Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20210616


Dossiers : A-115-20

A-43-20

A-13-20

A-477-19

Référence : 2021 CAF 122

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

VIIV HEALTHCARE COMPANY, SHIONOGI & CO., LTD. et VIIV HEALTHCARE ULC

appelantes

et

GILEAD SCIENCES CANADA, INC.

intimée

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 19 avril 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 juin 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20210616


Dossiers : A-115-20

A-43-20

A-13-20

A-477-19

Référence : 2021 CAF 122

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

VIIV HEALTHCARE COMPANY, SHIONOGI & CO., LTD. et VIIV HEALTHCARE ULC

appelantes

et

GILEAD SCIENCES CANADA, INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1] Les appelantes (collectivement ViiV) interjettent appel de trois ordonnances interlocutoires rendues par la Cour fédérale (toutes sous la plume du juge Manson). ViiV interjette également appel d’un jugement sommaire rejetant son action en contrefaçon de brevet contre l’intimée, Gilead (sous la plume du juge Manson) : 2020 CF 486.

[2] Pour les motifs qui suivent, je rejetterais les appels avec dépens.

A. Énoncé des faits et appels interjetés à l’encontre des ordonnances interlocutoires

[3] Le brevet en litige, le brevet canadien no 2 606 282, est la propriété de certaines sociétés de ViiV et vise plusieurs classes de composés chimiques.

[4] Estimant que le composé de Gilead, le bictégravir, un des composants d’un médicament utilisé dans le traitement du virus de l’immunodéficience humaine (le VIH), contrefaisait son brevet, ViiV a intenté une action en contrefaçon de brevet à Gilead. Gilead a déposé une demande reconventionnelle en faisant valoir l’invalidité du brevet de ViiV.

[5] En août 2019, quelque dix-huit mois après le début de l’action, Gilead a déposé une requête en procès sommaire, en application de l’article 216 des Règles des Cours fédérales DORS/98-106 (les Règles), relativement à la question de la contrefaçon de brevet. La Cour fédérale a fixé l’instruction de la requête à janvier 2020.

[6] ViiV a fait valoir son opposition à la requête et a déclaré qu’elle en demanderait l’ajournement ou l’annulation par voie de requête. Ce n’est toutefois qu’en décembre 2019, soit juste avant le début de l’instruction du procès sommaire, que ViiV a fini par déposer tous les documents requis pour la requête en annulation. Les parties avaient alors déjà monté en grande partie leur dossier en vue du procès sommaire. Une volumineuse preuve d’expert avait notamment déjà été déposée (2020 CF 11, par. 10 à 12).

[7] La Cour fédérale a rejeté la requête visant l’ajournement ou l’annulation (2020 CF 11). Elle a conclu que le procès sommaire irait de l’avant, sans toutefois indiquer si elle rendrait ou non un jugement sommaire. Elle a déclaré qu’elle se prononcerait sur l’opportunité d’une telle mesure au procès sommaire (2020 CF 11, par. 22).

[8] Dans le dossier A-13-20, ViiV interjette appel de la décision de la Cour fédérale de rejeter sa requête en annulation. La Cour fédérale a fait des circonstances pertinentes une évaluation discrétionnaire et largement fondée sur les faits, afin de déterminer si le procès sommaire devait être instruit comme prévu. La Cour fédérale a conclu que bon nombre des documents présentés à l’appui de la requête en annulation n’étaient pas pertinents et que cette dernière avait été déposée très tardivement (2020 CF 11, par. 12 et 19). Dans ses motifs, la Cour fédérale a également formulé quelques observations sur le bien-fondé des requêtes en annulation. Ces observations sont examinées ci-après dans les présents motifs. Dans l’ensemble, ViiV n’a pu établir que la Cour fédérale eût commis quelque erreur susceptible de révision; je rejetterais donc le présent appel.

[9] Dans l’intervalle, la Cour fédérale a rejeté deux autres requêtes interlocutoires présentées par ViiV :

  • la requête présentée par ViiV en vue de contraindre la production de certains documents : 2019 CF 1579. ViiV interjette appel de cette décision dans le dossier A-477-19.

  • l’objection fondée sur le ouï-dire présentée par ViiV, qui s’opposait à l’admission en preuve de la monographie du bictégravir (ordonnance rendue le 24 janvier 2020). ViiV interjette appel de cette décision dans le dossier A-43-20.

Ces deux appels devraient être rejetés.

[10] L’appel relatif à la production de certains documents devrait être rejeté pour deux raisons. Premièrement, ces documents ne sont pertinents que pour appuyer une thèse fondée sur la contrefaçon par variantes – que je rejette dans les présents motifs. Deuxièmement, ViiV prétend que ces documents sont pertinents pour l’examen de la demande reconventionnelle fondée sur l’invalidité du brevet, présentée par Gilead. Cependant, Gilead s’engage à abandonner sa demande reconventionnelle fondée sur l’invalidité si elle a gain de cause dans tous les appels. Puisque c’est justement l’issue que je propose, Gilead abandonnera sa demande reconventionnelle fondée sur l’invalidité; la production de documents demandée par ViiV n’est donc pas pertinente.

[11] Quant à l’appel relatif à la recevabilité de la monographie du bictégravir, je le rejetterais également. En définitive, même si la Cour fédérale a commis une erreur, son examen de la monographie est sans importance. Le dossier montre que les deux parties se sont entendues sur la majeure partie de la structure du bictégravir, notamment, comme nous le verrons, sur son élément le plus important, à savoir la structure bicyclique pontée à l’endroit du « cycle A ». Les parties ne divergent que sur certains aspects de la stéréochimie qui n’ont aucune incidence sur la question de la contrefaçon (extraits des nouvelles observations écrites modifiées des demanderesses, par. 54, dossier d’appel A-43-20, vol. 1, onglet 5 (annexe 3), p. 156 à 158). En réponse aux questions soulevées à l’audience, ViiV n’a pu dire en quoi l’issue de l’affaire aurait été différente si la monographie de produit avait été exclue de la preuve.

B. Questions en litige au sujet du procès sommaire

1) Introduction : Examen des principes

[12] Comment la Cour doit-elle donner suite à une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire? Quelle méthodologie la Cour doit-elle suivre exactement? De nos jours, la réponse à ces questions est assez floue.

[13] De l’avis de certains, la Cour peut d’abord déterminer si la requête en jugement sommaire ou en procès sommaire doit être instruite et, dans la négative, la Cour peut, de sa propre initiative, la rejeter d’emblée (voir, par exemple, Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National-Oilwell Canada Ltd., 2010 CF 966, par. 5 à 7). D’autres sont d’avis qu’une partie peut présenter une requête en vue d’obtenir l’annulation d’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire au motif que cette requête ne devrait même pas être instruite. D’autres encore, comme la Cour fédérale en l’espèce (2020 CF 11, par. 22), sont d’avis que les requêtes en annulation ne devraient pas être déposées. Enfin, d’autres n’examinent jamais cette question à moins qu’elle ne soit soulevée par une partie.

[14] Ce flou découle également du fait que les juges et les avocats cherchent souvent à déterminer si une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire est « appropriée ». Or, un examen de la jurisprudence montre que ce mot prend un sens différent selon le juge. Pour certains, il résume la question de savoir si la procédure sommaire devrait même être instruite (Bosa c. Canada (Procureur général), 2013 CF 793, par. 22; Premium Sports Broadcasting Inc. c. 9005-5906 Québec Inc. (Resto-bar Mirabel), 2017 CF 590, par. 5; Collins c. Canada, 2014 CF 307). Pour d’autres, il traduit la question de savoir s’ils devraient rendre un jugement en fonction du droit et des faits qui leur sont présentés (Cabral c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1040; Trevor Nicholas Construction Co. Limited c. Canada, 2011 CF 70). Pour d’autres encore, il semble englober ces deux questions (Tremblay c. Orio Canada Inc., 2013 CF 109, [2014] 3 R.C.F. 404, par. 24 à 27; Teva Canada Limited c. Wyeth LLC and Pfizer Canada Inc., 2011 CF 1169; 0871768 B.C. Ltd. c. Aestival (Navire), 2014 CF 1047, par. 58 à 63; Burns Bog Conservation Society c. Canada (Procureur général), 2012 CF 1024, par. 65).

[15] Une clarté accrue sur cette question bénéficierait à la fois aux juges et aux avocats. La quête de clarté exige d’abord une compréhension de trois principes généraux qui sous-tendent les pratiques et les procédures des Cours fédérales.

[16] Premièrement, deux sources – l’une primaire et l’autre secondaire – définissent les pratiques et la procédure des Cours fédérales. Les Règles constituent la source primaire. Les normes y sont énoncées expressément ainsi qu‘implicitement, soit par voie de conséquence nécessaire. Les Règles établissent l’essentiel des pratiques et de la procédure des Cours. La plénitude des pouvoirs dont disposent les Cours – c’est-à-dire les pouvoirs qui leur sont conférés à titre de tribunaux au sens de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., ch. 3, reproduite dans L.R.C. (1985), annexe II, no 5 –, constituent la source secondaire. Ces pouvoirs permettent notamment aux Cours de diriger et de régir leurs services de soutien essentiels, comme le greffe, ainsi que d’encadrer de près le déroulement des affaires et les plaideurs qui les intentent et les défendent. Les Cours ne sont jamais dépouillées de la plénitude de leurs pouvoirs. Elles peuvent s’en prévaloir dans les cas opportuns, à condition qu’aucun texte législatif n’y fasse obstacle.

[17] Le second principe général veut que les Règles autorisent généralement les parties à ester en justice comme bon leur semble. En règle générale, les affaires portées devant les Cours fédérales sont pilotées par les parties. Sauf si elles sont visées par des ordonnances ou directives précises rendues dans des affaires particulières, et à l’exception des règles régissant la gestion des instances, les parties peuvent déposer des documents en tout temps à l’intérieur des délais prescrits par les Règles et elles peuvent également déposer des requêtes quand bon leur semble. Or, il s’agit simplement d’une règle générale.

[18] Le troisième principe général concerne le rôle central de l’article 3 des Règles dans nos pratiques et notre procédure. L’article 3 dispose que les Règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter « une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ». Le principe de la proportionnalité fait partie intrinsèque de l’article 3 des Règles (Canada (Bureau de régie interne) c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 43, par. 11). Il convient de porter une attention particulière à l’expression « la plus expéditive et économique possible », qui figure à cette disposition. Elle préconise une interprétation et une application proactives des Règles visant à prévenir ou à réduire au minimum les actes qui entraînent des retards et des coûts.

[19] Ces trois principes généraux éclairent l’analyse des questions concrètes touchant la procédure et les pratiques. Examinons l’exemple qui suit. Une partie dépose une requête. La requête ne semble guère fondée et elle sera très préjudiciable sur le plan du temps et des fonds qui devront y être consacrés. La partie adverse peut-elle présenter une requête en annulation ou, subsidiairement, en ajournement? Cette question se pose directement en l’espèce, car ViiV a déposé une requête auprès de la Cour fédérale en vue d’obtenir l’annulation ou l’ajournement de la requête en procès sommaire de Gilead.

[20] Selon les principes généraux énoncés plus haut, il est possible, dans de rares circonstances, de présenter une requête en vue d’obtenir l’annulation ou l’ajournement d’une autre requête. Lorsqu’elles sont présentées tôt et examinées rapidement, avant qu’elles n’occasionnent des pertes de temps et ne causent un gaspillage des ressources de la Cour et des parties, ces requêtes peuvent contribuer de manière proactive à l’atteinte des objectifs énoncés à l’article 3 des Règles et mettre un frein aux conduites préjudiciables. Dans cette optique, les requêtes en annulation ou en ajournement sont analogues aux requêtes prévues dans les Règles relativement à l’inscription des causes au rôle, à la gestion des instances et aux abus de procédure. Par conséquent, même si elles ne sont pas expressément autorisées par une disposition précise des Règles, elles tombent sous le coup de l’article 4 des Règles.

[21] Une requête en annulation n’est pas l’instrument qui convient pour soulever des moyens de défense sur le fond, aussi solides soient-ils. Ceux-ci doivent être invoqués dans le dossier de réponse à la requête, prévu au paragraphe 369(2) des Règles. De plus, cet exercice ne doit pas, en soi, entraîner une perte de temps et un gaspillage de ressources. Peu importe la partie qui les présente, les requêtes vaines et inutiles ayant pour objet l’obstruction n’ont pas leur place dans le système des Cours fédérales.

[22] Quand les circonstances s’y prêtent, la Cour peut-elle, de son propre chef, refuser d’examiner une requête problématique, c’est-à-dire une requête pour laquelle le temps et les fonds qui devront y être consacrés seront démesurés par rapport aux avantages qui en découleront?

[23] La réponse est « oui ». La Cour n’est pas contrainte d’attendre le dépôt d’une requête en réponse. Elle n’est pas confinée à un rôle purement passif, impuissante devant le dépôt d’une requête problématique qui précipitera l’instance dans un abîme de retards, de gaspillage et de chaos.

[24] La Cour est un bien collectif limité qui doit être préservé et géré dans l’intérêt public (Canada c. Olumide, 2017 CAF 42, [2018] 2 R.C.F. 328, par. 17 à 20). En exerçant la plénitude de ses pouvoirs, la Cour peut, de son propre chef, inviter les parties à lui soumettre des observations. Ensuite, si la situation s’y prête, elle peut rendre des ordonnances ou des directives pour favoriser l’atteinte de l’objet énoncé à l’article 3 des Règles. Notre Cour a notamment usé de la plénitude de ses pouvoirs à titre de tribunal pour statuer de manière proactive sur des conduites litigieuses problématiques (voir les arrêts Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8, par. 38 et la jurisprudence qui y est mentionnée; voir aussi Fabrikant c. Canada, 2018 CAF 171, Fabrikant c. Canada, 2018 CAF 224, Mazhero c. Fox, 2014 CAF 219, Philipos c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 79, [2016] 4 R.C.F. 268 et de nombreux autres).

[25] La Cour ne doit toutefois pas s’empresser d’agir de sa propre initiative. Le principe général voulant que ce soient les parties, et non la Cour, qui pilotent les instances dans le système des Cours fédérales commande le respect, et on doit y accorder l’importance qu’il mérite. Autrement dit, les parties ont droit à la déférence ainsi qu’à une certaine latitude quant à leurs choix procéduraux. Déférence n’est toutefois pas synonyme d’acceptation inconditionnelle, et la latitude ne saurait être assimilée à une absence de limites.

[26] Indépendamment de ce qui précède, précisons que la Cour dispose toujours d’un vaste pouvoir discrétionnaire sous-tendu par les objets énoncés à l’article 3 des Règles. Ce pouvoir lui permet de rendre des directives ou des ordonnances relatives à la mise au rôle et à la procédure applicable à l’instruction, à la plaidoirie et à la défense d’une requête.

[27] La Cour doit toujours respecter les principes de l’équité procédurale. Avant de rendre un jugement susceptible de toucher les intérêts des parties, la Cour doit solliciter de ces dernières des observations et en tenir compte.

[28] Comment ces principes s’appliquent-ils aux requêtes en jugement sommaire et en procès sommaire, qui sont prévues aux articles 213 à 216 des Règles?

[29] Lorsqu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire — ou le moment de son dépôt — semble soulever les problèmes décrits plus haut, une requête en annulation ou en ajournement peut être présentée dans le cadre des paramètres énoncés plus haut . Sinon, la Cour – agissant de son propre chef conformément aux principes qui précèdent — peut inviter les parties à lui soumettre des observations à la lumière desquelles elle détermine si la requête en jugement sommaire ou en procès sommaire devrait être instruite ou ajournée. En outre, la Cour dispose, pour trancher les requêtes en jugement sommaire ou en procès sommaire, d’un vaste pouvoir discrétionnaire régi par les objets de l’article 3 des Règles, en ce qui a trait à la mise au rôle et à la procédure applicable à l’instruction, à la défense et à la plaidoirie d’une requête.

[30] Examinons ensuite le libellé précis des articles 213 à 216 des Règles.

[31] L’article 213 des Règles prévoit qu’« [u]ne partie peut présenter une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire à l’égard de toutes ou d’une partie des questions que soulèvent les actes de procédure » en tout temps après « le dépôt de la défense du défendeur », mais « avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés ».

[32] L’article 215 des Règles précise dans quelles circonstances la Cour peut rendre un jugement sommaire. Il prévoit que la Cour fédérale rend un jugement sommaire si elle « est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense ». Il n’existe « pas de véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès » lorsque le juge dispose de « la preuve nécessaire pour trancher justement et équitablement le litige » de façon sommaire, c’est-à-dire lorsque « la procédure de jugement sommaire (1) permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires, (2) lui permet d’appliquer les règles de droit aux faits et (3) constitue un moyen proportionné, plus expéditif et moins coûteux d’arriver à un résultat juste » (Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 R.C.S. 87, par. 49 et 66; voir aussi Ethiopian Orthodox Tewahedo Church of Canada St. Mary Cathedral c. Aga, 2021 CSC 22, par. 25 et Manitoba c. Canada, 2015 CAF 57, par. 11).

[33] En d’autres termes, « un procès, avec toutes les conséquences qui en résulteraient pour les parties et les coûts associés à l’administration de la justice, n’est tenu que s’il existe une véritable question litigieuse qui ne peut être tranchée autrement » (Canmar Foods Ltd. c. TA Foods Ltd., 2021 CAF 7, par. 24).

[34] Même s’il existe une « véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense », la Cour peut « néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire » (par. 215(3) des Règles). En pareils cas, les juges disposent de pouvoirs accrus pour trancher des questions de fait litigieuses (Manitoba, par. 16; Milano Pizza Ltd. c. 6034799 Canada Inc., 2018 CF 1112, par. 32).

[35] L’article 216 des Règles régit le pouvoir de décider s’il convient de tenir un procès sommaire. La Cour peut refuser de tenir un tel procès si « les questions soulevées ne se prêtent pas à la tenue d’un procès sommaire » ou si « un procès sommaire n’est pas susceptible de contribuer efficacement au règlement de l’action » ( par. 216(5) des Règles). Cette disposition des Règles prévoit également que, même si les sommes d’argent en cause sont élevées, que les questions en litige sont complexes ou que la preuve est contradictoire, la Cour « peut rendre un jugement sur l’ensemble des questions ou sur une question en particulier » à moins « qu’elle ne soit d’avis qu’il serait injuste de trancher les questions en litige dans le cadre de la requête » (par. 216(6) des Règles).

[36] Qu’entend-on par « les questions […] ne se prêtent pas à la tenue d’un procès sommaire » et « contribuer efficacement au règlement de l’action » au paragraphe 216(5) des Règles? Qu’entend-on par « injuste » au paragraphe 216(6) des Règles?

[37] Ces mots « doivent recevoir une interprétation [et une application] large et propice à la proportionnalité et à l’accès équitable à un règlement abordable, expéditif et juste des demandes » (Hryniak, par. 5). Autrement dit, ils doivent être interprétés et appliqués en conformité avec les objectifs énoncés à l’article 3 des Règles.

[38] Sensible à juste titre au libellé de ces dispositions des Règles, y compris de l’article 3, la Cour fédérale a défini des facteurs utiles pour déterminer si les conditions préalables exigées dans les Règles pour la tenue d’un procès sommaire ou le prononcé d’un jugement sommaire sont remplies (Wenzel, par. 38; Bosa, par. 22; Tremblay, par. 24).

[39] Un autre élément très utile est le résumé concis, exhaustif et précis des règles de droit prévues aux articles 215 et 216 des Règles – notamment les effets de l’arrêt de la Cour suprême Hryniak –, qui est présenté dans le jugement Milano Pizza, par. 24 à 40.

[40] Certaines affaires invoquées dans la décision Milano Pizza montrent que, dans certains cas, les procédures sommaires ne font qu’accroître les frais et la durée des procédures. Cependant, d’autres affaires mentionnées dans cette jurisprudence montrent que les procédures sommaires peuvent améliorer dans certains cas l’accès à une justice expéditive et économique.

[41] Il est déjà difficile pour les parties de piloter leur instance jusqu’au procès et jusqu’au prononcé de la décision sur le fond – leur destination finale. Si leurs progrès sont interrompus par une procédure sommaire, la difficulté est accrue. Or, une procédure sommaire peut parfois offrir aux parties un raccourci vers leur destination finale. Tout dépend des circonstances. Le tribunal doit exercer de manière judicieuse son pouvoir discrétionnaire : interpréter le libellé des Règles à la lumière des objets de l’article 3 des Règles et des exemples de la jurisprudence, puis appliquer cette interprétation aux circonstances particulières de l’espèce.

[42] Au bout du compte, la Cour doit être d’avis qu’il est satisfait aux conditions préalables définies dans les Règles relatives au jugement ou au procès sommaires, interprétées à la lumière de l’article 3 des Règles, et qu’elle peut rendre un jugement sommaire d’une manière juste et équitable sur le fondement des éléments de preuve présentés et du droit.

2) Application de ces principes à l’espèce

[43] Dans le dossier A-115-20, ViiV demande que soit infirmée la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle un jugement [procès] sommaire était « une procédure appropriée pour faire avancer le litige et limiter les questions en litige » étant donné « les questions étroites et bien définies dont la Cour est saisie ». La Cour fédérale a conclu qu’elle pouvait rendre un jugement, eu égard au droit et aux faits qui lui avaient été présentés (2020 CF 486, par. 1 et 11 à 18).

[44] ViiV soutient que la Cour fédérale n’a pas tenu compte du fardeau de la preuve. Je ne suis pas d’accord (voir 2020 CF 486, par. 19 à 22).

[45] ViiV affirme également que la Cour fédérale a commis une erreur de droit ou de fait en rendant un jugement sommaire en l’espèce. Cependant, ViiV ne soulève aucune erreur sur une question de droit isolable dans ses observations. ViiV demande essentiellement à notre Cour de réexaminer l’affaire et de parvenir à une conclusion différente.

[46] Or, ce n’est pas là le rôle d’une cour d’appel. À défaut d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste et dominante de la part de la Cour fédérale dans l’application du droit aux circonstances de l’affaire, notre Cour ne peut intervenir (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). Nous sommes particulièrement réticents à intervenir lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le juge de la Cour fédérale assure la gestion de l’instance ou participe étroitement à la gestion du déroulement de l’instance. ViiV n’a pas établi quelque erreur de la part de la Cour fédérale qui justifierait l’infirmation de sa décision.

[47] Dans ses motifs au sujet de la requête en annulation ou en ajournement, la Cour fédérale indique qu’elle n’est pas habilitée à examiner des requêtes préliminaires visant à obtenir l’annulation de requêtes en jugement sommaire ou en procès sommaire (2020 CF 11, par. 25 et 26). C’est inexact, comme le révèle l’analyse qui précède sur les requêtes en annulation ou en ajournement possibles.

C. Conclusion de la Cour fédérale voulant que le brevet, s’il est bien interprété, ne vise pas le bictégravir

[48] La Cour fédérale conclut que le bictégravir ne contrefait pas le brevet. Elle rend donc un jugement sommaire en faveur de Gilead. ViiV avance plusieurs motifs de droit au soutien de l’annulation de cette décision. Ces motifs sont décrits ci-après. Je suis d’avis qu’il n’existe aucun motif justifiant l’annulation du jugement sommaire rendu par la Cour fédérale en faveur de Gilead.

[49] Le jugement de la Cour fédérale repose sur son interprétation des revendications 1, 11 et 16 du brevet et son interprétation du « cycle A » qui y est défini.

[50] Les parties conviennent que le médicament de Gilead, le bictégravir, est essentiellement identique aux composés décrits dans les revendications 1, 11 et 16, sauf en ce qui a trait à la position du « cycle A ».

[51] La revendication 1 décrit le « cycle A » comme un [traduction] « hétérocycle facultativement substitué ». La revendication 11 le décrit comme un « hétérocycle de 5 à 7 membres, facultativement substitué et optionnellement condensé contenant l à 2 hétéroatomes ». La revendication 16 le décrit comme un « hétérocycle de 5 à 7 membres, facultativement substitué et optionnellement condensé, [dont] deux des substituants combinés avec le ou les atomes voisins peuvent former un carbocycle facultativement substitué ou un hétérocycle facultativement substitué ». La question qui se posait, et qui était liée à l’interprétation, était de savoir si ces structures comprenaient les structures bicycliques pontées, soit le type de structure que l’on trouve à la position du « cycle A » dans le bictégravir.

[52] Devant la Cour fédérale, ViiV a fait valoir que le « cycle A » visait les structures bicycliques pontées et, donc, que le bictégravir contrevient au brevet. Gilead a soutenu au contraire que le « cycle A » ne comprenait pas les structures bicycliques pontées et donc que le bictégravir n’était pas visé par le brevet.

[53] La Cour fédérale a souscrit à la thèse de Gilead. Elle a conclu que le « cycle A », tel qu’il est défini dans les revendications 1, 11 et 16, comprend uniquement les structures bicycliques spiraniques ou fusionnées. Il ne comprend pas les structures pontées.

[54] Dans ses motifs, la Cour fédérale indique que les revendications elles-mêmes ne sont pas claires et qu’une personne versée dans l’art ne saurait pas ce qu’elles visent et ce qu’elles ne visent pas. La personne versée dans l’art devrait donc consulter la divulgation du brevet pour déterminer la portée du « cycle A ».

[55] Dans l’appel, ViiV soutient que la Cour fédérale a commis de nombreuses erreurs de droit dans son interprétation des revendications.

[56] L’interprétation d’un brevet est une question de droit (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, par. 61 et 76). Il y a lieu toutefois de faire preuve de retenue quant à l’appréciation par la Cour fédérale de la preuve, en particulier de la preuve d’expert, qui influe sur l’interprétation (Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CAF 109, par. 20; Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National-Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, [2014] 2 CF 459, par. 44; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, 2013 CAF 219, par. 73 et 74; ABB Technology AG c. Hyundai Heavy Industries Co., Ltd., 2015 CAF 181, par. 22 à 24). Plus précisément, l’appréciation de la preuve d’expert, quant à la manière dont une personne versée dans l’art interpréterait les revendications et tout libellé particulier et quant aux connaissances générales courantes dont cette personne disposait à la date de publication, est une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (Bombardier Produits Récréatifs Inc. c. Arctic Cat, Inc., 2018 CAF 172, par. 15 et 16; Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc., 2017 CAF 9, par. 29 et 30; Tearlab Corporation c. I-MED Pharma Inc., 2019 CAF 179, par. 29). La norme de contrôle qui s’applique à ces questions est la norme difficile à atteindre de l’erreur manifeste et dominante (Cobalt Pharmaceuticals Company c. Bayer Inc., 2015 CAF 116, par. 15; ABB Technology, par. 24).

[57] ViiV affirme que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en renvoyant à la divulgation du brevet pour l’interprétation des revendications.

[58] Je ne suis pas du même avis. Il est acquis en matière jurisprudentielle qu’un brevet doit être interprété dans l’intégralité de son contexte, à la lumière de l’ensemble de la preuve d’expert nécessaire (Jansen Inc. c. Teva Canada Limited, 2015 CF 184, par. 92 et 93; Teva Canada Limitée c. Janssen Inc., 2018 CF 754, par. 236). La divulgation fait partie du contexte nécessaire (Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, p. 520 et 521, 1981 CanLII 15).

[59] ViiV prétend que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en ayant recours à la divulgation, même après avoir conclu que le libellé des revendications était « clair et sans ambiguïté ».

[60] Je ne partage pas cet avis non plus. ViiV dégage les mots « clair et sans ambiguïté » des motifs de la Cour fédérale et en fait une interprétation erronée. Lorsqu’on lit le paragraphe dans son ensemble – et pas seulement un membre de phrase – on constate que la Cour fédérale a jugé nécessaire de ne pas se limiter au libellé de la revendication (2020 CF 486, par. 128).

[61] Il faut interpréter les motifs des tribunaux de première instance de façon globale, en usant d’indulgence pour les expressions maladroites et les efforts faits pour résumer une abondance de renseignements (R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, par. 35 et 55; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, par. 68; Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, par. 49 à 51). Il en découle notamment que les phrases isolées extraites des motifs doivent être interprétées à la lumière des motifs et du dossier qui a été présenté à la Cour. En l’espèce, si on adopte cette démarche, il est évident que la Cour fédérale a bien compris le rôle de la divulgation dans l’interprétation des revendications du brevet.

[62] ViiV affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en interprétant le brevet sans élément de preuve sur la biologie et la virologie provenant de Gilead. ViiV ne dit pas qu’aucun élément de preuve sur la biologie ou la virologie n’a été présenté à la Cour, ni que de tels éléments de preuve sont nécessaires à l’interprétation du cycle A. Elle dit, de façon générale, qu’il aurait dû y avoir une équipe complète de personnes versées dans l’art, mais qu’il n’y en avait pas; l’appel doit donc être accueilli. Elle soulève cette thèse sur le fondement d’une jurisprudence qui nous dit que les brevets doivent toujours être interprétés à la lumière de leur contexte.

[63] Je ne suis pas du même avis. Il est vrai que les brevets doivent être interprétés dans leur contexte, à la lumière du brevet dans son ensemble et de toute la preuve d’expert nécessaire. Formulée de façon négative, cette thèse veut qu’on ne puisse créer une fiction en ne sélectionnant qu’une partie d’un brevet ou qu’une partie de l’équipe des personnes versées dans l’art. Or, elle ne signifie pas que, pour comprendre un volet précis d’une revendication, le tribunal doive toujours prendre en compte chaque élément plausible du contexte, qu’il soit ou non utile à l’interprétation. Lorsque certains éléments du contexte n’éclairent pas l’interprétation, comme en l’espèce, la Cour n’a pas à en tenir compte.

[64] En l’espèce, les éléments de preuve sur la biologie ou la virologie n’auraient pas facilité l’interprétation du « cycle A ». Le propre expert de ViiV l’a reconnu (2020 CF 486, par. 79). En outre, si des éléments de preuve sur la biologie ou la virologie avaient été nécessaires, la Cour les avait à sa disposition : ViiV a cité à comparaître un expert en biologie et virologie. Fait révélateur, ViiV n’invoque aucun de ses éléments de preuve sur la biologie et la virologie dans le présent appel.

[65] ViiV prétend que la Cour fédérale a indûment limité les revendications 1, 11 et 16 aux variantes à privilégier et qu’elle a ainsi ajouté aux revendications par voie d’interprétation.

[66] Je ne partage pas cet avis non plus. Comme le reconnaît ViiV, la Cour fédérale a bien circonscrit le droit dans ce domaine (mémoire des faits et du droit de l’appelante, par. 75). En réalité, ViiV conteste la manière dont la Cour fédérale a appliqué le droit aux faits – il s’agit d’une question de droit et de fait sans question de droit isolable, pour laquelle la norme de contrôle est celle de l’erreur manifeste et dominante.

[67] ViiV chicane sur l’importance de certaines sources faisant autorité, ainsi que sur le sens du mot « may » (peuvent) dans la version anglaise de la revendication 16 du brevet. Or, elle ne prétend pas – et démontre encore moins – que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante, par exemple en formulant des conclusions manifestement illogiques ou des conclusions non corroborées par le dossier, ou en faisant totalement abstraction d’éléments de preuve (voir, par exemple, Mahjoub, par. 62). La Cour fédérale connaissait le droit dans ce domaine et elle a manifestement préféré la preuve d’expert de Gilead à celle de ViiV (2020 CF 486, par. 130 à 136).

[68] ViiV soutient en outre que le bictégravir contrefait le brevet même s’il n’est pas visé par les revendications 1, 11 et 16, car il s’agit d’une simple variation d’un élément non essentiel du brevet. Pourtant, durant le procès sommaire, ViiV a reconnu que le « cycle A » est un élément essentiel. Cette concession signifie que ViiV ne peut invoquer une thèse fondée sur le recours à des variantes.

[69] Dans ses efforts visant à limiter l’importance de cette concession, ViiV tente de diviser le brevet en composantes de plus en plus petites. ViiV affirme n’avoir reconnu que le cycle A, dans son ensemble, comme élément essentiel, mais prétend ne pas avoir reconnu que certaines formes du cycle A étaient essentielles. Par une telle affirmation, ViiV tente de diminuer la portée de sa concession à la Cour fédérale, ce qu’elle ne peut faire. Son approche rappelle celle fondée sur l’« esprit de l’invention » en matière de contrefaçon de brevet. Selon cette approche aujourd’hui discréditée, les titulaires de brevets obtiennent deux chances de faire valoir leur cause : ils peuvent d’abord tenter de démontrer qu’il y a eu contrefaçon littérale et, s’ils échouent, ils peuvent ensuite tenter de démontrer une contrefaçon « en esprit ». La Cour suprême a toutefois rejeté cette approche en raison de l’incertitude et de l’imprévisibilité qui en résultent (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024).


D. Dispositif proposé

[70] Par conséquent, je rejetterais les quatre appels avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Anne L. Mactavish, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

A-115-20, A-43-20, A-13-20 et A-477-19

APPEL DE L’ORDONNANCE ET DES JUGEMENTS RENDUS PAR LE JUGE MANSON LE 24 JANVIER 2020, LE 17 DÉCEMBRE 2019, LE 6 AVRIL 2020 ET LE 31 JANVIER 2020, RESPECTIVEMENT, DANS LE DOSSIER NO T-226-18

INTITULÉ :

VIIV HEALTHCARE COMPANY, SHIONOGI & CO., LTD. et VIIV HEALTHCARE ULC c. GILEAD SCIENCES CANADA, INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience par vidéoconférence tenue par le greffe

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 avril 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 juin 2021

 

COMPARUTIONS :

Donald M. Cameron

Scott MacKendrick

Melanie Szweras

Michael Fenwick

Anastassia Trifonova

 

Pour les appelantes

 

Tim Gilbert

Nisha Anand

Andrew Moeser

Kevin P. Siu

Andrea Rico Wolf

Colin Carruthers

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour les appelantes

 

Gilbert’s LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

 

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