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Date : 20210510


Dossier : A-444-19

Référence : 2021 CAF 90

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 10 mai 2021.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 10 mai 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20210510


Dossier : A-444-19

Référence : 2021 CAF 90

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 10 mai 2021.)

LE JUGE STRATAS

[1] Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission) : 2019 CRTESPF 106.

[2] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée en raison de son caractère théorique.

[3] Le syndicat, l’Alliance de la Fonction publique du Canada, a déposé un grief de principe à la Commission. Il alléguait que l’employeur, le Conseil du Trésor, avait enfreint la convention collective en omettant de fournir des copies papier de la convention collective à certains employés.

[4] L’employeur a fait droit au grief avant que la Commission entende le grief. Il a demandé à certains ministères d’imprimer et de distribuer des copies des conventions collectives. L’employeur a présenté une requête à la Commission en vue d’obtenir le rejet du grief en raison de son caractère théorique. La Commission a accueilli la requête.

[5] Dans sa demande de contrôle judiciaire, le syndicat demande que la décision de la Commission soit annulée en raison de son caractère déraisonnable. Nous sommes d’avis que la présente demande est théorique et qu’elle ne devrait pas être entendue.

[6] Une question est théorique si le différend concret et tangible entre les parties a disparu et que la question est devenue purement théorique : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, 57 D.L.R. (4th) 231, p. 353 du R.C.S. De récentes décisions incitant les cours de révision à éviter les audiences inutiles ont conféré une importance nouvelle à l’examen du caractère théorique lors des contrôles judiciaires : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1, par. 139 à 142; voir l’arrêt Composante Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada, 2021 CAF 67, par. 14.

[7] La présente demande a un caractère théorique pour deux raisons. Premièrement, le grief et la mesure corrective qui y est demandée ont été acceptés par l’employeur; il n’y a donc plus de différend à trancher. Deuxièmement, la convention collective visée par le grief est venue à échéance en juin 2018 et elle « sera bientôt remplacée par une nouvelle convention », si ce n’est pas déjà fait : décision de la Commission, par. 31.

[8] Le syndicat affirme que la demande n’est pas théorique, car il demande que soit rendue une déclaration portant que le Conseil du Trésor a violé la convention collective. Une simple déclaration n’aurait toutefois aucun effet pratique en l’espèce. Au mieux, elle ne présente qu’un simple intérêt jurisprudentiel, mais cela ne satisfait pas au critère à remplir pour établir l’existence d’un différend concret et tangible : Canada (Revenu national) c. McNally, 2015 CAF 248, 477 N.R. 389; Composante Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique, précité. De fait, le syndicat a fait valoir auprès de la Commission que la présente affaire ne visait pas à établir un précédent comportant une application plus large : décision de la Commission, par. 20.

[9] Le syndicat affirme en outre que le grief n’est pas théorique, car la mesure corrective prise par le Conseil du Trésor est insuffisante. Certains de ses membres n’avaient pas reçu leur copie imprimée avant le début de l’audience devant la Commission. Cela est sans importance. Le syndicat a déposé un grief et l’employeur en a admis la validité. Divers recours s’offrent si l’employeur ne donne pas suite au grief dont il a admis la validité, notamment le dépôt d’un nouveau grief fondé sur le défaut persistant ou nouveau de l’employeur de remettre des copies de la convention collective.

[10] Il ne s’agit pas d’une situation où la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur la question du caractère théorique. Trancher la question occasionnerait un gaspillage de ressources judiciaires et reviendrait à élaborer le droit de manière inadmissible dans l’abstrait : arrêt Borowski; voir aussi l’arrêt Composante Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique, par. 9, invoquant l’arrêt Amgen Canada Inc. c. Apotex Inc., 2016 CAF 196, 487 N.R. 202, par. 16.

[11] Même si nous allons rejeter l’appel en raison de son caractère théorique, nous tenons à souligner le fait que, dans sa décision, la Commission aurait dû, à notre avis, s’en tenir à la question de la distribution de la convention collective et éviter de se lancer dans une discussion plus générale de questions environnementales. Nous avons tous des opinions personnelles sur diverses questions d’actualité. Cependant, lorsque nous devons statuer sur une affaire, nous devons mettre ces opinions de côté et nous limiter à la tâche qui nous incombe, à savoir celle qui nous est conférée par notre loi habilitante. En l’espèce, les questions environnementales générales ne relèvent nullement du mandat de la Commission. De plus, la Commission ne pouvait modifier les exigences prévues dans la convention collective. Son incursion dans ce domaine est toutefois sans importance et n’a eu aucun effet pratique sur la décision qu’elle a rendue.

[12] Malgré l’argumentation habile de Me Yazbeck, la demande sera rejetée. Ainsi qu’en ont convenu les parties, aucune ordonnance d’adjudication de dépens ne sera rendue.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-444-19

CONTRÔLE JUDICIAIRE DE LA DÉCISION DE LA COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL ET DE L’EMPLOI DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL DATÉE DU 1ER NOVEMBRE 2019, DOSSIER NO 569-02-228

INTITULÉ :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 mai 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

LA JUGE RIVOALEN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

David Yazbeck

Pour la demanderesse

Stefan Kimpton

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur

 

 

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