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Date : 20210921


Dossier : A-59-21

Référence : 2021 CAF 188

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Webb

ENTRE :

MANIGEH SABOK SIR

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

JOE LOZINSKI, CHRIS CASE, DEAN VODDEN, L’AGENT DARKO, L’AGENT SIGUENZA, RYAN HOW, ROD ENS

intimés

Requêtes jugées sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2021.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20210921


Dossier : A-59-21

Référence : 2021 CAF 188

En présence de monsieur le juge Webb

ENTRE :

MANIGEH SABOK SIR

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

JOE LOZINSKI, CHRIS CASE, DEAN VODDEN, L’AGENT DARKO, L’AGENT SIGUENZA, RYAN HOW, ROD ENS

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE WEBB

[1] L’appelante a présenté deux requêtes : l’une où elle demandait une ordonnance établissant qu’elle n’était pas tenue de signifier aux intimés d’autres documents dans le présent appel, et l’autre où elle demandait une ordonnance retirant le dossier de requête des intimés, dans lequel ils demandent un cautionnement pour dépens, du dossier de la Cour. Bien que d’autres mesures soient demandées dans les requêtes, trancher ces deux questions principales rendra les autres demandes théoriques.

I. Requête en ordonnance établissant que l’appelante n’est pas tenue de signifier des documents aux intimés

[2] L’avis d’appel en l’espèce a été déposé le 1er mars 2021. Le 11 mars 2021, un avis de comparution et une preuve de signification ont été déposés par le procureur général du Canada. La requête de l’appelante est fondée sur l’affirmation de l’appelante selon laquelle l’avis de comparution ne lui a pas été signifié et que, par conséquent, l’avis de comparution n’a pas été correctement déposé.

[3] L’obligation de signifier l’avis de comparution avant son dépôt est énoncée aux articles 341 et 73 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 :

341 (1) L’intimé qui entend participer à l’appel signifie et dépose, dans les 10 jours suivant la signification de l’avis d’appel :

341 (1) A respondent who intends to participate in an appeal shall, within 10 days after service of the notice of appeal, serve and file

a) soit un avis de comparution établi selon la formule 341A;

(a) a notice of appearance in Form 341A; or

b) soit, s’il entend demander la réformation de l’ordonnance portée en appel, un avis d’appel incident établi selon la formule 341B.

(b) where the respondent seeks a different disposition of the order appealed from, a notice of cross-appeal in Form 341B.

[…]

[…]

73 À l’exception de l’acte introductif d’instance, aucun document qui doit être signifié ne peut être déposé à moins d’être accompagné de la preuve qu’il a été signifié dans le délai et de la manière prévus par les présentes règles.

73 No document required to be served, other than an originating document, shall be filed without proof that it has been served within the time and in the manner provided for by these Rules.

[4] L’avocat du procureur général du Canada, dans le dossier de réponse déposé relativement à la présente requête, a indiqué que [traduction] « les intimés croyaient sincèrement avoir signifié l’avis de comparution à l’appelante avant de l’envoyer pour dépôt ». Cependant, les intimés n’ont produit aucun document confirmant que l’avis de comparution avait été signifié par courrier électronique avant son dépôt auprès de la Cour et déclarent seulement qu’ils [traduction] « croyaient sincèrement avoir signifié l’avis de comparution ». Par conséquent, les intimés n’ont pas réussi à établir qu’ils avaient correctement signifié à l’appelante l’avis de comparution avant qu’il ne soit déposé auprès de la Cour.

[5] L’appelante fait valoir que, puisque les intimés ne sont pas en mesure de confirmer que l’avis de comparution a été correctement signifié avant son dépôt, elle n’est pas tenue de signifier d’autres documents aux intimés dans le présent appel, au titre de l’article 145.

[6] L’article 145 des Règles est rédigé ainsi :

145 Sous réserve du paragraphe 207(2) et sauf ordonnance contraire de la Cour, si la partie qui a reçu signification d’un acte introductif d’instance se trouve dans l’une des situations ci-après, il n’est pas nécessaire de lui signifier d’autres documents dans le cadre de l’instance avant le jugement final :

145 Subject to subsection 207(2) or unless the Court orders otherwise, a party who has been served with an originating document is not required to be served with any further documents in the proceeding prior to final judgment if

a) elle n’a pas déposé d’avis de comparution ni déposé de défense dans le délai prévu par les présentes règles;

(a) the party has not filed a notice of appearance or a defence within the time set out in these Rules; or

b) elle n’a pas d’adresse aux fins de signification et n’a pas signifié et déposé d’avis de consentement à la signification électronique établi selon la formule 141A.

(b) the party has no address for service and has not served and filed a notice of consent to electronic service in Form 141A.

[Non souligné dans l'original.]

[emphasis added]

[7] La règle selon laquelle il n’est pas nécessaire de signifier d’autres documents à la partie qui n’a pas déposé d’avis de comparution est assujettie au pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour de prononcer une ordonnance contraire. Les mots « sauf ordonnance contraire de la Cour » confèrent un large pouvoir à la Cour d’ordonner que la partie qui n’a pas déposé d’avis de comparution a néanmoins le droit de se faire signifier des documents dans un appel. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour et, par conséquent, la question est de savoir s’il y a lieu d’exercer ce pouvoir en l’espèce.

[8] L’appelante reconnaît avoir reçu l’avis de comparution des intimés le 23 mars 2021, soit 22 jours après le dépôt de l’avis d’appel. Elle soutient avoir subi un préjudice du fait que les intimés ne lui ont pas signifié l’avis de comparution avant son dépôt. Elle affirme que sa demande devant la Cour fédérale (qui est à l’origine du présent appel) a été rejetée parce qu’elle a omis de respecter un délai particulier. Elle fait également valoir que le manquement aux Règles commis par les intimés a donné lieu à une série de requêtes et a entraîné des retards dans le présent appel.

[9] En ce qui concerne l’allégation de l’appelante selon laquelle elle aurait subi un préjudice parce que sa demande devant la Cour fédérale a été rejetée à cause d’un manquement à un délai, la situation concernant le manquement au délai et le défaut des intimés de signifier correctement l’avis de comparution ne sont pas comparables. Bien que l’appelante n’ait pas fourni l’intégralité de l’ordonnance de la Cour fédérale ayant rejeté sa demande, elle en a produit un extrait, qui semble exposer le fondement du rejet de sa demande. Dans les attendus de cette ordonnance, il est fait référence à une ordonnance que la Cour fédérale a rendue en décembre, laquelle ordonnait ce qui suit :

[traduction]

1. La demanderesse devra consigner 8 900 $ à la Cour en cautionnement pour dépens des défendeurs au plus tard le 14 février 2020.

2. La demanderesse devra, dans les sept (7) jours suivant le versement des 8 900 $ à la Cour, produire un rapport d’étape au juge chargé de la gestion de l’instance et à l’avocat des défendeurs confirmant que la somme de 8 900 $ a été versée à la Cour conformément au paragraphe 1 de la présente ordonnance.

3. La demanderesse devra payer le solde impayé des dépens de 1 200 $ aux défendeurs au plus tard le 14 février 2020.

4. Si la demanderesse ne se conforme pas aux conditions de la présente ordonnance, les défendeurs sont autorisés à demander de manière informelle le rejet de l’action sans autre avis à la demanderesse.

[10] Le délai que l’appelante dit avoir dépassé semble être celui du paiement du cautionnement pour dépens et des dépens préalablement adjugés, qui était fixé au 14 février 2020 au plus tard. Par conséquent, l’appelante (qui était la demanderesse dans l’affaire devant la Cour fédérale) n’a pas respecté l’ordonnance rendue en décembre par la Cour fédérale. De plus, le contenu même de cette ordonnance avisait l’appelante que, si elle ne se conformait pas à l’ordonnance, les défendeurs (maintenant les intimés dans le présent appel) seraient autorisés à demander le rejet de son action de manière informelle sans autre avis. La situation ne se compare pas au fait que les intimés ont omis de signifier un avis de comparution à l’appelante en l’espèce.

[11] L’avis de comparution est une question de procédure à laquelle les intimés ont remédié en envoyant ultérieurement une copie de cet avis à l’appelante. L’article 145 des Règles confère également à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’ordonner que des documents soient signifiés même si l’avis de comparution n’a pas été correctement signifié ou déposé. D’autre part, le paiement des dépens conformément à l’ordonnance rendue en décembre par la Cour fédérale représente le droit substantiel de recevoir une somme d’argent, et cette ordonnance indiquait clairement que tout manquement à ses modalités aurait pour effet de donner aux intimés le droit de demander le rejet de l’action de l’appelante.

[12] Je ne crois pas non plus que les requêtes et la correspondance qui ont été la conséquence de l’omission des intimés de signifier l’avis de comparution avant de le déposer aient causé un préjudice tel qu’il fasse perdre aux intimés le droit de se faire signifier d’autres documents.

[13] L’article 3 des Règles énonce les principes généraux qui doivent guider l’interprétation et l’application des Règles :

3 Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3 These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

[14] En l’espèce, je suis d’avis que l’application des Règles qui apporterait la solution au litige la plus juste, la plus expéditive et la plus économique possible serait d’ordonner que les intimés se fassent signifier tout autre document dans le présent appel. L’appelante a reçu une copie de l’avis de comparution le 23 mars 2021 et elle sait donc depuis cette date au moins que les intimés ont l’intention de participer au présent appel. Par conséquent, la requête en ordonnance établissant que l’appelante n’a pas à signifier de documents aux intimés sera rejetée sans dépens, et l’ordonnance prévoira que les intimés doivent se faire signifier tout autre document dans le présent appel.

[15] Les seuls avocats impliqués dans le présent appel pour les intimés sont des avocats du ministère de la Justice. L’ordonnance qui fait l’objet du présent appel est l’ordonnance de la Cour fédérale rejetant la requête de l’appelante dans laquelle elle fait appel de l’ordonnance du protonotaire qui, notamment, a rejeté sa demande parce qu’elle a omis de payer le cautionnement pour dépens et les dépens adjugés. Par conséquent, les intimés n’ont pas d’intérêts distincts dans le présent appel, et la question de savoir si l’avis de comparution visait à indiquer que tous les intimés (plus précisément les individus nommés) comparaîtraient est théorique, puisque le seul avocat qui comparaîtra pour les intimés proviendra du ministère de la Justice.

II. Requête en ordonnance retirant le dossier de requête des intimés du dossier de la Cour

[16] L’appelante fonde cette requête sur sa thèse selon laquelle on ne lui a pas signifié en bonne et due forme le dossier de requête des intimés dans lequel ces derniers demandent un cautionnement pour dépens. Elle invoque de nouveau l’article 73 des Règles, reproduit plus haut. Elle invoque également l’article 74 des Règles :

74 (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Cour peut à tout moment ordonner que soient retirés du dossier de la Cour les documents qui n’ont pas été déposés en conformité avec les présentes règles, une ordonnance de la Cour ou une loi fédérale.

74 (1) Subject to subsection (2), the Court may, at any time, order that a document that is not filed in accordance with these Rules or pursuant to an order of the Court or an Act of Parliament be removed from the Court file.

[17] Dans ses observations, l’appelante reconnaît avoir reçu une copie du dossier de requête, mais elle maintient sa thèse selon laquelle elle l’a reçue après le dépôt du dossier auprès de la Cour et non avant. Elle soutient également que le dossier de requête lui a été signifié par courrier électronique, alors qu’elle n’avait pas consenti à le recevoir ainsi.

[18] Les intimés soutiennent que le dossier de requête a été signifié en bonne et due forme, car l’article 340 des Règles dispose que l’adresse aux fins de signification d’une partie en appel demeure la même que dans l’instance devant la Cour fédérale. Les intimés font valoir que l’appelante avait consenti à la signification électronique au niveau de la Cour fédérale et n’avait pas retiré ce consentement en déposant la formule 141B (paragraphe 141(3) des Règles).

[19] Il n’est pas nécessaire en l’espèce de trancher la question de savoir si l’appelante a retiré son consentement à la signification électronique.

[20] L’article 147 des Règles est rédigé ainsi :

147 Si un document a été signifié d’une manière non autorisée par les présentes règles ou une ordonnance de la Cour, celle-ci peut valider la signification si elle est convaincue que le destinataire a pris connaissance du document ou qu’il en aurait pris connaissance s’il ne s’était pas soustrait à la signification.

147 If a document has been served in a manner that is not authorized by these Rules or by an order of the Court, the Court may validate the service if it is satisfied that the document came to the notice of the person to be served or that it would have come to that person’s notice except for the person’s avoidance of service.

[21] Selon cet article des Règles, si un document a été signifié d’une manière non autorisée, la signification peut être validée si la Cour juge que le destinataire a pris connaissance du document. En l’espèce, il est clair que le dossier de requête a été porté à la connaissance de l’appelante. Même si le dossier de requête a été signifié d’une manière qui n’est pas autorisée par les Règles, il convient en l’espèce de valider la signification du dossier de requête des intimés à l’appelante à la date à laquelle cette dernière l’a reçu.

[22] En ce qui concerne le moment de la signification du dossier de requête, l’appelante indique au paragraphe 27 de ses observations que les intimés ont signifié leur dossier de requête le 1er avril 2021. C’est la même date que celle où le dossier de requête a été déposé auprès de la Cour. La thèse de l’appelante concernant l’article 73 des Règles n’est pas fondée et, par conséquent, il n’y a pas lieu de retirer le dossier de requête des intimés en vertu de l’article 74 des Règles.

[23] La requête de l’appelante demandant que soit retiré du dossier de la Cour le dossier de requête des intimés où était demandé le cautionnement pour des dépens sera rejetée, avec dépens établis à 750 $, à payer quelle que soit l’issue de la cause au plus tard le 20 octobre 2021.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-59-21

INTITULÉ :

MANIGEH SABOK SIR c. SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 21 septembre 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Manigeh Sabok Sir

POUR SON PROPRE COMPTE

Jennifer Lee

Pour les intimés

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour les intimés

 

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