Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220429


Dossier : A-293-20

Référence : 2022 CAF 73

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

ENTRE :

 

ROBERT A BENNETT

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 mars 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 


Date : 20220429


Dossier : A-293-20

Référence : 2022 CAF 73

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

ENTRE :

 

ROBERT A BENNETT

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] L’appelant interjette appel de la décision de la Cour canadienne de l’impôt (le juge Spiro) rendue à l’audience tenue le 29 octobre 2020 dans les dossiers 2019-753(GST)I et 2019-1039(IT)G. Dans cette décision, la Cour de l’impôt a rejeté les appels interjetés par l’appelant à l’égard des cotisations établies en vertu de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) pour retenues à la source non versées s’élevant à 62 298,56 $, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant, et en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la LTA) pour taxe nette non versée s’élevant à 7 504,44 $, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

[2] Durant la période visée, l’appelant était le propriétaire et seul administrateur de 6th Street Developments Ltd. (6th Street), une entreprise de construction qui fournissait des services de charpente et de conformation à RABB Construction and Environmental Solutions Inc. (RABB), une autre société appartenant à l’appelant. RABB faisait affaire dans le secteur de l’habitation résidentielle.

[3] 6th Street a omis de verser les retenues à la source et la taxe nette lorsque RABB et elle ont commencé à avoir des problèmes de liquidité en 2010, en raison d’un client de RABB mauvais payeur qui a entraîné le défaut de paiement de plusieurs autres clients. Afin d’atténuer le manque de liquidités, l’appelant a poursuivi les clients pour défaut et a obtenu des prêts de membres de sa famille, mais il y avait toujours un manque à gagner entre les sommes ainsi obtenues et les dettes des sociétés.

[4] La Cour de l’impôt devait seulement décider si l’appelant a fait preuve de diligence raisonnable au sens du paragraphe 227.1(3) de la LIR et du paragraphe 323(3) de la LTA pour prévenir le défaut de 6th Street de verser les retenues à la source et la taxe nette.

[5] La Cour de l’impôt conclut que l’appelant n’a pas établi qu’il avait agi avec diligence puisqu’il avait délégué à un comptable, sans le superviser adéquatement, la responsabilité d’effectuer les versements exigés. La Cour de l’impôt souligne que le comptable a payé les créanciers, y compris l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), selon le principe du premier arrivé, premier servi ou la méthode « PAPS », et que l’appelant n’a fourni aucune directive au sujet du versement des retenues à la source et de la taxe nette. La Cour de l’impôt conclut également que les efforts de l’appelant visant à recueillir des fonds, par la voie de procédures judiciaires et grâce à l’obtention de prêts, pour payer les dettes des sociétés ne sont pas le résultat de sa diligence raisonnable, mais plutôt de tentatives visant à remédier aux défauts de versement et non à les prévenir.

[6] Devant nous, l’appelant présente quatre arguments. Premièrement, il soutient que la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que 6th Street avait utilisé la méthode PAPS puisque cette société n’avait aucun autre créancier que l’ARC, contrairement à RABB, qui en avait plusieurs. Deuxièmement, l’appelant mentionne que les éléments de preuve présentés à la Cour de l’impôt permettent d’établir qu’il a pris des mesures pour veiller à ce que les versements soient effectués en temps opportun puisque 6th Street avait recours au logiciel QuickBooks. Troisièmement, l’appelant soutient que la Cour de l’impôt n’a pas suffisamment tenu compte des trous de mémoire dont il souffre en raison d’une lésion cérébrale qu’il a subie il y a plusieurs années. Enfin, l’appelant soutient que sa situation est comme celles des appelants dans les affaires Penate c. La Reine, 2020 CCI 63 [Penate] et Worrell c. La Reine, [1998] 4 C.T.C. 2351, 1998 CanLII 288 (CCI) [Worrell], et que son appel doit donc être accueilli.

[7] Comme il a été expliqué à l’appelant à l’audience, notre rôle ne consiste pas à instruire à nouveau l’affaire ni à apprécier de nouveau la preuve dont disposait la Cour de l’impôt. Au contraire, nous ne pouvons intervenir que si nous concluons que la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit ou une erreur de fait manifeste et dominante. Le critère pour annuler une décision en raison d’une erreur de fait manifeste et dominante est rigoureux. Une erreur n’est manifeste que si elle est évidente, et elle n’est dominante que si elle influe sur le résultat obtenu. Comme notre Cour l’énonce dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, [2012] A.C.F. no. 669 au para. 46 (QL) :

[46] L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue : H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; Peart c. Peel Regional Police Services (2006), 217 O.A.C. 269 (C.A.), aux paragraphes 158 et 159; arrêt Waxman, précité. Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[8] Tous les arguments de l’appelant sont de nature factuelle. Après avoir examiné attentivement la transcription de l’audience devant la Cour de l’impôt et les pièces dont disposait ladite Cour, je ne peux conclure que cette dernière a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’appelant n’avait pas établi une défense de diligence raisonnable.

[9] Quant à l’allégation de l’appelant selon laquelle la méthode PAPS ne s’applique pas dans le cas de 6th Street, il n’a pas clairement fait la distinction, lors de son témoignage devant la Cour de l’impôt, entre la façon dont 6th Street payait ses créanciers et la façon dont RABB payait les siens et il a déclaré à plus d’une reprise que le comptable, qui travaillait à la fois pour RABB et pour 6th Street, avait eu recours à la méthode PAPS. De plus, il a confirmé que les employés de 6th Street étaient payés par chèque toutes les deux semaines et qu’il n’avait donné aucune directive relativement aux versements à l’ARC. Il a également déclaré n’avoir été informé du défaut de versements qu’en 2015, soit plusieurs années après le défaut reprochés.

[10] Quant à l’utilisation de QuickBooks, l’appelant n’a pas expliqué los de son témoignage à la Cour de l’impôt en quoi l’utilisation de ce logiciel aurait pu garantir que les versements exigés étaient effectués en temps opportun ou en priorité par rapport à d’autres paiements.

[11] La Cour de l’impôt savait très bien que l’appelant avait subi une lésion cérébrale et y a fait référence dans ses motifs. La lecture de la transcription révèle d’ailleurs que le juge Spiro a pris soin d’expliquer la procédure à l’appelant, a donné à ce dernier toutes les chances de présenter sa preuve et a posé des questions pertinentes afin de tenter d’obtenir les éléments de preuve pertinents de l’appelant, qui n’était pas représenté par un avocat. La Cour de l’impôt a donc tout fait pour composer avec les problèmes de mémoire de l’appelant. Il n’en demeure pas moins qu’il incombait à l’appelant de faire la preuve qu’il avait agi avec diligence. Son incapacité à se souvenir de détails pertinents ne l’acquitte pas de ce fardeau.

[12] Il était tout à fait loisible à la Cour de l’impôt, à la lumière des éléments de preuve devant elle, de conclure que l’appelant n’a pas établi qu’il avait agi avec diligence pour effectuer les versements exigés.

[13] Comme l’intimée le souligne à juste titre, les faits de l’espèce se distinguent de ceux des décisions Penate et Worrell. Contrairement à l’appelant, la contribuable visée dans l’affaire Penate a établi qu’elle avait fait tout ce qui lui était possible de faire pour effectuer en priorité les versements exigés. Dans l’affaire Worrell, la banque contrôlait les versements en refusant d’honorer les chèques faits à l’ordre du Receveur général et en exigeant le remboursement d’un prêt, de sorte que la société visée a dû déclarer faillite. Ces deux affaires sont des cas d’espèce très différents de ceux du dossier de l’appelant.

[14] Je rejette donc l’appel. Dans les circonstances, à l’instar de la Cour de l’impôt, je refuse d’adjuger des dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Judith Woods, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.s.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-293-20

INTITULÉ :

ROBERT A. BENNETT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MARS 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

DATE DES MOTIFS :

LE 29 AVRIL 2022

COMPARUTION

Robert A. Bennett

POUR SON PROPRE COMPTE

Jamie Hansen

Alexander Wind

POUR L’INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.