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Date : 20210225


Dossier : A-204-19

Référence : 2021 CAF 38

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

SHMUEL HERSHKOVITZ

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 25 février 2021.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 25 février 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20210225


Dossier : A-204-19

Référence : 2021 CAF 38

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

ENTRE :

 

SHMUEL HERSHKOVITZ

 

demandeur

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 25 février 2021.)

LE JUGE BOIVIN

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) le 7 mai 2019 (2019 CRAC 6). La Commission a conclu que la demande du demandeur en vue de faire réviser l’avis de violation qui lui avait été délivré pour importation de « viande panée », en contravention avec la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21, était inadmissible pour défaut de compétence. Comme le demandeur avait payé la sanction imposée, il était par conséquent réputé avoir commis ladite violation, en vertu de l’article 9 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, ch. 40 (la Loi).

[2] La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1).

[3] Nous sommes tous d’avis que l’intervention de notre Cour n’est pas justifiée.

[4] Le demandeur présente deux arguments.

[5] D’abord, le demandeur soutient que la décision de la Commission de déclarer la demande de révision du demandeur inadmissible pour le motif que la sanction imposée avait été payée est déraisonnable, étant donné que la Commission a omis de tenir compte de la question de savoir si le demandeur avait été induit en erreur en payant la sanction. Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 9 de la Loi, la personne nommée dans l’avis de violation est réputée avoir commis la violation si elle paie la sanction, et le paiement met fin à la poursuite. En fait, le libellé de la Loi est clair et non ambigu, et toute infraction à la Loi constitue une infraction de responsabilité absolue. Comme l’a affirmé le juge Létourneau dans l’arrêt Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, 395 N.R. 176, au para 27, ce régime législatif intègre « les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation. » Ainsi, il ne fait aucun doute que la partie de l’avis de violation signée par le demandeur confirme qu’il reconnaît la violation. En fait, la signature de l’appelant a été apposée sous la déclaration suivante :

[traduction]
Je ne souhaite pas contester le présent avis de violation ni la sanction afférente. Je m’engage à payer ladite sanction dans les 15 jours suivant la date de signification de cet avis. Je comprends qu’en payant la sanction, je reconnais avoir commis l’infraction ci-indiquée.

[6] Il n’est pas contesté que le demandeur a payé la sanction.

[7] Nous concluons également que la Commission s’est penchée sur l’argument présenté par le demandeur selon lequel il avait été induit en erreur et n’avait pas été informé des conséquences de son acceptation de payer la sanction. Il était donc loisible à la Commission, en fonction des faits, de conclure qu’elle n’avait pas compétence, parce que la sanction avait été payée, et qu’à ce titre, le demandeur était réputé avoir commis la violation.

[8] Ensuite, le demandeur soutient également que la Commission avait compétence pour entendre une question de justice naturelle et d’équité procédurale suivant la doctrine de la compétence par déduction nécessaire pour s’assurer que le demandeur n’était pas privé de son droit de contester la violation. Toutefois, cet argument est fallacieux, puisque la doctrine de la compétence par déduction nécessaire n’est pas applicable en l’espèce. En fait, l’objectif de cette doctrine, décrit par le juge Bastarache dans l’arrêt ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140 [ATCO], est de garantir que :

[...] sont compris dans les pouvoirs conférés par la loi habilitante non seulement ceux qui y sont expressément énoncés, mais aussi, par déduction, tous ceux qui sont de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif [...] (au para 51).

[9] La doctrine peut être appliquée dans les situations où la Cour conclut que la compétence alléguée est essentielle à l’exécution du mandat confié en vertu de la loi à l’organe administratif, et où le législateur n’a pas envisagé la question (ATCO, aux paras 51, 73). En l’espèce, le libellé de la Loi indique clairement que le fait de payer la sanction met fin à la poursuite et empêche la possibilité d’une révision dans les circonstances de l’espèce. En rendant la décision qu’elle a rendue, la Commission n’a fait que cela : exécuter le mandat que lui a confié le législateur en vertu de la loi.

[10] Par conséquent, nous sommes tous d’avis que la décision de la Commission est raisonnable.

[11] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-204-19

 

 

INTITULÉ :

SHMUEL HERSHKOVITZ c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 février 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LE JUGE LEBLANC

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE BOIVIN

COMPARUTIONS :

François Beaudry

Quentin Montpetit

 

Pour le demandeur

 

Dominique Guimond

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

BCF S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur

 

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