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Date : 20211028


Dossier : A-180-20

Référence : 2021 CAF 209

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LA JUGE MACTAVISH

LE JUGE LEBLANC

ENTRE :

 

MOHAMED HARKAT

 

appelant

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 septembre 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20211028


Dossier : A-180-20

Référence : 2021 CAF 209

CORAM :

LE JUGE WEBB

LA JUGE MACTAVISH

LE JUGE LEBLANC

ENTRE :

 

MOHAMED HARKAT

 

appelant

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

[1] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ont signé un certificat de sécurité en application de l’article 77 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la LIPR], déclarant que Mohamed Harkat était interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité nationale. Un juge désigné de la Cour fédérale a conclu que cette décision des ministres de déclarer M. Harkat interdit de territoire au Canada était raisonnable : Harkat (Re), 2010 CF 1242, [2012] 3 R.C.F. 432. La décision a été confirmée en dernier ressort par la Cour suprême du Canada par l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, [2014] 2 R.C.S. 33.

[2] M. Harkat avait initialement été détenu aux termes d’un précédent certificat de sécurité, puis a été mis en liberté en 2006 sous certaines conditions imposées par la Cour. Ces conditions demeurent en vigueur, bien qu’elles aient été modifiées à l’occasion depuis.

[3] En 2019, les ministres ont déposé une requête auprès de la Cour fédérale [DES-5-08], demandant que soient clarifiées certaines modalités et conditions actuelles de la mise en liberté de M. Harkat. Les ministres alléguaient aussi que M. Harkat avait, à deux occasions, inobservé une condition de sa mise en liberté concernant l’usage d’un ordinateur. M. Harkat a également comparu devant la Cour fédérale relativement à une affaire distincte [IMM-5330-18]. Dans cette dernière affaire, M. Harkat avait demandé le contrôle judiciaire d’une décision qu’un représentant du ministre avait prise en application du paragraphe 115(2) de la LIPR et par laquelle M. Harkat devait être renvoyé en Algérie.

[4] Dans le cadre de ces deux instances, M. Harkat a déposé des requêtes en vue d’obtenir des ordonnances exigeant que le procureur général du Canada soit tenu d’acquitter les honoraires de Barbara Jackman, l’avocate de longue date de M. Harkat, à un taux devant être négocié avec elle. Cette mesure de réparation demandée par M. Harkat se rapportait à la requête des ministres concernant les conditions de sa mise en liberté et visait toute demande future que les ministres pourraient présenter en vue de modifier ces conditions. M. Harkat demandait également le paiement des honoraires de Mme Jackman relativement à sa demande contestant la décision de le renvoyer du Canada. Enfin, et subsidiairement, M. Harkat demandait la suspension des deux instances jusqu’à ce qu’un accord soit conclu avec le procureur général du Canada relativement au paiement des honoraires de Mme Jackman.

[5] Dans une décision publiée sous la référence 2020 CF 662, la Cour fédérale a rejeté ces deux requêtes de M. Harkat. Le présent appel est interjeté à l’encontre de cette décision.

[6] Comme je l’explique ci-après, j’ai conclu qu’il est inutile de statuer sur le bien-fondé de l’appel de M. Harkat, puisque celui-ci porte sur des ordonnances interlocutoires rendues par la Cour fédérale. L’issue serait la même s’il ne s’agissait pas d’ordonnances interlocutoires, puisqu’aucune question ou question de portée générale n’a été certifiée par la Cour.

I. Régime législatif

[7] Selon les alinéas 27(1)a) et c) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, il peut être interjeté appel, devant notre Cour, de tout jugement définitif ou interlocutoire rendu par la Cour fédérale. D’autres lois peuvent toutefois rendre ce droit d’appel irrecevable : voir le paragraphe 75(2) de la LIPR et Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 294, [2013] 3 R.C.F. 36, aux paras. 7 et 8 [Mahjoub 2011].

[8] Dans le cas d’appels interjetés à l’encontre de demandes de contrôle judiciaire portant sur des questions d’immigration, l’alinéa 74d) de la LIPR dispose qu’un appel ne peut être interjeté auprès de notre Cour que si la Cour fédérale, en rendant son jugement, certifie une question grave de portée générale et énonce cette question. L’alinéa 72(2)e) de la LIPR prévoit en outre que les décisions interlocutoires de la Cour fédérale ne sont pas susceptibles d’appel devant notre Cour.

[9] Dans le même sens, l’article 82.3 de la LIPR prévoit que les décisions portant sur le contrôle de la détention ne sont pas susceptibles d’appel en l’absence d’une question certifiée et qu’aucun appel ne peut être interjeté à l’encontre de décisions interlocutoires.

II. Décision de la Cour fédérale

[10] Les requêtes déposées par M. Harkat en vue d’obtenir les services d’un avocat payé par l’État ont été entendues le 18 septembre 2019, à titre de questions préliminaires, au début de l’audience sur le contrôle de sa détention. La décision de la Cour fédérale relativement aux requêtes de M. Harkat a été rendue le 3 juin 2020. La décision de la Cour portant, en soi, sur le contrôle de sa détention a été publiée le 19 juin 2020 (2020 CF 715).

[11] Ni la décision du 3 juin 2020 ni les inscriptions enregistrées de la Cour fédérale ne font mention de quelque question dont la certification a été proposée relativement à la décision refusant le financement par l’État de la représentation juridique de M. Harkat. Quoi qu’il en soit, M. Harkat n’aurait pas pu interjeter appel de cette décision puisqu’il s’agissait d’une décision interlocutoire de la Cour fédérale.

[12] Pour attaquer la décision lui refusant le financement par l’État de sa représentation juridique, M. Harkat aurait dû interjeter appel de la décision définitive portant sur le contrôle de sa détention. Cependant, l’examen du dossier de la Cour révèle que, bien que M. Harkat ait proposé six questions à certifier relativement au jugement rendu le 19 juin 2020 sur le bien-fondé du contrôle de sa détention, aucune de ces questions ne portait sur le financement par l’État de sa représentation juridique. La Cour fédérale a finalement refusé de certifier les questions proposées : Harkat (Re), 2020 CF 818, 321 A.C.W.S. (3d) 752.

[13] En ce qui concerne l’attaque, par M. Harkat, de la décision rendue par le ministre en application du paragraphe 115(2), cette instance en est toujours à un stade très préliminaire, aucun jugement n’a encore été rendu par la Cour fédérale et aucune décision définitive n’a été rendue concernant le financement de sa représentation juridique par l’État. De fait, lors de l’audition du présent appel, l’avocate de M. Harkat a admis qu’il n’avait pas encore écarté la possibilité de déposer une autre requête fondée sur un dossier de la preuve mieux étoffé afin que l’État finance sa représentation juridique.

III. Appels de M. Harkat

[14] M. Harkat a tenté d’interjeter appel des décisions du 3 juin et du 19 juin 2020. En ce qui concerne son appel de la décision rendue le 19 juin 2020 relativement au bien-fondé du contrôle de sa détention, une formation de notre Cour, exerçant les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 74 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, a ordonné que l’avis d’appel soit retiré du dossier de la Cour et que ce dossier soit clos. Cette décision a été rendue parce que la Cour fédérale n’avait certifié aucune question : Harkat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CAF 85, 332 A.C.W.S. (3d) 273 [Harkat 2021].

[15] Le procureur général n’a toutefois formulé aucune objection préliminaire en application de l’article 74 des Règles des Cours fédérales, relativement à la validité du présent appel. Il ne semble pas non plus que l’avis d’appel de M. Harkat ait été porté à l’attention de la Cour aux termes de l’alinéa 72(1)b) des Règles des Cours fédérales, qui autorise le greffe à soumettre des documents à la Cour pour qu’elle les étudient si les « conditions préalables au dépôt n’ont pas été remplies ». En conséquence, l’appel est passé à l’étape de l’audition sur le fond.

[16] Le procureur général a également omis de soulever, dans son mémoire des faits et du droit, l’absence de question certifiée ou le fait que l’appel portait sur des ordonnances interlocutoires de la Cour fédérale. Cependant, en réponse à une directive publiée par la Cour avant l’audience, demandant que lui soient présentées des observations sur ces questions, le procureur général a déclaré durant l’audience que les exclusions prévues à l’alinéa 72(2)e) et 74d) ainsi qu’à l’article 82.3 de la LIPR s’appliquaient et rendaient le présent appel irrecevable.

[17] M. Harkat mentionne que la jurisprudence a établi plusieurs exemptions à l’exigence générale voulant que la Cour fédérale ait certifié une question pour qu’un appel en immigration puisse aller de l’avant. Une telle exemption existe lorsque l’appel en immigration porte sur une décision, un règlement ou une ordonnance rendu par un juge de la Cour fédérale en application d’un texte législatif autre que la LIPR.

[18] Selon M. Harkat, la décision rendue à l’égard de sa demande de financement de sa représentation juridique par l’État n’a pas été rendue aux termes de la LIPR, mais constituait plutôt un acte distinct et divisible pris en application de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte).

[19] Pour appuyer sa these portant qu’aucune question certifiée n’est requise dans les circonstances de l’espèce, M. Harkat cite une jurisprudence de la Cour suprême du Canada, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, 151 D.L.R. (4th) 119. La Cour suprême a alors conclu qu’il n’était pas nécessaire d’avoir une question certifiée pour interjeter appel d’une décision suspendant une instance au titre de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (laquelle Loi prévoit des exigences comparables à celles de la LIPR pour ce qui est de l’obligation d’avoir une question certifiée). Cette décision de la Cour suprême s’expliquait du fait que les pouvoirs qu’elle avait exercés dans l’arrêt Tobiass lui avaient été conférés par une disposition différente, à savoir l’article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7 (tel était alors le titre de la Loi).

IV. Discussion

[20] Je suis d’avis que les exclusions prévues par l’alinéa 72(2)e) et à l’article 82.3 de la LIPR, qui rendent les décisions interlocutoires non susceptibles d’appel, rendent irrecevable le présent appel. Je conclus en outre que les exclusions prévues par la loi, à l’égard des appels en immigration dans les affaires ne soulevant aucune question de portée générale, rendraient également le présent appel irrecevable même s’il ne s’agissait pas d’une décision interlocutoire.

[21] Les exigences de la LIPR en matière de certification ont été qualifiées d’élément qui « justifie[...] l’appel » : Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 R.C.S. 909, au para. 44, renvoyant à Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, 243 N.R. 22, au para. 12. Comme l’existence d’une question certifiée est une condition préalable à l’exercice de la compétence de notre Cour, celle-ci a conclu que cette exigence ne doit pas être prise à la légère : Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, 485 N.R. 186, aux paras. 12 et 19.

[22] Bien que les dispositions relatives à la certification semblent créer des interdictions absolues, la jurisprudence de notre Cour a néanmoins reconnu certaines exemptions restreintes et bien définies à l’exigence de certification. La Cour a ainsi accueilli des appels dans des catégories précises d’affaires soulevées en l’absence de questions certifiées par la Cour fédérale : voir, par exemple, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Tennant, 2019 CAF 206, [2020] 1 R.C.F. 231, au para. 37; Es-Sayyid c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CAF 59, [2013] 4 R.C.F. 3, au para. 28; Rock-St Laurent c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 192, 434 N.R. 144, au para. 2.

[23] Ces exemptions comprennent notamment les affaires portant sur des allégations de partialité ou de crainte raisonnable de partialité de la part du juge de première instance : Es-Sayyid, précité, au para. 28; Zündel (Re), 2004 CAF 394, 331 N.R. 180, au para. 2. Une autre exemption existe lorsque la Cour fédérale a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire : Canada (Solliciteur général) c. Subhaschandran, 2005 CAF 27, [2005] 3 R.C.F. 255, aux paras. 13 et 15.

[24] Notre Cour a en outre confirmé que, pour qu’il soit permis d’interjeter appel en l’absence d’une question certifiée, l’affaire doit porter sur des « questions très fondamentales » ou des « questions exceptionnelles » qui « touchent directement la primauté du droit » : Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 144, 280 A.C.W.S. (3d) 826, aux paras. 19 à 21 [Mahjoub 2017].

[25] Une autre exemption à l’existence d’une question certifiée est autorisée lorsque les erreurs alléguées sont commises dans le contexte d’un « acte judiciaire distinct et divisible ». En d’autres termes, il doit s’agir d’une décision qui met en cause l’exercice d’un pouvoir qui ne découle pas de la LIPR, mais d’une autre source : Tobiass, précité, aux paras. 65 et 66.

[26] M. Harkat soutient que la décision de la Cour fédérale concernant le financement par l’État de sa représentation juridique n’a pas été rendue au titre de la LIPR, mais plutôt de l’article 7 de la Charte. Par conséquent, M. Harkat soutient que l’exemption prévue par l’arrêt Tobiass s’applique et que notre Cour a compétence pour instruire l’appel.

[27] Il est vrai que notre Cour a conclu que la contestation de la validité constitutionnelle d’une disposition de la LIPR porte sur la compétence de la Cour et non sur le caractère raisonnable d’un certificat de sécurité. Cela constitue donc un « acte judiciaire distinct et divisible » au sens de l’exemption prévue dans l’arrêt Tobiass : Charkaoui, Re, 2004 CAF 421, [2005] 2 R.C.F. 299, au para. 45.

[28] Cela dit, notre Cour enseigne clairement que les questions constitutionnelles ne donnent pas lieu, en soi, à une exemption à l’exigence relative à l’existence d’une question certifiée dans les affaires qui ne portent pas sur la contestation de la validité constitutionnelle d’un texte législatif : Wong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 229, 487 N.R. 294, au para. 18 et 19; Mahjoub 2017, précité, aux paras. 23 et 24; Chung c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 31, 253 A.C.W.S. (3d) 166, au para. 6.

[29] De fait, dans l’arrêt Mahjoub 2017, précité, notre Cour a déclaré d’une manière sans équivoque qu’elle n’avait jamais conclu que le rejet par la Cour fédérale d’arguments constitutionnels pouvait faire l’objet d’un appel auprès de notre Cour malgré l’irrecevabilité prévue par la loi des appels introduits en l’absence de questions certifiées (aux paras. 23 et 24).

[30] Au paragraphe 15 de l’arrêt Wong, précité, notre Cour a reconnu que si les parties soulèvent des questions constitutionnelles, cela ne constitue pas une exception reconnue à l’interdiction d’interjeter appel. Notre Cour a alors également rejeté la demande des appelants de reconnaître une nouvelle exception en pareils cas et d’autoriser leur appel à suivre son cours (aux paras. 18 et 19). Notre Cour en est arrivée à une conclusion comparable dans l’arrêt Harkat 2021, précité, au paragraphe 17.

[31] On se rappellera que l’appel interjeté dans Harkat 2021 portait sur la décision rendue par la Cour fédérale relativement au fond du contrôle de la détention de M. Harkat. Comme je l’ai indiqué précédemment, la Cour fédérale a refusé de certifier toutes les questions proposées par M. Harkat à ce sujet.

[32] Dans l’arrêt Harkat 2021, le ministre a demandé par voie de requête qu’il soit ordonné, aux termes de l’article 74 des Règles des Cours fédérales, que l’avis d’appel soit retiré du dossier de la Cour, au motif que notre Cour n’avait pas compétence pour entendre l’appel de M. Harkat en l’absence d’une question certifiée par la Cour fédérale. Dans sa réponse à la requête du ministre, M. Harkat a fait valoir que l’article 82.3 était inconstitutionnel, car il violait les principes de justice fondamentale établis à l’article 7 de la Charte et que cette violation ne se justifiait pas au regard de l’article 1 de la Charte. Selon M. Harkat, son argument constitutionnel appelait l’accueil de son appel de la décision relative au contrôle de sa détention, malgré l’absence de question certifiée.

[33] Le tribunal a jugé que cet argument était voué à l’échec : Harkat 2021, précité, au para. 8. Non seulement existait-il une jurisprudence enseignant que l’article 82.3 de la LIPR était constitutionnel, mais la Cour a également conclu que les questions constitutionnelles ne suffisaient pas, en soi, pour être considérées comme une exception à l’exigence relative à l’existence d’une question certifiée : Harkat 2021, précité, aux paras. 17 et 18.

[34] La validité constitutionnelle des dispositions de la LIPR relatives au contrôle de la détention n’est pas attaquée en l’espèce. Pas plus que n’est attaquée la validité constitutionnelle du paragraphe 115(2) de la LIPR. De fait, l’examen de l’avis d’appel présenté en l’espèce montre que les motifs d’appel invoqués portent sur des « erreurs ordinaires » ou des « erreurs de droit ».

[35] Or, notre Cour a clairement établi que les « erreurs ordinaires » ou les « erreurs de droit » n’autorisent pas l’introduction d’un appel en l’absence d’une question certifiée : Harkat 2021, précité, au para. 15; Huntley c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 273, [2012] 3 R.C.F. 118, aux paras. 7 et 8. Il en est ainsi, même si l’allégation voulant que des erreurs de droit ont été commises semble fondée : Mahjoub 2011, précité, au para. 12; Rock-St Laurent, précité, au para. 16; Es-Sayyid, précité, au para. 28.

[36] Notre Cour a en outre confirmé que, pour pouvoir interjeter appel en l’absence d’une question certifiée, l’affaire doit porter sur des « questions très fondamentales » ou des « questions exceptionnelles » qui « touchent directement la primauté du droit » : Mahjoub 2017, précité, aux paras. 19 à 21; Tennant, précité, aux paras. 38 à 40.

V. Conclusion

[37] L’appel interjeté par M. Harkat à l’encontre de la décision interlocutoire de la Cour fédérale est irrecevable aux termes de l’alinéa 72(2)e) et de l’article 82.3 de la LIPR. Qui plus est, comme l’a mentionné le juge Stratas dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Tennant, 2018 CAF 132, 294 A.C.W.S. (3d) 299, au para. 16, il est très difficile d’établir qu’une affaire relève des exceptions à l’exigence prévue dans la LIPR relativement à l’existence d’une question certifiée : voir aussi Younis c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2021 CAF 49, 334 A.C.W.S. (3d) 24, au para. 14. Comme M. Harkat n’a pas pu le démontrer en l’espèce, j’annulerais son appel. Le procureur général du Canada ne réclame pas ses dépens et je n’en adjugerais aucuns.

« Anne L. Mactavish »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

René LeBlanc, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-180-20

 

INTITULÉ :

MOHAMED HARKAT c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 septembre 2021

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 28 octobre 2021

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton

Pour l’appelant

(en personne)

Howard Piafsky

Pour l’intimé

(par vidéoconférence)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Poulton Law Office Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANT

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

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