Date : 20201013
Dossier : A-399-19
A-400-19
Référence : 2020 CAF 169
CORAM :
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LE JUGE WEBB
LA JUGE WOODS
LA JUGE RIVOALEN
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ENTRE :
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ANDREY RYBAKOV et
YULIA RYBAKOVA
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appelants
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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intimée
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Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 septembre 2020.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2020.
MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE WOODS
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Y ONT SOUSCRIT :
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LE JUGE WEBB
LA JUGE RIVOALEN
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Date : 20201013
Dossier : A-399-19
A-400-19
Référence : 2020 CAF 169
CORAM :
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LE JUGE WEBB
LA JUGE WOODS
LA JUGE RIVOALEN
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ENTRE :
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ANDREY RYBAKOV et
YULIA RYBAKOVA
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appelants
|
et
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SA MAJESTÉ LA REINE
|
intimée
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MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE WOODS
[1]
La Cour est saisie des appels à l’encontre des ordonnances interlocutoires rendues par la juge Monaghan de la Cour canadienne de l’impôt qui a rejeté les requêtes en jugement par défaut des appelants présentées aux termes de l’article 63 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (Règles de procédure générale). Les appels concernent le délai applicable pour le dépôt des réponses de la Couronne dans ces affaires.
[2]
L’article 63 des Règles de procédure générale s’applique dans les cas où une réponse à l’avis d’appel n’a pas été déposée et signifiée dans les délais précisés à l’article 44 de ces règles. Dans ce cas, l’article 63 permet à un contribuable de demander à la Cour canadienne de l’impôt de rendre un jugement sur le redressement demandé dans l’avis d’appel. À la suite d’une telle demande, la Cour peut ordonner que l’appel soit entendu ou elle peut accueillir l’appel. La disposition est reproduite ci-dessous.
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Résumé des faits
[3]
Les faits ont été exposés en détail par la Cour de l’impôt. Par conséquent, il suffira dans les présents motifs d’en donner un résumé.
[4]
Les appelants sont Yulia Rybakova et son époux, Andrey Rybakov. Par la voie d’avis de cotisation datés des 18 et 21 avril 2017, les appelants ont fait l’objet de cotisations arbitraires de la part du ministre du Revenu national en application de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (LTA).
[5]
Le 22 novembre 2018, les appelants ont interjeté appel des cotisations devant la Cour de l’impôt selon la procédure informelle de la Cour.
[6]
Par la voie d’avis de nouvelle cotisation datés du 11 mars 2019, les appelants ont fait l’objet de nouvelles cotisations à la suite d’un audit. Chaque nouvelle cotisation portait sur la même période de référence que la cotisation arbitraire correspondante, et augmentait considérablement les sommes à payer.
[7]
Toujours en date du 11 mars 2019, les appelants ont répondu aux nouvelles cotisations en déposant des avis d’appel modifiés qui ont remplacé les appels des cotisations arbitraires par des appels des nouvelles cotisations. En outre, l’acte de procédure supprimait la référence à la procédure informelle et indiquait que les appelants avaient choisi de procéder selon la procédure générale. Le passage à la procédure générale a été effectué par voie d’ordonnances de la Cour de l’impôt datées du 17 avril 2019.
[8]
Le 5 avril 2019, soit moins d’un mois après le dépôt des avis d’appel modifiés, les appelants ont déposé des avis de requête visant à obtenir un jugement par défaut en application du paragraphe 63(1) des Règles de procédure générale au motif que les réponses en suspens n’avaient pas été déposées et signifiées dans les délais applicables.
[9]
Les requêtes ont été entendues ensemble le 29 avril 2019. Aucune réponse n’a été déposée à ce jour.
[10]
Les requêtes ont été rejetées par des ordonnances de la Cour de l’impôt datées du 4 octobre 2019, principalement au motif que les réponses n’étaient pas tardives (2019 CCI 209). Les appelants ont fait appel de ces ordonnances devant notre Cour.
Analyse
[11]
La principale question en litige dans ces appels est de savoir si la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’intimée n’avait pas omis de déposer ses réponses dans les délais requis. Si cette conclusion n’était pas erronée, la Cour n’a pas non plus commis d’erreur en refusant d’accorder un jugement par défaut aux termes de l’article 63 des Règles de procédure générale, car le jugement par défaut n’est disponible que si les réponses sont tardives.
[12]
L’analyse de la Cour de l’impôt a été centrée sur la conclusion que le délai applicable pour le dépôt des réponses était de 60 jours à compter de la date de signification des avis d’appel modifiés. Il s’agit du délai applicable pour le dépôt des réponses aux avis d’appel en application du paragraphe 44(1) des Règles de procédure générale. Comme les requêtes ont été déposées et entendues avant l’expiration de ce délai de 60 jours, la Cour de l’impôt a conclu que les réponses n’étaient pas tardives.
[13]
Les appelants font valoir que le délai n’était que de 10 jours à compter de la signification des avis d’appel modifiés conformément aux délais de réponse aux actes de procédure modifiés en application du paragraphe 57(1) des Règles de procédure générale. Si le délai de 10 jours s’applique, les réponses en l’espèce étaient tardives au moment où les avis de requête ont été déposés.
[14]
En examinant cette question, il est nécessaire de tenir compte de la nature des avis d’appel modifiés déposés par les appelants. Tel qu’il a été susmentionné, les avis d’appel modifiés n’ont pas simplement eu une incidence sur les cotisations arbitraires. Ils ont également eu une incidence sur les nouvelles cotisations.
[15]
Les avis d’appel modifiés ont été déposés conformément à l’alinéa 302b) de la LTA. Cette disposition permet à un contribuable de faire appel d’une nouvelle cotisation ou d’une cotisation supplémentaire directement auprès de la Cour de l’impôt dans des circonstances précises, sans avoir à déposer au préalable un avis d’opposition. Si l’alinéa 302b) s’applique, le contribuable est autorisé à « modifier [l’]appel [existant] en y joignant un appel concernant la nouvelle cotisation [...] »
. L’article 302 prescrit ce qui suit :
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La question est la suivante : si un appel est modifié conformément à l’alinéa 302b) de la LTA, les délais de réponse sont-ils régis par les règles applicables au dépôt des réponses aux actes de procédure modifiés (paragraphe 57(1) des Règles de procédure générale) ou par les règles applicables au dépôt des réponses aux avis d’appel (paragraphe 44(1) des Règles de procédure générale)? Il s’agit d’une question de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235).
[17]
De façon approfondie et convaincante, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que le délai approprié était le délai de 60 jours prescrit au paragraphe 44(1) des Règles de procédure générale, car un appel modifié aux termes de l’alinéa 302b) de la LTA entraîne l’introduction d’un nouvel appel. J’adhère à la conclusion de la Cour de l’impôt sur cette question pour les motifs qu’elle a donnés (aux paragraphes 24 à 65).
[18]
Je tiens toutefois à préciser que cette adhésion ne s’étend pas à un commentaire incident de la Cour de l’impôt (aux paragraphes 38 et 52) selon lequel un contribuable n’est pas autorisé à choisir entre les procédures d’appel prescrites aux alinéas 302a) et 302b) de la LTA lorsqu’un appel a déjà été introduit pour une question donnée. Ce commentaire n’est pas pertinent pour les questions en litige soumises à la Cour, et mes motifs ne doivent pas être interprétés comme constituant une adhésion à ce commentaire.
[19]
Cela règle la principale question en litige de ces appels. Le délai de dépôt des réponses n’étant pas expiré, les appelants n’avaient pas le droit de demander un jugement par défaut en vertu de l’article 63 des Règles de procédure générale. Il n’est pas nécessaire que j’examine les arguments subsidiaires examinés par la Cour de l’impôt. Je vais maintenant examiner d’autres questions soulevées par les appelants.
[20]
Tout d’abord, les appelants soutiennent que la Cour de l’impôt a commis une erreur en accordant à l’intimée une prorogation du délai de dépôt des réponses. Je ne suis pas de cet avis. Le principe juridique primordial à appliquer pour déterminer s’il convient ou non d’accorder une prorogation de délai est de savoir si la prorogation est dans l’intérêt de la justice (Grewal c. Canada, [1985] 2 C.F. 263, 63 N.R. 106 (C.A.), cité dans les arrêts Alberta c. Canada, 2018 CAF 83, 425 D.L.R. (4th) 366, au paragraphe 45, et Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, 433 N.R. 184, au paragraphe 62). Ce critère est également mentionné à l’article 63 des Règles de procédure générale (à l’alinéa 63(2)c)). En l’espèce, la juge de la Cour de l’impôt a amplement justifié la prorogation du délai qui a été accordée.
[21]
Quant à l’argument des appelants selon lequel l’intimée était tenue de déposer un avis de requête officiel pour proroger le délai de dépôt des réponses conformément à l’article 65 des Règles de procédure générale, il est clair que la Cour de l’impôt peut dispenser l’intimée de l’observation de cette exigence (article 9 des Règles de procédure générale).
[22]
Par conséquent, quelle que soit la norme de contrôle appliquée, aucune erreur susceptible de révision n’a été commise en ce qui concerne la prorogation du délai de dépôt des réponses.
[23]
Ensuite, les appelants font valoir dans leurs mémoires des faits et du droit que la Cour de l’impôt a commis une erreur en ce qui concerne les dépens en ne donnant pas aux appelants le droit de présenter des éléments de preuve et des renseignements qui seraient pertinents pour l’attribution des dépens.
[24]
Dans les motifs de la Cour de l’impôt, la juge a expliqué que les dépens demandés par les appelants ne seraient pas accordés puisque les appelants avaient été « entièrement débouté[s] »
de leurs requêtes. Devant notre Cour, les appelants soutiennent que la Cour de l’impôt a commis une erreur en ne leur donnant pas la possibilité d’aborder la question des dépens lors de l’audience, car les circonstances ont justifié l’attribution des dépens aux appelants, quelle que soit l’issue de la cause. À ma connaissance, les appelants n’ont pas expressément présenté de demande de dépens devant la Cour de l’impôt, quelle que soit l’issue de la cause, et n’ont pas non plus demandé à présenter des observations quant aux dépens. Les appelants ne peuvent pas se plaindre d’injustice dans ces circonstances.
Conclusion
[25]
J’ai conclu que la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en refusant d’accorder un jugement par défaut, car les réponses n’étaient pas tardives, en accordant une prorogation du délai de dépôt des réponses et en examinant la question des dépens. Par conséquent, je rejetterais les appels. J’accorderais également à l’intimée un seul mémoire de dépens établi à 5 000 $, tout compris. Cela montre que le bien-fondé de plusieurs des questions soulevées était douteux.
« Judith Woods »
j.c.a.
« Je souscris à ces motifs.
Wyman W. Webb, j.c.a. »
« Je souscris à ces motifs.
Marianne Rivoalen, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme.
Mario Lagacé, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossiers :
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A-399-19 et A-400-19
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INTITULÉ :
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ANDREY RYBAKOV et YULIA RYBAKOVA c. SA MAJESTÉ LA REINE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 16 septembre 2020
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MOTIFS DU JUGEMENT :
|
LA JUGE WOODS
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Y ONT SOUSCRIT :
|
LE JUGE WEBB
LA JUGE RIVOALEN
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DATE DES MOTIFS :
|
Le 13 octobre 2020
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COMPARUTIONS :
Bobby B. Solhi
Bhuvana Rai
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POUR LES APPELANTS
|
Katie Beahen
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Pour l’intimée
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Toronto (Ontario)
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POUR LES APPELANTS
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Nathalie G. Drouin
Sous-procureure générale du Canada
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Pour l’intimée
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