Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20220426


Dossier : A-318-20

Référence : 2022 CAF 70

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

intimée dans l’appel incident

et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

intimée

appelante dans l’appel incident

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 15 février 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 avril 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20220426


Dossier : A-318-20

Référence : 2022 CAF 70

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

intimée dans l’appel incident

et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

intimée

appelante dans l’appel incident

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1] Les présents appel et appel incident découlent de la réponse formulée par la Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt) à une question posée en application de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les Règles). La Cour devait répondre à la question suivante :

[traduction]

La décision que rend le ministre du Revenu national lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 247(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») pour rejeter la demande d’un contribuable sollicitant un redressement à la baisse du prix de transfert relève-t-elle de la compétence exclusive conférée à la Cour canadienne de l’impôt par la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et l’article 171 de la LIR?

[2] Cette question a été posée dans le cadre de l’appel interjeté par Dow Chemical Canada ULC (Dow) relativement à la nouvelle cotisation qui lui a été imposée pour son année d’imposition 2006.

[3] La Cour de l’impôt (2020 CCI 139) a fourni la réponse suivante :

1. La Cour conclut que, lorsque le ministre décide, en application du paragraphe 247(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR »), de rejeter la demande du contribuable sollicitant le redressement à la baisse du prix de transfert, cette décision relève de la compétence exclusive conférée à la Cour par l’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et l’article 171 de la LIR, pourvu que la cotisation découlant de cette décision fasse l’objet d’un appel en bonne et due forme devant la Cour [...]

[4] La Couronne, dans son appel auprès de notre Cour, demande à notre Cour de répondre par la négative à la question posée par les parties. Dans son appel incident, Dow sollicite une réponse modifiée. Selon Dow, la décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu du paragraphe 247(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la LIR), relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt, qu’il y ait eu ou non établissement d’une cotisation.

[5] Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais l’appel et je répondrais par la négative à la question initialement posée en vertu de l’article 58 des Règles, car la Cour fédérale a compétence pour procéder au contrôle judiciaire de l’avis formulé par le ministre en vertu du paragraphe 247(10) de la LIR. Je rejetterais l’appel incident.

I. Contexte

[6] Les parties ont présenté à la Cour de l’impôt un exposé conjoint des faits pour les besoins de la requête présentée en vertu de l’article 58 des Règles.

[7] Le 14 décembre 2011, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2006 de Dow, en augmentant le revenu de cette société d’environ 307 millions de dollars, à la suite de certains redressements du prix de transfert effectués en vertu de l’article 247 de la LIR relativement à des opérations intersociétés entre Dow et Dow Europe GmbH (DowEur), une société suisse en exploitation avec laquelle Dow avait un lien de dépendance.

[8] Dow a signifié un avis d’opposition visant la nouvelle cotisation fondée sur le revenu révisé à la hausse. À la suite du dépôt de l’avis d’opposition, le ministre a envoyé une lettre de proposition datée du 9 mars 2012, dans laquelle il était proposé de hausser le montant des frais d’intérêts déclarés par Dow pour les années 2006 et 2007 relativement aux sommes qu’elle avait empruntées à DowEur.

[9] Les paragraphes 17 à 19 de l’exposé conjoint des faits sont rédigés ainsi :

[traduction]

17. Le 11 décembre 2012, le ministre a envoyé [à Dow] une autre lettre de proposition, dans laquelle il l’informait que sa précédente proposition de hausser le montant des frais d’intérêts déboursés relativement à l’emprunt souscrit auprès de DowEur pour l’année d’imposition 2006 de [Dow] ne serait pas appliquée en raison du délai de prescription prévu dans la Convention fiscale entre le Canada et la Suisse.

18. Dans la même lettre, le ministre informait [Dow] que le redressement à la baisse proposé du prix de transfert concernant les frais d’intérêts déboursés à l’égard de l’emprunt souscrit auprès de DowEur pour l’année d’imposition 2007 de [Dow] serait appliqué.

19. Par avis de nouvelle cotisation datés du 12 décembre 2012, de nouvelles cotisations ont été établies pour les années d’imposition 2006 et 2007 de [Dow], conformément aux modalités énoncées dans la lettre du 11 décembre 2012.

[10] Lors de l’audition du présent appel, la Couronne a soutenu que les nouvelles cotisations établies le 12 décembre 2012 ne représentaient pas ce qui avait été indiqué dans la lettre du 11 décembre 2012, mais cette assertion va à l’encontre des faits sur lesquels les parties se sont entendues. Les parties ont convenu que les nouvelles cotisations pour l’année d’imposition 2006 de Dow ont été établies le 12 décembre 2012, ainsi qu’il était indiqué dans la lettre datée de la veille. Par conséquent, cette nouvelle cotisation tenait compte de la décision du ministre de refuser de réduire le montant du revenu pour l’année 2006 en fonction de la hausse des frais d’intérêts. La nouvelle cotisation établie le 12 décembre 2012 pour l’année d’imposition 2007 de Dow prenait en compte la réduction du montant des revenus en fonction de la hausse des frais d’intérêts.

[11] Le 14 janvier 2013, Dow a demandé au ministre de réduire ses revenus d’une somme correspondant à la hausse des frais d’intérêts qui avait été mentionnée dans la lettre du 9 mars 2012 pour son année d’imposition 2006. Le ministre, dans une lettre du 11 février 2013, a rejeté cette demande. Le 11 mars 2013, Dow a demandé le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale.

[12] Dow s’est également opposée à la nouvelle cotisation datée du 12 décembre 2012 pour son année d’imposition 2006. Dow a fait l’objet de nouvelles cotisations le 14 décembre 2015, puis encore le 13 avril 2017, pour son année d’imposition 2006. Ni l’une ni l’autre de ces nouvelles cotisations ne tenait compte de la hausse des frais d’intérêts pour l’année 2006 qui avait été mentionnée dans la lettre du 9 mars 2012. La nouvelle cotisation datée du 13 avril 2017 est celle qui a fait l’objet de l’appel auprès de la Cour de l’impôt.

II. La décision de la Cour canadienne de l’impôt

[13] La juge de la Cour de l’impôt s’est penchée sur plusieurs des arguments qu’ont fait valoir les parties. Le premier argument concernait la question de savoir si, par application du paragraphe 247(11) de la LIR, il existait un droit d’appel contre la décision rendue par la ministre en vertu du paragraphe 247(10) de la LIR. La juge de la Cour de l’impôt n’a pas souscrit aux observations de Dow selon lesquelles les dispositions du paragraphe 247(11) de la LIR avaient pour effet d’assujettir les décisions rendues par le ministre en vertu du paragraphe 247(10) de la LIR aux mêmes droits d’opposition et d’appel que ceux s’appliquant lorsqu’une cotisation est établie.

[14] La juge de la Cour de l’impôt a ensuite examiné la compétence en appel de la Cour de l’impôt. Dans le cadre de cette analyse, elle a pris en considération diverses décisions de la Cour de l’Échiquier du Canada et du Conseil privé qui portent sur des appels interjetés sous le régime de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, S.R.C. 1927, ch. 97. Certaines dispositions de cette loi conféraient au ministre le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions qui auraient une incidence directe sur le calcul des revenus des contribuables. Au paragraphe 144 de ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a exposé en ces termes les conclusions qu’elle a tirées de son examen de décisions rendues par la Cour de l’Échiquier du Canada et le Conseil privé sous le régime de Loi de l’impôt de guerre sur le revenu :

[144] Un examen de la jurisprudence m’amène à conclure que, si un contribuable soutient avoir droit à un redressement à la baisse du prix de transfert, la décision du ministre rendue en application du paragraphe 247(10) de la LIR, à l’instar des décisions que le ministre devait rendre en application de la LIGR, doit être rendue avant que puisse être établie la cotisation concernant les impôts du contribuable. Cette décision doit être rendue de façon judiciaire, c’est-à-dire en conformité avec les principes de droit qui s’appliquent, sans quoi la cotisation en découlant sera erronée. Ainsi, dans un appel visant la cotisation découlant d’une telle décision, la Cour de l’impôt, en vertu sa compétence en d’appel, a à la fois le pouvoir et l’obligation d’examiner la manière dont le ministre en est arrivé à sa décision en application du paragraphe 247(10) de la LIR.

[15] La juge de la Cour de l’impôt a également examiné les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi sur l’AE), portant sur les appels de décisions relatives à l’assurabilité. Elle a conclu, au paragraphe 152 de ses motifs, que les droits d’appel prévus par la Loi sur l’AE sont de même portée que la compétence de la Cour de l’impôt en appel d’une cotisation, conformément à l’interprétation qu’en ont fait la Cour de l’Échiquier du Canada et le Conseil privé.

[16] La juge de la Cour de l’impôt a également comparé les mesures que peuvent accorder la Cour de l’impôt et la Cour fédérale et elle a conclu ce qui suit :

[167] Lorsqu’un contribuable conteste la décision du ministre rendue en application du paragraphe 247(10) de la LIR, « la “nature essentielle” de la mesure demandée est l’annulation de la cotisation, et cette mesure ne relève pas des pouvoirs de la Cour fédérale.

[Renvoi omis.]

[17] La juge de la Cour de l’impôt a reconnu que la Cour fédérale a compétence pour faire le contrôle judiciaire des décisions du ministre concernant la renonciation à tout montant de pénalité ou d’intérêts ou l’annulation de ce montant au titre du paragraphe 220(3.1) de la LIR. La juge de la Cour de l’impôt a noté que, selon le paragraphe 165(1.2) de la LIR, le contribuable ne peut pas faire opposition à une cotisation établie en application du paragraphe 220(3.1) de la LIR; il n’existe donc aucune possibilité d’appel de cette cotisation auprès de la Cour de l’impôt.

[18] Aux paragraphes 183 et 184 de ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a observé que d’autres parties de la LIR comportent des dispositions qui confèrent au ministre le pouvoir discrétionnaire d’annuler l’impôt qui serait sinon à payer, ou d’y renoncer. Le paragraphe 165(1.2) de la LIR (qui interdit au contribuable de faire opposition à une cotisation établie en application du paragraphe 220(3.1) de la LIR) ne renvoie aucunement aux cotisations établies en application de ces autres dispositions. Cependant, comme l’a observé la juge de la Cour de l’impôt, de nombreuses affaires portant sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par ces autres dispositions ont été portées devant la Cour fédérale au moyen du contrôle judiciaire. Comme ces dispositions n’étaient pas visées par la question posée au titre de l’article 58 des Règles, la juge de la Cour de l’impôt ne s’est pas prononcée sur la compétence de la Cour de l’impôt relativement à ces autres dispositions.

[19] Quoi qu’il en soit, la juge de la Cour de l’impôt a fait une distinction entre, d’une part, les décisions discrétionnaires du ministre de renoncer à des montants d’impôt, d’intérêts ou de pénalités (notamment au titre du paragraphe 220(3.1) et des autres dispositions auxquelles elle renvoie aux paragraphes 183 et 184 de ses motifs) et, d’autre part, les avis formulés au titre du paragraphe 247(10) de la LIR, au motif que le pouvoir discrétionnaire du ministre de renoncer à des montants d’impôt, d’intérêts ou de pénalités ne peut être exercé qu’après qu’une cotisation valable a été établie. Selon la juge, « si un contribuable demande et établit un redressement à la baisse du prix de transfert, la décision visée au paragraphe 247(10) de la LIR n’est pas facultative : elle doit être rendue, et ce, avant qu’une cotisation exacte puisse être établie » (paragraphe 191 de ses motifs; souligné dans l’original).

[20] La juge de la Cour de l’impôt a également noté que les décisions rendues en application du paragraphe 247(10) de la LIR ne le sont pas à l’égard d’une somme précise. La décision discrétionnaire consiste plutôt à déterminer si les circonstances justifient la réduction des revenus du contribuable d’une somme correspondant au redressement à la baisse visé au paragraphe 247(2) de la LIR. La décision discrétionnaire ne porte pas sur le montant en tant que tel de ce redressement. Dans les mots de la juge de la Cour de l’impôt, au paragraphe 208 de ses motifs :

[...] Cependant, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé pour des motifs appropriés avant qu’une cotisation exacte puisse être établie. Par conséquent, la manière dont ce pouvoir discrétionnaire est exercé est susceptible de contrôle lors d’un appel visant la cotisation qui en découle. Le montant du redressement à la baisse du prix de transfert n’est pas une chose que le ministre établit, mais la question n’échappe pas pour autant à la compétence de la Cour de l’impôt.

[Souligné dans l’original.]

[21] En conséquence, la juge de la Cour de l’impôt a donné la réponse modifiée énoncée plus haut à la question posée en vertu de l’article 58 des Règles.

III. La question en litige et la norme de contrôle

[22] La question qui se pose en est une de droit. Il s’agit de délimiter la compétence exclusive de la Cour de l’impôt et, plus précisément, de déterminer si la décision rendue par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR échappe à cette compétence exclusive. Comme il s’agit d’une question de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33).

IV. Analyse

[23] Les règles relatives au prix de transfert sont énoncées à l’article 247 de la LIR. L’une d’elles porte sur le redressement qui est appliqué à certains montants lorsqu’un contribuable et une personne non résidente, qui ont un lien de dépendance, conviennent de modalités qui diffèrent de celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance. L’alinéa 247(2)c) de la LIR dispose que les montants feront l’objet d’un redressement de façon à ce qu’ils correspondent à ce qu’ils auraient été si les modalités avaient été conclues entre personnes sans lien de dépendance. Ainsi qu’il a été noté plus haut, l’application des règles relatives au prix de transfert prévues au paragraphe 247(2) de la LIR en l’espèce a eu pour effet d’augmenter considérablement les revenus de Dow pour l’année 2006.

[24] Cependant, l’application des mêmes règles, c’est-à-dire l’établissement des modalités qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance, aurait également eu pour effet, en l’espèce, de réduire les revenus de Dow pour l’année 2006, puisqu’il a été déterminé qu’un montant supplémentaire d’intérêts avait été payé. Le paragraphe 247(2) de la LIR ne fait aucune distinction entre un redressement qui aurait pour effet d’augmenter les revenus et celui qui les réduirait. Si, comme en l’espèce, il existe un montant qui réduirait les revenus du contribuable, le paragraphe 247(10) de la LIR dispose que ce redressement à la baisse ne peut être effectué « que si le ministre estime que les circonstances le justifient » :

(10) Un redressement autre que celui qui donne lieu à un redressement de capital ou un redressement de revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, ou qui augmente le montant d’un tel redressement, ne peut être effectué aux termes du paragraphe (2) que si le ministre estime que les circonstances le justifient.

(10) An adjustment (other than an adjustment that results in or increases a transfer pricing capital adjustment or a transfer pricing income adjustment of a taxpayer for a taxation year) shall not be made under subsection 247(2) unless, in the opinion of the Minister, the circumstances are such that it would be appropriate that the adjustment be made.

[25] En l’espèce, le ministre a estimé que les circonstances ne justifiaient pas la réduction des revenus de Dow pour l’année 2006 d’un montant correspondant aux frais d’intérêts supplémentaires déterminés faisant l’objet d’un redressement à la baisse au titre du paragraphe 247(2) de la LIR.

[26] La question à trancher dans le présent appel ne porte pas sur le caractère approprié de l’avis, mais consiste plutôt à déterminer si l’examen de cet avis relève ou non de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt. L’examen de cet avis du ministre ne relèvera pas de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt si la Cour fédérale a compétence pour en faire le contrôle judiciaire.

A. Les dispositions législatives pertinentes

[27] L’article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2, énonce les champs de compétence exclusive de la Cour de l’impôt. Bien que la Cour de l’impôt ait compétence exclusive à l’égard de plusieurs lois, la seule loi pertinente en l’espèce est la LIR. Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt confère à la Cour de l’impôt compétence exclusive pour trancher les questions découlant de l’application de la LIR :

12 (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application […] de la Loi de l’impôt sur le revenu […] dans la mesure où [cette loi prévoit] un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

12 (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under … the Income Tax Act … when references or appeals to the Court are provided for in [that Act].

[28] La question de compétence en l’espèce ne porte pas sur un renvoi porté devant la Cour de l’impôt. Par conséquent, la section pertinente du paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt est la compétence qui est conférée à cette cour pour trancher les appels qui sont portés devant elle. L’article 12 limite cette compétence au droit d’entendre les appels portés devant la Cour de l’impôt uniquement si la LIR prévoit un droit d’appel devant elle.

[29] Dans la question posée, telle qu’elle a été libellée, les parties renvoient à l’article 171 de la LIR. Cependant, cet article énonce les mesures que la Cour de l’impôt peut accorder dans un appel. L’article 169 de la LIR est la disposition qui prévoit le droit d’appel devant de la Cour de l’impôt lorsque le contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation. L’appel autorisé par le paragraphe 169(1) de la LIR est un « appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation ».

[30] Le paragraphe 171(1) de la LIR énonce les mesures limitées que la Cour de l’impôt peut accorder lorsqu’elle statue sur un appel :

171 (1) La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel :

171 (1) The Tax Court of Canada may dispose of an appeal by

a) en le rejetant;

(a) dismissing it; or

b) en l’admettant et en :

(b) allowing it and

(i) annulant la cotisation,

(i) vacating the assessment,

(ii) modifiant la cotisation,

(ii) varying the assessment, or

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

(iii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

[31] La Cour fédérale a elle aussi compétence exclusive au titre du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, pour accorder certaines mesures :

18 (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

18 (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

[32] Les recours prévus au paragraphe (1) « sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire » (paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales). Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales dispose qu’« [u]ne demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande » et le paragraphe 18.1(3) de cette Loi énonce les pouvoirs de la Cour fédérale sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire :

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

[33] L’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales limite la compétence de la Cour fédérale lorsqu’une autre loi fédérale prévoit expressément un droit d’appel :

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l’impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d’une décision ou d’une ordonnance d’un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

[Non souligné dans l’original.]

[emphasis added]

[34] Il s’ensuit que, si la LIR prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel de l’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR, cet appel relève de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt. Cependant, si la LIR ne prévoit pas expressément qu’il peut être interjeté appel de cet avis auprès de la Cour de l’impôt, alors la Cour fédérale conserverait compétence pour en faire le contrôle judiciaire.

B. Le paragraphe 247(11) de la LIR

[35] Dow a fait valoir que le paragraphe 247(11) de la LIR confère un droit d’appel distinct à l’égard des avis formulés par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR.

[36] Le paragraphe 247(11) de la LIR est rédigé ainsi :

(11) Les articles 152, 158, 159 et 162 à 167 et la section J de la partie I s’appliquent à la présente partie, avec les adaptations nécessaires.

(11) Sections 152, 158, 159, 162 to 167 and Division J of Part I apply to this Part, with such modifications as the circumstances require.

[37] Parmi les articles énumérés au paragraphe 247(11) de la LIR se trouvent les articles portant sur les cotisations, ainsi que les oppositions et les appels auprès de la Cour de l’impôt.

[38] L’avis en cause n’est pas, en soi, une cotisation; cependant, si cet avis est favorable au contribuable, il diminuerait les revenus et, par conséquent, réduirait l’impôt à payer par ce contribuable.

[39] Je suis d’accord avec la juge de la Cour de l’impôt, essentiellement pour les motifs qu’elle a énoncés, que le paragraphe 247(11) de la LIR ne crée pas de droit distinct d’interjeter appel de l’avis en l’espèce.

[40] Si l’on détermine que l’avis en l’espèce ne donne pas lieu à un droit d’appel distinct, il s’ensuit que la LIR ne prévoit pas expressément de droit d’appel à l’égard de cet avis. Comme l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales empêche la Cour fédérale de faire le contrôle d’une décision uniquement lorsqu’une autre loi prévoit expressément un droit d’appel, on peut en conclure que cet article n’interdit pas à la Cour fédérale de procéder au contrôle judiciaire de la décision du ministre.

C. Les décisions de la Cour de l’Échiquier et du Conseil privé

[41] La juge de la Cour de l’impôt a fait un examen détaillé de certaines décisions de la Cour de l’Échiquier du Canada et du Conseil privé. Ces décisions ont été rendues sous le régime de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu. Dans ces décisions, les cours n’ont pas eu à examiner les compétences respectives de la Cour fédérale et celle de la Cour de l’impôt qui existent aujourd’hui.

[42] Quoi qu’il en soit, il convient de prendre note de deux décisions : Pure Spring Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1946] R.C. de l’É. 471, [1947] 1 D.L.R. 501 (une décision de la Cour de l’Échiquier), et Minister of National Revenue v. Wrights’ Canadian Ropes Ltd. (1946), [1947] A.C. 109, [1947] 1 D.L.R. 721 (un arrêt du Conseil privé).

[43] Dans ces deux affaires, les appels avaient été interjetés après que le ministre eut refusé d’autoriser la déduction d’une dépense en application de ce qui était à l’époque le paragraphe 6(2) de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu :

6(2) Le ministre est autorisé à rejeter toute dépense qu’il peut discrétionnairement déterminer comme excédant ce qui est raisonnable ou normal en ce qui concerne l’entreprise du contribuable, ou faite relativement à une opération ou affaire qui, à son avis, a indûment ou artificiellement réduit le revenu.

[44] Dans l’arrêt Pure Spring, le président Thorson a renvoyé à la décision antérieure qu’il avait rendue Nicholson Ltd. v. Minister of National Revenue, [1945] R.C. de l’É. 191, [1945] 4 D.L.R. 683, et il a résumé ses conclusions ainsi, aux pages 524 et 525 :

[traduction]

Après avoir examiné les dispositions de la Loi qui portent sur les appels, la Cour a conclu que l’appel prévu par la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu est un appel à l’égard non pas de toute décision du ministre, mais plutôt des cotisations que le ministre a établies dans l’exercice de ses fonctions en la matière; elle a aussi conclu que le droit d’appel devant la Cour prévu par la Loi ne comporte pas en soi de droit d’appel des décisions rendues par le ministre en application du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 6(2).

[45] Le président Thorson a ensuite renvoyé à un arrêt de la Cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud, qui avait été invoqué par l’avocat de Pure Spring et dans lequel cette cour s’était penchée sur un avis du commissaire et avait accueilli l’appel au motif qu’elle ne souscrivait pas à l’avis du commissaire.

[46] Cependant, comme l’a noté le président Thorson, la loi australienne prévoyait un droit d’appel non seulement à l’égard d’une cotisation, mais aussi des avis, décisions ou conclusions formulés par le commissaire en application de certaines dispositions (notamment celle en litige dans cette affaire), qu’ils soient ou non issus de l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au commissaire. Ce droit précis d’interjeter appel de toute décision sous-jacente n’existait pas dans le Loi de l’impôt de guerre sur le revenu de l’époque, pas plus qu’il n’existe dans la LIR actuelle.

[47] À la page 529, le président Thorson a réitéré sa conclusion selon laquelle il n’existait aucun droit d’interjeter appel d’une décision prise par le ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire :

[traduction]

À mon avis, il ne fait aucun doute que la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, telle qu’elle est libellée, ne confère aucun droit d’interjeter appel devant la Cour d’une décision rendue par le ministre dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère par le paragraphe 6(2).

[48] À l’inverse, dans une décision subséquente rendue par le Conseil privé, l’arrêt Wrights’ Ropes, le Conseil privé a substitué son avis à celui du ministre. Le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser certains montants déclarés à titre de commissions. Le Conseil privé a examiné le libellé du paragraphe 6(2) de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu et le droit d’appel auprès de la Cour de l’Échiquier. Le Conseil privé a noté que, selon le paragraphe 6(2) de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, c’est au ministre qu’il incombait de juger de ce qui était raisonnable ou normal. Le Conseil privé a conclu que le droit d’appel auprès de la Cour de l’Échiquier devait être un droit véritable et donc que la Cour pouvait, sous réserve de certaines limites, faire le contrôle de la décision du ministre pour déterminer si celle-ci était appropriée.

[49] En se fondant sur les éléments de preuve qui avaient été présentés à la Cour, le Conseil privé a conclu que rien ne justifiait le refus du ministre. Lorsqu’il a déterminé les conditions de l’ordonnance qui serait rendue, le Conseil privé a renvoyé à la compétence inhérente de la Cour de rendre une ordonnance enjoignant au ministre d’établir une nouvelle cotisation qui accorderait la déduction demandée.

[50] Il semble que l’arrêt du Conseil privé étaye la conclusion de la juge de la Cour de l’impôt en l’espèce. Cela dit, cet arrêt a été rendu à l’égard d’un droit d’appel devant la Cour de l’Échiquier, et non d’un droit d’appel devant la Cour de l’impôt. La question en litige dans le présent appel porte sur la compétence de la Cour de l’impôt et de la Cour fédérale, et non sur celle de la Cour de l’Échiquier à l’égard d’appels interjetés sous le régime de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu.

D. La Loi sur l’assurance-emploi

[51] La juge de la Cour de l’impôt a renvoyé à des appels interjetés sous le régime de la Loi sur l’AE pour étayer sa conclusion selon laquelle l’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR relève de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt.

[52] Selon la Loi sur l’AE, si un employeur et un employé sont des personnes liées (au sens de la LIR), cet emploi ne sera pas un emploi assurable, sauf si le ministre « est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance » (alinéa 5(3)b)).

[53] La même disposition existait également dans la loi antérieure – la Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, sous-alinéa 3(2)c)(ii) (Loi sur l’AC).

[54] Par conséquent, le ministre avait, au titre de la Loi sur l’AC (et il a, au titre de la Loi sur l’AE), le pouvoir discrétionnaire de déterminer si l’emploi d’une personne donnée ayant un lien de dépendance avec son employeur était malgré tout assurable.

[55] La juge de la Cour de l’impôt a renvoyé à plusieurs arrêts de notre Cour concernant la portée de la compétence en appel de la Cour de l’impôt lorsque cette dernière doit à statuer sur un appel d’une décision rendue par le ministre au sujet l’assurabilité de certains emplois. La Cour de l’impôt a plus précisément cité le passage suivant, tiré du paragraphe 18 de l’arrêt Tignish Auto Parts Inc. c. Ministre du Revenu national, [1994] A.C.F. no 1130 (QL) (C.A.F.) :

Une fois que la Cour de l’impôt a statué que le règlement du ministre ne peut être confirmé, le pouvoir de « modification » qu’il tire du paragraphe 70(2) de la Loi implique qu’il peut exercer pleinement les pouvoirs qui sont conférés au ministre par la Loi. À mon avis, il n’y a pas de raison d’établir ici une distinction entre une décision quasi-judiciaire rendue par le ministre […] et une décision discrétionnaire […]

[Souligné par la juge de la Cour de l’impôt.]

[56] L’arrêt Tignish Auto Parts a été tranché sous le régime de la Loi sur l’AC. Toutes les autres affaires auxquelles a renvoyé la juge de la Cour de l’impôt (à l’exception de l’arrêt Valente c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CAF 132) relevaient également de la Loi sur l’AC. L’arrêt Valente est une brève décision d’un seul paragraphe de notre Cour, qui renvoie à des décisions antérieures rendues sous le régime de Loi sur l’AC. Il existe également d’autres arrêts de notre Cour qui ont été rendus sous le régime de la Loi sur l’AE (auxquels la juge de la Cour de l’impôt n’a pas renvoyé), mais qui demeurent fondés sur des décisions rendues sous le régime de la Loi sur l’AC (voir, par exemple, Bélanger c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CAF 455, Quigley Electric Ltd. c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CAF 461, et Denis c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 26).

[57] Comme la juge de la Cour de l’impôt s’est fondée sur l’arrêt Tignish Auto Parts pour affirmer que la Cour de l’impôt pourrait modifier la décision rendue par le ministre quant à l’assurabilité d’un emploi occupé par une personne liée, les dispositions applicables de la Loi sur l’AC seront examinées et comparées aux dispositions de la LIR qui énoncent les droits d’appel devant la Cour de l’impôt et les pouvoirs que confère à cette dernière la LIR.

[58] L’article 61 de la Loi sur l’AC portait sur le règlement de questions relevant de cette loi. Les paragraphes 61(1), (3) et (6) plus précisément étaient libellés ainsi :

61 (1) Lorsque se pose, en vertu de la présente loi, la question de savoir si une personne doit verser une cotisation ouvrière ou patronale ou quel devrait être le montant d’une telle cotisation, au cours d’une année ::

61 (1) Where any question arises under this Act as to whether a person is required to make a payment of an employee’s premium, or an employer’s premium, or as to the amount of any such premium, in a year,

a) la personne intéressée peut, au plus tard le 30 avril de l’année suivante, demander au ministre de régler la question,

(a) the person concerned may, on or before April 30 in the immediately following year, apply to the Minister to determine the question; or

b) le ministre peut, de sa propre initiative, régler la question à n’importe quel moment.

(b) the Minister on his own initiative may at any time determine the question.

[…]

(3) Dans le cas d’une demande de prestations faite en vertu de la présente loi, la Commission peut demander au ministre de déterminer les points suivants :

(3) Where there arises in relation to a claim for benefit under this Act any question concerning

a) le fait qu’il y a ou qu’il y a eu exercice d’un emploi assurable;

(a) whether a person is or was employed in insurable employment,

[…]

L’employé en cause, ou l’employeur — effectif ou présenté comme tel — de celui-ci, peut aussi, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où la décision de la Commission lui a été notifiée, présenter les mêmes demandes au ministre.

an application to the Minister for determination of the question may be made by the Commission at any time and by that person or the employer or purported employer of that person within ninety days after being notified of the decision of the Commission.

[…]

(6) À la suite d’une demande faite en vertu du présent article, le ministre doit, avec toute la diligence voulue, soit régler la question soulevée par la demande, soit annuler, confirmer ou modifier l’évaluation, ou la réviser, et notifier le résultat à toute personne concernée.

(6) On an application or an appeal under this section, the Minister shall, with all due despatch, determine the question raised by the application or vacate, confirm or vary the assessment, or reassess, and he shall thereupon notify any person affected.

[59] La question de l’assurabilité d’un emploi pouvait se poser soit indirectement en application de l’alinéa 61(1)a), en lien avec la question de savoir si l’employeur ou l’employé était tenu de verser la cotisation applicable, soit directement en vertu de l’alinéa 61(3)a). Dans un cas comme dans l’autre, la question devait être tranchée par le ministre. Pour déterminer si l’emploi d’une personne embauchée par une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance était un emploi assurable, le ministre devait être convaincu, après avoir tenu compte de toutes les circonstances, que ces personnes auraient conclu un contrat de travail semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[60] La décision du ministre aurait été susceptible d’appel devant la Cour de l’impôt en vertu de l’article 70 de la Loi sur l’AC :

70 (1) La Commission ou une personne que concerne le règlement d’une question par le ministre ou une décision sur appel au ministre, en vertu de l’article 61, peut, dans les quatre-vingt-dix jours de la communication du règlement ou de la décision ou dans le délai supplémentaire que peut accorder la Cour canadienne de l’impôt sur demande à elle présentée dans ces quatre-vingt-dix jours, interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt de la manière prescrite.

70 (1) The Commission or a person affected by a determination by, or a decision on an appeal to, the Minister under section 61 may, within ninety days after the determination or decision is communicated to him, or within such longer time as the Tax Court of Canada on application made to it within those ninety days may allow, appeal from the determination or decision to that Court in the manner prescribed.

[…]

(2) Sur appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l'impôt peut infirmer, confirmer ou modifier le règlement de la question, peut annuler, confirmer ou modifier l'évaluation ou peut renvoyer l'affaire au ministre pour qu'il l'étudie de nouveau et fasse une nouvelle évaluation; dès lors, elle est tenue de notifier par écrit sa décision et ses motifs aux parties à l'appel.

(2) On an appeal under this section, the Tax Court of Canada may reverse, affirm or vary the determination, may vacate, confirm or vary the assessment or may refer the matter back to the Minister for reconsideration and reassessment, and shall thereupon in writing notify the parties to the appeal of its decision and the reasons therefor.

[61] Parmi les mesures de redressement à la disposition de la Cour de l’impôt figurait celle de modifier la décision du ministre rendue en vertu de l’article 61 de la Loi sur l’AC. Elle comprenait vraisemblablement le droit de modifier la décision du ministre quant à l’assurabilité de l’emploi, ce qui, dans le cas de personnes liées, aurait notamment visé le règlement de la question de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, ces personnes auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[62] À l’inverse, selon la LIR, le droit d’appel conféré par l’article 169 de la LIR est le droit d’interjeter « appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation ». Les seules mesures que la Cour de l’impôt peut accorder aux termes de l’article 171 de la LIR sont celles d’annuler ou de modifier la cotisation, ou de la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Ainsi qu’il est indiqué plus loin, la cotisation est le produit du processus qui consiste à déterminer l’obligation fiscale du contribuable sous le régime de la LIR, et non le processus en soi. Comme nous le verrons plus loin, les pouvoirs qui sont conférés à la Cour de l’impôt par la LIR ne comprendraient pas le pouvoir de modifier l’avis du ministre ou d’enjoindre au ministre de formuler un avis donné en application du paragraphe 247(10) de la LIR.

[63] Par conséquent, les décisions rendues sous le régime de la Loi sur l’AC n’étayent pas la conclusion voulant que la Cour de l’impôt puisse faire le contrôle d’un avis (puis, s’il y a lieu, l’annuler ou le modifier) formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR.

E. Les mesures pouvant être accordées par la Cour de l’impôt et la Cour fédérale respectivement

[64] Je suis d’avis que l’issue du présent appel repose sur les mesures différentes que peuvent accorder la Cour de l’impôt et la Cour fédérale. À la fin de ses motifs, la juge de la Cour de l’impôt a formulé les observations suivantes :

[213] La LIR prévoit un droit d’appel à l’encontre des cotisations. Lorsqu’une cotisation fait l’objet d’un appel, ce dernier peut-il être accueilli au motif que le ministre n’a pas correctement exercé son pouvoir en application du paragraphe 247(10) de la LIR? Je conclus que la réponse est oui. Si le ministre n’a pas du tout exercé son pouvoir discrétionnaire ou s’il l’a exercé en appliquant des principes erronés, on ne peut pas dire que la cotisation est exacte. L’examen de l’exactitude d’une cotisation relève de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt.

[214] Cette conclusion est conforme à la jurisprudence sur la portée de la compétence en appel lorsque l’appel vise une cotisation. Elle s’accorde aussi avec le fait qu’il est souhaitable d’éviter des instances parallèles devant la Cour de l’impôt et la Cour fédérale. La Cour de l’impôt examinera toutes les contestations de l’exactitude des cotisations établies après l’application des dispositions relatives aux prix de transfert, dont la question de savoir si les conditions de leur application sont remplies, le montant des redressements, l’assujettissement aux pénalités et la question de savoir si le ministre a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire. Une fois que la Cour de l’impôt décide d’accueillir un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation au motif que le ministre n’a pas correctement exercé son pouvoir discrétionnaire, elle dispose, par les pouvoirs que lui confère l’article 171 de la LIR, des mesures de redressement pertinentes.

[Renvoi omis.]

[65] La juge de la Cour de l’impôt a conclu que la Cour de l’impôt pouvait faire le contrôle de l’avis du ministre et que, si elle devait conclure que cet avis n’était pas valide (selon la norme de contrôle applicable), elle pourrait alors accorder les mesures prévues à l’article 171 de la LIR, que la juge de la Cour de l’impôt a appelées les « mesures de redressement pertinentes ».

[66] Cependant, les mesures de redressement dont dispose la Cour de l’impôt pourraient ne pas convenir. En l’espèce, l’objectif ultime de Dow est de faire établir une nouvelle cotisation qui inclut une réduction de ses revenus correspondant au redressement à la baisse demandé. La question est de savoir quelles sont les mesures qui permettent que soit atteint cet objectif, à supposer que Dow parvienne à établir que les circonstances justifient ce résultat en l’espèce.

[67] Les parties sont d’accord que le paragraphe 247(10) de la LIR est unique. Ce paragraphe impose une condition au redressement qui serait par ailleurs d’application obligatoire au titre du paragraphe 247(2) de la LIR si ce redressement a pour effet de réduire les revenus du contribuable. Ce redressement à la baisse des revenus du contribuable ne peut être effectué que « si le ministre estime que les circonstances le justifient ». On impose donc la condition que le ministre formule un avis avant que le redressement puisse être effectué.

[68] Puisqu’un redressement à la baisse ne peut être effectué au titre du paragraphe 247(2) de la LIR que si le ministre a formulé l’avis approprié, il s’ensuit que, dans les cas suivants :

  • (a)aucun avis n’est formulé;

  • (b)le ministre est d’avis que les circonstances ne justifient pas le redressement;

il n’y aurait pas de redressement à la baisse. La seule condition qui permette à Dow d’obtenir un redressement à la baisse de ses revenus est un avis favorable du ministre selon lequel les circonstances justifient un tel redressement.

[69] Selon le paragraphe 171(1) de la LIR, seules trois possibilités s’offrent à la Cour de l’impôt si elle accueille l’appel :

  • (a)annuler la cotisation;

  • (b)modifier la cotisation;

  • (c)déférer la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

[70] La nouvelle cotisation qui fait l’objet de l’appel comprend divers redressements apportés aux revenus de Dow. Cependant, pour les besoins de la question posée en vertu de l’article 58 des Règles en l’espèce, seul le redressement à la baisse compte. L’annulation de la totalité de la nouvelle cotisation (laquelle pourrait comprendre d’autres redressements valides), pour trancher la question de ce seul redressement à la baisse n’est pas une solution valable.

[71] Les seules mesures qui méritent d’être prises en compte sont le droit de modifier la cotisation ou de la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

(1) L’avis du ministre n’est pas une cotisation.

[72] Les mesures de redressement s’appliquent à la cotisation. Dans l’arrêt Main Rehabilitation Co. c. Canada, 2004 CAF 403, notre Cour a décrit ce sur quoi la Cour de l’impôt se prononce dans les appels dont elle est saisie :

[8] Il en est ainsi parce que l’appel interjeté sur le fondement de l’article 169 met en cause la validité de la cotisation et non du processus ayant conduit à l’établir (voir à titre d’exemple Canada c. The Consumers’ Gas Company Ltd., 87 D.T.C. 5008 (C.A.F.), à la page 5012). Autrement dit, il ne s’agit pas de déterminer si les fonctionnaires de l’ADRC ont correctement exercé leurs pouvoirs, mais plutôt de déterminer si les montants pouvaient valablement être cotisés sous le régime de la Loi (Ludco Enterprises Ltd. c. R., [1996] 3 C.T.C. 74 (C.A.F.), à la page 84).

[73] Dans l’arrêt Main Rehabilitation, le contribuable soutenait dans son acte de procédure que la cotisation devait être suspendue parce qu’elle constituait un abus de procédure en raison d’une vérification prétendument entachée de vice qui avait été effectuée par ce qui était à l’époque l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Le paragraphe 247(10) de la LIR n’était pas en cause dans l’arrêt Main Rehabilitation. Par conséquent, les observations sur la question de savoir si les fonctionnaires de l’ADRC avaient correctement exercé leurs pouvoirs ne s’appliquent pas nécessairement à l’exercice par le ministre de son pouvoir de formuler l’avis visé au paragraphe 247(10) de la LIR.

[74] Dans un arrêt subséquent, Canada c. Anchor Pointe Energy ltd., 2007 CAF 188, aux paragraphes 32 et 33, notre Cour a conclu que ce qui fait l’objet des appels devant la Cour de l’impôt est le produit du processus de détermination de l’obligation fiscale du contribuable sous le régime de la LIR, et non le processus en soi.

[75] Pour calculer le montant de l’impôt que Dow devait payer pour son année d’imposition 2006, il faut d’abord déterminer le revenu imposable pour cette année-là, puisque l’impôt à payer est basé sur le revenu imposable (paragraphe 123(1) de la LIR). Accepter ou non le redressement à la baisse aura une incidence directe sur le revenu imposable de Dow et, donc, sur son obligation fiscale. C’est toutefois au ministre que le législateur a confié la responsabilité de déterminer si les circonstances justifient qu’un redressement à la baisse soit effectué. L’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR est une décision distincte du ministre, qui empêche toute réduction du revenu à moins que le ministre n’estime que les circonstances justifient le redressement à la baisse. Pour que la Cour de l’impôt modifie ou annule le produit de la cotisation, c’est-à-dire le montant de l’impôt que Dow doit payer pour l’année 2006, il faudrait que l’avis rendu par le ministre soit modifié et qu’il devienne favorable à Dow.

[76] Cette condition qu’un avis favorable ait été rendu avant qu’un redressement à la baisse puisse être effectué est ce qui distingue cette disposition d’autres dispositions de la LIR qui permettent que des sommes déclarées par le contribuable fassent l’objet d’un redressement pour qu’elles soient fixées à des montants raisonnables dans les circonstances. Par exemple, l’article 67 de la LIR limite la déduction de dépenses à celles qui sont « raisonnable[s] dans les circonstances ». Comme la limite énoncée à l’article 67 de la LIR est fondée sur ce qui est raisonnable dans les circonstances (et non sur ce qui, de l’avis du ministre, est raisonnable dans les circonstances), il revient à la Cour de l’impôt de trancher la question de savoir ce qui est raisonnable dans les circonstances lorsqu’elle est saisie d’un appel d’une cotisation où les montants déclarés par le contribuable ont fait l’objet d’un redressement au titre de l’article 67 de la LIR.

[77] À mon avis, les mesures que peut accorder la Cour de l’impôt en vertu du paragraphe 171(1) de la LIR n’incluent pas le pouvoir de modifier ou d’annuler l’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR. La Cour de l’impôt peut uniquement annuler ou modifier la cotisation ou la déférer au ministre. L’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR n’est pas une cotisation, même s’il aura une incidence sur la cotisation. La Cour de l’impôt n’a pas le pouvoir qui est conféré à la Cour fédérale par le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales d’annuler une décision du ministre sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

(2) La compétence inhérente et la compétence implicite

[78] Comme la Cour de l’impôt n’a pas le pouvoir explicite de modifier ou d’annuler l’avis du ministre, ce pouvoir, si elle l’a, doit être implicite.

[79] Dans l’arrêt Windsor (City) c. Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, au paragraphe 33, la Cour suprême du Canada a conclu que la Cour fédérale ne possède pas de compétence inhérente, mais qu’elle possède uniquement la compétence qui lui est conférée par sa loi constitutive. Puisque la Cour de l’impôt est également une cour d’origine législative, cette conclusion s’applique aussi à elle. Par conséquent, la Cour de l’impôt ne possède aucune compétence inhérente qui lui permettrait de modifier ou d’annuler l’avis du ministre.

[80] Bien que la Cour de l’impôt n’ait pas de compétence inhérente, elle possède une compétence implicite par déduction nécessaire. Dans l’arrêt R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, au paragraphe 19, la Cour suprême du Canada a confirmé que les cours d’origine législative possèdent une compétence implicite par déduction nécessaire pour qu’elles puissent exercer leurs fonctions judiciaires. Comme la Cour de l’impôt est une cour d’origine législative, elle possède elle aussi cette compétence implicite. Par conséquent, « sont compris dans les pouvoirs conférés par la loi habilitante non seulement ceux qui y sont expressément énoncés, mais aussi, par déduction, tous ceux qui sont de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif » (ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, par. 51).

[81] Toutefois, j’estime que le pouvoir que le législateur a conféré à la Cour de l’impôt de juger l’exactitude d’une cotisation ne comprend pas, par déduction, le pouvoir de modifier ou d’annuler un avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR. La seule compétence qui est conférée à la Cour de l’impôt par la LIR est celle d’ordonner des mesures ayant une incidence directe sur la cotisation. La Cour de l’impôt peut annuler ou modifier une cotisation, ou la déférer au ministre. Ces mesures s’appliquent uniquement à la cotisation.

[82] Il n’est pas non plus nécessaire que la Cour de l’impôt ait le pouvoir d’annuler un avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR, puisque la Cour fédérale possède le pouvoir d’annuler une décision du ministre en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales. Même s’il est peut-être plus pratique que la Cour de l’impôt ait le pouvoir d’annuler l’avis du ministre (puisque c’est la Cour de l’impôt qui sera saisie de l’appel de la cotisation qui serait modifiée si l’avis était modifié et devenait favorable), il n’est pas nécessaire qu’elle ait ce pouvoir.

(3) La Cour de l’impôt peut-elle déférer une cotisation au ministre sans annuler l’avis du ministre?

[83] Puisque le législateur a délégué au ministre le pouvoir de formuler cet avis, c’est le ministre qui a compétence en la matière. Le législateur a choisi de confier au ministre, et non à la Cour de l’impôt, la responsabilité de déterminer si les circonstances justifient un redressement à la baisse. Par conséquent, la validité de l’avis est une question qui relève davantage d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, laquelle a le pouvoir d’annuler l’avis si elle le juge nécessaire.

[84] Puisque la Cour de l’impôt n’a pas le pouvoir d’annuler l’avis formulé en application du paragraphe 247(10) de la LIR, cet avis demeurera valide, à moins qu’il ne soit annulé par la Cour fédérale sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire (Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, p. 583 et 584, 1979 CanLII 18).

[85] Dans les arrêts Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, et Canada (Procureur général) c. McArthur, 2010 CSC 63, la Cour suprême du Canada a reconnu que la Cour supérieure de justice de l’Ontario ne pouvait pas annuler la décision d’un tribunal fédéral. La Cour suprême a toutefois conclu que la Cour supérieure de justice de l’Ontario pouvait entendre une action en dommages-intérêts découlant d’une décision d’un tribunal fédéral, sans que cette décision soit d’abord annulée par la Cour fédérale.

[86] Cependant, dans les arrêts TeleZone et McArthur, les demandeurs ne sollicitaient pas l’annulation de la décision du tribunal fédéral en cause. Comme l’a observé la Cour suprême au paragraphe 79, les « causes d’action contractuelles, délictuelles et en equity [de TeleZone] sont fondées sur le caractère définitif de cette décision ». Dans l’arrêt McArthur, même si la validité de la décision plaçant M. McArthur en isolement cellulaire avait été un élément pertinent dans sa demande de dommages-intérêts, celui-ci ne demandait pas l’annulation de cette décision puisqu’il avait terminé de purger sa peine d’emprisonnement lorsqu’il a intenté son action.

[87] En l’espèce, l’élément qui empêche l’établissement d’une nouvelle cotisation dans laquelle serait appliqué un redressement à la baisse des revenus de Dow est l’absence d’avis favorable du ministre au titre du paragraphe 247(10) de la LIR. Même si la Cour de l’impôt pouvait examiner l’avis sans l’annuler, puisque l’avis formulé demeurerait en vigueur (et donc qu’il n’existerait pas d’avis du ministre selon lequel les circonstances justifieraient le redressement à la baisse), pour quels motifs pourrait-on déférer la cotisation au ministre? Faute d’avis du ministre indiquant qu’il est justifié d’effectuer le redressement à la baisse, la cotisation (qui ne tient pas compte de ce redressement à la baisse) est exacte.

(4) Le verdict imposé

[88] Il existe une autre mesure qu’il convient d’examiner, mais qui ne peut être appliquée que par la Cour fédérale : le pouvoir de rendre un verdict imposé, c’est-à-dire de substituer son avis à celui du ministre.

[89] S’il devait s’avérer que la présente affaire est l’une de ces rares affaires où, au bout du compte, la cour devrait rendre un verdict imposé (quoique rien dans le dossier ne donne à penser que c’est le cas ou que ça puisse être le cas), le pouvoir de rendre un tel verdict s’inscrit dans le droit général applicable aux mandamus (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. LeBon, 2013 CAF 55, par. 13). La Cour fédérale, en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, a compétence exclusive pour décerner des brefs de mandamus. La Cour de l’impôt ne peut pas prononcer d’ordonnance mandatoire (mandamus) enjoignant au ministre de formuler un avis favorable en application du paragraphe 247(10) de la LIR pour qu’il y ait redressement à la baisse des revenus de Dow pour son année d’imposition 2006.

(5) Conclusion sur les mesures de redressement

[90] Comme l’a noté le juge Stratas dans l’arrêt Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée à la Cour fédérale si cette dernière peut accorder la mesure qui est demandée (ce qui inclurait le bref de mandamus). La mesure demandée dans le présent appel comporte deux volets – qu’un avis favorable soit rendu quant au redressement à la baisse demandé et qu’une nouvelle cotisation tenant compte de ce redressement à la baisse soit établie.

[91] Étant donné que :

  • (a)la Cour fédérale est la seule cour qui peut annuler l’avis du ministre et, s’il y a lieu, enjoindre au ministre de formuler l’avis indiquant que les circonstances justifient une réduction des revenus de Dow d’une somme correspondant au redressement à la baisse;

  • (b)la Cour de l’impôt est la seule cour qui peut modifier une cotisation ou la déférer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation;

les mesures pouvant être accordées par ces deux cours pourraient être nécessaires pour que Dow obtienne ce qu’elle demande.

[92] Par conséquent, l’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR ne relève pas de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt.

V. L’appel incident

[93] Dans l’appel incident, Dow demande que l’ordonnance prononcée par la Cour de l’impôt soit modifiée. Dow demande qu’il soit établi que l’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR relève de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt :

a. si la cotisation découlant de cette décision a fait l’objet d’un appel en bonne et due forme devant la Cour de l’impôt;

b. si aucune cotisation ne résulte de cette décision, au motif que les termes « cotisation » et « avis de cotisation » aux articles 165 et 166.1 à 167 à la partie J de la LIR visent la « décision rendue par le ministre en application du paragraphe 247(10) », conformément au paragraphe 247(11) de la LIR.

[94] Comme Dow a fait appel devant la Cour de l’impôt de la cotisation établie pour son année d’imposition 2006, elle demande, dans l’appel incident, que la conclusion de la Cour de l’impôt s’applique à plus de situations, notamment celle y exposée à l’alinéa b) ci-dessus, qui ne figurait pas dans les faits présentés à la Cour de l’impôt.

[95] L’article 58 des Règles vise à permettre à la Cour de l’impôt de trancher des questions qui « pourrai[ent] régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement celle-ci ou résulter en une économie substantielle de frais ». Il n’est pas censé servir à poser des questions hypothétiques qui ne découlent pas des faits qui ont été présentés à la Cour. Puisque l’appel incident soulève uniquement une question hypothétique qui n’est pas fondée sur les faits présentés à la Cour, je suis d’avis qu’il ne s’agit pas d’un appel incident recevable.

[96] Quoi qu’il en soit, comme j’ai conclu que l’avis formulé par le ministre en application du paragraphe 247(10) de la LIR ne relève pas de la compétence exclusive de la Cour de l’impôt, la modification demandée est théorique.

VI. Conclusion

[97] Par conséquent, j’accueillerais l’appel et je rejetterais l’appel incident. J’annulerais l’ordonnance prononcée par la Cour de l’impôt. Rendant l’ordonnance que la Cour de l’impôt aurait dû rendre, je répondrais par la négative à la question posée par les parties. J’adjugerais à la Couronne les dépens relatifs au présent appel, mais je n’adjugerais aucuns dépens relativement à l’instance introduite devant la Cour de l’impôt en vertu de l’article 58 des Règles.

« Wyman W. Webb »

j.c.a

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

DATÉE DU 18 DÉCEMBRE 2020, RÉFÉRENCE NO 2020 CCI 139

DOSSIER :

A-318-20

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. DOW CHEMICAL CANADA ULC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 février 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

DATE DES MOTIFS :

Le 26 avril 2022

COMPARUTIONS :

Samantha Hurst

Aleksandrs Zemdegs

Jesse Epp-Fransen

Pour l’appelante

Daniel Sandler

Osnat Nemetz

Laura Jochimski

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

POUR L’APPELANTE

EY Cabinet d’avocats s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

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