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Date : 20210520


Dossier : A-214-20

Référence : 2021 CAF 97

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

J.A. LARUE INC.

demanderesse

et

MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

défendeur

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe, le 17 mai 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 mai 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20210520


Dossier : A-214-20

Référence : 2021 CAF 97

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

J.A. LARUE INC.

demanderesse

et

MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

[1] La partie demanderesse, J.A. Larue Inc. (Larue), demande que la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) concernant sa plainte contre le défendeur, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), soit rejetée. Dans sa décision (no PR-2020-004 du 7 août 2020 – la Décision) le TCCE a déterminé que ladite plainte n’était pas valide.

[2] La plainte de Larue portait sur une demande de propositions visant l’acquisition de souffleuses à neige par le TPSGC. Larue, un des soumissionnaires, prétendait que la soumission gagnante de Fresia S.p.A. (Fresia) aurait dû être rejetée par le TPSGC puisque les informations fournies par Fresia n’établissaient pas que ses souffleuses avaient la puissance exigée par la demande de propositions. Spécifiquement, Larue a souligné que les souffleuses de Fresia avaient un seul moteur, que celui-ci devait maintenir simultanément (i) une certaine vitesse et (ii) une certaine capacité de soufflage de neige, et que, pour satisfaire à ces deux exigences, Fresia se fiait aux feuilles de calculs des puissances requises pour chacune d’elles. Lesdites feuilles de calculs ne tenaient pas compte de certaines caractéristiques de résistance auxquelles les souffleuses sont normalement soumises lorsqu’elles sont utilisées. Larue prétend que les calculs de Fresia ne permettaient pas de démontrer que les souffleuses avaient la puissance nécessaire afin de (i) résister à la friction de la tête de la souffleuse au sol en mode travail tout en maintenant sa vitesse, (ii) opérer le convoyeur à ruban de la souffleuse, et (iii) faire fonctionner le ventilateur de refroidissement.

[3] Larue ajoute que les évaluateurs des soumissions ont agi inéquitablement en allant chercher des informations additionnelles qui n’apparaissaient pas au dossier dans le but, selon Larue, de valider la position de Fresia quant à la puissance de ses souffleuses.

[4] Finalement, Larue conteste la prétention du TPSGC voulant que la déclaration de conformité de Fresia à une norme SAE ait été suffisante pour satisfaire à l’exigence de la capacité de soufflage de neige.

[5] Larue reconnaît que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Elle reconnait aussi que le TCCE ne peut pas substituer son jugement à celui des évaluateurs du TPSGC à moins que certaines conditions soient remplies. Tel qu’indiqué par le TCCE au paragraphe 26 de la Décision :

Lorsqu’il examine si les soumissions ont été évaluées et si les contrats ont été attribués en conformité avec [les dispositions applicables], le Tribunal applique la norme de la décision raisonnable, en accordant crédit à l’expertise des évaluateurs et en ne formulant des recommandations que lorsqu’une décision est déraisonnable. Le Tribunal ne substitue donc pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure. La détermination de l’institution fédérale sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal.

[6] Le TCCE a considéré les arguments de Larue, et a noté l’obligation des soumissionnaires de démontrer que leurs soumissions devaient satisfaire aux exigences de la demande de propositions.

[7] Cependant, le TCCE s’est dit satisfait de l’information fournie par Fresia au soutien de sa soumission. Le TCCE était d’avis que la décision du TPSGC quant à la conformité de la soumission de Fresia était raisonnable. Le TCCE a noté que le tableau de conformités techniques définies dans la demande de propositions ne spécifiait pas les caractéristiques de résistance omises en question, et qu’il était donc raisonnable pour le TPSGC de ne pas les inclure dans son évaluation. Par ailleurs, le TCCE a conclu qu’en l’absence d’indications mettant en doute les informations fournies par Fresia, TPSGC était en droit de se fier à celles-ci.

[8] Clairement, Larue aurait voulu que le TPSGC ou le TCCE prenne Fresia en défaut pour ne pas avoir inclus dans sa soumission certains détails reliés à l’opération de ses souffleuses. Or, le TCCE avait raison de noter que lesdits détails n’étaient pas nécessaires à l’évaluation de la soumission. En effet, et tel qu’indiqué dans l’arrêt Heiltsuk Horizon Maritime Services Ltd. c. Atlantic Towing Limited, 2021 CAF 26, au para. 140, il serait déraisonnable et injuste de s’attendre à ce qu’un soumissionnaire fournisse des informations qui ne sont pas exigées par une demande de propositions.

[9] Il n’est pas faux de mentionner que Fresia aurait pu démontrer de façon plus explicite la conformité de sa soumission en fournissant davantage de détails concernant les caractéristiques des souffleuses, notamment quant à la friction de la tête au sol en mode travail ou à la puissance requise par le convoyeur à ruban. J’ajouterais que la demande de propositions aurait peut-être même pu être plus précise dans ses exigences. Mais telles n’étaient pas les questions sur lesquelles devait se pencher le TCCE. Sur la base du dossier tel que constitué, je ne suis pas prêt à conclure qu’il était déraisonnable pour le TCCE d’accepter la conformité de la soumission de Fresia. Le TCCE est un tribunal spécialisé. Je constate que les caractéristiques de résistance en question nécessitent une certaine puissance. Cependant, il serait spéculatif pour cette Cour de déterminer précisément la puissance requise dans le cadre de la présente instance. À mon avis, il était loisible au TCCE de conclure que les pertes de puissance causées par ces caractéristiques de résistance n’étaient pas suffisantes pour rendre les souffleuses de Fresia non conformes à la demande de propositions.

[10] En ce qui concerne la conformité de Fresia avec la norme SAE, le TCCE a conclu qu’il ne s’agissait que d’un seul des multiples éléments ayant été considérés par le TPSGC et sur lequel repose la décision.

[11] Quant à la recherche par les évaluateurs d’informations additionnelles sur internet dans le but de valider la position de Fresia, le TCCE a noté que ces informations ont été obtenues après l’évaluation ayant mené à l’octroi du contrat à Fresia. Le TCCE a conclu que ces informations n’ont eu aucune incidence sur la décision du TPSGC.

[12] À mon avis, le TCCE a bien considéré les arguments de Larue et a raisonnablement conclu que sa plainte devait être rejetée. Je ne constate aucun manque à l’équité procédurale, ni de lacune au niveau de la justification, de la transparence ou de l’intelligibilité de la Décision contestée. Je ne constate pas non plus d'incohérence dans les motifs susceptibles de rendre la Décision déraisonnable. De surcroît, je suis d’avis que la conclusion du TCCE correspond à l’une des issues possible et acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit en l’espèce.

[13] Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-214-20

 

INTITULÉ :

J.A. LARUE INC. c. MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

par vidéoconférence en ligne

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 mai 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 MAI 2021

COMPARUTIONS :

Nicolas Gagné

 

Pour la demanderesse

 

Marilou Bordeleau

Benoît de Champlain

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GBV avocats

Québec (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur

 

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