Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200818

Dossier : A-392-19

Référence : 2020 CAF 133


[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

appelant

et

EDGAR ALBERTO LOPEZ GAYTAN

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 18 août 2020.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20200818


Dossier : A-392-19

Référence : 2020 CAF 133

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

appelant

et

EDGAR ALBERTO LOPEZ GAYTAN

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LOCKE

[1] Les présents motifs concernent une requête déposée par l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés (l’ACAADR) en vue d’obtenir l’autorisation d’intervenir dans le présent appel.

[2] Le présent appel vise à infirmer une décision de la Cour fédérale (2019 CF 1152), par laquelle elle a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR). La SAI a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à établir que l’intimé était interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La SAI a accepté un moyen de défense fondé sur la contrainte. L’appelant était autorisé à introduire le présent appel parce que la Cour fédérale a certifié une question aux termes de l’alinéa 74d) de la LIPR. La question certifiée est la suivante :

Pour déterminer si une personne est interdite de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, la Section de l’immigration et la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada sont-elles autorisées à prendre en considération le moyen de défense fondé sur la contrainte?

[3] En plus de la question certifiée, l’appelant remet en question le caractère raisonnable de la conclusion de la SAI au vu des faits.

[4] L’ACAADR sollicite l’autorisation d’intervenir afin de fournir des observations à la Cour concernant les répercussions de la position adoptée par l’appelant, en particulier en ce qui a trait aux motifs d’interdiction de territoire autres que ceux prévus à l’alinéa 37(1)a), aux motifs d’exclusion, et aux moyens de défense autres que la contrainte. L’ACAADR affirme qu’à titre d’organisme bien établi qui se consacre aux questions de droit touchant les réfugiés, les demandeurs d’asile et les droits des immigrants, elle est particulièrement bien placée pour présenter ces observations.

[5] L’appelant s’oppose à la requête de l’ACAADR. L’intimé ne s’y oppose pas.

[6] L’appelant et l’ACAADR s’entendent, pour l’essentiel, sur les critères applicables à une requête en intervention. Ils acceptent les critères établis dans la décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général) (1re inst.), [1989] A.C.F. no 446, au paragraphe 12, [1990] 1 C.F. 74, conf. par [1989] A.C.F. no 707, [1990] 1 CF 90 :

  • a) La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

  • b) Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

  • c) S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

  • d) La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

  • e) L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

  • f) La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

[7] L’appelant et l’ACAADR conviennent également que ces critères ne sont pas exhaustifs et que la Cour doit se concentrer sur les quatrième et cinquième critères. À cet égard, les deux parties citent le passage suivant de l’arrêt Première nation de Prophet River c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 120, au paragraphe 6 :

La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige? Voilà un facteur pertinent et important. Il soulève la question clé selon le paragraphe 109(2) des Règles, à savoir si l’intervenant fournira à la Cour des précisions et des perspectives différentes et utiles qui l’aideront à la prise d’une décision et qui lui feront prendre connaissance, notamment, des répercussions que pourraient avoir les approches qu’elle pourrait adopter dans ses motifs.

L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée? À mon avis, ce facteur comprend tous les facteurs discutés dans l’arrêt Première Nation Pictou Landing, en plus de tout autre facteur pouvant découler des faits de cas particuliers, à savoir si :

- l’intervention est conforme aux objectifs établis à l’article 3 des Règles et aux exigences de l’article 109 des Règles (dispositions qui nous lient);

- la partie requérante a un véritable intérêt dans l’affaire de façon à ce que la Cour puisse être certaine que la partie qui se propose d’intervenir détient les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et [. . .] les appliquera à la question devant la Cour;

- la question a pris une dimension tellement publique, importante et complexe que la Cour doit être exposée à des perspectives autres que celles offertes par les parties particulières devant la Cour;

- la partie requérante a participé à des procédures antérieures de l’affaire;

- l’intervention devrait être assujettie à certaines conditions de façon à atteindre les objectifs établis à l’article 3 des Règles et à fournir aux parties initiales à l’instance un degré de justice procédurale.

[8] L’appelant affirme que l’intervention proposée par l’ACAADR ne serait pas utile à la Cour dans le présent appel, parce qu’elle modifierait les questions déjà soulevées en appel ou y suppléerait (ce qui n’est pas autorisé) et que la plupart des observations présentées par l’ACAADR ne feraient que reproduire celles de l’intimé. L’appelant affirme aussi que, si l’intervention de l’ACAADR devait être autorisée, la Cour devrait limiter cette intervention aux questions relatives à l’interprétation de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR et à l’opposabilité du moyen de défense fondé sur la contrainte en l’espèce. Enfin, l’appelant soutient que l’ACAADR ne devrait pas être autorisée à traiter de la seconde question de fond soulevée dans le présent appel, soit celle de savoir si l’analyse de la SAI au sujet du moyen de défense fondé sur la contrainte était raisonnable, à supposer qu’un tel moyen de défense puisse être opposé à une interdiction de territoire prononcée au titre de l’alinéa 37(1)a). L’appelant affirme qu’il n’y a pas de désaccord quant au critère juridique applicable au moyen de défense fondé sur la contrainte et que l’intervention de l’ACAADR sur cette question suppléerait aux questions dont est saisie la Cour ou les modifierait.

[9] Je ne suis pas d’accord avec l’appelant pour dire que l’intervention de l’ACAADR à ce sujet suppléerait aux questions dont est saisie la Cour ou les modifierait. J’accepte l’argument de l’ACAADR selon lequel sa proposition de traiter des répercussions de la position de l’appelant dans le présent appel sera utile à la Cour, lorsqu’il s’agit de l’opposabilité du moyen de défense fondé sur la contrainte en ce qui a trait à l’interdiction de territoire prononcée au titre de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. J’accepte également les arguments de l’ACAADR voulant que ses connaissances et son expérience lui permettent d’offrir une telle assistance et que son intervention ne se résumera pas à simplement reproduire les arguments de l’intimé. L’ACAADR peut offrir à la Cour un point de vue différent sur les répercussions de dispositions de la LIPR sur les questions soulevées dans le présent appel. Ainsi, la Cour disposera d’une perspective plus complète. Je suis du même avis en ce qui concerne la seconde question de fond, soit celle du caractère raisonnable de l’évaluation faite par la SAI de l’opposabilité du moyen de défense fondé sur la contrainte en l’espèce.

[10] De plus, j’ai confiance que l’ACAADR comprend son obligation d’aborder les questions et les éléments de preuve tels quels, sans les modifier ou y suppléer.

[11] À mon avis, l’intérêt de la justice est mieux servi si la Cour autorise l’intervention de l’ACAADR. Je suis convaincu que les observations que l’ACAADR souhaite présenter seront utiles à la Cour. Qui plus est, l’ACAADR a prouvé qu’elle avait un véritable intérêt dans l’affaire, et qu’elle consacrera ses connaissances, ses compétences et ses ressources substantielles au présent appel.

[12] L’ACAADR sollicite également l’autorisation de présenter ses observations orales à l’audience. Je transmettrai cette requête à la formation de juges chargés d’entendre l’appel. Je pense qu’elle sera mieux placée pour trancher cet aspect de la requête de l’ACAADR après (i) avoir pris connaissance du mémoire des faits et du droit de l’ACAADR et (ii) avoir déterminé la durée de l’audience au complet.

[13] L’appelant sollicite l’autorisation, pour lui-même et l’intimé, de présenter un mémoire en réponse au mémoire des faits et du droit de l’ACAADR. Aucune objection n’ayant été formulée, l’autorisation est accordée.

« George R. Locke »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-392-19

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. EDGAR ALBERTO LOPEZ GAYTAN

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

DATE :

Le 18 août 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES

Brendan Friesen

 

Pour l’appelant

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

Erin C. Roth

Pour l’intimé

EDGAR ALBERTO LOPEZ GAYTAN

Prasanna Balasundaram

POUR L’INTERVENANTE

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES AVOCATS ET AVOCATES EN DROIT DES RÉFUGIÉS (ACAADR)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour l’appelant

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

Edelmann & Co.

Pour l’intimé

EDGAR ALBERTO LOPEZ GAYTAN

 

Downtown Legal Services

Toronto (Ontario)

POUR L’INTERVENANTE

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES AVOCATS ET AVOCATES EN DROIT DES RÉFUGIÉS (ACAADR)

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.