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Date : 20220331


Dossier : A-296-20

Référence : 2022 CAF 57

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

WESTCOAST ENERGY INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 31 mars 2022.

Jugement rendu à l’audience à Calgary (Alberta), le 31 mars 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR:

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20220331


Dossier : A-296-20

Référence : 2022 CAF 57

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

ENTRE :

WESTCOAST ENERGY INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Calgary (Alberta), le 31 mars 2022).

LE JUGE STRATAS

[1] Au cours des années d’imposition 2011 à 2015, l’appelante a remboursé des employés et leurs familles pour des services d’acupuncture, de massothérapie, de naturopathie et d’homéopathie. Aux fins de la taxe sur les produits et services, l’appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants pour ces remboursements au titre de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 [la Loi]. Le ministre a rejeté la demande. L’appelante a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

[2] Selon le juge Sommerfeldt de la Cour de l’impôt, l’appelante n’a pas « acquis » ces services au sens du paragraphe 169(1) de la Loi et n’est pas non plus un « acquéreur » de ces services au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. La Cour de l’impôt a rejeté l’appel : 2020 CCI 116. L’appelante interjette appel de cette décision devant la Cour.

[3] Devant notre Cour, l’appelante ne conteste pas ces conclusions. Elle affirme plutôt que le paragraphe 175(1) de la Loi lui permet de demander des crédits de taxe sur les intrants. Aux termes de cette disposition, un employeur est réputé avoir acquis un bien ou un service si un employé acquiert le produit ou le service « pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités [de l’employeur] ». Pour appuyer cette thèse, l’appelante invoque également le sous-alinéa 170(1)b)(ii) de la Loi. Dans certaines circonstances, cette disposition permet à un contribuable de demander des crédits de taxe sur les intrants lorsqu’un bien ou un service est fourni « exclusivement pour la consommation ou l’utilisation personnelles » des employés.

[4] L’arrêt de la Cour ExxonMobil Canada Ltd. c. Canada, 2010 CAF 1, [2010] A.C.F. no 14 (QL), répond aux prétentions de l’appelante et dicte l’issue du présent appel.

[5] Nous devons suivre les décisions antérieures de la Cour à moins qu’elles puissent être distinguées ou qu’elles ne soient « manifestement erronées » au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, [2002] A.C.F. no 1375 (QL). Même si, au cours de sa plaidoirie, l’appelante s’est dite préoccupée par certains aspects des motifs exposés aux paragraphes 37 à 43 de l’arrêt ExxonMobil, il ne s’ensuit pas que ce jugement est manifestement erroné. Si les motifs énoncés aux paragraphes 37 à 43 de l’arrêt ExxonMobil nécessitent des précisions, comme l’affirme l’appelante, il est préférable d’attendre une affaire qui requiert, selon les faits, que l’on réexamine la question. Ainsi, la seule question est de savoir si l’arrêt ExxonMobil s’applique en l’espèce et justifie le rejet de la demande de crédits de taxe sur les intrants présentée par l’appelante.

[6] Dans l’arrêt ExxonMobil, notre Cour a conclu (au paragraphe 50), sur le fondement de l’article 174 de la Loi – et non de l’article 175 en jeu en l’espèce – que « les biens ou services que l’employeur destine à l’utilisation personnelle exclusive des employés et qui se prêtent à une telle utilisation n’ont aucun rapport avec les activités de l’employeur ». Si un bien ou un service « n’[a] aucun rapport avec les activités de l’employeur », il ne peut manifestement être « pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités [de l’employeur] ». Il ressort de ce qui précède que, si l’arrêt ExxonMobil porte sur l’article 175 et qu’un employeur rembourse un service ou un bien pour utilisation personnelle des employés, la présomption prévue au paragraphe 175(1) mentionnée au paragraphe 3 des présents motifs ne s’applique pas.

[7] Sur le plan juridique, la Cour de l’impôt a conclu (aux paragraphes 33 à 44) que le jugement ExxonMobil, qui porte sur l’article 174, s’appliquait également à l’article 175. Elle s’appuyait sur la similarité du libellé et, dans une certaine mesure, sur les rôles des articles 174 et 175. La Cour suprême a souligné que, dans l’interprétation des dispositions fiscales, le texte peut prédominer : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601. Nous souscrivons à la conclusion juridique de la Cour de l’impôt et à l’analyse la sous-tendant.

[8] Quant au sous-alinéa 170(1)b)(ii) de la Loi, notre Cour dans l’arrêt ExxonMobil a conclu (au paragraphe 37) que « [l]’article 170 porte sur les CTI que l’employeur peut demander relativement aux [avantages] en nature fourni[s] aux employés » [Non souligné dans l’original.] L’alinéa 170(1)b) ne s’applique que si un employeur acquiert d’abord un avantage exclusivement pour la consommation ou l’utilisation personnelles de ses employés. À cet égard, la Cour de l’impôt a suivi les prescriptions de la Cour dans l’arrêt ExxonMobil. Étant donné que l’appelante n’a pas acquis les services, elle ne pouvait pas les fournir en tant qu’avantage en nature.

[9] L’appelante n’affirme pas que l’arrêt ExxonMobil est manifestement erroné sur ce point. Nous considérons que l’analyse de la Cour de l’impôt à cet égard est irréprochable.

[10] Par conséquent, nous ne décelons aucune erreur de droit dans les motifs de la Cour de l’impôt.

[11] Le seul recours possible de l’appelante est de contester les conclusions de fait de la Cour de l’impôt et les conclusions mixtes de fait et de droit où les faits prédominent selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. Or, dans son mémoire des faits et du droit, l’appelante ne formule pas cet argument. Il s’agit d’une sage décision de sa part. Cet argument ne lui est pratiquement pas ouvert en l’espèce : il était loisible à la Cour de l’impôt de tirer les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit où les faits prédominent, qui justifient son jugement.

[12] Selon la Cour de l’impôt, les services, en raison de leur nature, étaient destinés à l’utilisation personnelle du particulier qui les recevait et l’appelante elle-même voulait que les services soient destinés exclusivement à l’utilisation personnelle de ses employés et des membres de leur famille. La Cour de l’impôt a conclu que les employés n’avaient pas acquis les services pour consommation ou utilisation dans le cadre de leurs activités professionnelles. Elle n’a pas conclu que l’employeur avait acquis les avantages des services de quelque façon que ce soit. Ainsi, la Cour canadienne de l’impôt a déterminé que le paragraphe 175(1) ne s’appliquait pas, au vu des faits de ce dossier. Nous ne constatons aucune erreur susceptible de révision dans cette décision.

[13] L’appelante a présenté des observations orales sur le sens du mot « utilisation » qui figure à l’article 173 de la Loi, observations qu’elle n’avait pas soulevées dans son mémoire des faits et du droit. Même si ces observations avaient été présentées à la Cour de l’impôt, cette dernière n’a pas jugé nécessaire de les examiner : ses conclusions de fait et son analyse globale étaient déterminantes pour l’appel dont elle était saisie. De même, l’appelante n’a attiré notre attention sur aucune conclusion de fait tirée par la Cour de l’impôt ni sur un élément du dossier de preuve qui appuierait ce nouvel argument.

[14] Par conséquent, nous rejetterons l’appel avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-296-20

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE SOMMERFELDT LE 28 OCTOBRE 2020, DOSSIER 2018-579(GST)I

INTITULÉ :

WESTCOAST ENERGY INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 mars 2022

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS

David Douglas Robertson

Scott Joly

POUR L’APPELANTE

Adam Pasichnyk

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

EY Cabinet d’avocats LLP

Calgary (Alberta)

POUR L’APPELANTE

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

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