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Date : 20220513


Dossier : A-190-19

Référence : 2022 CAF 81

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

 

 

ALLEN JEFFERSON

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 avril 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 mai 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20220513


Dossier : A-190-19

Référence : 2022 CAF 81

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

 

 

ALLEN JEFFERSON

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MONAGHAN

[1] L’appelant, Allen Jefferson, interjette appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt, dont les motifs portent la référence 2019 CCI 91 (motifs du juge Paris), qui rejette son appel d’une cotisation établie au titre de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.). L’article 160 de la Loi autorise le ministre du Revenu national (le ministre) à établir une cotisation à l’égard d’une personne (le bénéficiaire) pour la dette fiscale impayée d’une autre personne (le débiteur fiscal) si, pendant que la dette fiscale était en souffrance, le débiteur fiscal a transféré un bien à un bénéficiaire avec lequel il a un lien de dépendance pour une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande.

[2] L’appelant était l’unique actionnaire de Sidtay Ltd. (Sidtay). À titre d’employé de Sidtay, il a occupé la fonction de vice-président et celle de l’un des cinq chargés de compte de Global Benefit Plan Consultants Inc. (Global), une société contrôlée par son père. Global fournissait des services liés à l’administration d’avantages sociaux d’employés et de pension à l’égard de régimes en fiducie partagés par de multiples employeurs.

[3] L’appelant a expliqué qu’il lui incombait de gérer au moins 20 clients et de faire croître l’entreprise de Global en trouvant de nouveaux clients et en développant de nouveaux produits pour les clients existants. Il a indiqué à la Cour canadienne de l’impôt que cela exigeait beaucoup de déplacements et d’activités d’accueil. Global payait Sidtay 15 000 $ par mois pour les services fournis par l’appelant.

[4] En 2003, Global a émis des chèques à l’appelant, qui totalisaient une somme de plus de 542 000 $. Ces chèques ont été émis après que l’appelant a présenté en 2003 à Global sa demande de remboursement à l’égard des dépenses faites entre avril 2002 et octobre 2003. Au moment où les chèques ont été faits à l’appelant, Global avait une dette fiscale pour ses années d’imposition 1999, 2000 et 2001.

[5] Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelant en application de l’article 160 de la Loi au motif que les sommes que Global avait versées à l’appelant à titre de remboursement de dépenses constituaient des transferts de biens sans contrepartie. L’appelant a interjeté appel de la cotisation devant la Cour de l’impôt, mais il n’a pas contesté le fait qu’il avait un lien de dépendance avec Global ou que Global avait une dette fiscale au moment où elle a émis les chèques en cause. Ainsi, la seule question que la Cour canadienne de l’impôt devait trancher était de savoir si l’appelant avait fourni une contrepartie à Global pour les paiements.

[6] L’appelant a soutenu que les chèques étaient des remboursements de dépenses qu’il avait faites, que Global avait accepté de rembourser ces dépenses et qu’elle était alors tenue de le faire et qu’il avait, par conséquent, fourni une contrepartie à ces chèques. L’intimée a soutenu qu’il n’existait pas d’entente juridiquement exécutoire entre Global et l’appelant à l’égard du remboursement des dépenses. Subsidiairement, l’intimée a soutenu que les dépenses remboursées n’avaient pas toutes été faites pour le compte de Global et qu’une partie d’entre elles étaient de nature personnelle.

[7] Au début de l’audience devant la Cour de l’impôt, l’appelant a concédé que Global n’aurait pas dû rembourser 78 572,59 $ de ses dépenses. Au cours de l’audience, l’appelant a reconnu qu’il en était de même pour une somme supplémentaire de 20 710,15 $.

[8] La Cour de l’impôt a conclu que Global avait convenu de rembourser l’appelant à l’égard des dépenses faites par lui pour le compte de Global. Cependant, la Cour de l’impôt a jugé que seules 26 % environ des dépenses remboursées (à l’exclusion de celles concédées par l’appelant) avaient été faites pour l’entreprise de Global et constituaient par conséquent une contrepartie pour les chèques. Elle a accueilli l’appel et ordonné au ministre d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant de manière à ce que soit réduite de près de 116 000 $ son obligation en application de l’article 160 de la Loi.

[9] L’appelant interjette appel de cette décision devant notre Cour et affirme que la Cour de l’impôt a commis deux erreurs :

  1. La Cour de l’impôt a commis une erreur en examinant le caractère raisonnable (c’est-à-dire l’objectif commercial) de la contrepartie que l’appelant a fournie à Global parce que l’article 160 de la Loi porte sur la question de savoir si une contrepartie existe à l’égard des paiements, et non sur le caractère raisonnable des dépenses dont le remboursement est demandé.

  2. Parce que le ministre s’est fondé sur une seule hypothèse, que l’appelant [traduction] « n’a fourni aucune contrepartie à l’égard des chèques », et parce que la Cour de l’impôt a convenu qu’une partie des dépenses avait été remboursée à juste titre, l’appelant a réfuté l’hypothèse du ministre. Par conséquent, le fardeau de démontrer que l’appelant avait fourni une contrepartie inférieure à la valeur marchande des chèques a été transféré à l’intimée et, étant donné que cette dernière n’a présenté aucun élément de preuve, l’appelant doit obtenir gain de cause.

[10] Dans le présent appel, la norme de contrôle applicable en appel s’applique. Ainsi, les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit doivent être examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. Toute question de droit est examinée selon la norme de la décision correcte : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen).

[11] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel.

[12] L’appelant affirme que la Cour de l’impôt a commis une erreur en examinant le caractère raisonnable des dépenses, ce qu’il appelle l’objectif commercial des dépenses. Cependant, en agissant ainsi, l’appelant tente de faire infirmer la conclusion de la Cour de l’impôt concernant les modalités de l’entente qui existait entre lui et Global. Plus précisément, il affirme que l’entente prévoyait le remboursement des dépenses faites et présentées à Global pour remboursement, sans égard à la question de savoir si elles avaient faites pour l’entreprise de Global.

[13] Dans son mémoire, l’appelant affirme que la Cour de l’impôt a souscrit à cette description de l’entente : [traduction] « le juge de première instance a conclu qu’il existait une entente réelle et juridiquement contraignante aux termes de laquelle Global avait convenu de rembourser l’appelant personnellement à l’égard des dépenses faites par lui et présentées à Global ». Je ne suis pas d’accord avec l’appelant sur la façon dont il caractérise la conclusion de la Cour de l’impôt concernant l’entente.

[14] Puisqu’il n’y avait pas d’entente écrite, d’après l’examen qu’elle a fait de la preuve, la Cour de l’impôt devait déterminer s’il existait une entente de remboursement et, le cas échéant, elle devait établir quelles en étaient les modalités. La Cour de l’impôt a conclu qu’il existait une entente entre l’appelant et Global, mais que cette entente exigeait que Global rembourse l’appelant à l’égard des dépenses faites par lui pour le compte de Global. Il ressort clairement des motifs de la Cour de l’impôt que les « dépenses engagées pour le compte de Global » désignent les dépenses faites pour l’entreprise de Global. Cela explique pourquoi l’analyse de la preuve par la Cour de l’impôt est axée sur l’objectif commercial des dépenses.

[15] La conclusion de la Cour de l’impôt concernant les modalités de l’entente de remboursement conclue entre l’appelant et Global est une conclusion de fait. Ainsi, pour que cette conclusion soit infirmée, l’appelant doit démontrer que la Cour de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante.

[16] L’appelant a soutenu devant notre Cour que rien n’empêchait Global d’accepter de rembourser l’ensemble de ses dépenses, qu’elles aient ou non été liées à l’entreprise de Global. Cette allégation est peut-être vraie, mais elle n’est pas confirmée par les modalités de l’entente dont l’existence a été établie par la Cour de l’impôt. Essentiellement, l’appelant se plaint que la Cour de l’impôt n’a pas retenu sa description de l’entente. La Cour de l’impôt est la mieux placée pour établir les faits sur le fondement des éléments de preuve. Elle n’est pas tenue de retenir la thèse de l’une ou l’autre des parties. Je ne constate aucune erreur manifeste et dominante de la part de la Cour de l’impôt dans sa conclusion concernant les modalités de l’entente conclue entre l’appelant et Global.

[17] De même, l’affirmation de l’appelant selon laquelle la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en examinant le caractère raisonnable (c’est-à-dire l’objectif commercial) de la contrepartie parce l’article 160 de la Loi porte sur la contrepartie et non sur le caractère raisonnable des dépenses dont le remboursement est demandé est aussi dénuée de fondement. Je suis d’accord sur le fait que l’article 160 de la Loi porte sur la contrepartie. Cependant, rien dans les motifs de la Cour de l’impôt n’indique qu’elle s’est penchée sur une question autre que celle de savoir s’il existait une contrepartie à l’égard des chèques.

[18] L’accent mis par la Cour de l’impôt sur l’objectif des dépenses était motivé par sa conclusion concernant les modalités de l’entente de remboursement, et non par une mauvaise interprétation de l’article 160 de la Loi. Ayant conclu que le contrat s’appliquait uniquement aux dépenses faites pour l’entreprise de Global, la Cour de l’impôt a dû établir quelles dépenses avaient été faites à cette fin, car les dépenses faites à d’autres fins n’étaient pas remboursables aux termes des modalités de l’entente et, par conséquent, elles étaient remboursées sans contrepartie.

[19] Enfin, l’appelant fait valoir qu’il a réussi à démolir l’hypothèse de l’intimée selon laquelle il n’avait [traduction] « fourni aucune contrepartie à l’égard des chèques », de sorte que le fardeau de la preuve incombait dorénavant à l’intimée. L’intimée n’ayant produit aucun élément de preuve, l’appelant soutient qu’il doit obtenir gain de cause. À l’appui de cet argument, l’appelant fait valoir le passage suivant de l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, 1997 CanLII 357, aux para. 92 et 93 (Hickman) :

92 [...] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, 1948 CanLII 1 (CSC), [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

93 L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie : Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.).

[20] L’appelant soutient qu’il n’a qu’à démolir l’hypothèse « exacte » formulée par le ministre, mais rien de plus. Il fait valoir qu’en l’espèce, l’hypothèse exacte était qu’il n’avait fourni aucune contrepartie à l’égard des chèques. La conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle une contrepartie avait été fournie à l’égard des chèques démontre qu’il a démoli l’hypothèse exacte.

[21] Je ne suis pas de cet avis. L’appelant accorde trop d’importance à l’adjectif « exact » et n’accorde pas assez de poids au verbe « démolir » figurant dans le passage cité de l’arrêt Hickman.

[22] La thèse de l’appelant est semblable à celle avancée par le contribuable dans la décision Laliberté c. Canada, 2020 CAF 97 (Laliberté). Dans cette affaire, une cotisation avait été établie à l’égard du contribuable sur le fondement que celui-ci avait reçu un important avantage à un actionnaire, la société dont il était l’actionnaire majoritaire ayant payé le coût du voyage qu’il avait effectué dans l’espace. En établissant la cotisation à l’égard du contribuable, le ministre s’était notamment fondé sur l’hypothèse que la société avait payé toutes les dépenses au nom du contribuable et pour son avantage, que le vol spatial n’avait pas été entrepris pour promouvoir la réputation, l’image, le nom, les marques de commerce ou les activités de la société et que les dépenses n’avaient pas été faites dans le but de tirer un revenu d’entreprise ni à toute autre fin commerciale véritable. Même si la Cour de l’impôt a conclu que les dépenses avaient largement profité au contribuable personnellement, elle a jugé qu’il existait des objectifs commerciaux et des avantages promotionnels pour la société. La Cour de l’impôt a établi que 10 % des dépenses avaient un lien avec les activités de la société, bien que seul le contribuable ait produit des éléments de preuve concernant la valeur du voyage pour la société.

[23] En appel devant notre Cour, le contribuable dans l’affaire Laliberté a soutenu que, parce qu’il avait démoli les hypothèses de fait du ministre, le fardeau de présenter des éléments de preuve suffisants pour établir la part des dépenses qui était personnelle par opposition à celle qui était commerciale passait à la Couronne. Le contribuable a fait valoir que, comme la Couronne n’avait déposé aucun élément de preuve, la Cour de l’impôt était tenue d’accueillir son appel.

[24] Notre Cour n’a pas souscrit à l’observation voulant que le contribuable ait démoli les hypothèses du ministre. Pour les démolir, le contribuable devait « prouve[r] que le voyage dans l’espace était, dans l’ensemble, une véritable entreprise commerciale » : Laliberté, au para. 54. En d’autres termes, établir l’existence dans une certaine mesure d’objectifs commerciaux ne suffisait pas. De même, dans le présent appel, établir qu’une certaine contrepartie avait été fournie à l’égard des chèques ne suffit pas pour démolir l’hypothèse du ministre.

[25] Si des hypothèses sont formulées, c’est pour informer l’appelant de la preuve qu’il aura à réfuter : Paletta International Corporation c. Canada, 2021 CAF 182, au para. 20. L’appelant connaissait la preuve qu’il devait réfuter : la seule question relative à l’article 160 de la Loi était de savoir si l’appelant avait fourni une contrepartie à l’égard des paiements que Global lui avait faits par chèque ce qui, dans le contexte de l’article 160 de la Loi, signifie une contrepartie égale à la juste valeur marchande, et non simplement une contrepartie.

[26] Il est manifeste que l’appelant comprenait cela. Dans la section des motifs de son avis d’appel déposé à la Cour de l’impôt, l’appelant soutenait [traduction] « [qu’]il n’y a pas eu de transfert de bien à son endroit pour une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande ». Lorsqu’il a présenté ses éléments de preuve, il ne s’est pas contenté d’établir que Global avait remboursé ses dépenses aux termes d’une entente ayant force exécutoire en décrivant l’entente et en donnant des exemples de dépenses remboursées et leur justification. Au contraire, il a fourni des éléments de preuve importants concernant les dépenses elles-mêmes : leur nature, l’endroit où elles ont été faites et les raisons pour lesquelles elles ont été faites. Il a déposé devant la Cour de l’impôt toutes les dépenses dont il a demandé le remboursement à Global en 2003, y compris les reçus et les relevés de cartes de crédit connexes. Il a témoigné à propos des diverses dépenses et il a appelé trois personnes à témoigner pour lui. Ainsi, la Cour de l’impôt avait de nombreux éléments de preuve concernant les dépenses dont l’appelant a demandé le remboursement à Global.

[27] L’intimée n’est pas tenue de convoquer des témoins en sa faveur ou de présenter ses propres éléments de preuve pour défendre sa thèse. Notre Cour a rejeté un argument semblable dans l’arrêt Laliberté. En l’espèce, il était loisible à la Cour de l’impôt de déterminer la valeur de l’avantage conféré à l’actionnaire « d’après tous les éléments de preuve déposés, y compris le contre-interrogatoire par la Couronne des témoins [du contribuable] » : Laliberté, au para. 56. De même, il était loisible à la Cour de l’impôt de déterminer la valeur de la contrepartie que l’appelant avait fournie à l’égard des chèques, d’après tous les éléments de preuve déposés.

[28] Ce principe n’est pas nouveau. Même lorsque le contribuable réussit à démolir les hypothèses du ministre ou que le ministre ne se fonde pas sur des hypothèses, le ministre peut néanmoins établir l’exactitude d’une cotisation en se fondant sur tous les éléments de preuve déposés. Comme l’a fait observer notre Cour dans l’arrêt Pollock c. R., [1993] A.C.F. no 1055 (QL) (C.A.F.) :

20. Cependant, lorsque le ministre n’a plaidé aucune supposition ou lorsque les suppositions qu’il a plaidées ont été en tout ou en partie démolies, il reste la possibilité au ministre, en tant que défendeur, de prouver, s’il le peut, le bien-fondé de la cotisation qu’il a établie. À cette fin, il doit supporter le fardeau de preuve qui incombe ordinairement à toute partie à un procès, soit celui de prouver les faits qui étayent sa prétention à moins que ceux-ci n’aient déjà été introduits en preuve par son adversaire. C'est une question de droit qui a fait l’objet d'une jurisprudence constante..

21. En conséquence, j’estime que le juge McNair avait entièrement raison de se demander, comme il l’a fait, « si les autres faits de cette affaire [étaient] suffisants pour conclure que le demandeur participait en fait à un risque de caractère commercial ». En répondant à cette question, il avait le droit, en fait l’obligation, de se fonder sur les suppositions qui n’avaient pas été réfutées et sur l’ensemble de la preuve. [Non souligné dans l’original.]

(Voir également les arrêts Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, au para. 32; Deyab c. Canada, 2020 CAF 222, au para. 56, autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée.) La simple raison est qu’en général, le contribuable, et non l’intimée, possède les renseignements pertinents. Ainsi, dans les appels devant la Cour de l’impôt, l’intimée doit souvent se contenter de contester les éléments de preuve du contribuable.

[29] En l’espèce, l’intimée s’est fondée devant la Cour de l’impôt sur les éléments de preuve de l’appelant, en l’occurrence ses documents et les témoignages de vive voix de ses témoins, pour défendre sa thèse. Au cours du contre-interrogatoire de l’appelant, l’intimée lui a demandé si certaines dépenses remboursées étaient liées à l’entreprise de Global, ce qui tendait à indiquer l’existence de dépenses personnelles ou liées à d’autres intérêts commerciaux de l’appelant. Au cours du contre-interrogatoire des autres témoins, l’intimée a sapé la valeur de leurs témoignages à l’égard des questions que devait trancher la Cour de l’impôt et qui visaient à corroborer le témoignage de l’appelant.

[30] Ayant établi l’existence d’une entente de remboursement des dépenses faites pour l’entreprise de Global, la Cour de l’impôt a dû se demander quelles dépenses remboursées par Global avaient été remboursées aux termes de cette entente. Une fois de plus, la Cour de l’impôt est la mieux placée pour examiner et apprécier la preuve.

[31] En outre, « lorsqu’une telle conclusion factuelle repose sur l’appréciation de la crédibilité d’un témoin, il faut reconnaître l’énorme avantage dont jouit le juge de première instance à cet égard » : Housen, au para. 24. La Cour de l’impôt a dit de la preuve de l’appelant qu’elle « n’était pas suffisamment crédible ou fiable pour [la] convaincre » que « toutes les dépenses qu’il a déclarées [...] ont été engagées aux fins des activités de Global », pour les motifs qu’elle a exposés. L’appelant a reconnu que près de 100 000 $ de dépenses n’avaient pas été remboursés selon les règles, il y avait des divergences entre son témoignage et les dépenses dont il avait demandé le remboursement, certaines dépenses avaient été remboursées deux fois, il y avait des divergences entre son témoignage et celui du directeur des finances de Global et il manquait d’éléments de preuve convaincants corroborant sa thèse.

[32] La Cour de l’impôt doit tenir compte de tous les éléments de preuve et déterminer si la cotisation est correcte. C’est précisément ce qu’a fait la Cour de l’impôt en l’espèce. Sur le fondement de ces éléments de preuve, la Cour de l’impôt a conclu que 26,21 % des dépenses dont l’appelant a demandé le remboursement à Global en 2003 (à l’exception de celles que l’appelant a reconnues) avaient été remboursées par Global au titre de l’entente conclue entre eux. Les autres dépenses n’ont pas été remboursées conformément aux modalités de l’entente, donc sans contrepartie. Je ne vois aucun motif de modifier cette conclusion.

[33] Comme il ressort clairement des motifs qui précèdent, je ne constate aucune erreur de droit ni erreur de fait manifeste et dominante commise par la Cour de l’impôt. En conséquence, je rejetterais l’appel avec dépens.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

e


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DU JUGEMENT RENDU LE 29 AVRIL 2019 PAR LE JUGE BRENT PARIS, NO 2016-1477(IT)G

DOSSIER :

A-190-19

 

 

INTITULÉ :

ALLEN JEFFERSON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 avril 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE RIVOALEN

DATE DES MOTIFS :

Le 13 MAI 2022

COMPARUTIONS :

Lousie R. Surnmerhill

Angelo Gentile

 

Pour l’appelant

 

Devon E. Peavey

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aird & Berlis LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelant

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

 

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