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Date : 20210514


Dossier : A-182-20

Référence : 2021 CAF 94

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 14 mai 2021.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20210514


Dossier : A-182-20

Référence : 2021 CAF 94

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LOCKE

[1] La présente requête de l’intimé, le Procureur général du Canada, vise (i) à déclarer l’appelant, David Lessard-Gauvin, plaideur quérulent devant la Cour d’appel fédérale (avec les conséquences qui suivent une telle déclaration), et (ii) à rejeter le présent appel sans possibilité de modification au motif qu’il est vexatoire et qu’il constitue un abus de procédure. Puisque la requête comprend deux aspects distincts, l’analyse de la requête procèdera en deux étapes.

[2] Comme l’indique l’arrêt Bernard c. Baun, 2019 CAF 144, 305 A.C.W.S. (3d) 757 (Bernard), aux para. 3 et suivants, un seul juge est nécessaire afin de rendre une décision portant sur une requête en déclaration de quérulence. Par contre, trois juges sont nécessaires afin de rendre une décision rejetant un appel. Par conséquent, au lieu de trancher les requêtes séparément, je propose qu’elles soient décidées conjointement par un panel de trois juges comme l’avait fait cette Cour dans l’arrêt Bernard.

[3] L’appelant demande la tenue d’une audience afin d’étayer ses arguments et de s’assurer que lesdits arguments sont bien compris. Cependant, l’appelant n’identifie aucun détail de ses arguments qui risquerait d’être mal compris sans audience. Après lecture attentive des 323 paragraphes de son mémoire, je ne vois pas comment une audience clarifierait davantage ses arguments.

[4] Les prétentions écrites de l’appelant sont tellement longues qu’il serait inopportun d'aborder tous ses arguments. Par conséquent, même si je les ai tous considérés, je n’aborderai, dans les présents motifs, que ceux qui sont à mon avis les plus importants.

I. Requête pour déclaration de quérulence

A. Principes juridiques

[5] L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, prévoit les bases d’une requête visant à déclarer un plaideur quérulent. Le paragraphe 40(1) décrit les pouvoirs des Cours fédérale en matière de telles requêtes :

Poursuites vexatoires

Vexatious proceedings

40 (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

40 (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

[6] L’effet d’une ordonnance en vertu de l’article 40 est limité. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mishra, [2000] A.C.F. no 1734, 101 A.C.W.S. (3d) 72, au para. 16, cette Cour a affirmé :

[…] Une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) ne met pas fin à une demande ou au droit de poursuivre une demande. Le paragraphe 40(1) s'applique uniquement aux plaideurs qui se sont prévalus d'un accès illimité aux tribunaux d'une façon vexatoire (au sens qu'a ce terme en droit); une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) vise uniquement à assurer que les demandes présentées par pareils plaideurs soient poursuivies d'une façon ordonnée, sous une supervision plus étroite de la part de la Cour que dans le cas des autres plaideurs.

[7] Les principes applicables à cette requête sont décrits dans les arrêts Bernard, Canada c. Olumide, 2017 CAF 42, [2018] 2 R.C.F. 328 (Olumide), et Simon c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 28, 301 A.C.W.S. (3d) 768 (Simon). Dans l’arrêt Olumide, au sujet de la conduite vexatoire, M. le juge Stratas affirma :

[32] Pour définir le terme « vexatoire », il est préférable d’éviter la précision. La conduite vexatoire prend des formes et des aspects multiples. Elle tient parfois au nombre d’instances et de requêtes sans fondement ou à la remise en litige d’instances et de requêtes déjà tranchées. Elle tient parfois aux visées du plaideur, souvent révélées par les parties poursuivies, par la nature des allégations qui leur sont opposées et par le langage employé. D’autres fois, elle tient à la manière dont les instances et les requêtes sont engagées, par exemple, le dépôt d’affidavits et d’observations multiples, inutiles, prolixes, incompréhensibles ou immodérés, et le harcèlement ou la victimisation des parties adverses.

[33] De nombreux plaideurs quérulents ont des visées inacceptables et engagent des litiges pour causer un préjudice. Certains, par contre, ont de bonnes intentions et ne veulent faire de mal à personne. Ceux‑là peuvent aussi néanmoins être qualifiés de quérulents s’ils engagent des litiges de telle sorte à mettre en jeu l’objet de l’article 40 […]

[8] La question permettant de conclure à la quérulence d’un plaideur est fournie dans l’arrêt Bernard au para. 16, en référence à l’arrêt Simon au para. 26 : « est-ce que le plaideur est incontrôlable ou nuisible au système judiciaire et à ses participants au point qu’il soit justifié de lui imposer d’obtenir l’autorisation pour exercer tout nouveau recours? ». L’arrêt Bernard au para. 16 explique de plus, en référence à l’arrêt Olumide au para. 40, qu’il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’adjuger d’une question de quérulence par de longs motifs.

B. Arguments de l’intimé

[9] L’intimé fonde sa requête sur les prétentions suivantes, chacune invoquant plusieurs allégations d’inconduites par l’appelant, et faisant référence au grand nombre de dossiers intentés par ce dernier devant les Cours fédérales depuis 2013 :

  • L’appelant intente des poursuites frivoles

  • oL’appelant dépose des recours abusifs qui ne présentent aucune cause d’action valable

  • oL’appelant dépose des recours théoriques d’un intérêt futile

  • L’appelant a été sermonné par divers tribunaux

  • L’appelant fait des allégations scandaleuses contre les parties adverses à la Cour

  • L’appelant remet en litige des questions ayant déjà été tranchées contre lui, incluant

  • oLa question du rôle approprié du Procureur général du Canada et de l’identité de son client

  • oL’assistance financière pouvant être fournie à l’appelant par la Cour

  • oLa confidentialité de ses renseignements financiers et médicaux

  • oL’obtention de l’aide technique de la Cour pour préparer ses procédures

  • oLe droit au signalement des lacunes de preuve ou de procédure

  • L’appelant interjette couramment et systématiquement appel de décisions interlocutoires et finales, et ce, sans succès

  • L’appelant fait fi des ordonnances et des règles des tribunaux et fait preuve d’irrespect envers la Cour

  • oL’appelant ne respecte pas les règles et les ordonnances des tribunaux

  • oL’appelant manque de respect envers la Cour

  • L’appelant refuse de payer les dépens non réglés adjugés contre lui

  • Une ordonnance similaire a été rendue par un autre tribunal

[10] À première vue, le nombre et la nature des arguments présentés par l’intimé en appui à sa requête, ainsi que les exemples d’inconduite présentés, étayent, à mon avis, le bien-fondé de sa requête. Par conséquent, je concentrerai les motifs de la présente décision sur les arguments de l’appelant répondants à la requête.

C. Analyse des arguments de l’appelant

[11] L’appelant allègue que la requête pour déclaration de quérulence ne peut pas être accordée sans que l’intimé fasse la preuve de l’intention vexatoire de l’appelant. Je n’accepte pas cet argument puisqu'il est contraire au paragraphe 33 de l'arrêt Olumide (reproduit ci-dessus). L’intention de l’appelant est sûrement pertinente, mais la présente requête n’exige pas la preuve d’une intention vexatoire pour qu’elle puisse être accueillie.

[12] L’appelant prétend que seuls les éléments de preuve de sa conduite devant cette Cour peuvent être considérés dans la présente requête, et que sa conduite devant aucune autre cour n’est pertinente. Je ne suis pas d’accord. Bien que l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales se réfère spécifiquement à « [l]a Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas », et porte sur « des instances vexatoires devant elle », je n’y vois pas la nécessité d’exclure de la preuve le comportement de l’appelant devant d’autres cours ou tribunaux. À mon avis, une telle preuve peut être pertinente à l’analyse de la présente requête.

[13] L’appelant compare la présente requête à un enjeu disciplinaire en matière d’emploi, où la jurisprudence exige la gradation des sanctions (des sanctions moins sévères avant d’envisager le congédiement) et le devoir de la Cour de considérer les obligations d’accommodement de l’employeur. L’appelant ne cite aucune autorité à l’appui de cette comparaison, et je ne vois aucun besoin ou avantage d’accepter une telle analogie.

[14] Les prétentions écrites de l’appelant s’attardent longuement aux problèmes d’accès à la justice. De plus, selon l’appelant, il existe au sein des Cours fédérales une idéologie qui lui est défavorable. Il affirme qu’un individu ayant une vision différente des droits fondamentaux ou de la justice ne doit pas être indûment désavantagé par des visions politiques différentes de celles de la Cour. Cependant, les opinions politiques de l’appelant, ou de cette Cour et de ses juges, ne sont pas des critères pertinents à la présente requête. Celle-ci sera plutôt décidée sur la base des principes juridiques décrits ci-dessus, et toute opinion politique ne sera pas considérée.

[15] L’appelant prétend qu’une requête en déclaration de quérulence doit pouvoir s’appuyer sur un diagnostic médical, et que la Cour devrait donc s’abstenir de déclarer un plaideur quérulent en l’absence de preuve médicale suffisante. L’appelant ne cite aucune source juridique à l’appui de cet argument. Par conséquent, je le rejette. La jurisprudence citée ci-dessus indique les caractéristiques pertinentes à une requête en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, et une preuve médicale appuyant la quérulence n’en fait pas partie.

[16] L’appelant assure la Cour qu’il n’est pas atteint d’une maladie mentale et que ses comportements ne correspondent pas à ceux d’un individu quérulent. Par exemple, il affirme qu’il n’est pas agressif ou violent, qu’il n’est pas un « citoyen souverain » (freeman on the land), qu'il n’a pas de croyance ésotérique ou religieuse, qu'il ne fait pas partie de groupes conspirationnistes et qu'il ne prétend pas posséder de compétence hors de l’ordinaire. Ces affirmations sont pertinentes, mais pas déterminantes.

[17] L’appelant prétend qu’il est un justiciable non représenté ordinaire et que ceci peut expliquer que ses comportements soient interprétés comme belliqueux, déplacés ou arrogants. Ceci peut aussi expliquer, selon lui, sa ténacité dans certains dossiers. Il affirme que « [t]ous les actes de procédure déposés par l’appelant ont été faits de bonne foi et sans intention malicieuse, vexatoire ou dilatoire. » À mon avis, il faut considérer les exemples de comportement inapproprié allégués par l’intimé avant d’accepter ces prétentions de l’appelant.

[18] Lorsque la conduite de l’appelant est examinée dans son ensemble, et que l’on considère le nombre important de comportements inappropriés de l’appelant mis en lumière par l’intimé, il est difficile de conclure autrement qu’à la quérulence. L’appelant tente de justifier les agissements que l’intimé lui reproche par son ignorance des processus des Cours fédérales et du droit substantif applicable. Cependant, l’appelant ne conteste pas l’exactitude ou l’existence des comportements identifiés par l’intimé.

[19] Quelques-uns de ces comportements auraient pu être excusés s’il s’agissait de cas isolés. Cependant, ces comportements ont eu lieu à plusieurs reprises et l’appelant poursuit toujours sa conduite inappropriée. Par exemple, l’appelant tente de reprendre plusieurs arguments rejetés lors d’instances antérieures. Par conséquent, malgré les explications de l’appelant, je constate qu'il existe au dossier plusieurs exemples de comportements inappropriés qui ne peuvent pas être excusés par son ignorance des processus de la Cour ou du droit substantif.

[20] L’appelant note que plusieurs exemples des comportements qu’invoque l’intimé ont eu lieu il y a plusieurs années, et n’ont pas été répétés depuis. Cet argument serait plus convaincant s’il n’était pas entaché des nombreux autres exemples d’inconduite de l’appelant. De plus, il est difficile de conclure que l’appelant a appris qu'il ne devait pas intenter de procédure inappropriée, puisqu’en 2019, ce dernier a présenté un recours pour outrage au tribunal à l’encontre d’un employé du ministère de la Justice du Canada, plusieurs années après avoir été mis au fait du caractère inapproprié d’un recours semblable.

[21] En ce qui concerne les dépens et les cautionnements pour dépens non payés, l’appelant laisse entendre qu’il est incapable de les payer. Ceci étant dit, l’appelant ne fournit aucun détail sur sa situation financière et ne présente aucune preuve à l’appui. De plus, comme je le décris ci-dessous, l’appelant a admis, dans le cadre des procédures des décisions contestées en l’espèce, qu’il n’est pas indigent.

D. Conclusion sur la requête en déclaration de quérulence

[22] Après avoir considéré les nombreux exemples de comportements inappropriés de l’appelant soulevés par l’intimé, je suis convaincu que la requête en déclaration de quérulence doit être accueillie. Autrement, je suis d’avis que cette Cour peut s’attendre à ce que la conduite inappropriée de l’appelant se poursuive. Je ne suis pas convaincu que les explications et les arguments de l’appelant justifient le rejet de la présente requête.

II. Requête en rejet préliminaire d’appel

[23] Le présent appel vise la décision du juge Denis Gascon de la Cour fédérale datée du 30 juin 2020 (2020 CF 730) rejetant un appel par l’appelant de trois ordonnances de la protonotaire Mireille Tabib datées du 12 novembre 2019. Ces ordonnances ont accordé les requêtes de l’intimé dans trois dossiers devant la Cour fédérale (nos. T-1136-16, T‑210‑18 et T-766-18) de cautionnement pour dépens. Pour chacune de ces ordonnances, la protonotaire a noté que la Cour n’avait pas à examiner les questions soulevées par l’appelant sur la validité constitutionnelle et l’application du régime de cautionnement pour dépens parce que la Cour d’appel fédérale avait déjà tranché ces questions entre les parties par les ordonnances datées du 17 octobre 2019 des dossiers nos. A-312-18 et A-313-18. L’appelant ne pouvait donc pas soulever ces questions à nouveau. La protonotaire Tabib a aussi noté que: (i) les montants de dépens adjugés en faveur de l’intimé et contre l’appelant demeuraient impayés, et (ii) l’appelant avait admis qu’il n’est pas « véritablement » indigent. Par conséquent, la protonotaire Tabib a conclu qu’elle possédait le pouvoir discrétionnaire d’adjuger les cautionnements pour dépens. Le juge Gascon s’est montré d’accord.

A. Principes juridiques

[24] Le droit applicable en matière de rejet préliminaire d’instance fut décrit par cette Cour dans une autre affaire impliquant l’appelant : Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147, para. 8 :

La norme pour rejeter de façon préliminaire un appel est rigoureuse. Cette Cour ne rejettera sommairement un appel que lorsqu’il est évident que le fondement de celui-ci n’a aucune chance raisonnable de succès et est manifestement voué à l’échec : Sellathurai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CAF 1, 414 N.R. 278, 98 Imm. L. R. (3d) 165 aux par. 7-8; Yukon Conservation Society c. Office national de l’énergie, [1979] 2 C.F. 14 (C.A.F.) à la p. 18; Arif c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2010 CAF 157, 405 N.R. 381, 321 D.L.R. (4th) 760 au par. 9.

[25] Pour déterminer si le présent appel a une chance raisonnable de succès, il faut déterminer la norme de contrôle de la décision contestée. Dans le cas d’un appel d’une décision d’un juge de la Cour fédérale en appel d’une décision d’une protonotaire, l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira v. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, au para. 79 indique que la norme de contrôle applicable est celle prévue dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 : la norme de décision correcte pour les questions de droit, et la norme de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit dans l’absence d’une question de droit isolable. De plus, puisque le juge était d’accord avec la protonotaire, cette Cour doit examiner la décision de la protonotaire afin d’établir si le juge de la Cour fédérale a commis une erreur de droit, ou une erreur manifeste et dominante, en refusant d’infirmer ou de modifier la décision de la protonotaire : McCain Foods Limited c. J.R. Simplot Company, 2021 FCA 4, [2021] F.C.J. No. 37, au para. 14; Sikes c. EnCana Corporation, 2017 CAF 37, [2017] A.C.F. no. 196 au para. 12.

[26] Il est à noter qu’une déclaration de quérulence en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales ne suffit pas pour rejeter un appel.

B. Analyse

[27] L’intimé prétend que cet appel constitue une procédure vexatoire et un abus de procédure puisque l’appelant tente de remettre en litige des questions qui ont déjà été tranchées par cette Cour dans les dossiers nos A-312-18 et A-313-18. L’intimé prétend aussi que les autres motifs d’appel ne présentent aucune cause d’action valable.

[28] En ce qui concerne les dossiers nos A-312-18 et A-313-18, le juge Marc Nadon a ordonné le 17 octobre 2019, à la suite d'une requête de l’intimé, que l’appelant fournisse les cautionnements pour dépens dans chacun des dossiers. Dans ces ordonnances, le juge Nadon a noté que l'appelant invoquait dans ses représentations écrites l'invalidité constitutionnelle du régime de cautionnement pour dépens conformément aux Règles 415 à 418 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106.

[29] Le fait d’avoir accueilli la requête pour cautionnement pour dépens, malgré l’argument de l’appelant sur la l’invalidité constitutionnelle des règles pertinentes, indique de toute évidence que le juge Nadon a rejeté l’argument de l’appelant. L’appelant prétend qu’en l’absence de motifs à cet égard, il est impossible de savoir ce que le juge Nadon a décidé. Il propose que le juge ait peut-être décidé de ne pas se pencher sur la question. Je n’accepte pas cette possibilité puisqu’il n’était pas loisible au juge d’ignorer un argument qui aurait pu changer le résultat de la requête. Il est à noter que l’appelant a demandé l’autorisation de la Cour suprême du Canada de porter en appel les ordonnances du juge Nadon (dossier no 39275), mais cette demande a été rejetée le 28 janvier 2021. De plus, les dossiers nos A-312-18 et A-313-18 ont depuis été rejetés sommairement par les ordonnances datées du 19 août 2020.

[30] Donc, la protonotaire Tabib et le juge Gascon avaient raison de conclure que la question de la validité constitutionnelle du régime de cautionnement pour dépens avait déjà été tranchée. Je suis d’avis que l’appelant agit de façon vexatoire et abusive puisqu’il tente de soulever cette question à nouveau.

[31] L‘appelant allègue aussi qu’il ne lui a pas été permis de déposer une preuve d’expert en soutien à l’argument constitutionnel de sa demande. Cependant, puisque l’appelant ne pouvait pas soulever la question constitutionnelle, la preuve d’expert n’était pas admissible.

[32] En ce qui concerne les autres motifs d’appel, j’ai considéré les arguments soulevés au paragraphe 105 des représentations écrites de l’intimé. Je suis d’accord avec l’intimé que ces motifs ne présentent aucune cause d’action valable. Les représentations écrites de l’appelant ne me convainquent pas de conclure autrement.

[33] Les arguments de l’appelant concernant ces autres motifs d’appel sont trop nombreux pour tous les aborder, mais je note un exemple. L’appelant prétend que le traitement d’une défense soulevée contre la requête pour cautionnement pour dépens n’a pas été considéré adéquatement par la protonotaire Tabib. L’appelant allègue que son argument basé sur la règle 417 fut rejeté sur une question de forme et non de fond. Je ne suis pas d’accord. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, la protonotaire Tabib a noté que l’appelant a admis qu’il n’est pas indigent. Cette qualité étant essentielle à une défense basée sur la règle 417, le raisonnement de la protonotaire ne se fondait pas sur une question de forme.

[34] Pour les motifs indiqués ci-dessus, je suis d’avis que le présent appel n’a aucune chance raisonnable de succès et est manifestement voué à l’échec. L’appel doit donc être rejeté.

III. Conclusion

[35] Je conclus que les deux aspects de la requête de l’intimé devraient être accordés. L’appelant devrait être déclaré plaideur quérulent, et le présent appel devrait être rejeté sans possibilité de modification. J’accorderais aussi à l’intimé un montant tout compris de 1200$ au titre des dépens de sa requête.

[36] Étant donné le résultat de la présente requête, il n’est pas nécessaire de répondre à la lettre de l’appelant datée du 6 janvier 2021, ni d’aborder la question du contenu du dossier d’appel ou les autres conclusions recherchées dans son dossier de requête déposé le 21 septembre 2020.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a. »

« Je suis d’accord.

René LeBlanc j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-182-20

 

INTITULÉ :

DAVID LESSARD-GAUVIN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 MAI 2021

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

David Lessard-Gauvin

Pour l'appelant

(Se représentant lui-même)

 

Marilou Bordeleau

Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l'intimé

 

 

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