait close et le gain réalisé (tous deux savaient que ces gains devaient impérativement être inclus dans le calcul du revenu pour cette année d’imposition);

3. La perte voulue pour l’année d’imposition suivante suffirait à mettre à l’abri du fisc (a) les gains réalisés antérieurement au cours de l’année d’imposition et (b) le revenu imposable que M. Paletta prévoyait toucher au cours de cette année.

(Souligné dans l’original; note de bas de page omise)

[18] La Cour de l’impôt ajoute que [traduction] « manifestement les opérations de décalage n’avaient aucun objet commercial ». Au contraire, « leur seul objet consistait à permettre à M. Paletta de demander la déduction pour pertes autres que des pertes en capital en vue de contrebalancer son revenu imposable chaque année » (motifs, par. 227).

E. Application du droit aux faits

[19] La Cour de l’impôt, même si elle conclut que M. Paletta n’a pas effectué les opérations dans un but commercial ou pour la recherche de profits, est néanmoins d’avis que ses activités de change constituaient une entreprise. Tout particulièrement, selon elle, comme les activités de change de M. Paletta étaient en tout temps susceptibles de donner lieu à des gains et à des pertes négligeables, et comme ces activités étaient de nature commerciale et étaient dépourvues de tout aspect personnel, elle ne pouvait que conclure à l’existence d’une source de revenus. Suivant la Cour de l’impôt, [traduction] « l’arrêt Stewart enseigne clairement que l’analyse quant à la source dans de telles circonstances doit s’arrêter là » (motifs, par. 204; renvoi à Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] 2 R.C.S. 645 [Stewart]).

[20] La Cour de l’impôt ajoute que, selon la Cour suprême dans l’arrêt Walls c. Canada, 2002 CSC 47, [2002] 2 R.C.S. 684 [Walls CSC], l’existence d’une activité commerciale n’est pas subordonnée à une intention de réaliser un profit, puisque la Cour suprême a conclu que M. Walls participait à une activité commerciale même si l’activité en question n’avait pas pour objet de réaliser des profits et qu’elle visait entièrement l’évitement fiscal (motifs, par. 202). Cette interprétation de la Cour de l’impôt des arrêts Stewart et Walls CSC ne provient pas des parties, car celles-ci ont présenté l’affaire à l’audience en tenant pour acquis que l’intention de réaliser des profits est essentielle à l’existence d’une activité commerciale.

[21] Bien que les autres arguments invoqués par l’appelante (la Couronne) – trompe-l’œil, artifice, opérations dépourvues d’effet juridique – étaient accessoires à l’analyse quant à la source de revenus, la Cour de l’impôt a néanmoins consacré une partie considérable de ses motifs à ces questions. Il ressort des motifs de la Cour de l’impôt que M. Paletta a décrit correctement les droits et obligations juridiques découlant de ses opérations de change à terme et que la preuve n’étayait pas la thèse de la Couronne suivant laquelle les documents étaient faux (motifs, par. 225 et 255). Également, sur le fondement de l’arrêt Friedberg c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 285, 1993 CanLII 41 [Friedberg], la Cour de l’impôt arrive à la conclusion que M. Paletta pouvait suivre la méthode de la réalisation pour déclarer ses gains et pertes de change (motifs, par. 191).

[22] La Cour de l’impôt s’attaque ensuite à déterminer si M. Paletta a fait une présentation erronée des faits qui justifierait l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard d’années frappées de prescription et l’imposition de pénalités pour faute lourde. Ayant conclu que les opérations de change à terme donnaient lieu à une source de revenus, elle se demande seulement si M. Paletta a déclaré tous les revenus tirés de cette source. Selon elle, dans sa déclaration pour 2002, M. Paletta n’a pas déclaré la portion de ses activités de change qui donnaient lieu à un gain, à savoir 8 millions de dollars. La Cour de l’impôt est d’avis que cette déclaration en moins est due à une [traduction] « conduite qui correspond à une action délibérée » (motifs, par. 269) et autorise un nouvel examen de l’année d’imposition 2002 pour permettre que la somme déclarée en moins soit incluse dans le revenu et pour imposer la pénalité pour faute lourde cette année-là. Elle annule toutes les autres nouvelles cotisations.

[23] La Cour de l’impôt conclut son analyse en expliquant que, si l’issue n’est pas celle qu’elle aurait voulue, les arrêts de principe de la Cour suprême l’obligent à trancher ainsi (motifs, par. 271).

THÈSE DES PARTIES

A. La Couronne

[24] La Couronne soulève un seul argument dans le présent appel, à savoir qu’il n’était pas loisible à la Cour de l’impôt de conclure que les opérations de change à terme de M. Paletta constituaient une entreprise, car elle avait constaté que ce dernier n’entendait pas tirer de profit de ses activités de change. Selon la Couronne, en concluant à l’existence d’une entreprise malgré une telle constatation, la Cour de l’impôt a mal interprété les arrêts de principe, tout particulièrement les enseignements de la Cour suprême dans les affaires Stewart, Walls CSC, Friedberg et Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, 1984 CanLII 20 [Stubart] (mémoire de la Couronne, par. 26 à 73).

[25] La Couronne fait valoir que si la Cour de l’impôt avait conclu que les pertes de change de M. Paletta n’avaient pas été subies dans le cours d’une entreprise, comme il se doit, elle se serait alors demandé si, en déclarant des pertes d’entreprise, M. Paletta a fait une présentation erronée des faits par négligence ou omission volontaire. La Couronne demande à notre Cour d’examiner la preuve pertinente en la matière et d’en tirer les conclusions de fait nécessaires (mémoire de la Couronne, par. 76 et 77).

[26] À cet égard, la Couronne affirme qu’aucun entrepreneur expérimenté dans la situation de M. Paletta n’aurait raisonnablement pu croire que les activités de change constituaient une entreprise, puisqu’elles avaient pour seul objet l’évitement fiscal. Selon elle, la conduite de M. Paletta à cet égard équivaut à de l’aveuglement volontaire et à faute lourde. Ainsi, il est permis d’établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation et d’imposer la pénalité (mémoire de la Couronne, par. 78 à 98).

B. La succession

[27] Pour sa part, la succession accepte la conclusion de la Cour de l’impôt suivant laquelle les activités de change de M. Paletta n’avaient pas pour objet la recherche de profits. Toutefois, selon elle, la Cour de l’impôt a conclu à bon droit qu’il s’agissait tout de même d’une entreprise pour l’application de la Loi. La succession invoque le paragraphe 53 de l’arrêt Stewart pour soutenir que l’intention de générer un profit n’importe pas (mémoire de la succession, par. 40 à 45). Plus précisément, elle affirme que les activités de change de M. Paletta ont les attributs d’une activité commerciale en ce sens qu’elles comportaient un risque, étaient exercées au sein d’un marché auquel participent les grandes banques internationales, ont été effectuées dans le respect des normes du secteur et par le truchement d’organes réglementés soumis à une surveillance (mémoire de la succession, par. 39). Faisant valoir l’interprétation qu’a adoptée la Cour de l’impôt de l’arrêt Stewart et de la jurisprudence pertinente, la succession affirme que l’analyse doit s’arrêter là (mémoire de la succession, par. 32 à 38 et 46 à 71).

[28] Selon la succession, si les activités de change de M. Paletta ne constituent pas une entreprise, ce dernier a néanmoins agi comme l’aurait fait une personne raisonnable en déclarant ses pertes de change à titre de pertes d’entreprise (mémoire de la succession, par. 72 à 81). À cet égard, la succession renvoie à une série de mesures prises par M. Paletta avec l’aide de son fils, Angelo, qui démontrent qu’il a traité l’affaire avec soin et n’a pas fait preuve de négligence ni d’insouciance (mémoire de la succession, par. 82 à 92).

ANALYSE

[29] Au fur et à mesure que s’est déroulée l’audience devant la Cour de l’impôt, la Couronne a constaté que les principaux arguments qu’elle avait soulevés au soutien des nouvelles cotisations — à savoir trompe-l’œil, artifice et opérations dépourvues d’effet juridique — n’étaient pas étayés par la preuve. En revanche, son argument subsidiaire, selon lequel les opérations de change à terme ne donnaient pas lieu à une source de revenus, l’était. Au moment de présenter ses observations finales, la Couronne avait réduit son argumentation à ce seul point, les autres étant relégués à un rôle secondaire à l’appui de l’argument de la source (motifs, par. 48). Devant nous, la Couronne soulève seulement la question de la source de revenus.

A. Source de revenus

[30] Le concept de source de revenus est fondamental dans la Loi. Il n’y a pas d’imposition sans revenu et, sauf lorsque s’applique une règle spéciale (section C), il n’y a pas de revenu sans source. L’impôt ne peut être déterminé qu’une fois que le revenu a été calculé pour l’année. La règle fondamentale applicable au calcul du revenu est énoncée à l’article 3, qui est en partie ainsi rédigé :

3 Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

3 The income of a taxpayer for a taxation year for the purposes of this Part is the taxpayer’s income for the year determined by the following rules:

a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

(a) determine the total of all amounts each of which is the taxpayer’s income for the year (other than a taxable capital gain from the disposition of a property) from a source inside or outside Canada, including, without restricting the generality of the foregoing, the taxpayer’s income for the year from each office, employment, business and property,

[31] Aux termes de l’article 9 de la Loi, le revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien est constitué du « bénéfice » tiré de l’un ou de l’autre, à savoir les revenus moins les dépenses engagées en vue de les gagner (Russel v. Town and County Bank, (1883), 13 App. Cas. 418, p. 424, cité dans (PC) MNR v. Anaconda American Brass Ltd., 55 D.T.C. 1220; [1955] C.T.C. 311 (J.C.P.C.). Les « pertes » d’une entreprise ou d’un bien sont le résultat de la formule inverse. Comme ils représentent les deux côtés d’une même médaille, aux fins d’imposition, les « bénéfices » et les « pertes » sont soumis aux mêmes conditions d’existence. À cet égard, soulignons qu’aucun tribunal n’a jamais conclu à l’existence d’un « bénéfice » ou d’une « perte », sous le régime de l’article 9, sans une intention de réaliser des profits, à l’exception de la lecture particulière qu’a fait la Cour de l’impôt des arrêts Stewart et Walls CSC. L’article 9 est en partie ainsi rédigé :

9 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

9 (1) Subject to this Part, a taxpayer’s income for a taxation year from a business or property is the taxpayer’s profit from that business or property for the year.

(2) […], la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

(2) . . . , a taxpayer’s loss for a taxation year from a business or property is the amount of the taxpayer’s loss, if any, for the taxation year from that source computed by applying the provisions of this Act respecting computation of income from that source with such modifications as the circumstances require.

À moins que les pertes et les revenus des opérations de change de M. Paletta ne soient tirés d’une entreprise, ils ne tombent pas sous le coup de l’article 9 et ne sauraient être inclus dans le calcul de son revenu, ou déduits de ce dernier, pour l’application de l’article 3.

i. Norme de contrôle

[32] L’issue du présent appel dépend de l’interprétation qu’a donnée la Cour de l’impôt à divers arrêts qu’elle était contrainte d’appliquer. La définition des principes de droit établis par ces arrêts fait intervenir des questions de droit; partant, la décision de la Cour de l’impôt n’emporte aucune déférence.

ii. Les arrêts Stewart et Walls CSC

[33] Bien qu’elle soit arrivée à la conclusion que les opérations de change de M. Paletta ne visaient pas la réalisation de profits, la Cour de l’impôt a néanmoins conclu que les pertes de change dont ce dernier demandait la déduction étaient des pertes d’entreprise. La Cour de l’impôt s’est donc dite [traduction] « contrainte » par les arrêts Stewart et Walls CSC, rendus par la Cour suprême, d’affirmer que les activités de change constituaient une source de revenus (motifs, par. 271). La Cour de l’impôt estimait que, suivant ces arrêts, dès lors qu’une activité semble avoir une nature intrinsèquement commerciale, elle constitue une source de revenus, même si elle n’a pas d’objet commercial ou de recherche de profits. N’en déplaise à la Cour de l’impôt, ce ne sont pas là les enseignements des arrêts Stewart et Walls CSC.

[34] Dans l’arrêt Stewart, la Cour suprême cherchait à abandonner le critère de l’expectative raisonnable de profit (le critère de l’ERP). À l’origine, ce critère était rattaché à une disposition légale précise, mais, au fil du temps, son application a été élargie à toutes sortes de situations pour déterminer si une activité emportait une source de revenus ou si le contribuable poursuivait plutôt une démarche personnelle, généralement un passe-temps (Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, 1977 CanLII 5). Tout particulièrement, la Cour suprême ne voyait pas d’un bon œil le fait que les juges, en appliquant ce critère, évaluaient avec du recul les décisions commerciales des contribuables visés et mettaient souvent en doute le sens des affaires de ces derniers, un rôle pour lequel les juges n’étaient ni bien outillés ni mieux placés que les contribuables dont ils scrutaient les actes (Stewart, par. 44 à 47). Fondamentalement, le critère de l’ERP, qui n’est pas prévu dans la Loi à titre de critère autonome d’application générale, avait fini par remplacer la définition de common law acceptée depuis longtemps de ce qui constitue une entreprise, suivant laquelle il s’agit simplement d’une activité qui a pour objet la recherche de profits (Stewart, par. 38 citant Smith v. Anderson (1880), 15 Ch. D. 247 (C.A.), p. 258; Terminal Dock and Warehouse Co. c. M.N.R., [1968] 2 R.C. de l’É. 78, [1968] C.T.C. 78, conf. par [1968] R.C.S. vi, 68 D.T.C. 5316).

[35] Par conséquent, la Cour suprême a élaboré un critère simple à deux volets axé sur la recherche de profits qui a résisté à l’épreuve du temps remarquablement bien, jusqu’au jugement sur lequel porte le présent appel. Le critère est le suivant :

1. L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?

2. S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’analyse plus loin (Stewart, par. 60).

[36] Suivant l’arrêt Stewart, dans les cas où l’activité ne comporte pas d’aspect personnel ou récréatif, qu’il semble s’agir d’une activité manifestement commerciale et que la preuve étaye la thèse selon laquelle l’activité en question a pour objet la réalisation de profits, il n’est pas nécessaire pour le tribunal de poursuivre l’analyse pour conclure à l’existence d’une source de revenus tirés d’une entreprise ou d’un bien pour les fins de la Loi. Or, dans les cas où la preuve révèle, comme en l’espèce, que, malgré des airs d’activité commerciale, l’activité en question n’a pas pour objet cette réalisation de profits, l’on ne saurait conclure à l’existence d’une source de revenus tirés d’une entreprise ou d’un bien.

[37] La Cour de l’impôt a adopté une autre interprétation de l’arrêt Stewart. Selon elle, le critère qui y est énoncé a eu pour effet de supprimer la nécessité de subordonner l’existence d’une entreprise à la démonstration d’une recherche de profits. Ainsi, comme à son avis M. Paletta poursuivait une activité manifestement commerciale dépourvue de tout aspect personnel, elle était contrainte de conclure à l’existence d’une entreprise, malgré l’absence d’intention de réaliser des profits.

[38] Une telle interprétation n’est pas conforme aux enseignements de l’arrêt Stewart. Non seulement la Cour suprême ne contraignait pas la Cour de l’impôt à conclure à l’existence d’une source de revenus dans une telle situation, mais elle l’obligeait en fait à tirer la conclusion inverse. Dans l’arrêt Stewart, la Cour Suprême explique précisément que le critère énoncé est conforme à la définition traditionnelle de ce qui constitue une « entreprise » en common law. Le terme « entreprise » est défini en termes généraux dans la Loi (par. 248(1)), sans être précisé davantage. Dans de telles circonstances, le droit privé — la common law au vu des faits de l’affaire Stewart — vient éclairer la question. La Cour suprême explique que le critère énoncé dans l’arrêt Stewart donne effet à la définition du terme « entreprise » issue de la common law (Stewart, par. 51) :

Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité.

[39] Or, la Cour de l’impôt a conclu que l’arrêt Stewart l’obligeait à assimiler à une « source de revenus » une activité qui n’est pas exercée « en vue de réaliser un profit » et à en arriver à un résultat contraire à la définition de ce qui constitue une « entreprise » en common law. Une telle interprétation est diamétralement opposée à l’arrêt Stewart. Contrairement à ce qu’affirme la Cour de l’impôt, il ne lui était pas loisible de conclure à l’existence d’une activité commerciale à la lumière d’éléments de preuve révélant que M. Paletta n’avait aucune intention de réaliser des profits. Le critère énoncé dans l’arrêt Stewart avait pour objet de remettre au premier plan la « recherche de profit » dans l’analyse servant à déterminer si une activité constitue une entreprise. Par conséquent, il n’est pas possible de l’interpréter de façon à exiger que l’on conclue à l’existence d’une entreprise dans les cas où la preuve démontre l’absence d’une intention de réaliser des profits.

[40] La succession soutient que, même si l’arrêt Stewart ne peut être interprété comme l’a fait la Cour de l’impôt, l’arrêt connexe Walls CSC peut l’être, et même doit l’être. À cet égard, la succession se fonde d’abord sur les conclusions de fait tirées par la Cour fédérale (alors la Division de première instance de la Cour fédérale) dans la décision Walls c. R., [1996] A.C.F. no 145 (QL) [Walls CF], selon lesquelles la société en commandite dans cette affaire manquait de capitaux et était incapable de produire des profits (mémoire de la succession, par. 60 et 61). Elle affirme qu’en concluant qu’une entreprise existait malgré ces constatations, la Cour Suprême a confirmé que l’intention de réaliser des profits n’est plus un élément essentiel.

[41] Dans ses observations à l’appui de cet argument, la succession ne mentionne pas que les conclusions sur lesquelles elle se fonde avaient été tirées, en première instance, par l’application du critère de l’ERP, c’est-à-dire avec du recul, et en remettant en doute le sens des affaires des associés (Walls CF, par. 14 à 16). La Cour suprême n’était pas liée par ces conclusions de fait, car cette méthode a été interdite par l’arrêt Stewart.

[42] Dans Walls CSC, la Cour Suprême cherchait à illustrer l’application du critère énoncé dans l’arrêt Stewart. L’affaire portait sur l’achat, motivé par des fins fiscales, d’une participation dans une société en commandite possédant un parc d’entreposage, lequel avait été acquis par la société en commandite afin d’en poursuivre ses activités. En concluant que les associés exploitaient une entreprise, la Cour suprême a fait observer ce qui suit (Walls CSC, par. 22) :

Même si les intimés en l’espèce étaient clairement motivés par des considérations fiscales lorsqu’ils ont acquis leur participation dans la société, cela n’enlève rien à la nature commerciale de l’exploitation du parc d’entreposage ni à sa qualification de source de revenu pour l’application de l’art. 9 de la Loi. Il est bien établi qu’une motivation d’ordre fiscal n’enlève rien à la validité d’opérations effectuées à des fins fiscales : Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367, 2001 CSC 10, par. 22; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312; Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, p. 540.

[43] Par cet arrêt, la Cour suprême a confirmé l’arrêt rendu précédemment par la Cour d’appel fédérale (alors la Division d’appel de la Cour fédérale) dans Walls c. La Reine, 1999 CanLII 9127, [1999] A.C.F no 1823 (QL) [Walls CAF]. L’arrêt Walls CAF infirmait la décision Walls CF, par application de l’arrêt Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73, [1995] A.C.F. no 1635 (QL) (C.A.F.), un arrêt qui annonçait l’approche ultimement préconisée dans l’arrêt Stewart. Ce qu’il faut retenir des arrêts Walls CAF et Walls CSC est que la société en commandite « a acquis une entreprise commerciale en activité et en a poursuivi l’exploitation », laquelle a continué à fonctionner comme avant (Walls CSC, par. 21; Walls CAF, par. 1).

[44] Le but de l’exercice dans l’arrêt Walls CSC était de mettre en évidence les lacunes du critère de l’ERP et de montrer le contraste résultant de l’application de l’arrêt Stewart. En appliquant le critère énoncé dans l’arrêt Stewart, la Cour suprême a conclu que l’activité était de nature commerciale, une conclusion qui ne pouvait être tirée que si les éléments de preuve étayaient l’affirmation des associés selon laquelle ils avaient l’intention de tirer des profits de cette activité.

[45] La succession fait valoir, de manière distincte mais néanmoins connexe, que l’arrêt Walls CSC doit être interprété comme concluant qu’une activité qui vise [traduction] « uniquement » la réduction de l’impôt à payer est une entreprise pour l’application de la Loi. Elle se fonde à cet égard sur sa compréhension des faits dans l’affaire Walls CSC (mémoire de la succession, par. 62 et 63). Cette compréhension semble tributaire de l’affirmation de la Cour de l’impôt selon laquelle l’activité dans l’affaire Walls CSC était [traduction] « entièrement motivée par des considérations fiscales » (motifs, par. 201 et 202). Je ne crois pas que ce soit le cas. Pour le démontrer, il est nécessaire d’examiner de plus près la décision de première instance, Walls CF, et les appels subséquents.

[46] Après avoir appliqué le critère de l’ERP, la Cour fédérale, dans la décision Walls CF, a conclu que les associés n’avaient aucune expectative de réaliser des profits et que, par conséquent, ils n’exploitaient pas d’entreprise. Même si elle aurait pu s’arrêter là, elle a conclu de surcroît que les associés n’exploitaient pas d’entreprise parce que l’activité de la société en commandite existait dans le « seul » but d’éviter l’impôt (Walls CF, par. 18). Suivant le principe formulé par notre Cour dans l’arrêt Moloney c. La Reine, [1992] A.C.F. no 905 (QL) [Moloney], selon lequel une activité qui ne vise qu’à réduire l’impôt à payer ne peut, en soi, constituer une entreprise, la Cour fédérale a estimé qu’il s’agissait là d’un motif supplémentaire pour conclure que les associés n’exploitaient pas d’entreprise (Walls CF, par. 19).

[47] Dans les appels subséquents, ni la Cour suprême ni la Cour d’appel fédérale n’a souscrit à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle l’existence de la société en commandite avait pour « seul » but l’évitement fiscal. La Cour suprême a conclu que l’activité était « clairement » motivée par des considérations fiscales – et non « exclusivement » motivée par des considérations fiscales – une nuance qui laisse amplement de place à la conclusion ultime de la Cour selon laquelle les associés se livraient à une activité de nature commerciale et exploitaient par conséquent une entreprise (Walls CSC, par. 22). De manière semblable, la Cour d’appel fédérale avait préalablement conclu que la décision des associés d’investir dans le parc d’entreposage était motivée « en partie » par des considérations fiscales favorables (Walls CAF, par. 1, cité dans Walls CSC, par. 16).

[48] Avant de conclure mes observations sur l’arrêt Walls CSC, je note que la Cour suprême, dans cet arrêt, renvoie à l’arrêt antérieur Backman c. Canada, 2001 CSC 10, [2001] 1 R.C.S. 367 [Backman]. L’arrêt Backman montre que les activités ayant pour seul but l’évitement fiscal ne peuvent constituer une entreprise pour l’application de la Loi. Bien que cette décision ait porté sur la question de savoir si une société de personnes avait validement été constituée sous le régime de la loi sur les sociétés de personne pertinente, cette décision est instructive parce que, comme c’est le cas pour les entreprises, les associés doivent avoir l’intention de réaliser des profits pour qu’une société de personnes existe. Dans l’arrêt Backman, la Cour Suprême a conclu que la prétendue société de personnes n’avait pas été validement constituée parce que les associés n’avaient pas pour objectif de réaliser des profits. En tirant cette conclusion, elle a repris les observations ci-après figurant dans l’ouvrage Lindley & Banks on Partnership, 17éd. Londres : Sweet & Maxwell, 1995, p. 10 et 11 (Backman, par. 23) :

[traduction] ... lorsqu’une société est constituée dans quelque autre but dominant [autre qu’un but lucratif], notamment pour éviter l’impôt, mais qu’il existe aussi un élément véritable, bien qu’accessoire, de profit, il est possible d’en conclure que l’entreprise est exploitée « dans le but de réaliser un bénéfice ». Cependant, lorsqu’il peut être établi que l’unique raison pour laquelle une société est mise sur pied est de conférer à un associé l’« avantage », par exemple, d’une perte fiscale, alors que les parties n’envisagent nullement qu’un bénéfice [...] puisse être tiré de l’exploitation de l’entreprise en cause, la société ne peut véritablement être considérée comme ayant été créée « dans le but de réaliser un bénéfice ».

(Non souligné dans l’original.)

[49] La même logique s’applique en l’espèce. Il est également évident, vu le raisonnement adopté dans l’arrêt Backman, que si la Cour suprême avait été d’avis que l’exploitation de la société dans Walls CSC avait été motivée uniquement par l’évitement fiscal, elle aurait conclu que cette société n’avait pas été validement constituée.

[50] Au bout du compte, l’arrêt Walls CSC établit qu’une activité commerciale ne cesse pas de constituer une entreprise si elle est exercée à la fois dans un but de réalisation de profits et dans un but d’évitement fiscal. Il n’étaye pas l’étrange suggestion qu’une activité exercée dans le but exclusif d’éviter le paiement de ses impôts pourrait constituer une entreprise et, par conséquent, une source de revenus pour l’application de la Loi.

iii. L’arrêt Moloney est le précédent applicable

[51] Dans l’arrêt Walls CSC, la Cour suprême a ensuite expliqué pourquoi il n’y avait aucune similitude entre les faits de cette affaire et ceux de l’affaire Moloney. Pour reprendre les mots de la Cour suprême, l’activité dans l’affaire Moloney n’était qu’un projet que le contribuable avait lancé « en chaîne fermée dans le seul but d’obtenir des remboursements d’impôt, sans avoir l’intention d’effectuer la mise en marché d’un cours de lecture rapide » et qu’il ne s’agissait que d’une « opération factice destinée à donner l’impression qu’elle était de nature commerciale alors qu’en fait la seule activité exercée consistait à obtenir des remboursements d’impôt ». La Cour a ajouté qu’« [e]n l’espèce, par contre, la société a acquis une entreprise commerciale en activité et en a poursuivi l’exploitation » (Walls CSC, par. 21).

[52] Comme le montrent les faits dans l’affaire Moloney ainsi que ceux en l’espèce, lorsqu’on tente de faire passer pour une entreprise une activité ayant pour but exclusif l’évitement fiscal, il s’agit toujours d’une forme de tromperie, car une telle activité, si elle était présentée conformément à ce qu’elle est véritablement, ne pourrait jamais être considérée comme étant une entreprise.

[53] Dans l’affaire Moloney, la tromperie avait pris la forme d’une opération factice. En l’espèce, la Cour de l’impôt a conclu à juste titre que les opérations de change à terme n’étaient pas factices : elles ont eu lieu et ont eu un effet juridique. Cependant, la présence d’opérations factices n’est pas la seule façon dont les autorités fiscales peuvent être trompées. Pour reprendre les mots de l’arrêt Walls CSC décrivant l’activité exercée dans l’affaire Moloney, l’activité de M. Paletta était elle aussi « destinée à donner l’impression qu’elle était de nature commerciale alors qu’en fait la seule activité exercée consistait à [éviter de payer des impôts] » (Walls CSC, par. 21). Que l’activité d’éviter de payer des impôts soit considérée comme une démarche personnelle, récréative ou une activité singulière d’une catégorie à part, il ne s’agit pas d’une activité commerciale selon le critère énoncé dans l’arrêt Stewart et appliqué dans l’arrêt Walls CSC. Cela dit, lorsqu’une activité a pour seul but l’évitement fiscal, il n’y a aucune raison de recourir au critère de Stewart puisque l’activité est en soi incompatible avec l’existence d’une entreprise.

[54] Dans ses déclarations de revenus pour les années visées, M. Paletta a énoncé le fait qu’il exploitait une entreprise [traduction] « [d’]opérations de change de devises étrangères », dont les sommes transigées valaient des centaines de millions – parfois des milliards – de dollars, alors qu’il n’y avait dans les faits aucune entreprise (voir par exemple l’« État des résultats des activités d’une entreprise » de la déclaration de revenus de M. Paletta pour l’année 2002 : dossier d’appel, vol. 9, p. 3347). Il soutenait depuis le début avoir effectué ces opérations en recherchant des profits. La tromperie était omniprésente, à tel point qu’elle n’a été mise au jour qu’après que tous les éléments de preuve ont été réunis dans un procès qui a duré dix-huit jours et nécessité des mois de délibération. Je reviendrai sur cette question lorsque je me pencherai sur l’état d’esprit dans lequel se trouvait M. Paletta lorsqu’il a produit ses déclarations de revenus pour les années en cause.

iv. L’arrêt Friedberg

[55] L’autre arrêt de la Cour suprême qui, selon la Cour de l’impôt, l’obligeait à conclure que M. Paletta avait une source de revenus malgré le fait qu’il n’avait jamais eu l’intention de réaliser des profits est l’arrêt Friedberg (motifs, par. 10 et 271). M. Friedberg s’adonnait au négoce de contrats à terme sur l’or. La seule question que devait trancher la Cour suprême était de savoir si M. Friedberg devait déclarer les gains provenant de cette source selon la méthode de l’évaluation à la valeur du marché, ou selon la méthode de la réalisation.

[56] En utilisant la méthode de la réalisation, M. Friedberg a pu réduire son fardeau fiscal en réalisant les pertes subies la première année et les gains correspondants l’année subséquente, comme M. Paletta. La thèse de la Couronne dans l’affaire Friedberg était que la méthode de l’évaluation à la valeur du marché donnait un portrait plus exact des profits que tirait M. Friedberg de ses activités et que, vu le paragraphe 245(1) de la Loi, dans sa version alors en vigueur, l’utilisation de la méthode de la réalisation avait pour effet de réduire « artificiellement » ses revenus. La Cour suprême n’a pas souscrit à cette thèse. Elle a conclu que M. Friedberg déclarait ses pertes et ses gains conformément au moment où ils survenaient réellement et qu’il lui était loisible de déclarer ses revenus selon la méthode de son choix.

[57] En l’espèce, la Cour de l’impôt a conclu que M. Paletta [traduction] « a essentiellement utilisé le même plan fiscal [que M. Friedberg] » (motifs, par. 171). Avec égards, le plan n’était pas le même. M. Friedberg a utilisé la même stratégie de décalage de ses opérations pour différer le paiement de l’impôt sur les gains tirés de son négoce, mais là s’arrêtent les comparaisons. Précisément, rien ne laisse croire que M. Friedberg n’avait pas l’intention de tirer profit de son négoce et qu’il n’avait pas de source de revenus.

[58] En effet, les éléments de preuve dans l’affaire Friedberg pointent dans l’autre direction. Comme l’avait conclu la Cour d’appel fédérale en tranchant l’appel antérieur de la Couronne (La Reine c. Friedberg, [1991] A.C.F. no 1255 (QL), par. 25), M. Friedberg négociait des contrats à terme sur l’or « surtout pour faire des gains ». Cette conclusion ne fut d’aucune façon écartée lorsque la Cour suprême a plus tard rejeté l’appel de la Couronne visant cet arrêt de la Cour d’appel fédérale. Dans sa longue analyse de l’arrêt Friedberg, la Cour de l’impôt ne fait aucune mention de cette différence fondamentale (motifs, par. 173 à 196). Bien que la Cour de l’impôt ait renvoyé à plusieurs publications critiquant défavorablement l’arrêt Friedberg et reprochant au législateur de n’avoir pris aucune mesure avant 2017, moment où les paragraphes 18(17) à 18(23) ont été édictés, pour mettre fin à l’érosion de l’assiette fiscale découlant de cet arrêt, ni l’arrêt Friedberg ni ces modifications législatives ne sont pertinents pour la question de la source.

[59] Les observations supplémentaires de la Cour de l’impôt selon lesquelles le ministre ne pouvait établir de nouvelles cotisations à l’égard de M. Paletta pour les années d’imposition avant l’année 2017 [traduction] « comme si l’arrêt Friedberg n’avait jamais existé » (motifs, par. 196) et que, « [p]our une raison quelconque, le ministre ne semble pas accepter pleinement l’arrêt [Friedberg] » (motifs, par. 185) passent aussi à côté de l’essentiel. L’arrêt Friedberg confirme que la stratégie de décalage des opérations peut être légitimement utilisée pour réduire l’impôt à payer lorsque les opérations sont effectuées dans l’exploitation d’une entreprise, mais cet arrêt n’est pas utile lorsque, comme en l’espèce, il n’y a à l’origine aucune source de revenus. La stratégie d’opérations de change de M. Paletta était vouée à l’échec indépendamment de l’arrêt Friedberg et des modifications apportées à la Loi par le législateur en 2017.

v. L’arrêt Stubart

[60] La Cour de l’impôt renvoie aussi à l’arrêt Stubart. Bien qu’elle ait mentionné l’arrêt Stubart dans son analyse de l’argument de la Couronne fondé sur le trompe-l’œil, la Cour de l’impôt l’a aussi cité à l’appui de sa conclusion voulant qu’une activité servant exclusivement à éviter l’impôt puisse être une source de revenus pour l’application de la Loi (motifs, par. 199, lorsque lu en conjonction avec le par. 228).

[61] L’arrêt Stubart enseigne que, en l’absence d’une disposition expresse contraire ou d’une conclusion selon laquelle il y avait un trompe-l’œil, les transactions en cause ne peuvent être invalidées au motif qu’elles sont motivées entièrement ou partiellement par des considérations fiscales (pour des observations dans le même sens, voir Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, 1999 CanLII 647, par. 36 à 46). Par contre, rien dans la jurisprudence ou la doctrine n’étaye la thèse qu’une activité uniquement motivée par l’évitement fiscal puisse être considérée comme étant une source de revenus pour l’application de la Loi. L’arrêt Moloney, que j’ai discuté plus haut, étaye la thèse inverse, et la Cour de l’impôt était tenue de le suivre. Avec égards, la Cour de l’impôt confond les deux situations lorsqu’elle écrit que [traduction] « [l]’absence d’une recherche de profits ne signifie pas toutefois qu’il n’y avait aucune source de revenus » (motifs, par. 199). Après tout, l’impôt est prélevé sur les revenus et il serait illogique que l’évitement de l’impôt, dont l’existence même est tributaire du revenu, devienne en soi une source de revenus. Le juge Hugessen, dans l’arrêt Moloney, l’a exprimé en termes très clairs lorsqu’il a dit ceci au paragraphe 1 de ses motifs:

Il est un principe élémentaire du droit que les contribuables peuvent structurer leurs affaires de manière à être assujettis au minimum d’impôt; toutefois, il est tout aussi évident à notre avis que, pour les contribuables, la réduction de leurs propres impôts ne peut en soi constituer une entreprise aux fins de la [Loi].

[62] Pour terminer sur la question de la source, la conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle M. Paletta n’a pas mené ses activités d’opérations de change à terme dans le but de faire des profits et que son seul but était d’éviter d’avoir à payer ses propres impôts fait en sorte que ses opérations n’étaient nécessairement pas de nature commerciale et par conséquent, ne donnaient pas lieu à une source de revenus constituée d’une entreprise. Il s’ensuit que les pertes fiscales utilisées par M. Paletta pour compenser ses revenus d’autres sources ont été refusées à juste titre.

B. Les années peuvent-elles être réexaminées et, le cas échéant, la pénalité est-elle justifiée?

[63] Pour pouvoir réexaminer les cotisations d’années frappées de prescription, il doit être établi que M. Paletta a fait une présentation erronée des faits « par négligence, inattention ou omission volontaire » (sous-alinéa 152(4)a)(i)) et, pour justifier la pénalité imposée, la Couronne doit montrer qu’une telle présentation erronée des faits a été faite « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde » (paragraphe 163(2)).

[64] Ayant conclu que les activités de change de M. Paletta constituaient une entreprise et qu’elles avaient donc, à juste titre, été présentées ainsi dans ses déclarations de revenus, la Cour de l’impôt n’a pas examiné si M. Paletta avait fait preuve de négligence ou avait commis une faute lourde en produisant ses déclarations de revenus sur ce fondement. La Couronne demande à notre Cour d’examiner et de trancher cette question. La succession ne s’y oppose pas mais soutient que, selon les faits, M. Paletta n’a ni fait preuve de négligence ni commis de faute lourde.

[65] La négligence dont il est question au sous-alinéa 152(4)a)(i) renvoie au manque de diligence raisonnable. Le contribuable s’acquitte de son obligation de diligence raisonnable lorsque, « après un examen réfléchi et attentif de la situation, [il] évalue celle-ci et produit une déclaration selon la méthode qu’en bonne foi il croit appropriée » ou, en d’autres mots, lorsqu’il produit sa déclaration « d’une façon que le contribuable croit véritablement appropriée » (Regina Shoppers Mall Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 183, 90 D.T.C. 6427 (C.F. 1re inst.); conf. par Regina Shoppers Mall Ltd. c. Canada, [1991] A.C.F. no 52 (QL) (C.A.F.); voir également Canada c. Johnson, 2012 CAF 253, [2012] A.C.F. no 1249 (QL)). Les parties souscrivent à ce critère. Notre Cour peut également déduire qu’il y a eu négligence par le défaut du contribuable de vérifier la validité de ses certitudes (Robertson c. Canada, 2016 CAF 303, [2016] A.C.F. no 1338 (QL), par. 5 et 6).

[66] Par contraste, le paragraphe 163(2) exige que le faux énoncé ait été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Cette conclusion peut être tirée par constatation directe ou par interprétation, lorsqu’il est démontré qu’il y a eu aveuglement volontaire (Wynter c. Canada, 2017 CAF 195, [2017] A.C.F. no 897 (QL) [Wynter], par. 16) :

En somme, le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commandent de se renseigner sur sa situation fiscale, décide de ne pas le faire. L’élément de connaissance est établi par la décision du contribuable de ne pas se renseigner, et non par la conclusion d’une intention de tromper.

[67] Wynter enseigne que, même s’il est fréquent que l’aveuglement volontaire et la faute lourde convergent, il s’agit de notions distinctes. Le juge Rennie, s’exprimant pour notre Cour, explique cette distinction ainsi (Wynter, par. 18 et 19) :

La faute lourde se distingue de l’ignorance volontaire. Elle se manifeste lorsque la conduite d’un contribuable se situe considérablement en deçà de la conduite à laquelle on est en droit de s’attendre de la part d’un contribuable raisonnable. En termes simples, alors que le contribuable volontairement ignorant savait, le contribuable coupable d’une faute lourde aurait dû savoir.

La faute lourde nécessite un plus haut degré de négligence que la simple absence de diligence raisonnable. Elle correspond à un écart marqué ou important par rapport à la conduite à laquelle on est en droit de s’attendre. Elle va au‑delà de l’inattention ou des fausses déclarations. Ce point est expliqué dans le jugement de la Cour dans Zsoldos c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 338, au paragraphe 21, 2004 D.T.C. 6672 :

Lorsqu’il détermine les pénalités pour faute lourde, le ministre doit prouver l’existence d’un degré important de négligence qui correspond à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. (Voir Venne c. Sa Majesté La Reine [1984], A.C.F. no 314, 84 D.T.C. 6247, p. 6256 (C.F. 1re inst.).)

[68] On voit par cet extrait que le paragraphe 163(2) impose un critère plus rigoureux, de sorte qu’un comportement qui justifie la réouverture d’années d’imposition frappées de prescription au titre du sous-alinéa 152(4)a)(i) ne justifie pas nécessairement l’imposition d’une pénalité au titre du paragraphe 163(2) (voir par exemple Van der Steen c. La Reine, 2019 CCI 23, [2019] A.C.F. no 122 (QL); voir également Venne c. La Reine, [1984] A.C.F. no 314 (QL) (C.F. 1re inst.). Par contre, l’inverse est vrai : un comportement qui justifie l’imposition d’une pénalité pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) satisfait nécessairement au critère prévu au sous-alinéa 152(4)a)(i).

[69] Je commence donc par la question de savoir si M. Paletta, en présentant ses pertes comme ayant été subies dans le cours des activités d’une entreprise alors que ce n’était pas le cas, a agi sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[70] Selon la Couronne, ce critère est satisfait parce que M. Paletta a fait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard des conséquences juridiques découlant de ce faux énoncé. Précisément, la Couronne soutient que M. Paletta savait qu’il devait se renseigner, mais qu’il a choisi d’éluder la question plutôt que de l’examiner.

[71] En réponse, la succession fait valoir six moyens de défense :

  1. Parce qu’il avait fait peu d’études et comprenait peu la fiscalité, M. Paletta a suivi les conseils de comptables avec lesquels il faisait affaire depuis longtemps lorsqu’ils lui ont présenté l’opportunité provenant des opérations de change à terme. Il s’en est également remis au fait qu’il avait déjà adopté une stratégie semblable de report d’impôt avec son inventaire bovin;

  2. M. Paletta s’est comporté en personne raisonnable en sollicitant l’opinion verbale d’experts en fiscalité, qui l’ont tous conforté dans sa croyance que son plan était valable;

  3. M. Paletta n’a pas demandé d’opinion formelle parce qu’il a une grande confiance en ce que disent les avocats et parce que les risques financiers découlant des opérations de change étaient minimes;

  4. M. Paletta a bel et bien obtenu des opinions juridiques écrites à mesure qu’il mettait à exécution sa stratégie d’opérations de change à terme, bien que ces opinions ne lui aient pas été adressées;

  5. M. Paletta pouvait également se conforter dans sa position en raison de la vérification effectuée par l’Agence du revenu du Canada (l’ARC, anciennement l’Agence des douanes et du revenu) en 2004, laquelle s’est soldée par la conclusion qu’il n’y avait pas de mesures à prendre;

  6. Quoi qu’il en soit, M. Paletta pouvait raisonnablement croire qu’il avait une source de revenus même s’il n’avait pas l’intention de réaliser des profits par ses opérations de change à terme et même si l’évitement fiscal était sa seule motivation, vu les motifs de la Cour de l’impôt, qui a validé ce point de vue.

[72] Avant d’examiner ces moyens de défense, il convient de rappeler que, depuis le début et tout au long de l’instance, M. Paletta et sa succession après lui ont défendu la thèse que les opérations de change à terme avaient été effectuées pour la réalisation de profits. La Cour de l’impôt a complètement rejeté cette thèse. Elle a conclu que M. Paletta n’avait jamais eu l’intention de faire des profits, grands ou petits, et que son seul but avait été l’évitement fiscal. L’essentiel est que l’affirmation selon laquelle M. Paletta avait effectué les opérations « pour tirer un revenu » et le témoignage d’Angelo Paletta selon lequel [traduction] « l’objectif était de produire un revenu » ont été rejetés puisque contraires à la preuve (avis d’appel, exposé des faits, par. 8; réponse modifiée, al. 24(b); transcription de l’interrogatoire principal d’Angelo Paletta : dossier d’appel, vol. 1 et 21, p. 93, 148 et 7576). La conclusion de la Cour de l’impôt sur ce point capital n’est pas attaquée par la succession.

[73] La succession soutient néanmoins que M. Paletta, en présentant ses opérations de change comme une entreprise, s’est comporté comme l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. À l’appui de cette affirmation, elle invoque le faible niveau d’études de M. Paletta, la confiance qu’il accordait aux conseils de ses comptables de longue date et les opinions verbales reçues des trois avocats fiscalistes qu’il avait consultés.

[74] Malgré son faible niveau d’études, M. Paletta avait les aptitudes lui permettant de comprendre pleinement le plan et d’en maximiser l’utilisation (motifs, par. 67 à 69). Angelo Paletta a décrit son père comme étant [traduction] « un magicien avec les chiffres » et comme ayant [traduction] « un ordinateur à la place du cerveau » et la Cour de l’impôt a souscrit à cette opinion (motifs, par. 265). Elle a aussi conclu que M. Paletta s’intéressait de près à tous les aspects de ses affaires, y compris l’aspect financier (motifs, par. 53) et que son fils et lui connaissaient depuis le début les trois éléments principaux du plan, aucun d’eux n’étant compatible avec la théorie que les opérations visaient la réalisation de profits (motifs, par. 101 et 263).

[75] Stephen Wiseman et Michael Moore, respectivement associé chargé de la clientèle et associé fiscaliste chez Taylor Leibow, le cabinet comptable avec lequel M. Paletta faisait affaire depuis longtemps, lui ont proposé le plan à la fin de 1999 ou au début de 2000. M. Wiseman savait que M. Paletta souhaitait reporter l’assujettissement de ses revenus à l’impôt parce qu’il avait déjà utilisé une stratégie semblable pour son inventaire bovin. La validité fiscale de ce plan a alors été discutée et M. Wiseman avait des réserves. Il estimait que ce plan était une [traduction] « idée nouvelle » et croyait que la situation était peut-être différente de celle de l’affaire Friedberg parce que M. Friedberg était impliqué dans les cours boursiers en tant que négociant. Il a donc conseillé à M. Paletta d’obtenir un avis juridique avant de mettre le plan en œuvre (transcription de l’interrogatoire principal de Stephen Wiseman : dossier d’appel, vol. 23, p. 8181 et 8182).

[76] À la fin de septembre 2001, M. Wiseman a réitéré son avertissement concernant le plan lors d’une rencontre avec M. Paletta et son fils. Il savait que M. Paletta avait déjà discuté de la validité du plan avec un avocat fiscaliste suite à son premier conseil, mais il lui a [traduction] « recommand[é] fortement » de solliciter une deuxième opinion. M. Wiseman a donné ce conseil en présence de M. Moore et l’a consigné sur papier dans une lettre à laquelle était annexé un avertissement formel de l’ARC contre le recours aux abris fiscaux (lettre datée du 5 octobre 2001 de Stephen R. Wiseman : dossier d’appel, vol. 11, p. 3717 à 3723). Cet avertissement formel précisait que l’ARC ne rendrait plus de décisions anticipées sur la question fondamentale de savoir s’il existait une entreprise en présence de mécanismes d’abris fiscaux, précisément la question qui concernait M. Paletta.

[77] Malgré ces avertissements, M. Paletta et son fils n’ont pas jugé bon d’obtenir d’opinion juridique formelle. Angelo Paletta a affirmé que c’était parce que le risque financier résultant du plan était minime. Ils se sont plutôt fiés aux conseils verbaux obtenus de différents avocats fiscalistes lors de trois rencontres qui peuvent raisonnablement être qualifiées d’« impromptues », pendant qu’ils se trouvaient dans des cabinets d’avocats pour d’autres raisons.

[78] La première rencontre a eu lieu au milieu de l’année 2000, avant le début des opérations de change, et la dernière a eu lieu à l’été ou à l’automne 2001, après que Stephen Wiseman eut réitéré son conseil de solliciter une seconde opinion juridique. La succession fait valoir que ces rencontres montrent que M. Paletta a agi en personne raisonnablement prudente.

[79] Le premier avocat fiscaliste consulté était John Tobin du cabinet Borden et Elliot S.E.N.C.R.L., s.r.l., à Toronto. Selon la version des faits établie par la Cour de l’impôt, M. Tobin, après avoir mentionné l’affaire Friedberg, a confirmé que le plan était légitime. Selon la Cour de l’impôt, c’était la première fois que M. Paletta et son fils entendaient parler de l’affaire Friedberg (motifs, par. 62).

[80] L’appréciation qu’a faite la Cour de l’impôt de ce qui s’est produit lors de cette rencontre n’est pas compatible avec la preuve sur ce point bien précis. Comme il est indiqué plus haut, l’affaire Friedberg a été portée à l’attention des Paletta lorsque le plan leur a été présenté la première fois (transcription du contre-interrogatoire de Stephen Wiseman : dossier d’appel, vol. 23, p. 8203). De plus, Angelo Paletta a été contre-interrogé sur les circonstances précises dans lesquelles l’affaire Friedberg avait été mentionnée dans sa conversation avec John Tobin, ce qui a donné lieu à l’échange suivant (dossier d’appel, vol. 22, p. 8012) :

[traduction]

Q. Bien, Monsieur, si j’ai bien compris, vous avez suggéré à Me Tobin dans vos discussions avec lui que la situation se comparait à l’affaire Friedberg, en ce qui concerne les opérations que vous alliez faire. Vrai?

A. Oui.

[81] Tout de suite après, Angelo Paletta s’est fait interroger sur la question qu’il avait posée à Jack Bernstein, du cabinet Aird et Berlis LLP, lors de leur consultation verbale de l’été ou de l’automne 2001 (ibid., p. 8013) :

[traduction]

Q. Et vous avez posé à Me Bernstein une question semblable. Vrai?

A. Oui.

[82] L’autre rencontre a eu lieu à la fin de l’année 2000. M. Paletta et son fils ont rencontré Jim Love du cabinet Love et Whalen alors qu’ils le consultaient sur d’autres questions fiscales. À l’instar de Me Tobin et de Me Bernstein, Me Love a confirmé que le plan était correct après mention de l’affaire Friedberg (motifs, par. 63).

[83] Les éléments de preuve indiquent, dans les trois cas, que M. Paletta et son fils ont présenté le plan comme étant sensiblement le même que celui qui était en cause dans l’affaire Friedberg. Sans surprise, les trois avocats ont affirmé que le plan était juridiquement valide étant donné que l’arrêt Friedberg était toujours valable en droit. Cependant, comme il a été mentionné plus haut, les faits dans l’affaire Friedberg étaient fondamentalement différents étant donné que M. Friedberg effectuait ses opérations dans le but d’en réaliser des profits, alors que le seul objectif de M. Paletta était l’évitement fiscal. Si cette différence fondamentale avait été portée à l’attention des avocats fiscalistes, il s’en serait inévitablement suivi une discussion sur la question de la source de revenus, sur la jurisprudence pertinente, et des questions portant sur la validité du plan auraient été soulevées. Lorsqu’on prend en compte la définition du terme entreprise en common law et la règle de simple bon sens énoncée dans l’arrêt Moloney (voir par. 61 plus haut), aucun avocat fiscaliste moindrement compétent n’aurait sanctionné le plan de M. Paletta de présenter ses opérations de change comme étant une entreprise s’il avait su que celles-ci étaient non pas effectuées dans le but d’en tirer un profit, mais dans le seul but de générer des pertes afin d’éviter d’avoir à payer de l’impôt.

[84] Si une opinion formelle avait été obtenue, tous les faits pertinents auraient été divulgués, de sorte que la question de la source de revenus ne serait pas passée inaperçue. L’explication d’Angelo Paletta selon laquelle le risque financier associé aux opérations ne justifiait pas que soit sollicitée une opinion juridique formelle ne peut pas être rationnellement retenue. Le risque financier découlant de la fluctuation dans le différentiel des taux d’intérêt était en effet minime, mais le risque fiscal résultant de l’utilisation à répétition du plan s’élevait à des millions de dollars au niveau personnel, et encore davantage si l’on tient compte du risque pris par les deux sociétés ayant participé au même plan. Ce risque fiscal ne pouvait échapper à l’esprit de M. Paletta, puisque la réduction de ses impôts était la seule raison pour laquelle il a effectué ses opérations de change durant la période de sept ans. Quant à l’autre raison avancée pour expliquer pourquoi M. Paletta n’avait pas demandé d’opinion juridique formelle, soit qu’il avait confiance en ses avocats et les croyait sur parole et sur une poignée de main, elle n’est pas plus rationnelle étant donné le risque important contre lequel ses comptables l’avaient plus d’une fois mis en garde eu égard à la validité de son plan et, bien entendu, les plusieurs millions de dollars d’impôt en jeu.

[85] La question qu’il faut poser dans les circonstances est celle-ci : pourquoi un homme d’affaires avisé, dans la même situation que M. Paletta, ne se prémunirait-il pas contre le risque auquel il s’exposait en sollicitant une opinion formelle? La seule réponse qui vient à l’esprit est que M. Paletta a fait preuve d’indifférence ou d’aveuglement volontaire quant à la légalité de son plan et qu’il en a assumé le risque.

[86] La succession invoque également différentes opinions juridiques qui avaient été obtenues par ses courtiers lors de l’exécution des opérations de change. Ces opinions n’étaient pas adressées à M. Paletta et, selon son fils, ils ne les ont pas lues. Cependant, tous les deux comprenaient que ces opinions étayaient leur point de vue selon lequel le plan était juridiquement valide.

[87] La première opinion provient du cabinet Fraser Milner Casgrain S.E.N.C.R.L., s.r.l., et est adressée à un promoteur de la stratégie d’opérations de change à terme. L’opinion est datée de décembre 2002 et confirme la validité juridique de la stratégie. Cependant, l’opinion est fondée sur la prémisse que les personnes qui adopteront la stratégie le feront [traduction] « dans le but principal ou secondaire de tirer et de produire des revenus » (voir par. 3.5, 4.5.9 et 4.5.10 : dossier d’appel, vol. 11, p. 3727 et 3741). Ainsi, cette opinion n’aurait pas pu conforter M. Paletta dans sa croyance. Au contraire, elle met en évidence la faille fondamentale de son plan.

[88] La seconde opinion provient de Bennett Jones et est adressée à une maison de courtage. On ne s’y prononce pas sur la validité juridique de la stratégie d’opérations de change à terme. On y indique plutôt, en caractères gras, que l’opinion sert à présenter des arguments en réponse à la thèse juridique adoptée par l’ARC pour attaquer cette stratégie, comme en font foi des lettres d’enquête adressées à plusieurs investisseurs (voir p. 1 et les attendus à la p. 6 : dossier d’appel, vol. 11, p. 3755 et 3759). Cette « opinion » ne cherche aucunement à se prononcer sur la validité juridique du plan de M. Paletta ou d’un plan semblable.

[89] La dernière opinion provient aussi du cabinet Fraser Milner Casgrain S.E.N.C.R.L., s.r.l. Elle est datée de décembre 2004 et s’adresse à l’un des courtiers qui a effectué des opérations au nom de M. Paletta. Au paragraphe 1.9 de cette opinion, on énonce l’un des faits que l’on tient pour acquis: [traduction] « le client procède à la stratégie d’écart [spread, en anglais] principalement pour tirer des profits de la spéculation, mais il peut aussi s’en servir à des fins de planification fiscale du fait qu’il pourrait obtenir des reports de revenus » (dossier d’appel, vol. 11, p. 3768). Cette description du client ne s’applique pas à M. Paletta, ce qui encore une fois met en évidence la faille fondamentale dans le plan qu’il avait choisi de mettre en œuvre.

[90] Enfin, la succession soutient que M. Paletta s’en est remis à [traduction] « l’examen en vue d’une vérification » de ses années d’imposition 2002 et 2003 qu’a effectué l’ARC en 2004. Il a été conclu suite à cet examen, selon les renseignements disponibles à l’époque, qu’aucune autre mesure ne serait prise à l’égard des pertes déclarées par M. Paletta. Cependant, si M. Paletta avait consulté les comptables qui le représentaient au cours de cet examen et qui ont fourni aux fonctionnaires de l’ARC les documents de travail requis, il aurait appris que l’objectif de l’examen était de [traduction] « déterminer si le compte rendu des pertes de change non réalisées [fait par M. Paletta] était acceptable pour [l’ARC] » et qu’il avait été conclu, sur le fondement de l’arrêt Friedberg, que M. Paletta [traduction] « rendait compte de ses opérations de change d’une manière acceptable » (rapport de vérification, p. 2 et document de travail no 199 : dossier d’appel, vol. 12, p. 4388 et 4407). Il aurait également appris que c’était ses comptables qui avaient porté l’arrêt Friedberg à l’attention des fonctionnaires de l’ARC lorsqu’ils ont défendu la position prise par leur client en déclarant ses revenus. La décision de l’ARC de ne pas procéder à la vérification pouvait conforter M. Paletta dans l’idée que la façon dont il rendait compte de ses opérations de change était valide, mais pas dans l’idée que celles-ci pouvaient légitimement être présentées comme étant une entreprise.

[91] Indépendamment des cinq moyens de défense ci-dessus, la succession invoque les motifs de la Cour de l’impôt pour soutenir que M. Paletta pouvait raisonnablement croire que ses activités d’évitement fiscal étaient une entreprise et qu’il pouvait déclarer ses pertes en fonction de cette croyance. Évidemment, la succession ne soutient pas que M. Paletta s’est réellement fondé sur l’opinion de la Cour de l’impôt puisque celle-ci a rendu sa décision après les années en question. Elle soutient plutôt qu’il y a matière à débat sur la question de savoir si des activités destinées uniquement à l’évitement fiscal peuvent être considérées comme constituant une entreprise pour l’application de la Loi, et invoque à l’appui l’interprétation qu’a fait la Cour de l’impôt des arrêts Stewart et Walls CSC. Je ne suis pas d’accord. Les motifs de la Cour de l’impôt à ce sujet sont non seulement incorrects, mais ils sont également invraisemblables. Comme le montre l’analyse présentée plus haut, ces arrêts de la Cour suprême n’indiquent pas que l’évitement fiscal peut constituer une entreprise pour l’application de la Loi et les motifs de la Cour de l’impôt, vu l’erreur qu’ils comportent sur ce point, n’offrent pas de justification au comportement de M. Paletta.

[92] M. Paletta et son fils avaient été avertis que le plan d’abris fiscal qu’ils considéraient pouvait poser problème. Ils savaient tous deux, dès le départ, que la seule raison d’être de ce plan était l’évitement fiscal. Plutôt que de mesurer le risque, en obtenant une opinion juridique formelle, M. Paletta a choisi d’en faire fi. Cette attitude montre à tout le moins que M. Paletta a fait preuve d’indifférence ou d’aveuglement volontaire quant à la validité juridique de son plan et qu’il se souciait uniquement de satisfaire son désir ne pas payer d’impôt.

[93] La Couronne a réussi à démontrer que M. Paletta a commis une faute lourde en présentant ses pertes de change comme étant des pertes d’entreprise alors que ce n’était pas le cas. Par conséquent, je conclus que la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi a été imposée à juste titre.

[94] Il s’ensuit qu’il est également satisfait au critère énoncé au sous-alinéa 152(4)a)(i) et que le ministre avait le droit de réouvrir les sept années d’imposition en cause.

DISPOSITIF

[95] Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel avec dépens devant nous et devant la Cour de l’impôt, annulerais la décision de la Cour de l’impôt et renverrais les nouvelles cotisations au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant pour acquis que les gains et les pertes de change de M. Paletta ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de ses revenus pour les années d’imposition 2000 à 2007 et que des pénalités pour faute lourde doivent être imposées pour les années d’imposition 2000 à 2006.

« Marc Noël »

Juge en chef

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-83-21

APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE DAVID E. SPIRO DATÉ DU 25 MARS 2021 DANS LE DOSSIER NO 2015-2662(IT)G

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. LA SUCCESSION DE PASQUALE PALETTA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 AVRIL 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LASKIN

 

DATED:

LE 17 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Justine Malone

Dina Elleithy

 

POUR L’APPELANTE

 

Justin Kutyan

Kelly Ng

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour L’INTIMÉE

 

 

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