Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20201021


Dossier : A-247-19

Référence : 2020 CAF 176

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

 

 

MATTHEW G. YEAGER

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 


Date : 20201021


Dossier : A-247-19

Référence : 2020 CAF 176

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

 

 

MATTHEW G. YEAGER

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LASKIN

I. Introduction

[1] M. Matthew Yeager porte en appel la décision par laquelle le juge Gleeson, de la Cour fédérale, a rejeté sa demande de contrôle judiciaire après réexamen (2019 CF 774). Il contestait la décision de Miguel Costa, un agent principal du Service correctionnel du Canada (le Service), de lui refuser l’autorisation de participer aux salons prélibératoires tenus par la Société John Howard dans plusieurs établissements correctionnels fédéraux de l’Ontario en juin 2016. L’offre de services de M. Yeager avait été rejetée pour le motif qu’elle ne correspondait pas à l’objet des salons.

[2] L’appelant reproche au juge saisi de la demande d’avoir commis les trois erreurs suivantes : l’exclusion de certains éléments de preuve et d’une partie de son affidavit; le défaut de conclure que la décision était déraisonnable et le défaut de conclure que la décision était inéquitable du point de vue procédural.

[3] Pour les motifs que j’exposerai ci-après, je rejetterais l’appel.

II. Demandes d’accès aux salons de 2015 et de 2016

[4] M. Yeager est criminologue et il enseigne dans les domaines de la criminologie et de la sociologie. De 2000 à 2013, il a participé de manière intermittente aux salons prélibératoires annuels commandités par la Société John Howard de Kingston. Sa dernière participation remonte à 2013.

[5] Sa demande de participation aux salons de 2015 a été rejetée par le Service. Quand il s’en est plaint, le Service a informé M. Yeager que sa demande avait été rejetée pour des raisons de sécurité. M. Yeager a également reçu une lettre dans laquelle le directeur de l’établissement de Warkworth, qui accueille des salons, l’avisait qu’ils étaient une [traduction] « occasion pour les contrevenants de rencontrer des intervenants de maisons de transition et d’autres organismes de soutien communautaires », et que sa participation [traduction] « ne cadrait ni avec leur but ni avec leur objet ». M. Yeager a adressé une lettre à son député pour se plaindre du rejet de sa demande de participation, à laquelle le ministre de la Sécurité publique a répondu que les salons visaient à offrir [traduction] « aux contrevenants incarcérés la chance de nouer des contacts avec des représentants des services de soutien communautaires où ils peuvent demander de l’aide après leur mise en liberté », et qu’il avait été jugé que sa participation ne [traduction] « cadrait pas avec le but et l’objet de cette activité ».

[6] M. Yeager a de nouveau présenté une demande de participation en 2016. Dans cette demande, il expliquait que les services qu’il envisageait d’offrir durant les salons englobaient la [traduction] « transmission d’information aux détenus sur la libération conditionnelle, et notamment la façon de s’y préparer, leur représentation lors des audiences de libération conditionnelle et les questions indirectes qui ont une incidence sur la libération, les accusations d’infraction disciplinaire, l’isolement, la classification, les cotes de sécurité, et les questions touchant les ordres permanents des établissements ».

III. Première demande de contrôle judiciaire et requête en injonction

[7] Après avoir soumis une demande de participation aux salons de 2016, M. Yeager s’est associé à un détenu de l’établissement de Warkworth pour déposer une demande de contrôle judiciaire sollicitant un jugement déclaratoire et une injonction. Dans cette dernière demande, ils réclamaient une injonction mandatoire interlocutoire autorisant M. Yeager à participer aux salons de 2016.

[8] Le juge Roy de la Cour fédérale a rejeté la requête en injonction (Madeley c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 634). Au vu de la preuve dont il disposait, dont le témoignage par affidavit de M. Costa sur l’objet des salons, le juge saisi de la requête a conclu que « M. Yeager désire participer à ces salons à des fins autres que celles qui y sont prévues » (au paragraphe 11). Le juge n’a relevé aucun des éléments du critère régissant la délivrance d’une injonction interlocutoire, mais il a néanmoins reconnu qu’un dossier mieux étoffé aurait pu conduire à une appréciation différente du bien-fondé de la demande de M. Yeager.

IV. Décision du Service correctionnel du Canada

[9] Le lendemain du rejet de la requête en injonction, M. Costa a rédigé, au nom du Service, une courte lettre dans laquelle il expliquait que la demande de participation de M. Yeager aux salons de 2016 avait été rejetée parce que les services proposés ne cadraient pas avec leur objet. La décision relative à la requête en injonction était connue de M. Costa quand la demande de participation a été rejetée. Voici l’intégralité du corps de la lettre :

[traduction]

Votre demande d’accès aux salons prélibératoires de la Société John Howard qui auront lieu en 2016 dans divers établissements fédéraux de la région de l’Ontario a été examinée.

Il a été déterminé que les services que vous proposez d’offrir aux contrevenants ne cadrent pas avec l’objet du salon prélibératoire. À ce titre, votre demande d’autorisation est rejetée.

N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez d’autres questions ou souhaitez discuter de la décision plus en profondeur.

V. Demande subséquente de contrôle judiciaire

[10] Après avoir participé à la procédure de désistement de la demande de contrôle judiciaire sollicitant une injonction, M. Yeager a introduit une nouvelle demande de contrôle judiciaire de la décision du Service de lui refuser l’autorisation de participer aux salons de 2016. Cette dernière demande a été introduite plusieurs semaines après la tenue de ces salons. M. Yeager y sollicitait une ordonnance annulant la décision ainsi qu’une ordonnance de mandamus enjoignant au Service d’accueillir ses demandes de participation à de futurs salons prélibératoires pour autant qu’il se conforme aux mesures habituelles de sécurité.

[11] Le juge Gleeson de la Cour fédérale a rejeté la demande (Yeager c. Canada (Procureur général), 2017 CF 577). Le juge saisi de la demande a conclu qu’elle était théorique et il n’a pas trouvé de raison suffisante d’exercer son pouvoir discrétionnaire de l’examiner. Il a jugé que deux affidavits produits par M. Yeager ne pouvaient être admis : celui de Lisa Finateri, qui avait travaillé pour la Société John Howard de Kingston de 2000 à 2009, et celui de Dawn Moore, un professeur spécialisé dans le domaine de la criminologie. Il a notamment conclu qu’ils n’étaient visés par aucune des exceptions à la règle générale selon laquelle les éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au décideur ne peuvent être pris en compte au stade du contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au paragraphe 20 [arrêt AUCC]). Le juge a aussi établi que M. Yeager n’avait pas rempli les conditions préalables pour la délivrance d’une ordonnance de mandamus.

[12] M. Yeager a interjeté appel de cette décision devant notre Cour. L’appel a été accueilli et l’affaire a été renvoyée, y compris la question de l’admissibilité des affidavits, au juge de première instance pour réexamen (Yeager c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 187.

[13] S’agissant du caractère théorique de la demande, la Cour a conclu que le juge avait appliqué le critère pertinent, mais qu’une information dont il ne disposait pas – le rejet subséquent des demandes de participation aux salons de 2017 et de 2018 – aurait influé sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Cette information révélait qu’un litige continuait d’opposer les parties. Étant donné que le refus d’autoriser la participation de M. Yeager aux salons a été signifié peu de temps avant leur tenue, le litige aurait probablement échappé à l’examen sans l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’instruire une affaire théorique.

[14] En ce qui concerne la preuve par affidavit, la Cour a fait observer que le critère de l’admissibilité énoncé dans l’arrêt White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, aux paragraphes 23 et 24 [arrêt White Burgess], devrait s’appliquer à l’affidavit de Mme Moore. Elle a toutefois laissé au juge saisi de la demande le soin de déterminer si les affidavits étaient admissibles et le poids à leur accorder au vu des critères juridiques applicables, y compris celui découlant de l’arrêt AUCC.

VI. Décision après réexamen

[15] Après avoir réexaminé la demande, le juge l’a rejetée de nouveau. Il a admis l’affidavit de Mme Finateri parce qu’il permettait de comprendre l’historique du litige et qu’il avait servi de fondement aux arguments de M. Yeager relativement à l’équité procédurale. Le juge a toutefois considéré que l’affidavit de Mme Moore n’était ni pertinent ni nécessaire, et qu’il ne remplissait donc pas deux des trois exigences minimales établies dans l’arrêt White Burgess à l’égard de l’admissibilité d’éléments de preuve d’expert. Le juge a de plus radié le segment [traduction] « et de la réinsertion des contrevenants dans la collectivité » dans la partie de l’affidavit dans laquelle M. Yeager expliquait qu’il souhaitait participer aux salons [traduction] « afin d’offrir aux détenus des connaissances, des ressources et des outils pertinents pour les besoins de la libération conditionnelle et de la réinsertion des contrevenants dans la collectivité ». Ce segment a été radié au motif qu’il décrivait un objet nouveau, que M. Yeager n’avait pas énoncé dans sa demande de participation aux salons de 2016.

[16] Le juge saisi de la demande a par ailleurs rejeté les arguments de M. Yeager selon lesquels la décision du Service de lui refuser l’autorisation de participer aux salons de 2016 était déraisonnable et découlait d’un processus inéquitable.

[17] Aux yeux du juge, la décision était raisonnable et, même si elle était brève, elle reposait sur un fondement et des motifs évidents, soit l’incompatibilité de l’offre de services de M. Yeager avec l’objet ou le but des salons de 2016. Le juge a rappelé que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi), conférait au Service un large pouvoir discrétionnaire d’offrir un programme de réadaptation et d’en définir l’objet. Reprenant à son compte les facteurs pertinents pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité procédurale tels qu’ils ont été établis dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 22 à 28, le juge saisi de la demande a établi que le Service avait une obligation d’équité peu élevée envers M. Yeager. Il a expliqué ensuite pourquoi il lui était impossible de retenir les arguments de M. Yeager concernant l’équité.

[18] Premièrement, M. Yeager avait invoqué l’affidavit de Mme Finateri et l’article 74 de la Loi pour faire valoir que l’objet des salons avait changé et que les détenus avaient le droit procédural d’être consultés avant l’entrée en vigueur du changement. L’article 74 prescrit ce qui suit :

74 Le Service doit permettre aux détenus de participer à ses décisions concernant tout ou partie de la population carcérale, sauf pour les questions de sécurité.

74 The Service shall provide inmates with the opportunity to contribute to decisions of the Service affecting the inmate population as a whole, or affecting a group within the inmate population, except decisions relating to security matters.

[19] Le juge saisi de la demande s’est abstenu de se prononcer sur la violation ou non de l’article 74 parce qu’il estimait que tout droit qui pouvait en résulter serait conféré aux détenus et non à M. Yeager. Il n’y avait rien au dossier, a insisté le juge, indiquant qu’un détenu s’était plaint d’une violation de son droit d’être consulté.

[20] Deuxièmement, le juge saisi de la demande n’a pas retenu l’argument de M. Yeager suivant lequel le décideur n’avait pas pris en considération l’intégralité de sa trousse de demande. Il ressort notamment de la décision portant rejet de la requête en injonction, laquelle faisait partie du dossier à la disposition du Service quand il a rejeté la demande de participation, que le décideur était au courant du contenu de la trousse de demande quand il a statué. Troisièmement, le juge a rejeté l’assertion de M. Yeager comme quoi il pouvait soumettre des documents supplémentaires au décideur, notamment parce que la procédure ne le prévoyait pas et que l’obligation d’équité procédurale se trouvait à l’extrémité inférieure du continuum. Et, quatrièmement, le juge a estimé que M. Yeager n’était aucunement fondé à affirmer que le Service avait fait preuve de fermeture d’esprit ou de partialité à son égard.

VII. Questions en litige et norme de contrôle

[21] Au vu des observations écrites et orales des parties, les questions à trancher dans le présent appel sont celles de savoir si le juge saisi de la demande a commis des erreurs susceptibles de contrôle :

  • 1) en concluant à l’inadmissibilité de l’affidavit de Mme Moore;

  • 2) en radiant une partie de l’affidavit de M. Yeager;

  • 3) en ne concluant pas que la décision du Service était déraisonnable;

  • 4) en ne concluant pas que la décision était inéquitable sur le plan procédural.

[22] Comme les parties en ont convenu, le rôle qui incombe à notre Cour quand elle doit trancher un appel d’une décision sur le bien-fondé d’une demande de contrôle judiciaire consiste à déterminer si la juridiction de révision a opté pour la norme de contrôle pertinente et, le cas échéant, si elle l’a bien appliquée (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45 à 47 [arrêt Agraira]). C’est ce que doit déterminer la Cour avant de statuer sur les troisième et quatrième points susmentionnés. D’un point de vue pratique, elle doit pour ce faire se « met[tre] à la place » de la juridiction de révision et se concentrer sur la décision administrative (arrêt Agraira, au paragraphe 46).

[23] Concernant le troisième point, le juge saisi de la demande a correctement établi que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable. En ce qui a trait au quatrième point, il a également eu raison de conclure qu’il fallait apprécier l’équité procédurale dans toutes les circonstances. Cet exercice de révision est [traduction] « “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 54).

[24] La démarche décrite dans l’arrêt Agraira ne s’applique toutefois pas aux premier et deuxième points en litige dans le présent appel, car la décision du Service ne soulève aucune des questions d’admissibilité visées. Ces questions sont survenues uniquement après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire. La manière dont le juge saisi de la demande a réglé ces questions est donc assujettie à la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante, soit la norme consacrée en appel à moins que ne puisse être décelée une erreur de droit ou de principe facilement isolable (Apotex Inc. c. Canada (Santé), 2018 CAF 147, aux paragraphes 57 et 58; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, au paragraphe 36). Comme l’a observé notre Cour dans l’arrêt Roher c. Canada, 2019 FCA 313, au paragraphe 30, « [l]es tribunaux d’appel doivent faire preuve de retenue envers les juridictions inférieures en ce qui concerne l’habilitation des experts ou l’admission de tout élément de preuve. En l’absence d’erreurs de droit, la décision d’exclure des éléments de preuve dépend de l’affaire et des faits. »

VIII. Analyse des questions en litige

A. Le juge saisi de la demande a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que l’affidavit de Mme Moore n’était pas admissible?

[25] Conformément à la directive donnée par notre Cour dans l’arrêt rendu à l’issue du premier appel de M. Yeager, le juge saisi de la demande a examiné le témoignage de Mme Moore en fonction du critère de l’admissibilité d’une preuve d’expert énoncé dans l’arrêt White Burgess. Selon ce critère (au paragraphe 23), le témoignage doit satisfaire à quatre exigences : la pertinence; la nécessité; l’absence de toute règle d’exclusion et la qualification suffisante de l’expert. Le juge est parvenu à la conclusion que Mme Moore possédait l’expertise, les connaissances et l’expérience voulues pour se prononcer sur les sujets dont traitait son affidavit, mais que celui-ci n’était ni pertinent ni nécessaire. Plus précisément, il était question dans cet affidavit de l’importance et de la portée générale de l’éducation avant la mise en liberté, deux sujets qui n’étaient pas en cause dans le litige. Il n’y était pas dit, et cette conclusion ne serait pas logique, que des activités éducatives précises ne pouvaient pas porter sur un sujet en particulier avant la mise en liberté. Le juge a ajouté que, même si l’affidavit avait eu une quelconque pertinence pour l’analyse de l’une ou de l’autre des questions en litige, il n’était pas nécessaire puisque le dossier contenait d’autres déclarations sur l’objet des salons.

[26] Le juge saisi de la demande a réglé la question de l’admissibilité de l’affidavit en appliquant le critère pertinent. Il n’a donc commis aucune erreur de droit ou de principe facilement isolable. Je ne relève par ailleurs aucune erreur manifeste et dominante dans la décision du juge relativement à la pertinence et à la nécessité. Il ne lui était pas demandé de se prononcer sur ce que l’objet des salons aurait pu être ou sur une décision du Service quant à leur portée. La demande visait plutôt le refus du Service d’autoriser la participation aux salons de M. Yeager au motif que son offre de services ne cadrait pas avec l’objet déjà défini.

[27] Notre Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions concernant l’admissibilité d’un élément de preuve. La conclusion selon laquelle l’affidavit de Mme Moore n’était pas admissible n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle.

B. Le juge saisi de la demande a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en radiant une partie de l’affidavit de M. Yeager?

[28] Comme je l’ai déjà mentionné, le juge saisi de la demande a radié le segment [traduction] « et la réinsertion des contrevenants dans la collectivité » de la partie de l’affidavit dans laquelle M. Yeager explique le but de sa participation aux salons. Le juge a radié ce segment parce qu’il décrivait un but qui ne figurait pas dans la demande de participation aux salons de 2016 déposée par M. Yeager. Il avait déjà mentionné, dans une partie précédente de ses motifs, que notre Cour avait établi dans l’arrêt AUCC (aux paragraphes 18 et 19) la règle générale selon laquelle un nouvel élément de preuve dont ne disposait pas le décideur administratif ne peut être pris en compte dans un contrôle judiciaire afin d’éviter que la Cour ne rende une nouvelle décision quant au fond et n’usurpe ainsi un rôle qui appartient au décideur et non à une juridiction de contrôle.

[29] M. Yeager affirme que le juge a radié à tort un segment auquel s’appliquaient deux des exceptions à la règle générale de l’admissibilité selon l’arrêt AUCC (au paragraphe 20). La première exception touche aux éléments de preuve qui procurent à la Cour de l’information neutre et d’ordre général qui peut l’aider à comprendre les questions en litige. La seconde exception applicable selon M. Yeager (la troisième dans la liste de l’arrêt AUCC) concerne toute information attestant que le décideur a tiré une conclusion sans preuve à l’appui.

[30] Je ne relève pour ma part aucune erreur manifeste et dominante dans la décision du juge saisi de la demande concernant cette question de preuve. Le segment qu’il a radié, loin de se limiter à des généralités, touchait au fond même de la décision du Service. La seconde exception revendiquée par M. Yeager met en cause un élément de preuve portant sur « une question de justice naturelle, d’équité procédurale, de but illégitime ou de fraude dont le décideur administratif n’aurait pas pu être saisi et qui n’intervient pas dans le rôle du décideur administratif comme juge du fond » (Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, au paragraphe 25). Cette description ne s’applique tout simplement pas au segment radié par le juge.

C. Le juge saisi de la demande a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en ne concluant pas que la décision du Service était déraisonnable?

[31] La décision visée par le présent appel a été rendue avant l’arrêt de principe Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [arrêt Vavilov], dans lequel la Cour suprême du Canada revoit la démarche qui doit être suivie pour le contrôle judiciaire des décisions administratives. M. Yeager s’est appuyé fortement sur certains passages de l’arrêt Vavilov pour convaincre notre Cour du caractère déraisonnable de la décision du Service. Il a insisté sur l’affirmation de la Cour suprême (au paragraphe 86 de l’arrêt Vavilov) selon laquelle les motifs d’une décision administrative peuvent être jugés raisonnables non seulement si l’issue est justifiable, mais également si le décideur la justifie auprès des personnes auxquelles elle s’applique dans ses motifs.

[32] Plus précisément, a insisté M. Yeager, le Service a rejeté sa demande de participation sans tenir compte de trois facteurs d’ordre contextuel qui, selon l’arrêt Vavilov (aux paragraphes 105 à 107), lui imposaient des contraintes dans l’exercice de ses pouvoirs décisionnels. Or, cette omission peut indiquer que le Service a exercé ses pouvoirs de manière déraisonnable. Les facteurs en question sont les suivants : 1) la nécessité de justifier la différence de traitement d’affaires semblables (arrêt Vavilov, au paragraphe 129); 2) la nécessité de justifier un écart par rapport à une pratique de longue date (au paragraphe 131); 3) la nécessité de démontrer que les conséquences sévères ou graves qu’une décision pourrait avoir pour une partie ont été prises en compte (aux paragraphes 133 à 135).

[33] Je vais examiner chacune de ces contraintes à tour de rôle. M. Yeager n’a pas fait la démonstration que, en raison de l’une ou de l’autre de ces contraintes, la décision du Service était déraisonnable. Comme je l’expliquerai ci-après, M. Yeager n’a pas démontré l’existence d’une assise factuelle dictant l’application de ces contraintes, et il ne s’est pas acquitté de l’obligation qui incombe à l’auteur d’une demande de contrôle judiciaire de faire la preuve que la décision attaquée était déraisonnable.

1) La décision était-elle déraisonnable du fait que, sans justification, la demande en l’espèce n’a pas été traitée de la même façon que des demandes semblables?

[34] Il est admis au paragraphe 129 de l’arrêt Vavilov que les décideurs administratifs ne sont pas liés par leurs décisions antérieures au même titre que les cours de justice suivant la règle du stare decisis. Cela dit, il y est précisé que « [l]es décideurs administratifs et les cours de révision doivent toutefois se soucier de l’uniformité générale des décisions administratives », et que « [l]es personnes visées par les décisions administratives sont en droit de s’attendre à ce que les affaires semblables soient généralement tranchées de la même façon […] ».

[35] M. Yeager soutient que, selon l’arrêt Vavilov, le décideur doit donner une justification lorsque des demandes semblables ne sont pas traitées de la même façon. Pour étayer son argument selon lequel le Service a exercé son pouvoir décisionnel en faisant fi de cette contrainte, M. Yeager cite deux « demandes semblables » de la Queen’s Prison Law Clinic et de l’Innocence Canada Foundation. Il indique que les deux organismes ont reçu l’autorisation de participer aux salons de 2016 même s’ils n’offraient pas de programmes ou de services de réadaptation après la mise en liberté.

[36] Les seuls éléments de preuve dont nous disposons relativement aux programmes et aux services offerts par ces deux organismes sont les pages tirées de leur site Web qui sont jointes à l’affidavit de M. Yeager. Sous le titre [traduction] « Nos activités », il est énoncé sur le site Web de la Queen’s Prison Law Clinic qu’elle offre aux détenus des pénitenciers de la région de Kingston une aide, une représentation et des conseils juridiques dans tous les domaines du droit carcéral. Parmi les six services inscrits sur la liste qui suit se trouvent la [traduction] « Représentation des clients lors d’audiences devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada » et la [traduction] « Conduite de litiges dans des causes types ». La page du site Web d’Innocence Canada Foundation indique que ses services sont axés sur les condamnations injustes.

[37] Aucun élément de preuve ne permet d’établir si ce qui est présenté sur les deux sites Web est l’offre de services complète des organismes ni quelle était la nature exacte des services proposés en vue des salons de 2016. À mon avis, la preuve est loin de faire la démonstration qu’il y aurait lieu de se préoccuper, tel que l’enseigne l’arrêt Vavilov, que les « demandes semblables » de la Queen’s Prison Law Clinic et d’Innocence Canada Foundation n’ont pas été traitées de la même façon.

[38] Dans son argumentation orale, M. Yeager a admis qu’il n’avait pas présenté une preuve suffisante pour conclure que les demandes en question étaient « semblables ». Il n’en demeure pas moins, selon lui, que le Service aurait dû justifier dans ses motifs le traitement différent accordé à ces demandes.

[39] Cet argument indique, selon moi, que M. Yeager n’a pas bien compris à qui incombe la charge de preuve dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision dont le caractère raisonnable est en litige. Comme le confirme la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, (au paragraphe 100), il incombe au demandeur de démontrer le caractère déraisonnable de la décision :

Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. […] La cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable.

[40] Au vu du dossier, la preuve produite par M. Yeager est insuffisante pour conclure que la décision du Service était entachée de lacunes graves étant donné qu’il n’a pas justifié le traitement différent de demandes semblables.

2) La décision est-elle déraisonnable du fait d’un écart par rapport à une pratique établie de longue date?

[41] L’arrêt Vavilov, au paragraphe 131, enseigne que « [l]a question de savoir si une décision en particulier est conforme à la jurisprudence de l’organisme administratif est elle aussi une contrainte dont devrait tenir compte la cour de révision au moment de décider si cette décision est raisonnable ». Selon l’arrêt Vavilov, quand un décideur s’écarte d’une pratique établie de longue date, il doit en donner la justification dans ses motifs. S’il ne remplit pas cette obligation, la décision doit être jugée déraisonnable.

[42] M. Yeager fait valoir la pratique de longue date du Service de lui accorder l’autorisation de participer aux salons. Il estime que le Service a rendu une décision déraisonnable en ne justifiant pas pourquoi il s’est écarté de sa pratique de longue date en rejetant sa demande de participation aux salons de 2016.

[43] Pour démontrer l’existence d’une pratique de longue date dans le contexte de la présente espèce, M. Yeager aurait dû produire la preuve que le Service avait auparavant accueilli ses demandes de participation dans des circonstances essentiellement semblables. Pour y parvenir, il aurait dû démontrer à tout le moins que l’objet des salons est resté le même pendant la période d’existence de la pratique alléguée, et qu’il n’était survenu aucun changement important entre les demandes et les énoncés d’offres de services qu’il avait soumis au Service en 2016 et ceux qui lui ont valu l’autorisation de participer aux salons les années antérieures (voir, notamment, Canada (Procureur général) c. Honey Fashions Ltd., 2020 CAF 64, aux paragraphes 36, 39 et 40).

[44] Or, les éléments de preuve produits sont insuffisants et incomplets. Dans son argumentation écrite et orale, M. Yeager déclare que sa participation aux salons avait été [traduction] « intermittente ». Plus précisément, il indique qu’il y a participé [traduction] « fréquemment » de 2000 à 2013, année de sa dernière participation. Il n’a pas fourni les demandes ni les énoncés des offres de services soumis au Service pour les salons tenus durant cette période, et il n’a pas non plus expliqué pourquoi il n’y avait pas participé certaines années. Dans son affidavit, Mme Finateri déclare que M. Yeager avait participé aux salons durant la période où elle travaillait pour la Société John Howard (de 2000 à 2009), mais elle ne précise pas s’il y avait participé tous les ans, s’il proposait toujours les mêmes services ou si le Service avait exprimé des réserves durant cette période. De plus, comme je l’ai dit précédemment, le Service n’a pas autorisé M. Yeager à participer aux salons de 2015 pour des raisons de sécurité et parce que les services proposés ne cadraient pas avec leur objet. Je ne vois rien au dossier concernant la situation en 2014.

[45] Le dossier dont je dispose ne me permet pas de conclure que M. Yeager a démontré que le Service s’était écarté d’une pratique de longue date et qu’il était tenu de se justifier dans la décision portant rejet de sa demande de participation aux salons de 2016.

3) La décision était-elle déraisonnable parce que ses conséquences particulièrement sévères n’ont pas été prises en compte?

[46] On peut lire ce qui suit au paragraphe 133 de l’arrêt Vavilov : « le décideur [doit expliquer] pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné ». Cette contrainte s’applique aux décisions dont les conséquences menacent la vie, la liberté, la sécurité, la dignité ou les moyens de subsistance. Elle exige du décideur qu’il démontre dans ses motifs qu’il a bien tenu compte des conséquences d’une décision et qu’il explique pourquoi il a conclu qu’elles étaient justifiées (au paragraphe 135).

[47] M. Yeager prétend que le Service a rendu une décision déraisonnable en faisant fi de cette contrainte. Pour appuyer cet argument, il ne parle pas des conséquences que cette décision a eues pour lui, mais de celles qu’elle a eues pour les détenus des établissements qui ont accueilli des salons en 2016. Il plaide que la décision risquait de compromettre l’accès des détenus à une aide essentielle concernant les audiences de libération conditionnelle et, ainsi, de leur imposer des conséquences particulièrement sévères touchant à leur liberté. Il renvoie à l’arrêt Baker qui, selon lui, établit un précédent pour ce qui concerne l’analyse des conséquences d’une décision sur des tiers. Il souligne notamment qu’au paragraphe 65, la Cour suprême a conclu que la décision d’un agent d’immigration n’était pas raisonnable parce qu’il avait omis de prendre en considération l’intérêt des enfants de l’appelante.

[48] Toutefois, même s’il est acquis que les conséquences possibles pour les détenus doivent être prises en compte pour déterminer l’applicabilité de la contrainte décrite dans l’arrêt Vavilov, la minceur de la preuve me force, là encore, à repousser l’argument de M. Yeager.

[49] Aucun élément de preuve n’indique qu’un détenu s’est plaint des conséquences que pourrait avoir l’absence de M. Yeager des salons. Dans son affidavit (au paragraphe 34), M. Yeager fait valoir que les détenus sont en droit de recevoir l’information et les conseils qu’il peut leur donner en matière de libération conditionnelle, et de bénéficier de ses services de représentation aux audiences de libération conditionnelle. Il déclare que l’information qu’il peut leur transmettre lors des salons [traduction] « constitue essentiellement un service public visant à renseigner les détenus au sujet de leurs droits avant leur mise en liberté ».

[50] Pourtant, je ne vois rien dans son affidavit ou ailleurs dans le dossier qui confirme que sa participation aux salons est l’unique moyen pour les détenus d’obtenir ce genre d’information et de conseils, ou qui me permettrait de jauger l’importance relative de sa participation aux salons comparativement à celle d’autres intervenants. Le dossier ne permet donc pas de déterminer si la décision avait des conséquences pour les détenus ni, le cas échéant, d’en soupeser la gravité.

[51] Tout ce qui peut en être déduit est qu’il existe d’autres sources d’information faciles d’accès. Au paragraphe 19 des motifs de sa décision portant rejet de la requête en injonction, le juge saisi de la requête mentionne que M. Yeager a parlé 47 fois au téléphone à son codemandeur, un détenu, mais qu’il ne s’est jamais prévalu de son droit de demander à lui rendre visite. Étant donné les moyens de communication offerts, le juge saisi de la requête a conclu, au paragraphe 43, que son codemandeur n’avait pas été lésé parce que M. Yeager n’avait pas été en mesure de discuter avec lui de sa libération conditionnelle lors d’un salon.

[52] Je n’irais pas jusqu’à dire que la décision rendue en 2016 n’a pas eu de conséquences. Il suffit de conclure à mon avis que le dossier ne permet pas de trancher si la contrainte liée aux « conséquences graves » dont il est question dans l’arrêt Vavilov s’applique en l’espèce.

D. Le juge saisi de la demande a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en ne concluant pas que la décision du Service était inéquitable sur le plan procédural?

[53] M. Yeager plaide, comme il l’avait fait auparavant devant le juge saisi de la demande, que le Service n’a pas rendu une décision équitable sur le plan procédural puisqu’il a manqué à l’obligation de consultation prévue à l’article 74 de la Loi (reproduit précédemment, au paragraphe 18). À l’appui de cet argument, il renvoie à la décision de la Cour fédérale intitulée Établissement William Head c. Canada (Commissaire du service correctionnel), [1993] A.C.F. no 821, 66 F.T.R. 262. Par cette décision rendue à l’issue d’un contrôle judiciaire sollicité par les détenus d’un établissement fédéral, la Cour a annulé la décision du Service de mettre fin à un programme universitaire parce que le comité des détenus n’avait pas été consulté au préalable. M. Yeager soutient également qu’aux termes de l’article 74, la Cour doit, conformément aux facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, considérer que le Service avait une obligation d’équité procédurale très élevée à l’endroit des personnes touchées par sa décision.

[54] Le juge saisi de la demande n’a pas été convaincu que l’article 74 ou la décision William Head s’appliquaient aux circonstances de l’espèce. Cependant, comme nous l’avons mentionné précédemment, il n’a pas retenu l’argument fondé sur l’article 74 au motif qu’il conférait des droits procéduraux aux détenus visés et non à M. Yeager. Il a par surcroît souligné que rien au dossier n’indiquait que des détenus s’étaient estimés lésés de leur droit d’être consultés.

[55] À mon sens, il serait superflu de nous demander si M. Yeager a qualité pour alléguer un manquement à l’article 74. L’argument fondé sur l’article 74 pose des difficultés beaucoup plus graves.

[56] Tout d’abord, il part de l’hypothèse que le Service a décidé, à un moment donné, de changer l’objet des salons sans consulter les détenus touchés. Or, aucun élément de preuve au dossier ne permet de conclure qu’une telle décision a été prise ou, si elle a été prise, rien n’indique à quel moment elle l’a été et si des consultations ont eu lieu au préalable. D’ailleurs, la demande de contrôle judiciaire de M. Yeager n’attaque pas la décision de changer l’objet des salons, si tant est qu’une telle décision ait été prise, mais plutôt le rejet de sa demande de participation aux salons de 2016.

IX. Règlement proposé

[57] Je rejetterais l’appel. Conformément à l’entente intervenue entre les parties, j’ordonnerais que M. Yeager verse à l’intimé des dépens fixés à 3 000 $.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-247-19

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE GLEESON LE 31 MAI 2019, DOSSIER NO T-1146-16)

INTITULÉ :

MATTHEW G. YEAGER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 octobre 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 octobre 2020

 

COMPARUTIONS :

Yavar Hameed

Nicholas Pope

 

Pour l’appelant

 

Kevin Palframan

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hameed Law

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelant

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.