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Date : 20210721


Dossier : A-223-19

Référence : 2021 CAF 145

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

ATHLETES 4 ATHLETES FOUNDATION

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, les 10 et 11 mai 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LEBLANC


Date : 20210721


Dossier : A-223-19

Référence : 2021 CAF 145

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

ATHLETES 4 ATHLETES FOUNDATION

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1] Le présent appel est interjeté en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) à la suite de la décision, prise par le ministre du Revenu national (le ministre), de rejeter la demande d’enregistrement d’Athletes 4 Athletes Foundation (A4A) à titre d’association canadienne enregistrée de sport amateur (ACESA) en application de la Loi.

[2] Pour les motifs exposés ci-après, j’accueillerais le présent appel.

[3] L’appel interjeté par Tomorrow’s Champions Foundation (2021 CAF 146) contre le refus du ministre de l’enregistrer à titre d’ACESA a été entendu en même temps que le présent appel, bien que les appels n’aient pas été regroupés. Dans la mesure où les deux appels portaient sur les mêmes questions, les présents motifs seront retenus et appliqués dans l’autre appel.

I. Exposé des faits

[4] A4A est une société constituée en personne morale en application de la loi britanno-colombienne intitulée Society Act (Loi sur les sociétés), R.S.B.C. 1996, ch. 433 (remplacée par la Societies Act, S.B.C. 2015, ch. 18).

[5] Les fins poursuivies par A4A sont énoncées à l’article 2 de sa constitution :

[traduction]

2. Les fins poursuivies par la société sont les suivantes :

a) Mettre au point, financer, promouvoir et maintenir des activités, des programmes et des installations pour la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale, ce qui constitue son but exclusif et sa fonction exclusive.

b) Solliciter et recevoir des donations, des legs, des fiducies, des fonds et des biens et, en ayant un droit de bénéficiaire ou à titre de fiduciaire ou de mandataire, détenir, investir, mettre en valeur, gérer, accumuler et administrer des fonds et des biens pour les besoins de la société.

c) Débloquer les fonds et les biens à l’intention et au bénéfice des associations, clubs et sociétés dont l’objectif premier et la fonction première est de promouvoir le sport amateur au Canada et aussi à des fins et des activités autorisées pour les associations canadiennes enregistrées de sport amateur en application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

d) Accomplir d’autres tâches accessoires à la réalisation des fins poursuivies et à l’exercice des pouvoirs de la société.

[6] Le 24 juin 2014, A4A a présenté une demande d’enregistrement à titre d’ACESA. Dans la lettre datée du 18 mars 2015 (la première lettre), l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a énoncé la définition d’une association canadienne de sport amateur (ACSA) formulée dans la Loi. L’ARC a également cité diverses fins permettant à d’autres associations d’être enregistrées à titre d’ACESA. Elle a ensuite noté que, selon elle, A4A ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa d) de la définition d’une ACSA au sens de la Loi parce qu’A4A [traduction] « n’a pas fait la preuve qu’elle a pour but exclusif et fonction exclusive la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale ».

[7] La première lettre visait principalement les programmes et activités devant être exercés par A4A. L’ARC se concentrait plus précisément sur l’affirmation d’A4A selon laquelle elle [traduction] « souhaite offrir un appui financier “transitoire” aux sportifs qui, autrement, n’ont pas les moyens de s’entraîner ni d’assumer leurs frais de subsistance quotidiens ». L’ARC a également mentionné d’autres déclarations selon lesquelles A4A apportera une aide financière aux sportifs.

[8] L’ARC, après avoir mentionné ces déclarations, a fait état de ses préoccupations :

[traduction]

Par conséquent, d’après l’information fournie et, plus précisément, les déclarations mentionnées précédemment, il semble que l’aide que le demandeur offrira aux sportifs se présentera principalement, voire exclusivement, sous forme de financement supplémentaire et d’appui financier. Bien que de nombreuses ACESA aient pour objet d’aider les sportifs amateurs à exceller dans leurs disciplines respectives, ces organismes apportent habituellement un soutien allant au-delà du financement et jouent un rôle plus direct dans le perfectionnement des sportifs, contrairement au demandeur qui semble ne fournir aux athlètes qu’un soutien financier. Plus précisément, ces organisations exercent habituellement plusieurs des fonctions énumérées précédemment, par exemple la fourniture et l’organisation de programmes d’entraînement structurés permettant aux sportifs prometteurs de progresser jusqu’aux niveaux national ou international.

Toutefois, nous devons aviser le demandeur qu’à notre avis, aucune disposition dans le cadre réglementaire actuellement applicable aux ACESA ne permet l’enregistrement d’un organisme qui fournit uniquement un appui financier aux sportifs. Il nous est impossible d’établir un parallèle entre l’apport d’un appui financier aux sportifs et l’un des buts ou des fonctions exclusifs d’une ACESA admissible.

[9] L’ARC s’est également dite préoccupée par le fait qu’A4A n’avait pas suffisamment démontré qu’elle exercerait ses activités à l’échelle nationale. A4A était présente à Vancouver; l’ARC a cependant estimé, d’après le budget de fonctionnement proposé, qu’A4A n’était pas en mesure d’exploiter des programmes à l’échelle nationale.

[10] A4A a répondu à la première lettre. Sa réponse n’a pas dissipé les doutes de l’ARC et le ministre a délivré un avis de refus d’enregistrement (l’avis) daté du 5 février 2016.

[11] Le ministre a réitéré, de manière générale, les doutes exprimés dans la première lettre. Le ministre se disait préoccupé par le fait que les activités d’A4A [traduction] « ne sont pas assimilables au but exclusif et à la fonction exclusive d’une ACSA répondant aux exigences en vue de l’enregistrement ».

[12] Le ministre a également reconnu que [traduction] « le mot “direct” ne figure pas en tant que tel dans la Loi », mais il a indiqué que, selon lui, [traduction] « seules les activités faisant directement la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale peuvent remplir l’exigence de but exclusif et de fonction exclusive prévue par la Loi ». L’appui financier de sportifs amateurs proposé par A4A n’a pas été admis en tant que promotion du sport amateur.

[13] Le ministre a également fait remarquer ceci :

[traduction]

En général, pour satisfaire à l’exigence concernant l’échelle nationale, une association admissible à titre d’ACESA mènera déjà ses activités dans chaque province et territoire du Canada, ou dans un nombre important de provinces et de territoires couvrant la majeure partie de la population canadienne tout en ayant des projets concrets d’expansion à l’échelle nationale. Nous estimons habituellement qu’un organisme exerce ses activités à l’échelle nationale lorsqu’il est déjà présent de façon générale dans un grand nombre de localités partout au Canada et lorsque ces organismes locaux décident de se fédérer à l’échelle nationale.

[14] Après avoir reçu l’avis, A4A a présenté, le 5 mai 2016, un avis d’opposition en application du paragraphe 168(4) de la Loi. Le 12 juin 2019, A4A a interjeté appel devant notre Cour, en application du paragraphe 172(3) de la Loi, car le ministre n’avait pas répondu à l’avis d’opposition.

II. Questions en litige et normes de contrôle

[15] A4A a soulevé un certain nombre de questions dans son mémoire des faits et du droit. Les questions peuvent être regroupées et, en résumé, visent à déterminer si le ministre a commis une erreur en rejetant la demande d’A4A pour les raisons suivantes :

a) Étant donné qu’A4A propose d’offrir un appui financier direct aux sportifs, elle ne respecte pas l’exigence voulant que la promotion du sport amateur soit son but exclusif et sa fonction exclusive.

b) Étant donné qu’A4A n’a pas de bureaux dans l’ensemble des provinces et des territoires au Canada, elle ne respecte pas l’exigence de promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale.

[16] Le présent appel étant interjeté aux termes du paragraphe 172(3) de la Loi, notre Cour peut appliquer les normes de contrôle énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, para. 37). Pour toute question de fait ou toute question de droit et de fait sans question de droit isolable, la norme de contrôle est celle de l’erreur manifeste et déterminante. En l’espèce, il y a des questions de droit isolables en ce qui concerne l’interprétation à donner à la définition d’ACSA. Il faut donc appliquer, dans le cas des questions de droit isolables, la norme de la décision correcte.

III. Discussion

[17] Une ACESA est définie, au paragraphe 248(1) de la Loi, comme une ACSA qui répond à la définition établie au paragraphe 149.1(1) de la Loi et qui a présenté une demande d’enregistrement et est enregistrée en tant qu’ACESA :

association canadienne enregistrée de sport amateur Association canadienne de sport amateur, au sens du paragraphe 149.1(1), qui a présenté au ministre une demande d’enregistrement sur le formulaire prescrit, qui a été enregistrée et dont l’enregistrement n’a pas été révoqué.

registered Canadian amateur athletic association means a Canadian amateur athletic association within the meaning assigned by subsection 149.1(1) that has applied to the Minister in prescribed form for registration, that has been registered and whose registration has not been revoked;

[18] Voici la définition d’une ACSA :

association canadienne de sport amateur Association à l’égard de laquelle les faits ci-après se vérifient :

Canadian amateur athletic association means an association that

a) elle a été constituée sous le régime d’une loi en vigueur au Canada;

(a) was created under any law in force in Canada,

b) elle réside au Canada;

(b) is resident in Canada,

c) aucune partie de son revenu n’est payable à un propriétaire, à un membre ou à un actionnaire ou ne peut par ailleurs servir au profit personnel de ceux-ci, sauf si le propriétaire, le membre ou l’actionnaire était un cercle ou une association dont le but premier et la fonction première étaient de promouvoir le sport amateur au Canada;

(c) has no part of its income payable to, or otherwise available for the personal benefit of, any proprietor, member or shareholder of the association unless the proprietor, member or shareholder was a club, society or association the primary purpose and primary function of which was the promotion of amateur athletics in Canada,

d) elle a pour but exclusif et fonction exclusive la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale;

(d) has the promotion of amateur athletics in Canada on a nationwide basis as its exclusive purpose and exclusive function, and

e) elle consacre l’ensemble de ses ressources à la poursuite de ces but et fonction.

(e) devotes all its resources to that purpose and function;

[19] Le contentieux entre A4A et le ministre est axé, de manière générale, sur deux questions précises : l’intention déclarée d’A4A d’offrir un appui financier direct aux sportifs et la question de savoir si A4A répond à l’exigence concernant l’échelle nationale de ses activités.

A. Appui financier direct aux sportifs

1) Importance accordée aux documents d’orientation

[20] Voici ce qu’a indiqué le ministre dans l’avis :

[traduction]

Dans notre lettre du 18 mars 2015, nous avons expliqué que la participation du demandeur à la promotion du sport amateur semblait trop indirecte, en ce sens qu’il s’agissait uniquement d’accorder un appui financier individuel aux sportifs amateurs, ce qui, comme nous l’avons indiqué précédemment, n’est assimilable à aucun des buts et des fonctions exclusifs d’une ACSA admissible. [...]

Dans notre lettre, nous avons avisé le demandeur qu’à notre avis, aucune disposition dans le cadre réglementaire ou législatif actuellement applicable aux ACSA ne permet l’enregistrement d’un organisme qui fournit uniquement un soutien financier aux sportifs amateurs. Nous avons informé le demandeur qu’il nous est impossible d’établir un parallèle entre l’apport d’une aide financière aux sportifs et l’un des buts ou des fonctions exclusifs d’une ACESA admissible au statut d’association enregistrée.

[21] Bien que le ministre ait fait référence au [traduction] « cadre réglementaire ou législatif actuellement applicable aux ACSA », aucun règlement ne régit l’admissibilité d’un organisme en tant qu’ACSA. Les seules dispositions pertinentes sont celles de la Loi.

[22] Les buts et fonctions exclusifs d’une ACSA susceptible d’être admissible au statut d’association enregistrée dont il est question dans la lettre du Ministre sont apparemment établis dans une note de bas de page de l’avis et dans le corps de la première lettre :

[traduction]

Les associations admissibles au statut d’ACESA sont généralement constituées dans les buts exclusifs ci-dessous, qui deviennent ensuite leurs fonctions exclusives. Ces fonctions doivent être exercées au Canada et à l’échelle nationale; l’association doit y consacrer toutes ses ressources. Ces buts exclusifs sont les suivants :

réglementer un sport et la façon dont il se pratique;

promouvoir ce sport;

encadrer une structure de clubs locaux ainsi que d’organismes régionaux et provinciaux intervenant dans ce sport;

faire fonctionner un programme d’entraînement permettant aux sportifs prometteurs de progresser jusqu’aux niveaux national ou international, au moyen d’épreuves compétitives de qualification;

diriger une équipe nationale afin de prendre part aux compétitions internationales;

organiser et permettre des compétitions locales, régionales, provinciales et nationales;

représenter le Canada au sein d’une fédération internationale encadrant ce sport;

offrir une formation et un programme de certification aux entraîneurs et aux arbitres;

mener des activités de financement et de répartition des fonds pour les organismes membres locaux, régionaux et provinciaux.

[23] En plus de cette liste de buts et de fonctions, la première lettre donnait les renseignements suivants :

[traduction]

Les types d’organismes suivants peuvent également être admissibles à titre d’ACESA :

les organismes créés pour organiser des compétitions multisports nationales et internationales au Canada;

les organismes créés pour organiser des compétitions unisport nationales et internationales au Canada;

les organismes qui entretiennent et exploitent des installations pour l’entraînement d’athlètes de haut niveau dans la continuité de compétitions multisports; ou

les organismes qui mettent des centres d’entraînement multisports à la disposition d’athlètes de haut niveau désignés par leurs organismes de sport nationaux.

Un organisme qui répond à toutes les exigences de la Loi et qui, par extension, est créé pour atteindre la totalité ou la plupart des buts exclusifs susmentionnés, est admissible à l’enregistrement à titre d’ACESA auprès de l’Agence du revenu du Canada. [...]

[24] Malgré l’absence de référence à la source de ces buts admissibles, les buts indiqués dans la liste correspondent à ceux qui sont énumérés dans les lignes directrices publiées par l’ARC (CPS-011) qui étaient valables jusqu’au 31 décembre 2011. Bien que les buts déclarés dans la première lettre et dans l’avis commencent par les mots [traduction] « [l]es associations admissibles au statut d’ACESA sont généralement constituées dans les buts exclusifs ci-dessous […] », les lignes directrices indiquaient que [traduction] « [p]our être admissible à l’enregistrement comme association canadienne de sport amateur, un organisme doit exercer la plupart, voire la totalité, des fonctions suivantes ».

[25] Les buts et fonctions exclusifs dont il est question dans la première lettre et dans l’avis ne figurent pas dans la Loi. Cette liste se fonde uniquement sur les lignes directrices que l’ARC avait rédigées. Toutefois, la question n’est pas de savoir si les buts et fonctions d’A4A sont inclus dans la liste préparée par l’Agence ou sont analogues à ceux qui figurent dans cette liste, mais plutôt de savoir si ces buts et objectifs satisferont aux exigences de la définition d’ACSA figurant dans la Loi.

[26] La Couronne, au paragraphe 78 de son mémoire, affirme que [traduction] « les exemples de buts exclusifs indiqués dans les lignes directrices sont tout à fait compatibles avec la définition d’ACSA figurant dans la version française de l’alinéa 149.1(1)d) de la Loi […] ». Deux observations s’imposent à l’égard de cette affirmation. Premièrement, la version française n’a pas une signification différente de la version anglaise. Deuxièmement, la question n’est pas de savoir si [traduction] « les exemples de buts exclusifs indiqués dans les lignes directrices sont tout à fait compatibles avec la définition d’une ACSA », mais plutôt de savoir si le ministre s’est fondé uniquement sur cette liste d’exemples et l’a donc considérée comme une liste contraignante de buts acceptables.

[27] Dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, notre Cour a écrit ce qui suit :

[59] Les énoncés de politique jouent un rôle utile et important dans l’administration (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, [2008] 1 R.C.F. 385). À titre d’exemple, en encourageant l’application de principes uniformes dans les décisions, les énoncés de politique permettent aux personnes susceptibles de faire l’objet de décisions administratives de comprendre la façon dont les pouvoirs discrétionnaires peuvent être exercés. Ainsi, ils peuvent mieux planifier leurs affaires.

[60] Cependant, comme cela a été expliqué aux paragraphes 20 à 25 ci‑dessus, les décideurs auxquels une loi confère un vaste pouvoir discrétionnaire ne peuvent en entraver l’exercice en s’appuyant exclusivement sur une politique administrative (Thamotharem, précité, au paragraphe 59; Maple Lodge Farms, précité, à la page 6; Dunsmuir, précité (tel qu’expliqué au paragraphe 24)). Une politique administrative n’est pas une loi. Elle ne peut restreindre le pouvoir discrétionnaire que la loi confère à un décideur. Elle ne peut pas modifier la loi du législateur. Une politique peut aider ou guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu d’une loi, mais elle ne peut dicter de façon obligatoire comment ce pouvoir discrétionnaire s’exerce.

[28] Dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd., le ministre a rejeté une demande de renonciation aux intérêts et aux pénalités en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Ce paragraphe donne au ministre le pouvoir discrétionnaire d’annuler des intérêts ou des pénalités ou d’y renoncer : « Le ministre peut [...] renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts [...] ou l’annuler en tout ou en partie. » [Non souligné dans l’original.]

[29] Cependant, le ministre ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire semblable en ce qui concerne le refus d’enregistrement d’une ACSA à titre d’ACESA. Le seul pouvoir discrétionnaire conféré au ministre en matière de refus d’enregistrement est énoncé au paragraphe 149.1(25) de la Loi :

(25) Le ministre peut refuser d’enregistrer tout organisme de bienfaisance ou association canadienne de sport amateur qui a présenté une demande d’enregistrement comme organisme de bienfaisance enregistré ou association canadienne enregistrée de sport amateur si, selon le cas :

(25) The Minister may refuse to register a charity or Canadian amateur athletic association that has applied for registration as a registered charity or registered Canadian amateur athletic association if

a) la demande d’enregistrement est présentée pour son compte par un particulier non admissible;

(a) the application for registration is made on its behalf by an ineligible individual;

b) un particulier non admissible contrôle ou gère l’organisme ou l’association directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, ou en est un administrateur, fiduciaire, cadre ou représentant semblable;

(b) an ineligible individual is a director, trustee, officer or like official of the charity or association, or controls or manages the charity or association, directly or indirectly, in any manner whatever; or

c) l’organisme ou l’association a accepté un don d’un État étranger, au sens de l’article 2 de la Loi sur l’immunité des États, qui est inscrit sur la liste mentionnée au paragraphe 6.1(2) de cette loi.

(c) the charity or association has accepted a gift from a foreign state, as defined in section 2 of the State Immunity Act, that is set out on the list referred to in subsection 6.1(2) of that Act.

[30] Rien n’indique, en l’espèce, que les conditions énoncées aux alinéas 149.1(25)a), b) ou c) de la Loi sont applicables.

[31] Bien que la Couronne, dans sa plaidoirie, ait également mentionné le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le paragraphe 149.1(22) de la Loi, ce paragraphe concerne le pouvoir discrétionnaire d’envoyer un avis plutôt que celui de refuser un enregistrement :

(22) Le ministre peut, par courrier recommandé, aviser toute personne que sa demande d’enregistrement comme organisme de bienfaisance enregistré, association canadienne enregistrée de sport amateur, organisation journalistique enregistrée ou donataire reconnu visé aux sous-alinéas a)(i) ou (iii) de la définition de donataire reconnu au paragraphe (1) est refusée.

(22) The Minister may, by registered mail, give notice to a person that the application of the person for registration as a registered charity, registered Canadian amateur athletic association, registered journalism organization or qualified donee referred to in subparagraph (a)(i) or (iii) of the definition qualified donee in subsection (1) is refused.

[Non souligné dans l’original.]

[emphasis added]

[32] Le mot « peut », dans ce paragraphe, s’applique au verbe « aviser ». Avec ce paragraphe, le pouvoir discrétionnaire du ministre se limite au fait d’aviser quelqu’un du refus d’une demande d’enregistrement. Ce passage doit être lu avec le paragraphe 172(4) de la Loi, qui prévoit que le ministre est réputé avoir refusé d’enregistrer un demandeur comme ACSA s’il n’a pas avisé le demandeur de sa décision concernant la demande dans les 180 jours suivant son dépôt. Le paragraphe 149.1(22) n’appuie pas l’argument de la Couronne selon lequel le ministre dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser l’inscription d’une ACSA à titre d’ACESA.

[33] Le ministre est habilité à accorder le statut d’ACESA aux organismes qui respectent les exigences de la définition d’une ACSA. À cet égard, le ministre devra vérifier qu’un organisme donné respecte ces exigences; il devra, pour cela, tirer certaines conclusions de fait et conclusions mixtes de fait et de droit. Le fait de tirer ces conclusions diffère toutefois de l’exercice du vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser l’enregistrement d’un organisme donné. Le ministre disposerait d’un vaste pouvoir discrétionnaire si la Loi prévoyait qu’il peut enregistrer (ou refuser d’enregistrer) une ACSA à titre d’ACESA, sans limiter ce pouvoir discrétionnaire à certaines situations telles que celles indiquées aux alinéas 149.1(25)a), b) et c) de la Loi.

[34] Étant donné que les observations dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd., selon lesquelles les directives administratives ne modifient pas le droit, s’appliquent lorsque le ministre dispose d’un pouvoir discrétionnaire, elles s’appliquent également lorsque la Loi ne confère pas au ministre le vaste pouvoir discrétionnaire de refuser d’enregistrer une ACSA à titre d’ACESA, sauf lorsque les conditions énoncées au paragraphe 149.1(25) de la Loi sont remplies. Le rôle du ministre, quand il s’agit d’établir si un organisme donné est admissible en tant qu’ACSA et devrait être enregistré à titre d’ACESA, est de déterminer si cet organisme, d’après sa demande, respecte les exigences du législateur. Les lignes directrices antérieures rédigées par l’ARC ne sauraient lier le ministre ni changer les dispositions de la définition donnée par la Loi d’une ACSA.

[35] Bien que l’obligation pour une ACSA d’exercer les fonctions énumérées (comme l’indiquent les lignes directrices CPS-011) ait été remplacée par une déclaration selon laquelle l’ACSA doit généralement fonctionner de cette manière (comme l’indiquent la première lettre et dans l’avis), le ministre a apparemment continué de considérer qu’il s’agissait d’une liste de fonctions obligatoires.

[36] Voici ce qu’a déclaré le ministre dans l’avis :

[traduction]

Bien que nous reconnaissions qu’une ACSA n’est pas tenue de réaliser chacun des buts et fonctions exclusifs susmentionnés, nous estimons que ces buts et fonctions montrent généralement les moyens par lesquels le demandeur d’un statut d’ACESA peut prouver qu’il se consacrera exclusivement à la promotion du sport amateur à l’échelle nationale. C’est la réalisation d’activités résultant de ces buts et fonctions qui prouve de manière concrète que le but exclusif et la fonction exclusive d’un demandeur sont la promotion du sport amateur à l’échelle nationale. De plus, bien que nous reconnaissions également que chaque but énuméré ne constitue pas à lui seul un facteur décisif et que ces buts ne sont pas, en soi, limitatifs, nous sommes d’avis que l’ensemble de ces buts constitue un argument convaincant en faveur d’un enregistrement en tant qu’ACESA aux termes de la Loi.

[...] Bien que les buts et fonctions exclusifs d’une ACSA admissible ne figurent pas dans la Loi comme telle, l’ARC s’est servie de ces buts et de ces fonctions pour déterminer l’admissibilité à l’enregistrement étant donné que la grande majorité des ACESA exécutent la plupart de ces buts et fonctions et sont créées à cette fin.

[37] L’indication selon laquelle [traduction] « une ACSA n’est pas tenue de réaliser chacun des buts et fonctions exclusifs susmentionnés » [non souligné dans l’original] montre que, selon le ministre, il faudrait qu’une organisation réalise au moins un des buts et fonctions exclusifs énumérés afin d’être admissible à l’enregistrement. Ceci ressort également des autres termes employés par le ministre dans les paragraphes précédents et par l’affirmation selon laquelle A4A n’a pas rempli les exigences nécessaires parce qu’il était [traduction] « impossible [pour le ministre] d’établir un parallèle entre l’apport d’une aide financière aux sportifs et l’un des buts ou des fonctions exclusifs d’une ACSA admissible au statut d’association enregistrée ».

[38] La question que devait trancher le ministre était de savoir si A4A répondait à la définition d’ACSA, et non de savoir si ses fins étaient identiques ou semblables à celles des ACESA déjà enregistrées.

2) Les activités doivent-elles appuyer directement la promotion du sport amateur?

[39] Il semble que le ministre, au moment d’interpréter la définition d’une ACSA, y ait vu une condition voulant que les activités d’une ACSA appuient directement la promotion du sport amateur afin d’être admissibles aux termes de l’alinéa d) de cette définition :

[traduction]

Bien que nous reconnaissions que le mot « direct » ne figure pas en tant que tel dans la Loi, nous estimons que seules les activités qui font directement la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale peuvent remplir l’exigence de but exclusif et de fonction exclusive prévue par la Loi. Autrement dit, puisque la Loi requiert que le but d’une ACSA admissible soit exclusif, nous sommes d’avis, par voie de conséquence, que ce but doit être atteint directement, en excluant tout le reste. Nous estimons que, si une activité ne fait qu’« indirectement » la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale, il faut nécessairement, par voie de conséquence, que l’activité susmentionnée ait un autre objectif « direct », qui pourrait ne pas relever du champ d’application du cadre législatif.

[40] L’interprétation des dispositions de la Loi doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, para. 10). Le rôle de notre Cour est de décider de l’interprétation de ces dispositions voulue par le législateur.

[41] Voici ce que l’on peut lire à l’alinéa d) de la définition d’une ACSA :

association canadienne de sport amateur Association à l’égard de laquelle les faits ci-après se vérifient :

[...]

d) elle a pour but exclusif et fonction exclusive la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale;

[...]

[42] Selon la définition d’une ACSA donnée dans la Loi, le but exclusif et la fonction exclusive d’une ACSA doivent être la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale. Cela ne peut donc être que son seul but et sa seule fonction. Cependant, les fonctions ne sont pas pour autant limitées à celles qui consistent à promouvoir directement le sport amateur au Canada à l’échelle nationale. Dès lors que le seul but et la seule fonction d’une organisation consistent à promouvoir le sport amateur au Canada à l’échelle nationale, il importe peu qu’une fonction donnée le fasse directement ou indirectement.

[43] Rien dans le contexte ni dans l’objet ne permettrait d’étayer la thèse selon laquelle seules les activités ou les fonctions qui consistent à promouvoir directement le sport amateur au Canada à l’échelle nationale sont acceptables. L’objet de la disposition est d’accorder certains avantages fiscaux à une organisation qui fait la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale, à condition que cela soit son seul but et sa seule fonction.

[44] Le seul élément de l’alinéa d) renseignant sur le type d’activité ou de fonction permis est la mention de la promotion du sport amateur. Les autres éléments de l’alinéa d) sont les restrictions imposées à l’organisation quant à la portée de ses objectifs et de ses fonctions (exclusivement la promotion du sport amateur) et le lieu où l’organisation doit promouvoir le sport amateur (au Canada à l’échelle nationale). La promotion du sport amateur est donc un élément essentiel. Si les activités étaient limitées à celles qui consistent à promouvoir directement le sport amateur, il en résulterait des difficultés et de l’incertitude quant à savoir si une activité ou une fonction précise vise directement ou indirectement la promotion du sport amateur, ce qui découragerait les organisations d’effectuer le travail de promotion que la disposition vise à favoriser.

[45] L’incertitude qui découlerait de l’imposition d’une exigence de caractère direct est démontrée par la tentative de conciliation de l’interprétation explicite du ministre voulant que [traduction] « seules les activités visant directement la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale puissent remplir l’exigence de but exclusif et de fonction exclusive » avec la liste de buts acceptables dressée dans la première lettre et dans l’avis. Le ministre a par exemple indiqué qu’un but acceptable inclurait l’encadrement d’une [traduction] « structure de clubs locaux ainsi que d’organismes régionaux et provinciaux intervenant dans ce sport ». En quoi l’encadrement d’autres organismes viserait-il directement la promotion du sport amateur? On peut soutenir que la promotion du sport amateur serait indirecte. De la même façon, les activités acceptables comprennent le fait de [traduction] « représenter le Canada au sein d’une fédération internationale encadrant ce sport » et d’offrir [traduction] « une formation et un programme de certification aux entraîneurs et aux arbitres ». Là encore, il semblerait que ces activités puissent être considérées comme visant à faire la promotion du sport amateur indirectement, et non directement.

[46] La raison pour laquelle le caractère direct ne peut pas constituer une exigence est d’ailleurs illustrée par l’examen d’un autre des buts exclusifs acceptables : [traduction] « organiser et permettre des compétitions locales, régionales, provinciales et nationales ». Lors de la préparation d’une compétition, une organisation entreprendra diverses activités comprenant vraisemblablement la location d’installations, la préparation d’affiches et de dépliants, l’impression des affiches et des dépliants ou l’embauche d’une autre personne pour le faire, ainsi que diverses autres activités qui, peut-on soutenir, ne constituent pas des activités visant la promotion du sport amateur directement, mais seulement indirectement en permettant ou en facilitant la tenue d’une telle compétition.

[47] Par conséquent, ni la définition d’une ACSA ni les buts ou fonctions acceptables définis par l’ARC ne permettent de conclure que les buts ou fonctions d’une organisation doivent promouvoir directement le sport amateur.

3) Versement de fonds directement aux sportifs et utilisation de ces fonds par les sportifs

[48] Il semble que le sujet de préoccupation du ministre à l’égard d’A4A était l’utilisation, par les sportifs, des fonds qui leur sont accordés. Voici ce qu’a déclaré le ministre dans l’avis :

[traduction]

[…] Le financement de sportifs amateurs est peut-être un outil de promotion du sport amateur, mais il est également possible qu’il soutienne un grand nombre d’autres projets, par exemple en aidant ces personnes à atteindre des objectifs sans lien avec le sport amateur, ce qui ne respecte pas le critère de fonction exclusive. Le demandeur a par exemple indiqué, dans sa demande, que le financement qu’il accorde pouvait servir à couvrir des dépenses telles que les « frais de subsistance » des sportifs. Nous pouvons donc facilement imaginer qu’un sportif puisse utiliser le financement accordé par le demandeur à diverses fins autres que la promotion du sport amateur. Ce financement pourrait également appuyer d’autres projets, comme celui d’aider ces sportifs à passer du niveau amateur au niveau professionnel. Ceci soulève également la question de savoir si le versement de fonds à des sportifs amateurs pourrait leur faire perdre leur statut de sportifs « amateurs » et faire en sorte qu’on les qualifie de sportifs « professionnels ».

[49] Le ministre se livre à des spéculations en avançant que les versements envisagés par A4A pourraient faire en sorte qu’un sportif amateur soit considéré comme un sportif professionnel.

[50] Le ministre semble accepter que le versement d’un financement à un sportif n’exclue pas par le fait même un organisme de l’enregistrement. Dans l’avis, le ministre a reconnu que [traduction] « [l]e financement de sportifs amateurs pourrait être un outil de promotion du sport amateur ».

[51] La déclaration suivante du ministre, formulée dans l’avis lorsqu’il a abordé l’exigence de caractère exclusif, est une indication supplémentaire du fait qu’il semble accepter que l’offre d’un financement à des sportifs puisse être vue comme une promotion du sport amateur :

[traduction]

[...] Nous avons fait remarquer que, bien que de nombreuses ACSA aient pour objet d’aider les sportifs amateurs à exceller dans leurs disciplines respectives, ces organismes apportent habituellement un soutien allant au-delà du financement et jouent un rôle plus direct dans le perfectionnement des sportifs. [...]

Dans notre lettre, nous avons avisé le demandeur qu’à notre avis, aucune disposition dans le cadre réglementaire ou législatif actuellement applicable aux ACSA ne permet l’enregistrement d’un organisme qui fournit uniquement un soutien financier aux sportifs amateurs. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[52] En mentionnant le fait d’apporter un soutien [traduction] « allant au-delà du financement » et en faisant référence aux organisations qui fournissent uniquement un soutien financier, le ministre laisse entendre que le soutien offert par les ACSA acceptables comprend le financement accordé aux sportifs. Étant donné que les buts et fonctions d’une organisation doivent consister exclusivement en la promotion du sport amateur, le fait d’offrir un financement aux sportifs doit être considéré comme une fonction acceptable. Autrement, le fait d’offrir un financement signifierait que l’organisation n’a pas établi que son but exclusif et sa fonction exclusive sont la promotion du sport amateur.

[53] Par conséquent, l’offre d’un financement aux sportifs ne constitue pas en soi un fondement valable justifiant le refus d’un enregistrement. Il est difficile de comprendre pourquoi le fait d’offrir un financement qui aiderait un sportif amateur à poursuivre son cheminement sportif ferait en sorte qu’une organisation ne respecte pas l’exigence de but exclusif et de fonction exclusive. Cependant, il est important d’envisager un versement particulier en tenant compte de la mission de l’organisation.

[54] Comme l’a fait remarquer le juge Iacobucci dans l’arrêt Vancouver Society of Immigrant and Visible Minority Women c. M.R.N., [1999] 1 R.C.S. 10, par. 152, 169 D.L.R. (4th) 34 :

[…] La difficulté est que le caractère d’une activité est, au mieux, ambigu. Par exemple, même si la rédaction d’une lettre sollicitant des dons au profit d’une école de danse pourrait bien être considérée comme une activité de bienfaisance, cette même activité pourrait perdre ce caractère si les dons devaient aller à un groupe diffusant de la littérature haineuse. Autrement dit, c’est en réalité la fin pour laquelle une activité est exercée, et non le caractère de l’activité elle‑même, qui détermine s’il s’agit d’une activité de bienfaisance. En conséquence, dans l’arrêt Guaranty Trust, précité, notre Cour a décidé que l’examen doit porter non seulement sur les activités d’un organisme, mais aussi sur les fins qu’il poursuit.

[55] Le but des versements particuliers reçus par les sportifs est important. Voici ce qu’A4A a indiqué dans son rapport d’activité :

[traduction]

La fondation doit exercer ses activités à l’échelle nationale afin d’avoir le plus grand bassin possible de sportifs amateurs dans lequel puiser. La fondation travaillera dans tout le Canada afin de repérer les sportifs qui, avec l’appui financier de la fondation, seront les plus susceptibles de remporter des compétitions aux niveaux les plus élevés de leur discipline. La fondation proposera ensuite un financement et des programmes afin d’offrir à ces sportifs l’entraînement, l’encadrement, les compétitions, les occasions et les autres mécanismes de soutien utiles dont ils ont besoin pour prendre part à des compétitions sur la scène nationale et internationale. Les sportifs auxquels la fondation remet un financement sont à la fois des athlètes actuellement brevetés à l’échelle nationale (Sport Canada) et des sportifs qui n’ont pas encore obtenu le statut d’athlète breveté à l’échelle nationale. Dans le second cas, la fondation espère offrir un appui financier « transitoire » aux sportifs qui, autrement, n’ont pas les moyens de s’entraîner ni d’assumer leurs frais de subsistance quotidiens.

[56] La question qui nous intéresse particulièrement en l’espèce est de savoir quelles dépenses seraient couvertes par le financement offert aux sportifs. Dans son rapport d’activités, A4A a indiqué, pour les sportifs qui n’ont pas le statut d’athlète breveté, qu’elle [traduction] « souhaite offrir un appui financier “transitoire” aux sportifs qui, autrement, n’ont pas les moyens de s’entraîner ni d’assumer leurs frais de subsistance quotidiens ». On ne sait pas clairement si cet [traduction] « appui financier “transitoire” » serait destiné à l’entraînement ou aux frais de subsistance.

[57] Il est nécessaire de connaître les faits entourant le versement d’un paiement particulier à un sportif pour savoir si ce paiement satisfait à l’exigence selon laquelle il doit promouvoir le sport amateur au Canada. À ce stade, A4A a déposé une demande d’enregistrement en tant qu’ACESA. Ceci n’est pas une vérification d’A4A; il s’agit plutôt de savoir si les paiements qu’elle propose de verser aux sportifs, eu égard à ses fins déclarées, respectent l’exigence voulant que son seul but et sa seule fonction soient la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale.

4) Mention de l’alinéa e) de la définition d’une ACSA

[58] En l’espèce, le ministre a en fait traité le processus de demande comme une vérification d’A4A. C’est ce qui ressort des commentaires du ministre au sujet de l’alinéa e) de la définition d’une ACSA. Aucune des parties au présent appel n’a mentionné cet alinéa ni les commentaires du ministre à ce sujet.

[59] Dans l’avis, le ministre a conclu, comme raison supplémentaire du refus de l’enregistrement d’A4A en tant qu’ACESA, qu’A4A n’avait pas respecté l’exigence, énoncée à l’alinéa e) de la définition d’une ACESA, voulant que l’organisation « consacre l’ensemble de ses ressources à la poursuite de ces but et fonction ». Voici ce qu’a indiqué le ministre :

[traduction]

D’après les renseignements fournis, le demandeur ne se dégagera pas de son obligation de prouver cet élément puisqu’il n’a pas démontré qu’il participe à orienter ou à vérifier autrement la façon dont les fonds qu’il accorde sont dépensés par les sportifs. Il nous est donc impossible de conclure que le demandeur consacrera la totalité de ses fonds et de ses ressources au but exclusif de promouvoir le sport amateur au Canada à l’échelle nationale.

[60] L’examen de la manière dont les fonds sont dépensés aurait lieu lors d’une vérification. Pour le moment, on ignore si A4A dispose de ressources et, de toute façon, rien n’indique qu’A4A a versé des fonds à des sportifs. Dans sa demande d’enregistrement à titre d’ACESA, l’accent ne devrait pas seulement être mis sur le versement proposé de fonds aux sportifs; il devrait également être mis sur les buts de ce versement, tels qu’A4A les a indiqués dans sa demande.

B. Échelle nationale

[61] L’ARC a également estimé qu’A4A n’avait pas respecté l’exigence d’exploitation à l’échelle nationale. Plus précisément, l’ARC a fait référence à l’arrêt de notre Cour intitulé Maccabi Canada c. Canada (Ministre du Revenu national), 229 N.R. 227, 98 D.T.C. 6526 (C.A.F.), qui, selon elle, confirme sa thèse selon laquelle, pour être admissible à l’enregistrement, une ACSA doit être active partout au Canada, au sens géographique. Cependant, dans cet arrêt, la question était de savoir si l’exigence d’échelle nationale avait une connotation démographique en sus du sens géographique (paragraphe 3 de l’arrêt Maccabi). Notre Cour a conclu que la condition d’échelle nationale se limitait à une exigence géographique :

[8] À notre avis, cette locution ne dénote qu’un critère géographique. Il suffit que l’association canadienne de sport amateur demandant l’enregistrement sous le régime de la Loi ait des activités à travers le Canada, et ne soit pas limitée à une province, une région ou une localité. Cette interprétation est conforme à la volonté du législateur qui est de faire en sorte que les reçus délivrés aux donateurs émanent d’une seule organisation au niveau national, et que Revenu Canada n’ait pas à traiter avec une multitude d’organisations provinciales, régionales et locales.

[62] Pour l’application de l’alinéa d) de la définition d’une ACSA, il suffit qu’une ACSA mène ses activités partout au Canada; il n’est pas nécessaire que cette organisation soit effectivement présente dans chaque province et territoire.

[63] Voici ce qu’a déclaré le ministre dans l’avis :

[traduction]

Nous estimons habituellement qu’un organisme exerce ses activités à l’échelle nationale lorsqu’il est déjà présent de façon générale dans un grand nombre de localités partout au Canada et lorsque ces organismes locaux décident de se fédérer à l’échelle nationale.

[64] On ne sait trop si le ministre, en indiquant qu’un organisme est [traduction] « présent de façon générale » et que [traduction] « ces organismes locaux décident de se fédérer à l’échelle nationale », cherchait à faire en sorte que les seules organisations admissibles soient celles qui sont effectivement présentes à plusieurs endroits. La question soulevée par A4A dans son mémoire découle de son interprétation des déclarations du ministre qui, selon elle, l’obligent à avoir un bureau dans chaque province et territoire au Canada. La Couronne a soutenu qu’A4A a mal interprété la position du ministre. Cependant, la position du ministre n’est pas tout à fait claire. La question de savoir si une ACSA doit avoir une présence effective dans chaque province et territoire sera abordée puisqu’A4A l’a soulevée.

[65] L’alinéa d) de la définition d’une ACSA exige seulement que l’organisation ait « pour but exclusif et fonction exclusive la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale » (non souligné dans l’original). Rien ne justifie qu’une organisation effectivement présente dans une seule province ne puisse pas promouvoir le sport amateur au Canada à l’échelle nationale, et ce, sans nécessairement être effectivement présente dans chaque province et territoire.

[66] Le contexte et l’objet de la disposition permettraient également de conclure que la présence effective de l’organisation dans chaque province et territoire n’est pas nécessaire. Les efforts de l’organisation sont axés sur la promotion du sport amateur partout au Canada et non sur la possession de bureaux partout dans le pays. Tant que l’organisation fait la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale, elle respecte l’exigence même si elle ne dispose que d’un bureau dans une seule province.

[67] Si, après l’enregistrement, une organisation ne menait pas ses activités à l’échelle nationale, cette organisation ne pourrait pas conserver son statut d’ACESA.

IV. Conclusion

[68] À mon avis, le ministre a commis les erreurs suivantes :

  • (a) considérer que les buts et les fonctions acceptables dans sa liste sont les seuls buts et les seules fonctions acceptables pour déterminer si un organisme est admissible;

  • (b) rejeter l’enregistrement d’A4A à titre d’ACESA pour la seule raison que le ministre ne pouvait établir d’analogie entre la fourniture d’aide financière à des sportifs et les buts exclusifs et fonctions exclusives d’une ACSA existante qui a été enregistrée à titre d’ACESA;

  • (c) discerner dans la définition d’une ACSA une condition voulant qu’un organisme admissible doive faire directement la promotion du sport amateur.

[69] S’il s’avérait que le ministre a fondé son refus d’enregistrer A4A à titre d’ACESA sur le fait qu’A4A n’a pas de présence effective dans chaque province et chaque territoire, le ministre aurait commis une erreur.

[70] A4A a demandé à ce que l’affaire soit renvoyée au ministre. J’estime également que l’affaire devraitt être renvoyée au ministre. Le rôle du ministre consiste à établir si un organisme donné respecte les exigences d’une ACSA et devrait par conséquent être enregistré à titre d’ACESA.

[71] En l’espèce, le ministre devra déterminer si, d’après les conclusions de notre Cour portant sur la définition d’une ACSA, A4A a établi que les fonctions qu’elle a déclarées font la promotion du sport amateur au Canada à l’échelle nationale. Pour régler cette question, le ministre devra tirer certaines conclusions de fait et certaines conclusions mixtes de fait et de droit.

[72] Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’annulerais la décision du ministre et je renverrais l’affaire à celui-ci pour qu’une nouvelle décision soit rendue conformément aux présents motifs. Après l’audition de l’appel, les parties ont présenté une lettre dans laquelle elles affirment avoir convenu du montant des dépens à verser à la partie obtenant gain de cause. La somme convenue que doit recevoir A4A, arrondie au dollar le plus proche, est de 3 886 $. Le ministre paiera à A4A des dépens fixés à 3 886 $.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie j.c.a. »

« Je suis d’accord.

René LeBlanc j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-223-19

 

INTITULÉ :

ATHLETES 4 ATHLETES FOUNDATION c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 10 et 11 mai 2021

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 21 juillet 2021

COMPARUTIONS :

Gib van Ert

Dahlia Shuhaibar

Pour l’appelante

Lynn M. Burch

Selena Sit

Anna Walsh

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gib van Ert Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour l’appelante

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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