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Date : 20211025


Dossier : A-85-19

Référence : 2021 CAF 207

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de GARNET MORGAN, officier taxateur

 

ENTRE :

 

 

CHURCH OF ATHEISM

OF CENTRAL CANADA

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

intimé

 

Taxation des dépens sans comparution des parties.

Certificat de taxation délivré à Toronto (Ontario), le 25 octobre 2021.

MOTIFS DE TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

 


Date : 20211025


Dossier : A-85-19

Référence : 2021 CAF 207

En présence de GARNET MORGAN, officier taxateur

 

ENTRE :

 

 

CHURCH OF ATHEISM

OF CENTRAL CANADA

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

intimé

 

MOTIFS DE TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Exposé des faits

[1] Les présents motifs portent sur la taxation des dépens, à laquelle il est procédé en application du jugement rendu le 29 novembre 2019 par la Cour d’appel fédérale (la Cour) ayant rejeté l’appel « avec dépens ».

[2] Pour faire suite à l’arrêt de la Cour, je procède à la taxation des dépens conformément à l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), ainsi libellé :

Tarif B
407 Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

[3] Le 24 mars 2021, l’intimé a déposé des observations écrites et l’affidavit de débours de Danika Tondreau, souscrit le 22 mars 2021, accompagné du mémoire de frais de l’intimé joint à titre de pièce « B ». Ces documents sont à l’origine de la demande de taxation des dépens de l’intimé.

[4] Le 26 mars 2021, une directive portant sur la taxation des dépens et le dépôt des documents connexes a été transmise aux parties. Les parties ont ensuite déposé leurs documents. Le 28 mai 2021, l’appelante a déposé des observations sur les dépens et l’affidavit de Marie Ève Brûlé (sans date); le 18 juin 2021, l’intimé a déposé un mémoire de frais modifié, des observations en réponse et l’affidavit supplémentaire de Danika Tondreau du 18 juin 2021.

[5] Le mémoire de frais modifié de l’intimé, déposé le 18 juin 2021, sert à la taxation des dépens.

II. Questions préliminaires

A. Le temps mis par l’intimé à demander la taxation des dépens

[6] Au paragraphe 3 de ses observations sur les dépens, l’appelante affirme que [traduction] « l’intimé n’explique pas pourquoi il a mis plus d’un an avant d’établir un mémoire de frais ». L’appelante reconnaît au paragraphe 6 de ses observations sur les dépens que [traduction] « les Règles de la Cour fédérale ne semblent pas prévoir de délai applicable à la demande de taxation », mais fait valoir que le délai de quatre mois prescrit par la Cour suprême du Canada à partir de la date du jugement constituerait un point de comparaison raisonnable pour mesurer le temps mis par l’intimé à demander des dépens en l’espèce. L’appelante affirme également, aux paragraphes 7 et 8 de ses observations sur les dépens, que l’intimé [traduction] « a implicitement acquiescé à ce que la Cour ne rende pas d’ordonnance d’adjudication des dépens » en raison du laps de temps déraisonnable qu’il a mis pour présenter sa demande relative aux dépens.

[7] Au paragraphe 5 de ses observations en réponse, l’intimé soutient ce qui suit :

[traduction]
5. La demande de taxation de l’intimé n’est pas déraisonnablement tardive. Comme le fait remarquer l’appelante, les Règles des Cours fédérales (les Règles) ne précisent pas de délai pour la demande de taxation des dépens. En effet, dans l’affaire Gagné c. Canada, un officier taxateur de notre Cour conclut que les délais prévus par la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 et la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1983), ch. C-50, art. 32, ne s’appliquent pas à la taxation des dépens issus d’un jugement.

[8] Au paragraphe 6 de ses observations en réponse, l’intimé soutient que l’officier taxateur qui a adjugé les dépens dans l’affaire Gagné n’a fait que réduire le nombre d’unités qui étaient autorisées pour les services rendus pour la taxation des frais (article 26) [traduction] « mais a taxé le reste de la demande du demandeur conformément aux Règles et au dossier de la Cour ». Pour expliquer ce qui a retardé sa demande de taxation des dépens, l’intimé invoque la demande présentée par l’appelante à la Cour suprême du Canada en vue d’être autorisée à interjeter appel du jugement de la Cour daté du 29 novembre 2019. L’intimé voulait limiter les ressources humaines et financières consacrées à la demande de taxation au cas où la condamnation aux dépens serait inversée. Aux paragraphes 7 et 8 de ses observations en réponse, l’intimé signale que la demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été rejetée le 29 octobre 2020 et que l’intimé a demandé à recouvrer les dépens auprès de l’appelante le 22 décembre 2020 et le 27 janvier 2021.

[9] J’ai envisagé d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, à titre d’officier taxateur, par l’article 409 et le paragraphe 400(3) des Règles, pour mitiger les dépens de l’intimé, étant donné que la demande de taxation des dépens a tardé. Toutefois, il n’est pas satisfait au critère de mitigation des dépens en l’espèce. Le temps mis par l’intimé à demander la taxation des dépens n’était pas excessif, puisque l’appelante avait présenté une demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada. Selon l’intimé, cette instance aurait pu avoir une incidence sur l’adjudication des dépens par la Cour. C’est à mon avis une explication raisonnable justifiant le temps mis par l’intimé à demander la taxation des dépens. La décision de la Cour suprême du Canada, datée du 29 octobre 2020, n’a pas eu d’incidence sur l’adjudication des dépens de l’intimé, et comme le montre la pièce « C » de l’affidavit supplémentaire de Danika Tondreau du 18 juin 2021, l’intimé a communiqué avec l’appelante au sujet de l’adjudication des dépens initialement par une lettre datée du 22 décembre 2020. En outre, la pièce « D » du même affidavit comporte une copie d’un message électronique daté du 27 janvier 2021, de l’intimé à l’appelante, faisant suite à la lettre du 22 décembre 2020. Après cette communication de l’intimé du 27 janvier 2021, une demande de taxation a été déposée auprès du greffe le 24 mars 2021. J’estime que la chronologie des étapes entre le jugement de la Cour en date du 29 novembre 2019 et le dépôt de la demande de taxation des dépens de l’intimé le 24 mars 2021 était raisonnable au vu des faits du dossier. Après avoir examiné les observations des parties, le dossier de la Cour et la partie 11 des Règles, je conclus que la demande de taxation des dépens de l’intimé a été présentée conformément au jugement de la Cour daté du 29 novembre 2019 et aux Règles, et que la longueur ne constitue pas un facteur qui aura une incidence négative sur ma taxation des dépens de l’intimé.

B. La situation financière de l’appelante

[10] Aux paragraphes 4 et 5 de ses observations sur les dépens, l’appelante affirme que la pandémie de COVID-19 a nui à ses fonds, qui [traduction] « ont été réaffectés pour aider les personnes touchées par la COVID-19 ». L’appelante soutient que les dépens sont [traduction] « intrinsèquement et historiquement une question ressortissant à l’equity; partant, les moyens de défense d’equity s’appliquent à la demande de dépens » et que la Cour n’a pas expressément indiqué dans son jugement du 29 novembre 2019 que l’appelante devait payer les dépens de l’intimé. Aux paragraphes 30 et 31 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que la taxation des dépens devrait être juste et équitable, que [traduction] « [l]a cour devrait également tenir compte de la capacité financière des parties » et que [traduction] « [s]i les parties ne parviennent pas à s’entendre et si le tribunal ne mitige pas les dépens, l’appelante risque la fermeture et la dissolution »

[11] En réponse, au paragraphe 4 de ses observations en réponse, l’intimé reconnaît que le jugement de la Cour [traduction] « ne désigne pas quelle partie était condamnée à payer les dépens ». Il affirme que [traduction] « la règle générale en matière d’adjudication des dépens veut que les dépens se fondent sur les principes d’indemnisation de sorte que les dépens suivent l’issue de la cause ». Il fait également valoir que l’appelante n’a fourni [traduction] « aucune preuve ni aucun argument juridique pour soutenir son affirmation implicite que l’intimé n’a pas droit à ses dépens ». En outre, au paragraphe 20 de ses observations en réponse, l’intimé indique que la jurisprudence ne laisse aucun doute : [traduction] « l’incapacité d’une partie à payer ses dépens n’est pas un facteur à prendre en compte par un officier taxateur ».

[12] Selon les observations des parties, le jugement de la Cour en date du 29 novembre 2019 n’indique pas explicitement que les dépens adjugés incombent à l’appelante. Au paragraphe 4 de ses observations en réponse, l’intimé invoque l’arrêt Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Commissaire des Douanes et du Revenu), 2007 CSC 2, par. 34. La Cour suprême du Canada fait l’observation suivante à propos de l’adjudication des dépens :

34. Essentiellement, l’arrêt Okanagan constituait une phase d’évolution — et non une révolution — de l’exercice du pouvoir discrétionnaire que les tribunaux possèdent en matière de dépens. Comme l’a expliqué cet arrêt, on savait depuis longtemps que l’attribution de dépens peut constituer un moyen puissant d’assurer le fonctionnement équitable et efficace du système de justice. L’attribution de dépens est souvent liée à des objectifs d’intérêt général, comme ceux visant à décourager — et, partant, à punir — l’inconduite de la part d’un plaideur : voir M. M. Orkin, The Law of Costs (2e éd. (feuilles mobiles)), vol. I, § 205.2(2). Néanmoins, la règle générale fondée sur les principes d’indemnisation, selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause, n’a pas été abrogée. Cela indique que les justifications d’intérêt général et en matière d’indemnisation peuvent coexister en tant que principes sous‑jacents d’une attribution convenable de dépens, même si [traduction] « [l]e principe voulant que la partie qui obtient gain de cause ait droit à ses dépens existe depuis longtemps et ne devrait faire l’objet d’une dérogation que pour de très bonnes raisons » (Orkin, p. 2‑39). Le droit de la Colombie‑Britannique a repris ce cadre en adoptant comme solution par défaut la règle selon laquelle « les dépens suivent l’issue de la cause », tout en permettant aux juges d’exercer leur pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance différente : voir par. 57(9) des Rules of Court de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, B.C. Reg. 221/90.

[13] De plus, dans l’arrêt Air Canada c. Thibodeau, 2007 CAF 115, par. 21, notre Cour indique ce qui suit concernant l’adjudication des dépens :

21. L’octroi de frais est une mesure qui ne vise qu’à indemniser partiellement la partie qui se les voit accorder : Sherman v. The Minister of National Revenue, 2004 FCA 29, au paragraphe 8. Selon la Règle 407 des Règles des cours fédérales, ils sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B. Le tarif B se veut un compromis entre une pleine compensation de la partie gagnante et l’imposition d’un écrasant fardeau à la partie perdante. La colonne III vise les cas d’une complexité moyenne ou habituelle : ibidem, paragraphes 8 et 9.

[14] L’arrêt Little Sisters and Art Emporium de la Cour suprême du Canada et l’arrêt Thibodeau de la Cour d’appel fédérale viennent préciser le principe d’indemnisation judiciaire suivant lequel la partie qui a gain de cause a droit aux dépens. En l’espèce, le jugement de la Cour daté du 29 novembre 2019 indique que [traduction] « L’appel est rejeté avec dépens ». C’est l’appelante qui a interjeté l’appel, qui a été rejeté par la Cour. Elle constitue donc la partie déboutée, et c’est l’intimé qui est la partie qui a eu gain de cause dans l’appel et a droit aux dépens dans les limites prescrites par les Règles. En conséquence, tous les dépens adjugés relativement à la demande de taxation des dépens de l’intimé seront recouvrables par l’intimé auprès de l’appelante en application du jugement de la Cour en date du 29 novembre 2019.

[15] Au sujet des observations des parties concernant la situation financière de l’appelante et le paiement des dépens, rappelons les observations de la Cour dans l’arrêt Leuthold c. Société Radio-Canada, 2014 CAF 174, par. 12 :

12. Mme Leuthold soutient, compte tenu de sa situation financière, qu’une ordonnance adjugeant des dépens de 80 000 $ est une mesure de nature punitive. Il est vrai qu’une partie dépourvue de ressources dont la demande est fondée ne devrait pas être empêchée de faire entendre sa demande en raison d’une ordonnance de cautionnement pour frais ou de provision pour frais : voir l’arrêt Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371, aux paragraphes 36 et suivants. Toutefois, lorsqu’une affaire a été instruite et que le jugement a été rendu, le manque de ressources nécessaires d’une partie n’est pas un facteur pertinent en matière de taxation des dépens. La personne ayant droit aux dépens a eu à engager des frais liés au procès et elle a le droit d’être indemnisée dans les limites prescrites par les Règles de la Cour. Il convient de distinguer les questions traitant du caractère exécutoire de celles se rapportant au droit aux dépens.

[16] Dans l’arrêt Latham c. Canada, 2007 CAF 179, par 8, l’officier taxateur énonce ce qui suit en ce qui concerne la question des difficultés financières :

8. L’existence d’appels en instance n’empêche pas les intimés de procéder à la taxation des dépens : voir la décision Culhane c. ATP Aero Training Products Inc., [2004] A.C.F. no 1810 (O.T.) au paragraphe 6. Dans la décision Clarke c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 814 (O.T.), le demandeur (un détenu), en alléguant que ses ressources limitées, combinées au montant possible des dépens taxables, nuiraient à sa réinsertion, a correctement reconnu, à mon avis, que ses moyens financiers et les chances que les dépens taxés soient payés ne sont pas des facteurs utiles à l’examen des questions lors de la taxation des dépens. Je ne peux donc pas m’immiscer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu du paragraphe 400(1) des Règles qui donne droit aux intimés de recouvrer en l’espèce les dépens taxables du demandeur appelant. Je ne crois pas que les difficultés financières sont visées par l’expression « toute autre question » de l’alinéa 400(3)o) des Règles, en tant que facteur pertinent et applicable dont un officier taxateur doit tenir compte, en vertu de l’article 409 des Règles, dans le but de réduire les dépens taxables découlant d’un litige. Les parties qui agissent pour leur propre compte et celles représentées par un avocat ont droit au même traitement en ce qui a trait aux dispositions sur les dépens découlant d’un litige : voir Scheuneman c. Canada (Développement des ressources humaines Canada), [2006] A.C.F. no 1278 (O.T.). En l’espèce, les tribunaux ont tiré leurs conclusions relatives au droit aux dépens et je n’ai pas la compétence pour intervenir.

[17] De plus, dans la décision Grace M. Carlile c. Sa Majesté la Reine, [1997] A.C.F. no 885, par. 26, l’officier taxateur énonce ce qui suit au sujet de la taxation juste des dépens :

26. Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l’officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j’ai formulés le 2 novembre 1994 dans Youssef Hanna Dableh c. Ontario Hydro, no de greffe T-1422-90, j’ai cité, à la page 4, une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j’ai rendue dans l’affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé en date du 7 avril 1995. J’ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d’une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, à la page 78 de l’ouvrage intitulé Phipson On Evidence, quatorzième édition (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), il est mentionné, au paragraphe 4-38, que [traduction] « la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités ». Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n’est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l’officier taxateur est saisi d’une preuve non contredite, bien qu’infime, indiquant qu’un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n’aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l’élément à zéro comme seule solution de rechange à l’octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par des tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n’accorder aucun montant à la taxation.

[18] Il ressort des arrêts Leuthold et Latham que les officiers taxateurs ne peuvent pas tenir compte de l’impécuniosité d’une partie dans la taxation des dépens. Les changements intervenus dans la situation financière de l’appelante depuis la pandémie de COVID-19 ne sont pas une question que je suis en mesure d’examiner en tant qu’officier taxateur. En outre, je ne peux pas accueillir la demande de l’appelante de mitigation des dépens à sa charge vu l’incapacité des parties de s’entendre. Toute réduction éventuelle du montant des dépens sera fondée sur les faits relatifs à chaque service et débours à taxer qui a été demandé et non sur l’incapacité éventuelle de l’appelante à les acquitter. Suivant la décision Carlile, la taxation des dépens de l’intimé sera effectuée de manière à ne pas pénaliser l’intimé « en refusant de [lui] accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés», mais aussi évitant d’imposer à l’appelante « des frais déraisonnables ou non nécessaires ».

C. Irrégularités dans les documents sur la taxation des dépens des parties

1) Les documents sur la taxation des dépens de l’intimé.

[19] L’appelante a relevé certaines irrégularités dans le mémoire de frais de l’intimé et dans l’affidavit de débours de Danika Tondreau, daté du 22 mars 2021. En ce qui concerne le mémoire de frais de l’intimé, au paragraphe 14 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que [traduction] « [l]es renseignements fournis sous le “numéro de poste” du mémoire de l’intimé ne sont pas intelligibles ». En outre, au paragraphe 16 de ses observations sur les dépens, l’appelante affirme qu’il n’est pas [traduction] « facile de comprendre comment l’intimé est arrivé au nombre d’heures réclamées pour chaque élément ». L’intimé n’a pas fourni d’observations en réponse à ces questions, mais aux paragraphes 2 et 3 de ses observations écrites, il fait valoir que son mémoire de frais a été préparé conformément aux Règles et qu’un nombre moyen d’unités a été choisi [traduction] « à partir de la colonne III du tarif B pour le calcul des honoraires ».

[20] Par suite des observations des parties, je constate également, au vu du mémoire de frais de l’intimé, que la colonne précise du tarif B n’est pas clairement indiquée dans le document. Dans la colonne intitulée [traduction] « Articles » du mémoire de frais de l’intimé, la mention « (III) » précède tous les articles énumérés, qui semble renvoyer à la colonne du tarif B applicable. Mon examen du mémoire de frais de l’intimé en conjonction avec le tarif B révèle que le nombre d’unités demandées pour chacun des services à taxer se situe dans la fourchette de la colonne III et que les autres détails du mémoire de frais, tels que les numéros d’articles, les descriptions des services à taxer effectués et les totaux étaient tous satisfaisants. Compte tenu de l’ensemble de ces faits, je conclus que le mémoire de frais du défendeur est conforme aux Règles, et la question ne nécessitera pas un examen plus approfondi dans le cadre de la présente taxation des dépens.

[21] En ce qui concerne l’affidavit de débours de Danika Tondreau du 22 mars 2021, au paragraphe 9 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que [traduction] « [l]a déposante, Mme Tondreau, a omis d’indiquer dans son affidavit si elle a une connaissance personnelle des affirmations qui y sont contenues, ou comment elle a acquis la connaissance des affirmations qui y sont contenues et si elle estime qu’elles sont véridiques ». L’appelante affirme, aux paragraphes 9 et 10 de ses observations sur les dépens, que l’affidavit constitue du ouï-dire inadmissible et que [traduction] « [c]et affidavit n’a que peu de valeur et ne devrait pas être admis en preuve ». En réponse, au paragraphe 22 de ses observations en réponse, l’intimé fait valoir ce qui suit :

[traduction]
22. L’appelante signale deux lacunes dans l’affidavit de débours de l’intimé. L’affidavit de débours n’a pas été entièrement rédigé à la première personne comme l’exige l’article 80 des Règles. Il manque également une déclaration d’attestation dans l’affidavit de débours. Toutefois, la plainte supplémentaire de l’appelante selon laquelle la déposante ne [traduction] « nous dit pas si l’une ou l’autre des dépenses était justifiée ou raisonnable » est mal fondée. Un affidavit de débours devrait convaincre le tribunal que les débours ont été effectivement engagés, mais le caractère raisonnable des débours doit être déterminé par le tribunal conformément au paragraphe 1(4) du tarif B des Règles. Quoi qu’il en soit, l’affidavit supplémentaire devrait dissiper les préoccupations de l’appelante.

[22] Outre les observations des parties, l’intimé reconnaît que certaines parties de l’affidavit de débours de Danika Tondreau daté du 22 mars 2021 ne sont pas à la première personne et qu’il y manque une déclaration d’attestation. Si la chronologie des faits contenue dans cet affidavit est à mon avis utile, je décide d’attribuer un faible poids à l’affidavit vu l’absence de la déclaration d’attestation de la déposante et les déclarations qui ne sont pas rédigées à la première personne. Par suite de cette décision, je conclus que les factures jointes à l’affidavit de débours de Danika Tondreau satisfont à l’exigence de preuve prévue au paragraphe 1(4) du tarif B; partant, elles sont prises en compte dans la taxation des dépens de l’intimé. Mentionnons également que l’intimé a déposé l’affidavit supplémentaire de Danika Tondreau du 18 juin 2021, qui a résolu les irrégularités constatées dans l’affidavit du 22 mars 2021.

2) Les documents de l’appelante sur la taxation des dépens

[23] L’intimé a relevé certaines irrégularités dans les observations de l’appelante sur les dépens et l’affidavit de Marie Ève Brûlé, déposé le 28 mai 2021. Au paragraphe 23 de ses observations en réponse, l’intimé signale que les observations sur les dépens n’ont pas été signées par l’avocat ou la partie qui les ont déposées conformément à l’article 66 des Règles. Par suite des observations de l’intimé, j’ai examiné l’article 66 des Règles et l’avis de la Cour d’appel fédérale aux parties et à la communauté juridique, daté du 15 juin 2020, qui précise certaines des exigences de dépôt des documents pendant la pandémie de COVID-19. L’avis du 15 juin 2020 précise que « [l]es documents qui doivent être signés doivent contenir soit une signature numérisée originale, soit une signature électronique ».

[24] Dans la décision Summerbell c. Canada (Service correctionnel), 2001 CFPI 1268, la Cour fédérale déclare ce qui suit concernant l’exigence de signatures sur les documents d’instance :

12. Pour ce qui est de la question portant sur les documents non signés, le document qui doit être signé est celui qui a été déposé. Une copie a été signifiée au demandeur et il n’y a aucune exigence selon laquelle cette copie doit être signée. Les Règles indiquent qu’un acte qui n’est pas introductif d’instance doit être signifié avant son dépôt. Il est manifeste que la même feuille ne peut pas être à la fois signifiée et déposée. Le document original déposé auprès de la Cour est signé. Seule une copie est signifiée. [...]

[25] À la lumière de la décision Summerbell, je conclus que les observations de l’appelante sur les dépens qui ont été signifiées à l’intimé répondaient aux exigences de l’article 66 des Règles. En ce qui concerne la copie qui a été déposée au greffe de la Cour, mon examen du dossier du tribunal révèle qu’elle ne comportait pas de signature numérisée ou électronique de la personne représentant l’appelante. Or, le document indique la date à laquelle il a été préparé, le nom et l’adresse de l’appelante, ainsi que son adresse électronique. Outre l’absence de signature électronique ou numérisée, je ne constate pas d’autre irrégularité procédurale dans les observations de l’appelante sur les dépens. Bien qu’il incombe à l’appelante de voir à ce que les observations sur les dépens déposées au greffe de la Cour comportent une signature numérisée ou électronique de la personne représentant l’appelante, je conclus qu’il serait injuste sur le plan procédural de ne pas tenir compte des observations de l’appelante pour la taxation des dépens uniquement en raison de l’absence d’une signature numérisée ou électronique. Par conséquent, je tiens compte des observations de l’appelante dans la taxation des dépens de l’intimé.

[26] En ce qui concerne l’affidavit de Marie Ève Brûlé, déposé par l’appelante le 28 mai 2021, aux paragraphes 23 et 24 de ses observations en réponse, l’intimé soutient que l’affidavit ne répond pas aux exigences de l’avis de la Cour d’appel fédérale aux parties et à la communauté juridique daté du 12 mai 2020, qui précise certaines des exigences de dépôt des documents pendant la pandémie de COVID-19. Selon l’intimé, l’avis daté du 12 mai 2020 permet aux parties de déposer des affidavits « obtenus à distance durant la période de suspension par des moyens jugés acceptables par une cour supérieure d’une province ». Or, l’appelante n’a pas invoqué de source au sein du système judiciaire de l’Ontario autorisant le dépôt d’un affidavit non daté. De plus, l’intimé affirme que l’affidavit de Marie Ève Brûlé semble appuyer les arguments de l’appelante concernant sa situation financière et fait savoir qu’il ne prend pas position sur l’admissibilité de l’affidavit de l’appelante.

[27] J’ai examiné l’avis aux parties et à la communauté juridique daté du 12 mai 2020, de même que l’affidavit de Marie Ève Brûlé déposé par l’appelante le 28 mai 2021. Je constate également que la copie de l’affidavit versée au dossier n’est pas datée. Je constate également que l’affidavit n’indique pas si les déclarations de la déposante ont été faites sous serment ou affirmées solennellement et, auquel cas, le nom du commissaire aux affidavits. Comme le fait valoir l’intimé, le reste de l’affidavit de Marie Ève Brûlé semble appuyer les arguments de l’appelante concernant la situation financière de cette dernière. Comme il est indiqué plus haut dans les présents motifs, à titre d’officier taxateur, je ne suis pas en mesure de prendre en compte la situation financière d’une partie dans la taxation des dépens. Cela dit, je remarque que les paragraphes 7 et 8 de l’affidavit de Marie-Ève Brûlé contiennent des déclarations concernant le montant des dépens demandés par l’intimé. Ces déclarations sont similaires à plusieurs prétentions contenues dans les observations de l’appelante sur les dépens. Par conséquent, étant donné que les déclarations satisfaisantes figurant dans l’affidavit de Marie Ève Brûlé se trouvent déjà dans les documents de l’appelante sur les débours, point n’est besoin de tenir compte de l’affidavit de Marie Ève Brûlé, déposé le 28 mai 2021, dans la taxation des dépens de l’intimé.

III. Services à taxer

[28] L’intimé demande 15,5 unités au titre des services taxables.

A. Article 18 – Préparation du dossier d’appel

[29] Dans le mémoire de frais modifié de l’intimé, déposé le 18 juin 2021, une unité a été demandée au titre de l’article 18, soit pour la préparation du dossier d’appel, qui a été déposé par l’intimé le 8 mai 2019. Mon examen du mémoire de frais de l’intimé, déposé le 24 mars 2021, montre que l’article 18 n’y est pas réclamé. Le mémoire de frais modifié qui a été déposé le 18 juin 2021 a été signifié à l’appelante, mais il faisait partie des documents sur les dépens présentés par l’intimé en réponse, et l’appelante n’a pas eu l’occasion de répondre à la nouvelle réclamation présentée au titre de l’article 18. Dans la décision Kawasaki Kisen Kaisha Ltd. v. Philipp Brothers Far East Inc., [1987] F.C.J. no 379, l’officier taxateur déclare ce qui suit au sujet de la modification des mémoires de frais :

[traduction]
Bien qu’il eût été plus judicieux pour l’avocat de l’intimé de déposer un mémoire de frais complet en premier lieu, sa demande de report a été accordée.

Sur le plan procédural, un mémoire de frais n’est pas taxé ni versé au dossier tant que chaque article n’a pas fait l’objet de l’analyse et d’une décision de l’officier taxateur. À mon avis, la demande d’une partie souhaitant modifier son mémoire de frais ou demander une prorogation à cette fin peut être autorisée si la partie opposée a la possibilité de contester les modifications apportées.

[30] À la lumière de la décision Kawasaki Kisen Kaisha Ltd., je conclus qu’il serait injuste pour l’appelante sur le plan procédural si je tenais compte de la nouvelle réclamation de l’intimé au titre de l’article 18. L’intimé n’a pas demandé d’instructions à l’officier taxateur concernant le dépôt d’un mémoire de frais modifié comprenant de nouvelles réclamations à l’étape de la réponse. S’il l’avait fait, une nouvelle directive aurait pu être émise à l’intention des parties pour leur permettre de déposer des observations en réponse concernant toute nouvelle réclamation. Par conséquent, je décide que la demande relative à l’article 18 doit être rejetée au vu des faits du dossier.

B. Article 19 – Mémoire des faits et du droit

[31] L’intimé a demandé cinq unités pour la préparation et le dépôt de son mémoire des faits et de droit, déposé le 23 juillet 2019. Au paragraphe 17 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que cinq unités représentent une somme raisonnable que l’intimé peut réclamer à l’article 19. Je suis d’accord avec l’appelante pour dire que la demande de l’intimé réclamant cinq unités est raisonnable. La préparation et le dépôt du mémoire des faits et du droit constituaient un service nécessaire pour l’intimé dans le cadre de la procédure d’appel et, par conséquent, la demande de l’intimé au titre de l’article 19 est accueillie telle quelle, soit pour cinq unités.

C. Article 22a) – Honoraires de l’avocat lors de l’audition de l’appel : a) pour le premier avocat, pour chaque heure

[32] L’intimé a demandé 4,5 unités au titre de l’article 22a) pour la comparution de l’avocat à l’audition de l’appel du 12 novembre 2019. Au paragraphe 18 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que la demande de l’intimé est [traduction] « excessive et dépasserait l’indemnisation complète ou les dépens sur la base avocat-client dans le cas d’un avocat privé ». L’appelante fait valoir, au paragraphe 19 de ses observations sur les dépens, que la demande de l’intimé au titre de l’article 22a) devrait être réduite à une heure et multipliée par deux unités au lieu de trois unités [traduction] « en raison du fait que l’intimé a simplement lu une déclaration à l’audience, une tâche très peu complexe d’à peine 15 minutes qui aurait pu être effectuée par un participant au programme Ontario au travail au salaire minimum ». Au paragraphe 13 de ses observations en réponse, l’intimé soutient que [traduction] « la demande relative aux honoraires d’avocat taxables à raison d’une heure et demie pour l’audience au titre de l’article 22 du tarif B est étayée par le dossier ».

[33] Par suite des observations des parties, j’ai examiné les détails de l’audience qui figurent au dossier. Selon le dossier, le greffier assigné à l’audience a consigné au Résumé de l’audition, une entrée dans le système informatisé qui fournit les détails d’une audience, que l’audience s’est déroulée de 9 h 30 à 11 h 05, pour une durée de 1 heure et 35 minutes. Dans l’affaire Apotex Inc. c. Merck & Co 2002 CAF 478, au paragraphe 4, l’officier taxateur s’exprime sur l’utilité des résumés de l’audience dans l’évaluation des demandes au titre de l’article 22 :

4. [...] La comparution lors d’une audience comprend forcément un certain laps de temps dans la salle d’audience pour s’identifier auprès du greffier de la Cour et pour l’attente de l’appel du dossier et aucun de ces éléments n’est compris dans le temps de préparation visé par les autres articles. Donc, le résumé d’audience est un guide utile quant à la présence à l’instruction, mais il n’est pas absolu. Je suis convaincu que la réclamation de huit heures et demie à 3 unités l’heure, au titre de l’article 22, est raisonnable compte tenu des circonstances. [...]

[34] En ce qui concerne les arguments de l’appelante selon lesquels la durée de l’audience devrait être réduite à une heure parce que l’intimé [traduction] « a lu une déclaration à l’audience, une tâche [. . .] d’à peine 15 minutes », l’appelante n’a invoqué aucune jurisprudence à l’appui de cette prétention. Mon examen du jugement rendu par la Cour le 29 novembre 2019 n’a pas révélé que les frais engagés par l’intimé pour sa comparution à l’audience devaient être réduits en raison de la durée de la plaidoirie. À la lumière de la décision Apotex Inc., je constate que la demande de l’intimé, à savoir une heure et demie pour l’audition de l’appel, est appuyée par le Résumé de l’audition qui figure au dossier. À défaut d’une source qui limite les demandes au titre de l’article 22a) à la seule durée des observations orales d’une partie, j’estime que l’intimé était en droit de présenter une réclamation visant la durée totale de sa présence à l’audience et non pas simplement la durée de sa plaidoirie.

[35] L’article 22a) du tableau du tarif B comporte une fourchette de deux à trois unités dans la colonne III. Par suite de mon examen du dossier de la Cour, je conclus que l’appel était de complexité moyenne et que la sélection de trois unités dans la colonne III par l’intimé était raisonnable. Après avoir examiné tous les faits mentionnés plus haut, j’estime que la présence de l’avocat de l’intimé à l’audition de l’appel était nécessaire et qu’il est raisonnable d’accueillir la demande de l’intimé au titre de l’article 22a) pour 4,5 unités.

D. Article 25 – Services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs

[36] L’intimé a demandé une unité au titre de l’article 25 pour les services rendus après le jugement. Au paragraphe 20 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que les services rendus par l’intimé ne sont pas indiqués et que, par conséquent, la demande au titre de l’article 25 ne devrait pas être accueillie. Au paragraphe 14 de ses observations en réponse, l’intimé soutient que les services rendus sont les suivants [traduction] « la préparation d’une lettre et d’un document de compte-rendu au client, la tenue de dossiers électroniques, la préparation du mémoire de frais et la clôture du dossier ». Dans la décision Halford c. Seed Hawk inc., 2006 CF 422, par. 131, l’officier taxateur fait la déclaration suivante à propos des services rendus après le jugement :

131. […] J’accepte d’office la réclamation au titre de l’article 25, malgré l’absence de preuve, sauf si j’estime que l’avocat responsable n’a pas effectivement examiné le jugement et expliqué ses répercussions à son client. [...]

[37] À la lumière des observations des parties et de la décision Halford, je conclus que les services rendus à l’intimé étaient nécessaires et qu’il est raisonnable d’accorder une unité pour les services rendus par l’intimé immédiatement après le prononcé du jugement final.

E. Article 26 – Taxation des frais

[38] Dans le mémoire de frais modifié de l’intimé, déposé le 18 juin 2021, quatre unités ont été demandées au titre de l’article 26, pour les services rendus au titre de la taxation des dépens. Mon examen du mémoire de frais de l’intimé déposé le 24 mars 2021, montre que seules trois unités ont été réclamées au titre de l’article 26. Le mémoire de frais modifié qui a été déposé le 18 juin 2021 a été signifié à l’appelante, mais il faisait partie des documents relatifs aux débours présentés en réponse par l’intimé, et l’appelante n’a pas eu l’occasion de répondre à l’augmentation du nombre d’unités réclamées au titre de l’article 26. Au paragraphe 15 des observations en réponse de l’intimé on peut lire que [traduction] « [l]’intimé a modifié son mémoire de frais afin de faire passer le nombre d’unités de trois à six, à partir de la valeur médiane, pour tenir compte du temps que l’intimé a consacré à la modification de son mémoire de frais et à la préparation de ses observations en réponse ». Je remarque que le paragraphe 15 des observations présentées en réponse par l’intimé comporte une erreur d’écriture, que le mémoire de frais modifié de l’intimé déposé le 18 juin 2021 comporte quatre unités réclamées au titre de l’article 26 et non six unités, comme il est indiqué dans les observations en réponse de l’intimé.

[39] À la lumière de la décision Kawasaki Kisen Kaisha Ltd., et à l’instar de ma démarche au titre de l’article 18, je conclus qu’il serait injuste pour l’appelante sur le plan procédural que j’accepte quatre unités, puisque l’appelante n’a pas eu l’occasion de répondre à l’augmentation. Par conséquent, je procède à la taxation au titre de l’article 26 sur le fondement de trois unités.

[40] Aux paragraphes 26, 27 et 28 de ses observations sur les dépens, l’appelante prétend que les services rendus à l’intimé pour la taxation des dépens [traduction] « n’auraient raisonnablement pas nécessité plus de deux heures » et que seules deux unités devraient être accordées au titre de l’article 26. Par suite de mon examen des observations des parties au titre de l’article 26 et de mon examen de tous les documents relatifs à la taxation des dépens de l’intimé, je détermine que les services rendus à l’intimé étaient nécessaires et qu’il est raisonnable d’accorder trois unités à l’intimé au titre de l’article 26.

F. Somme totale pour les services à taxer

[41] Au total, 13,5 unités sont accordées pour les services taxables de l’intimé, ce qui représente une somme totale de 2 025 $.

IV. Débours

[42] Le défendeur a demandé des débours de 1 665,73 $.

A. Photocopies à l’interne

[43] L’intimé a demandé 432 $ pour la photocopie à l’interne de six copies du dossier d’appel, déposé le 8 mai 2019, et de six copies du mémoire des faits et du droit de l’intimé, déposé le 23 juillet 2019. En ce qui concerne le dossier d’appel, au paragraphe 22 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que [traduction] « l’intimé ne peut pas réclamer de débours pour le dossier d’appel, car le paragraphe 343(4) des Règles dispose que la préparation du dossier d’appel est la responsabilité de l’appelante ». L’appelante fait également valoir qu’il n’y avait [traduction] « aucun accord écrit entre les parties pour le remboursement des frais de photocopie au titre de cet article ». Au paragraphe 11 de ses observations en réponse, l’intimé affirme que [traduction] « le représentant de l’appelante a eu des difficultés avec les exigences de la Cour en matière de dépôt et a accepté que l’intimé prépare et dépose le dossier d’appel à sa place ».

[44] L’appelante fait également valoir qu’il n’y avait aucun accord écrit entre les parties concernant le remboursement à l’intimé des frais de photocopie du dossier d’appel. Or, mon examen de l’échange de courriels entre les parties concernant la préparation du dossier d’appel, figurant à la pièce « J » de l’affidavit supplémentaire de Danika Tondreau du 18 juin 2021, et du dossier révèle que les parties n’avaient pas non plus convenu par écrit que l’intimé ne serait pas remboursé pour les coûts de photocopie du dossier d’appel. En outre, mon examen du dossier montre que l’intimé a déposé le dossier d’appel le 8 mai 2019, et rien dans le dossier n’indique que l’intimé a préparé et déposé le dossier d’appel sans l’approbation de l’appelante. Par suite de mon examen des documents relatifs aux dépens des parties et du dossier de la Cour, je suis d’avis qu’en l’absence de tout élément de preuve concernant le remboursement des frais de photocopie du dossier d’appel, il était raisonnable pour l’intimé d’inclure cette demande dans le mémoire de frais.

[45] En ce qui concerne la somme réclamée par l’intimé au titre des photocopies à l’interne du dossier d’appel et du mémoire des faits et du droit de l’intimé, dans la décision Inverhuron & District Ratepayers Assn. c. Canada (ministre de l’Environnement), 2001 CFPI 410, aux paragraphes 60 et 61, l’officier taxateur déclare ce qui suit :

60. Les défendeurs ont présenté des réclamations pour des photocopies faites au cabinet d’avocats. La preuve produite à l’appui de ces demandes est faible. Elle n’indique aucunement comment ils en sont arrivés au tarif de 0,25 $ la feuille. À l’audience, il a été suggéré que cela était la [traduction] « norme habituelle pour la Cour ». Ce tarif est généralement accepté par les officiers taxateurs de la Cour fédérale, mais je ne suis pas disposée à concéder qu’il s’agit là des frais véritablement engagés par le cabinet d’avocats pour des photocopies faites à leurs bureaux.

61. L’extrait suivant de la décision du juge Teitelbaum dans Diversified Products Corp. et al c. Tye-Sil Corp., 34 C.P.R. (3d) 267, appuie mon raisonnement sur le coût réel des photocopies :

Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l’action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. Les frais de 25 cents la feuille réclamés par le cabinet de l’avocat des demanderesses constituent des frais arbitraires et ils ne correspondent pas au coût réel de la photocopie. Les activités d’un cabinet d’avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Le cabinet d’avocats doit faire payer le coût réel et il incombe à celui qui réclame ces débours de convaincre l’officier taxateur du coût réel des photocopies essentielles.

[46] Dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, au paragraphe 14, la Cour déclare ce qui suit au sujet des officiers taxateurs qui disposent de peu de documents :

14. Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire.

[47] Suivant la décision Inverhuron & District Ratepayers Assn., il incombe à l’intimé de fournir des détails relatifs au coût réel des photocopies internes, comme une facture du client indiquant le montant des photocopies. À l’instar de cette jurisprudence, je conclus que la « preuve produite à l’appui » de la présente demande par l’intimé était faible, car « [e]lle n’indique aucunement comment ils en sont arrivés au tarif de 0,25 $ la feuille ». À la lumière de l’arrêt Merck, j’ai examiné le dossier pour tenter de déterminer une somme qui serait raisonnable pour la photocopie à l’interne, selon la taille et le nombre de documents qui devaient être préparés pour le greffe et les parties ainsi que le mode de signification entre les parties et de dépôt au greffe. Mon examen du dossier de la Cour révèle que le dossier d’appel et le mémoire des faits et du droit de l’intimé ont été signifiés par voie électronique à l’appelante. L’intimé a déposé cinq copies papier de chaque document auprès du greffe, et il était autorisé à une copie pour son propre usage, pour un total de six copies de chaque document, ce qui correspond au nombre de copies réclamé par l’intimé. Par conséquent, je conclus qu’il était raisonnable pour l’intimé de réclamer les débours pour six copies de chaque document.

[48] Après avoir examiné les documents relatifs aux dépens de l’intimé, le dossier et la jurisprudence mentionnée plus haut, je suis d’avis que la demande de l’intimé concernant les photocopies internes était nécessaire et qu’il est raisonnable d’accorder 261 $ au titre de ces débours.

B. Services d’impression

[49] L’intimé a réclamé 1 225,38 $ pour les services d’impression de trois copies du dossier certifié du tribunal, déposé le 11 mars 2019, et de six copies du recueil conjoint de jurisprudence des parties, déposé le 23 juillet 2019. Aux paragraphes 23, 24 et 25 de ses observations sur les dépens, l’appelante soutient que les documents mentionnés plus haut auraient pu être signifiés par voie électronique et que les factures d’impression [traduction] « semblent excessives » et ne contiennent pas suffisamment de détails. Au paragraphe 17 de ses observations en réponse, l’intimé soutient que [traduction] « le consentement à la signification électronique n’empêche pas les parties à déposer également des copies papier de ces documents auprès de la Cour ». L’intimé n’a pas fourni d’observations concernant l’absence de détails dans les factures.

[50] Mon examen des factures de l’intimé provenant de Bradda Printing Services Inc, aux pièces « G » et « H » de l’affidavit supplémentaire de Danika Tondreau du 18 juin 2021, révèle l’absence du prix d’impression par feuille. Or, les factures fournissaient des détails concernant le nombre de volumes contenus dans chaque document, le nombre de documents imprimés et des détails concernant les diverses particularités des documents, telles que les pages couvertures et les onglets. J’estime que, compte tenu de la taille du dossier certifié du tribunal, soit un volume, et de celle du recueil conjoint de jurisprudence, à savoir trois volumes, il était raisonnable de confier à une entreprise l’impression de ces documents.

[51] En ce qui concerne le consentement des parties à la signification électronique, déposé le 25 mars 2019, je constate, au vu de l’article 141 des Règles, que le consentement à la signification électronique n’emporte pas l’obligation de signifier tous les documents suivant ce mode. Incidemment, mon examen du dossier montre que le dossier certifié du tribunal qui a été déposé le 11 mars 2019, a été signifié à l’appelante avant que le consentement des parties à la signification électronique ne soit déposé auprès du greffe le 25 mars 2019. Compte tenu de tous ces faits, j’estime qu’il était loisible à l’intimé de signifier et de déposer des copies papier du dossier certifié du tribunal et du recueil conjoint de jurisprudence, et qu’il n’était pas tenu de signifier et de déposer ces documents par voie électronique en raison du fait que les parties avaient consenti à la signification électronique. Le dépôt d’un consentement à la signification électronique offre aux parties une autre option pour la signification des documents, mais elles ne sont pas obligées de signifier tous leurs documents par voie électronique.

[52] Mon examen du dossier et des documents relatifs aux dépens de l’intimé révèle que, pour le dossier certifié du tribunal, une copie papier a été déposée auprès du greffe de la Cour, une copie papier était destinée à l’appelante et une copie papier était destinée à l’intimé, pour un total de trois copies. Pour le recueil conjoint de jurisprudence, cinq copies papier ont été déposées au greffe, et l’intimé a eu le droit d’imprimer un exemplaire pour son propre usage, pour un total de six copies. Selon moi, les réclamations de l’intimé portant sur l’impression du dossier certifié du tribunal et du recueil conjoint de jurisprudence étaient nécessaires. En outre, si on divise les sommes facturées par le nombre de pages et de copies de chaque document requis par le greffe et les parties, les frais d’impression sont raisonnables. Par conséquent, les débours de l’intimé de 1 225,38 $pour l’impression impartie sont accordés tels quels.

C. Frais de messagerie

[53] L’intimé a réclamé 5,35 $ pour la signification par service de messagerie du dossier certifié du tribunal à l’appelante. Jointe à l’affidavit supplémentaire de Danika Tondreau du 18 juin 2021, à la pièce « I », se trouve une copie d’une facture de Purolator, montrant qu’une livraison a été effectuée à l’appelante le 8 mars 2019. La date de signification figurant sur la facture concorde avec celle du dépôt du dossier certifié du tribunal, le 11 mars 2019, au greffe de la Cour. J’estime que les frais exigés pour la signification du dossier certifié du tribunal à l’appelante étaient raisonnables et qu’il était nécessaire que l’appelante reçoive une copie de ce document, car il fournissait des renseignements pertinents pour l’appel. Par conséquent, la somme de 5,35 $ réclamée par l’intimé pour les services de messagerie est accordée telle quelle.

D. Somme totale accordée pour les débours

[54] La somme totale accordée pour les débours est de 1 491,73 $.

V. Conclusion

[55] Pour les motifs énoncés plus haut, le mémoire de frais modifié de l’intimé, déposé le 18 juin 2021, est taxé, et des dépens totaux de 3 516,73 $ sont payables par l’appelante à l’intimé. Un certificat de taxation sera également délivré.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-85-19

 

INTITULÉ :

CHURCH OF ATHEISM OF CENTRAL CANADA c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :

Le 25 octobre 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Christopher Bernier

REPRÉSENTANT DE L’APPELANTE

Linsey Rains

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 

 

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