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Date : 20210202


Dossier : A-79-20

Référence : 2021 CAF 20

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Laskin

Dossier : A-79-20

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

appelant

et

MARIA CAMILA GALINDO CAMAYO

intimée

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 2 février 2021.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20210202


Dossier : A-79-20

Référence : 2021 CAF 20

En présence de monsieur le juge Laskin

Dossier : A-79-20

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

appelant

et

MARIA CAMILA GALINDO CAMAYO

intimée

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LASKIN

[1] Le présent appel concerne l’interprétation et l’application des dispositions relatives à la perte de l’asile se trouvant à l’article 108 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Dans le jugement porté en appel (2020 CF 213, la juge Fuhrer), la Cour fédérale a annulé, après contrôle judiciaire, la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) accueillant une demande du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration visant à faire perdre à l’intimée son statut de réfugié. La Cour fédérale a conclu que la SPR avait agi de manière déraisonnable en ne donnant pas à l’intimée la possibilité de réfuter la présomption de protection de l’État qui découlait de son acquisition et de son utilisation d’un passeport délivré par la Colombie. La Cour fédérale a certifié trois questions. Une demande d’audience a récemment été déposée, mais aucune date d’audience n’a encore été fixée pour l’appel.

[2] La Cour est saisie de trois requêtes en autorisation d’intervenir dans l’appel : une présentée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR), une présentée par l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés (l’ACAADR), et une autre présentée conjointement par Justice for Children and Youth (JFCY) et l’Inter-Clinic Immigration Working Group (l’ICIWG). Le ministre appelant ne s’oppose pas à la requête du HCR, mais s’oppose aux deux autres. Pour les motifs exposés brièvement ci-après, j’accueillerai les requêtes du HCR et de l’ACAADR, mais je rejetterai la requête de JFCY et de l’ICIWG.

I. Le critère régissant l’octroi d’une autorisation d’intervenir

[3] Au cours des dernières années, le critère régissant l’octroi d’une autorisation d’intervenir au titre de l’article 109 des Règles a fait l’objet de plusieurs formulations. La plus récente se trouve dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, par. 2 à 11. Toutefois, je n’ai pas besoin de discuter longuement de ces différentes formulations. À mon avis, l’issue des requêtes en l’espèce repose sur un élément du critère qui, sur le fond, se trouve dans toutes ces formulations et en constitue un facteur essentiel. La Cour est appelée à décider si l’intervenant proposé présentera des observations ou apportera des précisions et des perspectives qui seront utiles à la Cour, « qui aideront la Cour à se prononcer sur les questions juridiques soulevées par les parties à l’instance, et non sur de nouvelles questions » : Conseil canadien pour les réfugiés, par. 6; voir également Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, par. 40; Gordillo c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 198, par. 14.

II. La requête du HCR

[4] Le HCR est un organisme satellite des Nations Unies. Son objectif premier est de protéger les droits et le bien-être des réfugiés. Ses responsabilités comprennent la supervision de l’application des conventions internationales pour la protection des réfugiés. Parmi ces conventions figure la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, 28 juillet 1951, R.T. Can. 1969 no 6 (entrée en vigueur le 22 avril 1954). L’alinéa 108(1)a) de la LIPR incorpore directement l’article 1C(1) de cette convention dans le droit canadien. Aux termes de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR, la LIPR doit être interprétée et appliquée de manière conforme aux instruments portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

[5] La responsabilité de supervision du HCR est exercée en partie par la publication de lignes directrices d’interprétation. Les deux parties devant la Cour fédérale, et la juge de la Cour fédérale dans ses motifs, ont fait référence aux lignes directrices sur l’article 1C publiées par le HCR. La Cour suprême du Canada et d’autres tribunaux ont également estimé que les lignes directrices du HCR étaient d’une grande utilité. Le HCR a obtenu le statut d’intervenant devant la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel de l’Ontario.

[6] Étant donné sa grande expérience des dispositions de la LIPR relatives à la perte de l’asile et la nature de ses responsabilités, le HCR est bien placé pour aider notre Cour à trancher les questions soulevées dans l’appel. Les grandes lignes des observations qu’il propose de présenter étayent cette conclusion. Je ne vois pas de facteurs le disqualifiant.

III. La requête de l’ACAADR

[7] L’ACAADR compte parmi ses membres des avocats, des universitaires, des stagiaires et des étudiants en droit de tout le Canada qui s’intéressent aux questions juridiques liées aux réfugiés, aux demandeurs d’asile, aux immigrants et aux droits de la personne des migrants. Elle a pour mission d’effectuer des recherches sur ces questions, de porter ces questions devant les tribunaux et de défendre les intérêts de ces groupes. Elle prend activement part à des litiges d’intérêt public (y compris en tant qu’intervenant) au nom de réfugiés, de demandeurs d’asile, d’immigrants et d’autres migrants. Elle a obtenu le statut d’intervenant à de nombreuses reprises devant la Cour suprême du Canada, notre Cour et la Cour fédérale.

[8] L’ACAADR a présenté dans son dossier de requête un aperçu des observations qu’elle présenterait si elle était autorisée à intervenir. Certaines des observations qu’elle propose semblent chevaucher celles énoncées dans le mémoire de fait et de droit de l’intimée, ainsi que celles proposées par le HCR. Pour ce motif, le ministre s’oppose à sa requête.

[9] Je suis quelque peu sensible à la thèse du ministre. Toutefois, à mon avis, l’ACAADR est susceptible d’apporter une perspective, fondée sur l’expérience quotidienne de ses membres avec le système canadien d’immigration et de protection des réfugiés, qui est distincte de celle de l’intimée et du HCR et qui sera utile à la Cour. Si la Cour voit cette attente déçue, elle pourra limiter les conséquences négatives de ce chevauchement lorsqu’elle décidera du temps qu’elle allouera, si elle en alloue, aux intervenants pour les observations orales.

IV. La requête de JFCY et de l’ICIWG

[10] JFCY est la branche active de la Canadian Foundation for Children, Youth and the Law. L’organisme a été constitué afin de promouvoir les droits des enfants et des jeunes et de faire reconnaître les enfants et les jeunes comme possédant des droits conférés par la loi. Ses activités principales comprennent la prise en charge de dossiers et l’introduction de poursuites dans des causes types. L’organisme fournit des services aux jeunes personnes et les représente, y compris des jeunes qui sont engagés dans le système d’immigration ou dont le statut d’immigration est précaire. Il possède une grande expérience en tant qu’intervenant, notamment dans les affaires concernant les droits des jeunes personnes dans le système d’immigration.

[11] L’ICIWG est un groupe d’avocats spécialisés dans les questions d’immigration et de protection des réfugiés, de stagiaires, d’étudiants en droit, de parajuristes et de travailleurs juridiques communautaires exerçant dans des cliniques d’aide juridique communautaires et des sociétés d’aide juridique étudiantes en Ontario. Les cliniques membres fournissent aux personnes protégées un large éventail de services juridiques en matière de droit relatif à la pauvreté. Ses membres assistent les personnes protégées dans leurs demandes de résidence permanente et ils leur donnent des conseils sur les demandes de constat de perte de l’asile, y compris celles faisant suite à une demande de passeport ou un voyage avec un passeport de leur pays d’origine.

[12] Je ne doute pas que JFCY et l’ICIWG aient de l’expérience et de l’expertise en ce qui concerne l’effet de la LIPR sur les enfants et les jeunes. Toutefois, les observations que ces organismes proposent de présenter si le statut d’intervenant leur était accordé soulèvent de nouvelles questions qui élargiraient de manière inadmissible la portée de l’appel.

[13] Par exemple, ils déclarent (au paragraphe 57 de leurs observations écrites) que [traduction] « les enfants à charge constituent un sous-ensemble unique de personnes protégées et devraient être traités en conséquence » et que [traduction] « les personnes qui sont reconnues comme [réfugiés au sens de la Convention] ou comme personnes protégées lorsqu’elles sont enfants ne devraient généralement pas faire l’objet de demandes de constat de perte de l’asile présentée en vertu du paragraphe 108(2) par le ministre ». Cette question n’a pas été soulevée devant la Cour fédérale et ne l’est pas davantage en appel dans les questions certifiées ou dans les mémoires des parties.

[14] Par ailleurs, JFCY et l’ICIWG proposent également (aux paragraphes 49 et 65) d’invoquer la Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, R.T. Can. 1992 no 3 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990), y compris le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, et la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11, à l’appui de leurs observations. Aucun de ces instruments n’a été invoqué devant la Cour fédérale, et il n’est fait référence ni à l’un ni à l’autre dans les mémoires des parties. En outre, ces requérants prévoient (au paragraphe 51) que notre Cour [traduction] « évaluera : les considérations uniques de procédure, de preuve et de fond des demandes d’asile concernant des enfants à charge [...] ». Mais rien ne montre que le dossier dont a été saisie la Cour fédérale, qui est le dossier dont est saisie notre Cour en appel, a été constitué sur le fondement qu’un tel examen aurait lieu. Aussi importantes que puissent être les questions que JFCY et l’ICIWG souhaitent faire examiner, le présent appel n’est pas l’instance où il convient de le faire.

V. Dispositif

[15] Pour les motifs qui précèdent, les requêtes du HCR et de l’ACAADR sont accueillies, selon les modalités établies dans l’ordonnance qui accompagne les présents motifs. La requête de JFCY et de l’ICIWG est rejetée.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-79-20

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. MARIA CAMILA GALINDO CAMAYO

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LASKIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 février 2021

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Michael Butterfield

Nadine Silverman

 

Pour l’appelant

 

Mario D. Bellissimo

Justin J. Toh

 

Pour l’intimée

 

Anthony Navaneelan

Benjamin Liston

Pour l’INTERVENANT PROPOSÉ LE Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

 

Lorne Waldman

Sumeya Mulla

POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés

 

Mary Birdsell

Allison P. Williams

 

Pour l’INTERVENANT PROPOSÉ Justice for Children and Youth

 

Prasanna Balasunram

 

Pour L’INTERVENANT PROPOSÉ L’Inter-Clinic Immigration Working Group

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’appelant

 

Bellissimo Law Group Professional Corp.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

Bureau du droit des réfugiés – Aide juridique Ontario

Toronto (Ontario)

Pour l’INTERVENANT PROPOSÉ LE Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

 

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

POUR L’INTERVENANTE PROPOSÉE L’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés

 

Justice for Children and Youth

Toronto (Ontario)

Pour l’INTERVENANT PROPOSÉ Justice for Children and Youth

 

Inter-Clinic Working Group

Toronto (Ontario)

Pour L’INTERVENANT PROPOSÉ L’Inter-Clinic Immigration Working Group

 

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