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Date : 20201203


Dossier : 20-A-21

20-A-25

Référence : 2020 CAF 208

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LOCKE

 

Dossier : 20-A-21

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

ALLERGAN INC. et ALLERGAN PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED

défenderesses

Dossier : 20-A-25

ET ENTRE :

PHARMASCIENCE INC.

demanderesse

et

BAYER INC. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

défenderesses

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA COUR

 


Date : 20201203


Dossier : 20-A-21

20-A-25

Référence : 2020 CAF 208

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LOCKE

 

Dossier : 20-A-21

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

ALLERGAN INC. et ALLERGAN PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED

défenderesses

Dossier : 20-A-25

ET ENTRE :

PHARMASCIENCE INC.

demanderesse

et

BAYER INC. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

défenderesses

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA COUR

[1]  La Cour a été saisie de deux requêtes en autorisation d’interjeter appel d’une ordonnance interlocutoire rendue par un protonotaire en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), D.O.R.S./93-133, dans sa version modifiée.

[2]  L’obligation d’obtenir une autorisation d’interjeter appel des ordonnances interlocutoires en application du Règlement est nouvelle depuis septembre 2017 (art. 6.11 du Règlement; Règlement de 2017 modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), D.O.R.S./2017-166.

[3]  Depuis, dans un grand nombre de requêtes en autorisation d’interjeter appel déposées en application du Règlement, des parties ont présenté des observations sur les motifs ou critères déterminants en l’occurrence. Dans les deux requêtes dont est saisie la Cour, les parties ont également traité cette question.

[4]  La Cour n’a jamais rédigé de motifs pour régler ce point jurisprudentiel. La pratique de notre Cour, pour des raisons de célérité et d’économie judiciaire, veut qu’elle n’assortisse pas de motifs ses décisions sur les requêtes en autorisation.

[5]  Toutefois, la Cour s’est écartée de cette pratique dans des circonstances exceptionnelles extrêmes (voir, p. ex., Raincoast Conservation Foundation c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 224).

[6]  Afin de fournir des repères sur ce point jurisprudentiel, la Cour assortit exceptionnellement de brefs motifs sa décision sur les présentes requêtes en autorisation. Les motifs seront versés dans le dossier 20-A-21, et une copie sera déposée dans le dossier 20-A-25.

[7]  À notre avis, la partie qui sollicite l’autorisation d’interjeter appel d’une ordonnance interlocutoire sous le régime du Règlement doit invoquer des arguments raisonnablement défendables, compte tenu de la norme de contrôle. Cependant, elle doit également démontrer que la question soulevée est susceptible de se révéler déterminante pour l’affaire. Nous expliquons ci-après pourquoi.

[8]  La norme habituelle en matière d’autorisation sous le régime de l’article 352 des Règles est celle de l’existence d’une question « raisonnablement défendable » (voir, p. ex., Lukács c. Swoop Inc., 2019 CAF 145, par. 19; Lufthansa German Airlines c. Canada (Office des transports du Canada), 2005 CAF 295, par. 9; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rafuse, 2002 CAF 31, par. 12; Martin c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1972 (C.A.F.).

[9]  L’évaluation permettant de savoir s’il existe une question « raisonnablement défendable » doit tenir compte de la norme de contrôle qui s’applique en appel (voir, pour des affaires semblables, Hébert c. Wenham, 2020 CAF 186, par. 11 à 14 et Raincoast Conservation Foundation c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 224, par. 16). Plus précisément, le requérant doit démontrer que la question qu’il soulève peut vraisemblablement satisfaire à la norme empreinte de déférence applicable en appel.

[10]  Par conséquent, en termes pratiques, la partie qui présente la requête en autorisation d’interjeter appel peut démontrer l’existence d’une question raisonnablement défendable plus facilement si la norme est celle de la décision correcte que si elle est celle de l’erreur manifeste et dominante. Démontrer qu’un jugement ne satisfait pas à la norme de la décision correcte, c’est-à-dire qu’il est vraisemblablement erroné, est une chose. Démontrer qu’il ne satisfait pas à la norme de l’erreur manifeste et dominante, c’est-à-dire qu’il contient vraisemblablement une ou plusieurs erreurs évidentes qui, individuellement ou collectivement, sont susceptibles de jouer sur l’issue de l’affaire, en est une autre. Voir Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, par. 58 à 74.

[11]  La déférence considérable que commandent les ordonnances de gestion des instances ajoute au fardeau qui est imposé à la partie qui sollicite l’autorisation d’interjeter appel.

[12]  En examinant une demande d’autorisation d’interjeter appel, la Cour doit garder à l’esprit que les bons avocats, en défendant les intérêts de leurs clients, ont tendance à qualifier un élément d’erreur de droit ou de règle de droit isolable, alors qu’en fait, il n’en est rien. La Cour doit examiner attentivement l’erreur alléguée pour voir s’il s’agit, malgré ce qu’affirme l’avocat, d’une question de fait entraînant l’annulation seulement en cas d’erreur manifeste et dominante (Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557, par. 49 et 50).

[13]  L’existence d’une question raisonnablement défendable est la norme habituelle et d’office applicable aux requêtes en autorisation d’interjeter appel. Cet état de fait vient confirmer qu’il est absurde d’accueillir une requête en autorisation si l’appel est voué à l’échec. Toutefois, le texte de loi qui prévoit le dépôt d’une requête en autorisation exige parfois que le requérant démontre davantage (p. ex., Raincoast, par. 9 à 16). Pour savoir si c’est le cas, nous devons interpréter la loi au regard de son texte, de son contexte et de son objet (voir, p. ex., Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837, et Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559).

[14]  Nous concluons que le Règlement exige qu’un requérant démontre plus que le simple caractère défendable. Les modifications de 2017 au Règlement visaient la célérité et la prévention d’appels inutiles. Elles ont privé les parties de la faculté d’appeler des décisions interlocutoires de plein droit. Elles prévoient également la saisine directe de notre Cour en cas d’appel, ce qui supprime une étape judiciaire. Il ressort de ces modifications que seules les requêtes en autorisation portant sur des questions interlocutoires de première importance devraient être accueillies et, dans ce cas, elles doivent être traitées rapidement. Le Résumé d’étude d’impact de la réglementation le confirme et le souligne (voir la Gazette du Canada, partie II, v. 151, numéro spécial 1 (7 septembre 2017), p. 34).

[15]  Par conséquent, la partie qui sollicite l’autorisation d’interjeter appel doit aussi persuader la Cour que sa décision sur l’appel de l’ordonnance interlocutoire jouera directement sur l’issue de l’affaire.

[16]  À titre d’exemple, l’autorisation devrait être rejetée si le protonotaire a confirmé le refus d’une partie de répondre à des questions et que les réponses à ces dernières n’auront pas d’incidence directe sur l’issue de l’affaire. C’est d’autant plus le cas si, dans le contexte d’une évaluation de la proportionnalité notamment, le protonotaire a fait des commentaires sur le rapport entre la question et celles que soulève l’affaire au fond. Il s’agit habituellement d’une évaluation fondée sur les faits qui commande la déférence.

[17]  En l’espèce, les deux requêtes ne satisfont pas au critère applicable aux requêtes en autorisation. Ni l’une ni l’autre ne présente de question raisonnablement défendable, compte tenu de la norme de contrôle applicable en appel. La première concerne une application orthodoxe, factuelle et discrétionnaire de l’article 249, tandis que la seconde concerne une simple question discrétionnaire portant sur l’interrogatoire préalable. Un examen de la véritable nature des erreurs alléguées révèle qu’aucune d’elles ne soulève de question de droit ou de règle de droit facilement isolable. La Cour conclut que, si l’autorisation était accordée, sa décision ne jouerait pas directement sur l’issue des affaires.

[18]  Par conséquent, nous rejetterons les requêtes en autorisation avec dépens.

« Marc Noël »

Juge en chef

« David Stratas »

j.c.a.

« George R. Locke »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

20-A-21 ET 20-A-25

DOSSIER :

20-A-21

 

 

INTITULÉ :

APOTEX INC. c. ALLERGAN INC. ET AL.

 

 

ET DOSSIER :

20-A-25

 

 

INTITULÉ :

PHARMASCIENCE INC. c. BAYER INC. ET AL.

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA COUR

DATE :

LE 3 DÉCEMBRE 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES :

H.B. Radomski

 

Pour la demanderesse APOTEX INC.,

 

Marcus Klee

Scott Beeser

 

Pour la demanderesse PHARMASCIENCE INC.,

 

Steven Tanner

Deborah Templer

Sanjaya Mendis

Edwin Mok

Natalie Kolos

 

Pour les défenderesses ALLERGAN INC. ET AL.,

 

Christopher C. Van Barr

Melissa Binns

William Boyer

Benjamin Pearson

Natalia Thawe

William S. Foster

Pour les défenderesses BAYER INC. ET AL.,

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse APOTEX INC.,

 

Aitken Klee LLP

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse PHARMASCIENCE INC.,

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour les défenderesses ALLERGAN INC. ET AL.,

 

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Pour les défenderesses BAYER INC. ET AL.,

 

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