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Date : 20210226


Dossier : A-39-20

Référence : 2021 CAF 37

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LASKIN

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

défenderesse

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 25 février 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 février 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 


Date : 20210226


Dossier : A-39-20

Référence : 2021 CAF 37

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE LASKIN

LA JUGE RIVOALEN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LASKIN

[1] Le procureur général du Canada demande un contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission; 2020 CRTESPF 3). Dans cette décision, la formation de la Commission constituée d’un seul membre a rejeté une demande de l’employeur, le Conseil du Trésor, qui demandait que soit rendue une ordonnance déclarant que trois postes au sein de l’unité de négociation du groupe Praticiens du droit sont des postes de direction ou de confiance.

[2] L’employeur fondait sa demande sur les alinéas 59(1)c) et h) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la Loi), L.C. 2003, ch. 22, art. 2. L’alinéa 59(1)c) autorise la Commission à déclarer, par ordonnance, qu’un poste est un poste de direction ou de confiance (et qu’il ne relève donc pas de l’unité de négociation) s’il s’agit d’un « poste dont le titulaire dispense des avis sur les relations de travail, la dotation en personnel ou la classification ». L’alinéa 59(1)h) autorise la Commission à rendre une ordonnance aux mêmes fins dans le cas d’un « poste de confiance occupé, en matière de relations de travail, auprès des titulaires des postes visés » à certains autres alinéas du paragraphe 59(1).

[3] La principale question en litige dans la demande concernait le sens à donner à l’expression « relations de travail » aux fins des alinéas 59(1)c) et h). Cette expression n’est pas définie dans la Loi.

[4] Pour trancher cette question, la Commission s’est fondée sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada intitulé Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42. L’arrêt Bell ExpressVu est l’un des jugements où la Cour a confirmé que, pour l’interprétation d’une loi, « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (arrêt Bell ExpressVu, par. 26).

[5] La Commission a ensuite examiné le sens ordinaire de l’expression « relations de travail »; l’utilisation de cette expression ailleurs dans la Loi; le fait que l’article 59 se trouve à la partie 1 de la Loi, qui est intitulée « Relations de travail » et qui porte sur les règles régissant les relations patronales-syndicales; l’équivalent français de l’expression anglaise « labour relations »; l’utilisation de l’équivalent français dans la Loi; ainsi que l’objet de l’article 59 et de la Loi. Elle a aussi tenu compte de certaines présomptions énoncées dans un texte faisant autorité sur l’interprétation législative. La Commission a formulé sa conclusion comme suit, au paragraphe 47 de ses motifs :

Par conséquent, je conclus que pour que cette question soit considérée comme une question de relations de travail en vertu de l’al. 59(1)c) ou h), les avis ou les fonctions et responsabilités connexes en cause doivent être liés à une question qui relève de la partie 1 de la Loi. Comme je l’ai déjà indiqué, je conclus que cette interprétation des « relations de travail » aux fins des al. 59(1)c) et h) suit son sens ordinaire, le contexte du par. 59(1), et l’esprit et l’objet de la Loi.

[6] En appliquant cette interprétation, la Commission a conclu que les titulaires des trois postes en cause n’étaient visés ni par l’alinéa 59(1)c) ni par l’alinéa 59(1)h) : ils ne dispensaient pas d’avis sur les relations de travail et, en matière de relations de travail, ils n’occupaient pas de fonctions ou de responsabilités confidentielles, comme la loi l’exige. La Commission a donc rejeté la demande.

[7] En demandant un contrôle judiciaire, le procureur général reconnaît que, conformément au cadre relatif au contrôle judiciaire exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable. Selon l’arrêt Vavilov, une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti ». La cour de justice doit faire preuve de déférence envers une telle décision (arrêt Vavilov, par. 85).

[8] Le cadre défini dans l’arrêt Vavilov dispose qu’« [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (arrêt Vavilov, par. 100). De plus, « [s]i une question d’interprétation législative fait l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision ne procède pas à une analyse de novo de la question soulevée ni ne se demande “ce qu’aurait été la décision correcte” » (arrêt Vavilov, par. 116).

[9] Conformément au cadre défini dans l’arrêt Vavilov, les parties ont centré les observations qu’elles nous ont présentées sur la décision de la Commission, afin de déterminer si cette décision donne lieu à des absurdités ou si elle devrait autrement être jugée déraisonnable. Après avoir examiné avec soin les observations écrites et orales, je ne suis pas convaincu que la décision contienne quelque vice de forme qui soit de ce niveau. Bien qu’il puisse s’agir ici d’une affaire où il n’y a pas qu’une seule interprétation raisonnable de la Loi, je juge que l’interprétation adoptée par la Commission est raisonnable et, donc, qu’elle commande la déférence.

[10] Durant l’audience, l’avocat a indiqué à la Cour que la décision rendue par la Commission en l’espèce va à l’encontre de deux autres décisions récentes de la Commission. On nous a dit que ces deux décisions ont été rendues pendant que la décision de la Commission en l’espèce était prise en délibéré, et que l’une des deux fait aussi l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. L’avocat ne pouvait se rappeler si ces décisions avaient été portées à l’attention de la Commission en l’espèce pendant que sa décision était en instance. L’existence de ces deux décisions n’élargit pas notre rôle en matière de contrôle judiciaire. Comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov (par. 129 et 130), les organismes administratifs comme la Commission disposent de mécanismes pour tenir compte d’incohérences de ce type, ou ils peuvent en élaborer. De fait, d’après ce que nous a dit l’avocat du procureur général, la question en litige en l’espèce sera justement bientôt examinée par la Commission dans le cadre de deux autres demandes.

[11] Je rejetterais la demande avec dépens fixés au montant convenu de 2 500 $, tout compris.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

Marianne Rivoalen, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-39-20

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 février 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE RIVOALEN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 février 2021

 

COMPARUTIONS :

Richard Fader

 

Pour le demandeur

 

Christopher Rootham

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour le demandeur

 

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour la défenderesse

 

 

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