Date : 20211115
Dossiers : A-260-20 (dossier principal)
A-261-20
A-262-20
Référence : 2021 CAF 218
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM :
|
LE JUGE WEBB
LA JUGE MACTAVISH
LE JUGE LEBLANC
|
ENTRE : |
MATHEW MCNEELEY, KENNETH CHAPMAN et
JOHN A. BAKER
|
appelants |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE |
intimée |
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 septembre 2021.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2021.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE WEBB |
Y ONT SOUSCRIT : |
LA JUGE MACTAVISH LE JUGE LEBLANC |
Date : 20211115
Dossiers : A-260-20 (dossier principal)
A-261-20
A-262-20
Référence : 2021 CAF 218
CORAM :
|
LE JUGE WEBB
LA JUGE MACTAVISH
LE JUGE LEBLANC
|
ENTRE : |
MATHEW MCNEELEY, KENNETH CHAPMAN et
JOHN A. BAKER
|
appelants |
et |
SA MAJESTÉ LA REINE |
intimée |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE WEBB
[1] Les présents appels découlent du fait que les appelants croyaient que les règles applicables à la distribution d’actions d’une fiducie aux employés d’une société seraient celles applicables aux fiducies visées au sens de l’article 4800.1 du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (le Règlement). Le ministre du Revenu national (le ministre) a toutefois établi une nouvelle cotisation à l’égard des appelants au motif que les règles applicables aux régimes de prestations aux employés au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) déterminaient les incidences fiscales découlant de la distribution d’actions par la fiducie.
[2] Les appels interjetés par les appelants à la Cour canadienne de l’impôt ont été rejetés (2020 CCI 90).
[3] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais les présents appels.
[4] Les présents appels ont été réunis, l’appel dans le dossier A-260-20 étant l’appel principal. Les présents motifs s’appliqueront à tous les appels. La version originale des présents motifs sera versée au dossier A-260-20, et une copie sera versée dans chacun des autres dossiers.
I. Exposé des faits
[5] En 2005, Patricia Baker a donné 210 $ pour l’institution d’une fiducie nommée Desire2Learn Employee Stock Trust (la fiducie des employés de D2L). Les bénéficiaires de la fiducie des employés de D2L sont les employés de D2L Corporation (D2L). D2L a été fondée par le fils de Patricia Baker, John Baker, l’un des appelants. La fiducie des employés de D2L a fait l’acquisition de 2 950 actions ordinaires de catégorie B pour 10 $.
[6] La fiducie des employés de D2L a ensuite transféré les actions de D2L à D2L Holdings Inc. (société mère de D2L) pour les mêmes nombre et catégorie d’actions de la société mère de D2L. Lors de la fusion de la société mère de D2L avec une société à numéro, la fiducie des employés de D2L a acquis 3 705 344 actions ordinaires de catégorie B sans droit de vote de la société issue de la fusion, qui a conservé le nom de D2L Holdings Inc.
[7] Le même jour que celui de la fusion, la fiducie des employés de D2L a distribué 3 356 415 de ses actions à divers bénéficiaires. Plus précisément, 2 317 109 actions ont été distribuées à John Baker et 71 772,18 actions ont été distribuées à Kenneth Chapman. Plus tard en 2012, la fiducie des employés de D2L a distribué le reste de ses 348 929 actions à 227 bénéficiaires, dont 707,66 actions à Mathew McNeeley et 50 384,96 actions à John Baker. La juste valeur marchande des actions au moment de la première et de la seconde distribution était de 8,415 $ l’action.
[8] La fiducie des employés de D2L et les bénéficiaires ont tenu pour acquis qu’aux fins de la Loi, la fiducie des employés de D2L était une fiducie visée au sens de l’article 4800.1 du Règlement et qu’elle serait une fiducie pour l’application de l’article 107 de la Loi. La fiducie des employés de D2L a exercé le choix prévu au paragraphe 107(2.001) de la Loi en ce qui concerne les distributions aux bénéficiaires (à l’exception de la première distribution à John Baker). Par conséquent, à l’exception de la première distribution d’actions à John Baker, la fiducie des employés de D2L et ses bénéficiaires ont produit leurs déclarations de revenus en partant du principe que le paragraphe 107(2.1) de la Loi s’appliquait aux distributions d’actions aux bénéficiaires.
[9] En tenant pour acquis que le paragraphe 107(2.1) de la Loi s’appliquait, la fiducie des employés de D2L a déclaré un gain en capital découlant de la disposition réputée des actions d’une somme égale à la différence entre la juste valeur marchande et le prix de base rajusté de ces actions. Le gain en capital imposable représentait la moitié du gain en capital. La fiducie des employés de D2L a réparti ces gains en capital imposables entre les bénéficiaires.
[10] Lors de la première distribution d’actions à John Baker, la fiducie des employés de D2L et John Baker ont produit leurs déclarations de revenus en partant du principe que le paragraphe 107(2) de la Loi s’appliquait, soit que la fiducie des employés de D2L était réputée avoir disposé de ces actions pour une somme égale au prix de base rajusté de ces actions à la fiducie des employés de D2L, et John Baker était réputé avoir acquis ces actions au même prix.
[11] Mathew McNeeley et Kenneth Chapman ont vendu leurs actions à une société à numéro appartenant à John Baker. John Baker a transféré les actions qu’il a reçues lors de la première distribution à une société à numéro en échange des actions de cette société, et a exercé le choix prévu au paragraphe 85(1) de la Loi, optant pour le produit de disposition égal au prix de base rajusté de ces actions. John Baker a vendu les actions qu’il a reçues lors de la seconde distribution à la société à numéro. Comme la fiducie des employés de D2L a reconnu le gain en capital provenant de la seconde distribution des actions à John Baker, son prix de base rajusté de ces actions était égal à leur juste valeur marchande.
[12] Le résultat final de ces distributions et de ces choix, aux fins de la Loi, était le suivant :
(a)Mathew McNeeley a déclaré un gain en capital imposable représentant la moitié de l’excédent de la juste valeur marchande des actions qui lui ont été distribuées sur le prix de base rajusté de ces actions, et il a demandé une déduction correspondante pour gains en capital conformément au paragraphe 110.6(2.1) de la Loi;
(b)Kenneth Chapman a déclaré un gain en capital imposable représentant la moitié de l’excédent de la juste valeur marchande des actions qui lui ont été distribuées sur le prix de base rajusté de ces actions, et il a demandé une déduction correspondante pour gains en capital conformément au paragraphe 110.6(2.1) de la Loi; et
(c)John Baker n’a inclus aucune somme dans son revenu par suite de la première distribution d’actions qui lui a été faite et du transfert de ces actions à sa société à numéro, et il a déclaré un gain en capital imposable égal au gain en capital imposable réalisé par la fiducie des employés de D2L relativement à la seconde distribution d’actions qui lui a été faite.
[13] Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard des appelants afin d’annuler le gain en capital imposable que chaque appelant avait déclaré, et d’inclure dans le revenu de chaque appelant une somme égale à la juste valeur marchande des actions qui leur ont été distribuées, au motif que les distributions de ces actions étaient des paiements reçus dans le cadre d’un régime de prestations aux employés. Dans le cas de John Baker, le ministre a inclus dans son revenu une somme pour les actions qui lui ont été distribuées lors de la première et seconde distribution.
[14] Les appelants ont déposé des avis d’opposition, puis ils ont interjeté des appels à la Cour canadienne de l’impôt.
II. Décision de la Cour canadienne de l’impôt
[15] Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la fiducie des employés de D2L était un régime de prestations aux employés au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. Cette conclusion l’a amené à conclure que, puisque la fiducie des employés de D2L était un régime de prestations aux employés, elle ne pouvait pas être également une fiducie visée au sens de l’article 4800.1 du Règlement. Par conséquent, les règles relatives aux paiements reçus dans le cadre de régimes de prestations aux employés s’appliquaient pour déterminer les sommes à inclure dans le revenu des appelants.
[16] John Baker a soulevé un autre argument selon lequel les distributions d’actions qui lui ont été faites ne devaient pas être considérées comme des distributions dans le cadre d’un régime de prestations aux employés parce qu’il n’avait pas reçu ces actions à titre d’employé de D2L. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il était possible qu’une distribution se fasse dans le cadre d’un régime de prestations aux employés dont les avantages ne seraient pas inclus dans le revenu en vertu de l’alinéa 6(1)g) de la Loi, mais que John Baker n’avait pas établi qu’il avait reçu les actions autrement qu’à titre d’employé.
[17] Par conséquent, les appels ont été rejetés.
III. Dispositions législatives et réglementaires pertinentes
[18] Les principales dispositions législatives dont il sera question dans les présents motifs sont l’alinéa 6(1)g), les paragraphes 107(2), (2.001) et (2.1) de la Loi, la définition du terme « fiducie »
au paragraphe 108(1) de la Loi ainsi que la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
au paragraphe 248(1) de la Loi. Je me reporterai également à l’article 4800.1 du Règlement. Ces dispositions sont reproduites dans l’annexe aux présents motifs.
IV. Questions en litige et norme de contrôle
[19] La principale question en litige dans les présents appels est de savoir si les dispositions de la Loi sur les régimes de prestations aux employés s’appliqueront à la fiducie des employés de D2L et aux appelants, ou si les règles relatives à l’imposition d’une fiducie visée s’appliqueront.
[20] D’autres questions en litige sont soulevées en ce qui concerne John Baker :
a)les règles relatives aux régimes de prestations aux employés prévoient-elles qu’un paiement précis fait dans le cadre d’un tel mécanisme puisse ne pas être inclus dans le revenu en vertu de l’alinéa 6(1)g) de la Loi?
b)dans l’affirmative, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a-t-il commis une erreur en concluant que John Baker n’avait pas satisfait aux exigences relatives aux distributions d’actions qui lui ont été faites pour que les paiements en découlant ne soient pas inclus dans son revenu en vertu de l’alinéa 6(1)g) de la Loi?
[21] L’interprétation des dispositions législatives est une question de droit à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision correcte. La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait ou aux conclusions mixtes de fait et de droit est celle de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33).
V. Analyse
A. La fiducie des employés de D2L remplit les conditions d’un régime de prestations aux employés et d’une fiducie visée
[22] La fiducie des employés de D2L était un régime de prestations aux employés au sens du paragraphe 248(1) de la Loi :
•il s’agissait d’un mécanisme;
•Patricia Baker a cotisé à la fiducie des employés de D2L et elle avait un lien de dépendance avec l’employeur (D2L); et
•les paiements devaient être effectués à partir de la fiducie des employés de D2L ou à leur profit.
[23] Les exceptions à la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
prévues aux alinéas a) à e) de cette définition ne s’appliquent pas à la fiducie des employés de D2L.
[24] La fiducie des employés de D2L remplissait également les conditions d’une fiducie visée qui sont énoncées à l’alinéa 4800.1a) du Règlement :
•il s’agissait d’une fiducie maintenue principalement au profit des employés de D2L;
•l’un des principaux objectifs de la fiducie des employés de D2L consistait à détenir des actions du capital-actions de D2L Holdings; et
•D2L Holdings avait un lien de dépendance avec D2L.
[25] Bien que les définitions des expressions « régime de prestations aux employés »
et « fiducie visée »
se chevauchent en l’espèce, elles ne se chevauchent pas complètement. Il est possible d’établir un régime de prestations aux employés qui n’est pas une fiducie visée, et vice-versa.
B. Les règles qui régissent – Le caractère prédominant de la Loi
[26] La question de savoir si les incidences fiscales seront déterminées en fonction du fait que la fiducie des employés de D2L est un régime de prestations aux employés ou une fiducie visée est la question principale qui se pose en l’espèce. Si la fiducie des employés de D2L est traitée comme une fiducie pour l’application de l’article 107 de la Loi, les règles invoquées par les appelants en produisant leurs déclarations de revenus et en déclarant leurs revenus comme ils l’ont fait pourraient s’appliquer.
[27] Toutefois, la définition du terme « fiducie »
donnée au paragraphe 108(1) de la Loi dispose qu’une fiducie, aux termes de diverses dispositions (y compris l’article 107 de la Loi), ne comprend pas un régime de prestations aux employés. Par conséquent, si la fiducie des employés de D2L est un régime de prestations aux employés aux fins de la Loi, les dispositions de l’article 107 de la Loi (sur lesquelles se fondent les appelants) ne s’appliquent pas puisque la fiducie des employés de D2L n’est pas une fiducie pour l’application de l’article 107 de la Loi. Les paiements effectués aux appelants à partir de la fiducie des employés de D2L seront inclus dans leur revenu en vertu de l’alinéa 6(1)g) de la Loi pour une somme égale à la juste valeur marchande des actions qui leur ont été transférées.
[28] Les appelants se fondent sur la décision du juge Strayer intitulée Ministre du Revenu national c. Chrysler Canada Ltée, [1991] A.C.F. no 921 (QL), 92 D.T.C. 6346, [1992] 2 C.T.C. 95 (C.F. 1re inst.). Dans cette instance, la Cour était saisie d’un conflit potentiel entre les règles relatives aux options d’achat de l’article 7 et les règles relatives au régime de prestations aux employés. Le conflit découlait cependant du libellé de dispositions figurant dans la même loi. En l’espèce, la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
figure dans la Loi, tandis que c’est dans le Règlement que se trouvent les qualifications requises pour qu’une fiducie soit une fiducie visée.
[29] Dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transport), [1992] 1 R.C.S. 3, à la page 38, le juge La Forest, au nom de la Cour suprême du Canada, a confirmé que les règlements (qui constituent de la législation subordonnée), ne doivent pas être en conflit avec leur législation habilitante :
On ne met pas en doute les principes fondamentaux du droit. Il ne peut y avoir incompatibilité entre le texte réglementaire et la loi en vertu duquel il est adopté (Belanger c. The King (1916), 54 R.C.S. 265), pas plus qu’il ne peut y en avoir avec les autres lois fédérales (R. & W. Paul, Ltd. c. Wheat Commission, [1937] A.C. 139 (H.L.), sauf si la loi l’autorise (Re George Edwin Gray (1918), 57 R.C.S. 150). Normalement, la loi fédérale doit l’emporter sur le texte réglementaire incompatible. Toutefois, en matière d’interprétation, un tribunal préférera, dans la mesure du possible, une interprétation qui permet de concilier les deux textes. [...]
[30] En l’espèce, il est impossible de concilier les deux dispositions parce qu’elles s’appliquent à la fiducie des employés de D2L. La fiducie des employés de D2L remplit autant les conditions d’un régime de prestations aux employés que celles d’une fiducie visée. Les incidences fiscales pour la fiducie des employés de D2L et les appelants sont très différentes selon que la fiducie des employés de D2L entre dans la catégorie de régime de prestations aux employés ou de fiducie visée. Toutefois, comme la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
figure dans la Loi et que la définition de l’expression « fiducie visée »
se trouve dans le Règlement, la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
doit prévaloir. Dans le cas contraire, la Loi serait modifiée par le Règlement si un mécanisme comme celui dans le présent appel ne constituait pas un régime de prestations aux employés au sens de la Loi parce qu’il est également une fiducie visée au sens du Règlement.
[31] Le législateur aurait pu prévoir qu’une fiducie visée n’est pas un régime de prestations aux employés. Selon les alinéas a) à e) de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
, plusieurs mécanismes et fiducies sont exclus de la définition. Plus précisément, l’alinéa e) renvoie à un mécanisme visé, qui est défini à l’article 6800 du Règlement. Si le législateur avait également eu l’intention d’exclure les fiducies visées de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
, un renvoi à une fiducie visée aurait pu être ajouté à l’alinéa e) ou un alinéa distinct aurait pu le prévoir.
C. Les règles qui régissent – Arguments fondés sur l’alinéa a.1) de la définition du terme fiducie
[32] Les appelants soutiennent que les règles relatives à la fiducie visée devraient s’appliquer en raison du libellé de l’alinéa a.1) de la définition du terme « fiducie »
au paragraphe 108(1) de la Loi. L’article 107 ne s’appliquera qu’aux fiducies définies au paragraphe 108(1) de la Loi. La définition du terme « fiducie »
prévoit que plusieurs fiducies différentes ne seront pas considérées comme des fiducies au sens de ce paragraphe.
[33] L’alinéa a) de la définition du terme « fiducie »
au paragraphe 108(1) dispose qu’une fiducie énumérée dans ce paragraphe, y compris un régime de prestations aux employés, ne sera pas une fiducie au sens de ce paragraphe. L’alinéa a.1) donne une description de certaines fiducies qui sont également exclues de la définition du terme « fiducie »
. La première partie de l’alinéa a.1) est celle sur laquelle les appelants mettent l’accent :
la fiducie (sauf celle visée aux alinéas a) ou d), celle à laquelle les paragraphes 7(2) ou (6) s’appliquent et celle qui est visée [...] pour l’application du paragraphe 107(2)) [...].
[34] Les appelants soutiennent qu’en raison du fait que cet alinéa exclut les fiducies visées de celles auxquelles il s’appliquerait autrement, toutes les fiducies visées doivent être considérées comme des fiducies pour l’application de la définition du terme « fiducie »
. Par conséquent, ils font valoir que les règles énoncées à l’article 107 s’appliqueront même si un régime de prestations aux employés n’est pas une fiducie au sens de l’alinéa a) de la définition du terme « fiducie »
.
[35] La partie mentionnée par les appelants n’exclut toutefois que certaines fiducies de l’application de l’alinéa a.1). Cela ne signifie pas qu’une fiducie visée est rétablie à titre de fiducie. Plusieurs fiducies sont exclues de la définition du terme « fiducie »
en vertu de l’alinéa a). L’une d’entre elles est la fiducie d’assurance-vie et soins de santé au bénéfice d’employés. Si j’applique l’interprétation donnée par les appelants, une fiducie d’assurance-vie et soins de santé au bénéfice d’employés serait également rétablie à titre de fiducie, puisqu’elle est également comprise dans les exceptions à l’application de l’alinéa a.1), étant une fiducie décrite à l’alinéa a). Ce n’est pas l’interprétation qu’il convient de donner à l’effet de cette disposition.
[36] L’exclusion des fiducies visées de l’application de l’alinéa a.1) signifie qu’une fiducie visée ne sera pas exclue de la définition du terme « fiducie »
en raison de l’application de l’alinéa a.1). Cependant, la même fiducie sera exclue de la définition du terme « fiducie »
s’il s’agit d’une fiducie décrite à l’alinéa a) (ou dans les autres alinéas de la définition du terme « fiducie »
).
[37] L’exclusion d’une fiducie visée de l’application de l’alinéa a.1) ne peut faire en sorte que la fiducie des employés de D2L (qui est exclue de la définition du terme « fiducie »
en vertu de l’alinéa a) puisqu’il s’agit d’un régime de prestations aux employés) soit rétablie à titre de fiducie en raison du fait qu’il s’agit d’une fiducie visée.
D. Conclusion à l’égard des appels interjetés par Mathew McNeeley et Kenneth Chapman
[38] Par conséquent, je rejetterais les appels de Mathew McNeeley et de Kenneth Chapman.
E. Argument supplémentaire soulevé par John Baker
[39] Un autre argument a été soulevé par John Baker. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu, du fait de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
au paragraphe 248(1) de la Loi, qu’il serait possible que certains paiements versés dans le cadre d’un régime de prestations aux employés ne soient pas inclus dans le revenu en vertu de l’alinéa 6(1)g) de la Loi. Toutefois, comme le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que John Baker n’avait pas établi qu’il tomberait sous le coup de cette exception, les sommes ont été incluses dans son revenu à titre de paiements reçus dans le cadre d’un régime de prestations aux employés.
[40] Je ne souscris pas à l’interprétation que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a adoptée.
[41] Pour déterminer si un mécanisme précis constitue un régime de prestations aux employés, l’une des conditions énoncées dans la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
est liée aux paiements versés dans le cadre de ce mécanisme :
[...] et en vertu duquel un ou plusieurs paiements sont à faire à des employés ou anciens employés de l’employeur ou à des personnes qui ont un lien de dépendance avec l’un de ces employés ou anciens employés, ou au profit de ces employés, anciens employés ou personnes, sauf s’il s’agit d’un paiement qui n’aurait pas à être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire ou d’un employé ou ancien employé si l’article 6 s’appliquait compte non tenu de son sous-alinéa (1)a)(ii) ni de son alinéa (1)g) [...].
[42] Un mécanisme précis constitue un régime de prestations aux employés si un ou plusieurs paiements sont à faire à des employés ou anciens employés ou au profit de ces employés ou anciens employés. Pour déterminer si cette condition est remplie, les paiements qui n’auraient pas à être inclus dans le calcul du revenu si l’article 6 de la Loi s’appliquait, compte non tenu de son sous-alinéa (1)a)(ii) ni de son alinéa (1)g), seraient exclus. Le sous-alinéa 6(1)a)(ii) de la Loi dispose qu’un avantage que reçoit ou dont jouit le contribuable découlant d’une convention de retraite, d’un régime de prestations aux employés ou d’une fiducie d’employés ne sera pas inclus dans le revenu à titre d’avantage tiré de son emploi en vertu de l’alinéa 6(1)a). Ce sous-alinéa n’exige pas que les sommes soient incluses dans le revenu. Il prévoit plutôt l’exclusion de certaines sommes dans le revenu en vertu de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. L’alinéa 6(1)g) dispose que toutes les sommes reçues dans le cadre d’un régime de prestations aux employés seront incluses dans le revenu. Par conséquent, les paiements exclus aux fins de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
sont les paiements qui ne seraient inclus dans le revenu qu’à titre de sommes reçues dans le cadre d’un régime de prestations aux employés.
[43] Je suis d’avis que la mention relative à l’exclusion de certains paiements pour déterminer si un mécanisme constitue un régime de prestations aux employés signifie que chaque paiement à effectuer dans le cadre d’un mécanisme précis est examiné afin de vérifier s’il s’agit d’un paiement exclu ou non. Si tous les paiements sont des paiements exclus, le mécanisme ne constitue pas un régime de prestations aux employés. Si, toutefois, le mécanisme inclut au moins un paiement qui n’est pas un paiement exclu, le mécanisme constitue un régime de prestations aux employés.
[44] Il est important de souligner que cela fait partie de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
et, par conséquent, des critères à examiner pour déterminer si un mécanisme précis répond à cette définition. Il ne s’agit pas d’une disposition fiscale. L’alinéa 6(1)g) de la Loi détermine les sommes à inclure dans le revenu par suite d’un paiement versé dans le cadre d’un régime de prestations aux employés. Cet alinéa prévoit que toutes les sommes reçues dans le cadre d’un régime de prestations aux employés doivent être incluses dans le revenu du bénéficiaire. Il n’y a aucune exception prévue à l’alinéa 6(1)g) de la Loi « sauf s’il s’agit d’un paiement qui n’aurait pas à être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire ou d’un employé ou ancien employé si l’article 6 s’appliquait compte non tenu de son sous-alinéa (1)a)(ii) ni de son alinéa (1)g) »
.
[45] L’interprétation proposée par les appelants, que la Cour canadienne de l’impôt a adoptée, signifierait qu’il y aurait différents mécanismes – l’un dans le cadre duquel les paiements provenant de la fiducie des employés de D2L seraient inclus dans le revenu en vertu de l’alinéa 6(1)g) et l’autre, dans le cadre duquel les paiements provenant de la fiducie des employés de D2L ne seraient pas inclus dans le revenu en vertu de cet alinéa.
[46] La définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
prévoit bel et bien qu’une partie d’un mécanisme puisse ne pas être un régime de prestations aux employés; les derniers mots de la première partie de la définition (immédiatement avant les alinéas a) à e) étant les suivants : « [n]e fait pas partie d’un régime de prestations aux employés toute partie du mécanisme qui est : [...] »
.
[47] Par conséquent, si une partie du mécanisme est une fiducie ou un mécanisme décrit aux alinéas a) à e) de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
, cette partie ne constituera pas un régime de prestations aux employés. En fait, il y aura deux mécanismes : la partie qui constitue un régime de prestations aux employés et la partie qui constitue une fiducie ou un mécanisme décrit aux alinéas a) à e).
[48] Alors que les appelants et le juge de la Cour canadienne de l’impôt envisageaient une interprétation de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
qui donnerait lieu à une subdivision du mécanisme en deux parties, le fondement de la subdivision, comme l’a conclu le juge de la Cour canadienne de l’impôt, est absent de l’un ou l’autre des alinéas a) à e) de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
. Aucun de ces alinéas ne prévoit la séparation du régime de prestations aux employés en mécanismes distincts, selon qu’un paiement ne serait pas inclus dans le revenu si l’article 6 de la Loi s’appliquait sans aucune référence au sous-alinéa 6(1)a)(ii) et à l’alinéa 6(1)g).
[49] Le mécanisme qui est prévu dans la fiducie des employés de D2L, est un régime de prestations aux employés. Personne ne conteste le fait que les paiements versés à Mathew McNeeley et Kenneth Chapman par la fiducie des employés de D2L ne sont pas des paiements exclus pour l’application de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
.
[50] Aucune partie de ce mécanisme n’est exclue de la définition de l’expression « régime de prestations aux employés »
en conséquence de l’application des alinéas a) à e) de cette définition. Par conséquent, il n’y a qu’un seul mécanisme. Aux termes de l’alinéa 6(1)g) de la Loi, toutes les sommes reçues par un contribuable dans le cadre d’un régime de prestations aux employés sont incluses dans le calcul de son revenu tiré d’une charge ou d’un emploi. Donc, toutes les sommes que John Baker a reçues de la fiducie des employés de D2L sont incluses dans son revenu à titre de revenu d’emploi.
[51] Par conséquent, je rejetterais l’appel de John Baker.
VI. Conclusion
[52] Je rejetterais les appels et j’adjugerais un seul mémoire de dépens relativement à l’appel de John Baker.
« Wyman W. Webb »
j.c.a.
« Je suis d’accord. |
Anne L. Mactavish, j.c.a. » |
« Je suis d’accord. |
René LeBlanc, j.c.a. » |
ANNEXE
Ce qui suit est la version actuelle des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, reproduites ci-après. Bien que certaines de ces dispositions aient été modifiées après l’année d’imposition en cause dans les présents appels, il ne s’agit pas de modifications importantes quant aux questions soulevées dans les présents appels.
Alinéa 6(1)g) de la Loi
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Paragraphes 107(2), (2.001) et (2.1) de la Loi
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Définition de « fiducie »
au paragraphe 108(1) de la Loi
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Définition de « régime de prestations aux employés »
au paragraphe 248(1) de la Loi.
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Article 4800.1 du Règlement (fiducies visées)
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
APPEL DE JUGEMENTS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT
EN DATE DU 29 SEPTEMBRE 2020, RÉFÉRENCE NO 2020 CCI 90
DOSSIER :
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A-260-20 (dossier principal), A-261-20 et A-262-20 |
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INTITULÉ :
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MATHEW MCNEELEY ET AUTRES. c. SA MAJESTÉ LA REINE |
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario) |
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 27 septembre 2021 |
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MOTIFS DU JUGEMENT :
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LE JUGE WEBB |
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Y ONT SOUSCRIT :
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LA JUGE MACTAVISH LE JUGE LEBLANC |
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DATE DES MOTIFS :
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Le 15 novembre 2021 |
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COMPARUTIONS :
Chia-yi Chua
Douglas A. Cannon
Anu Koshal
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Pour les appelants |
Lindsay Tohn |
Pour l’intimée |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Toronto (Ontario) |
Pour les appelants |
A. François Daigle Sous-procureur général du Canada |
Pour l’intimée |