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Date : 20200728


Dossier : A-362-16

Référence : 2020 CAF 127

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

SALT CANADA INC.

appelante

et

JOHN W. BAKER

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 janvier 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 


Date : 20200728


Dossier : A-362-16

Référence : 2020 CAF 127

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

SALT CANADA INC.

appelante

et

JOHN W. BAKER

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1] L’appelante interjette appel de la décision rendue par la Cour fédérale (le juge Boswell) dans le dossier 2016 CF 830. La Cour fédérale a rejeté une demande présentée par l’appelante en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant au commissaire aux brevets de modifier les registres du Bureau des brevets afin de tenir compte du fait qu’elle est la propriétaire du brevet canadien no 2 222 058.

[2] La Cour fédérale a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour instruire la demande. Cette cour était d’avis que la nature même de la demande nécessitait qu’elle soit examinée en tant que différend contractuel, une affaire réservée exclusivement aux cours supérieures provinciales.

[3] Selon moi, il s’agit là d’une erreur. Comme nous le verrons, la Cour fédérale s’est vu conférer la compétence expresse de rendre l’ordonnance demandée en la matière, soit une ordonnance portant sur la propriété des brevets, ainsi qu’un rôle de surveillance du Bureau des brevets. Le fait que des ententes et d’autres effets de commerce doivent être interprétés dans l’exercice de sa compétence, comme, par exemple, dans le cas de sa compétence pour entendre les appels en matière fiscale fédérale, n’a pas pour effet d’écarter cette compétence. L’interprétation d’ententes et d’autres effets de commerce n’est pas l’apanage exclusif des cours supérieures provinciales.

[4] Par conséquent, pour les motifs qui suivent, j’infirmerais le jugement rendu par la Cour fédérale et j’accueillerais la demande de l’appelante avec dépens pour la présente instance et pour l’instance inférieure.

[5] L’article 26 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, dispose que la Cour fédérale a « compétence, en première instance, pour toute question ressortissant aux termes d’une loi fédérale [...] à la Cour fédérale [...] ». Une demande a été présentée à la Cour fédérale en application de l’article 52 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, une loi fédérale. Selon l’article 52 de la Loi sur les brevets, « [la] Cour fédérale est compétente [...] pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée. » Il s’agissait précisément de l’objet de la demande présentée à la Cour fédérale. En termes clairs, suivant l’article 26 de la Loi sur les Cours fédérales et l’article 52 de la Loi sur les brevets, la Cour fédérale avait compétence pour instruire la demande de l’appelante.

[6] L’intimé et la Cour fédérale sont d’avis que l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales portant sur la compétence des Cours fédérales sur certaines formes de propriété intellectuelle revêt une certaine pertinence quant à la compétence que confère la loi à la Cour fédérale dans la présente affaire. On pourrait soutenir que l’article n’est aucunement pertinent. L’espèce ne découle pas de l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales et n’a rien à voir avec cet article.

[7] Il faut donner son sens véritable à l’article 52 de la Loi sur les brevets au regard de son libellé, de son contexte et de son objet : Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 RCS 559; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 RCS 601, au paragraphe 10; et devant notre Cour : Entertainment Software Assoc. c Society Composers, 2020 CAF 100, ainsi que les décisions citées au paragraphe 39 de cet arrêt.

[8] Le sens ordinaire des termes de l’article 52 de la Loi sur les brevets est clair. L’examen du contexte et de l’objet confirme ce sens ordinaire : la Cour fédérale est compétente pour ordonner la modification ou la radiation du titre à un brevet, tel qu’il figure dans les registres du Bureau des brevets.

[9] Un élément important du contexte réside dans le fait que l’article 52 de la Loi sur les brevets confère ce pouvoir à la Cour fédérale, et non au Bureau des brevets. On pourrait ainsi supposer qu’il s’agit d’un pouvoir judiciaire, et non d’un pouvoir administratif. S’il s’agissait d’un pouvoir purement administratif – pour entériner automatiquement une situation juridique tranchée selon les faits et le droit dans une autre compétence – le législateur l’aurait accordé au Bureau des brevets. Le législateur a toutefois conféré ce pouvoir à la Cour fédérale.

[10] Le pouvoir conféré par l’article 52 de la Loi sur les brevets est un pouvoir judiciaire qui vise à trancher les questions portant sur la propriété des brevets. Ce pouvoir peut toucher à plusieurs éléments, y compris à l’interprétation d’ententes et d’autres effets de commerce. À juste titre, ce pouvoir judiciaire a été conféré à la Cour fédérale, et non au Bureau des brevets.

[11] Le seul arrêt de la Cour suprême à avoir interprété l’article 52 de la Loi sur les brevets appuie cette conclusion : Clopay Corp. v. Metalix Ltd. (1960), 34 C.P.R. 232, 20 Fox Pat. C. 110 (C. de l’É.), conf. par 39 C.P.R. 23, 22 Fox Pat. C. 2 (CSC). Selon la Cour suprême, l’article 52 [TRADUCTION] « a été adopté dans le but de permettre à la Cour de rectifier les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet de manière que les droits des parties ayant droit à la délivrance [...] puissent être régulièrement inscrits » : arrêt Clopay, à la page 235. Elle a fait remarquer que les [TRADUCTION] « pouvoirs conférés » par l’article 52 [TRADUCTION] « sont très vastes, mais qu’ils doivent être exercés avec une discrétion considérable » : ibid.

[12] Dans ce bref passage de l’arrêt de la Cour suprême, passage qui nous lie, se trouve la réponse à la prétention de l’appelante selon laquelle la Cour fédérale n’a pas compétence. La Cour fédérale peut se prononcer sur des questions de titres; elle a le [TRADUCTION] « très vaste » pouvoir de déterminer qui a [TRADUCTION] « réellement droit à la délivrance » du brevet et qui possède des [TRADUCTION] « droits » sur le brevet, et de veiller à ce que les registres du Bureau des brevets reflètent la situation juridique appropriée.

[13] La Cour fédérale a conclu, et, devant notre Cour, l’intimé soutient que, dans le contexte d’une telle demande, la Cour fédérale interprète des ententes, et qu’il s’agit du ressort exclusif des cours supérieures. Ainsi, selon eux, la Cour fédérale ne peut pas interpréter les ententes en l’espèce.

[14] Je ne suis pas d’accord pour dire que l’interprétation d’ententes est du ressort exclusif des cours supérieures. Je ne suis pas non plus d’avis que, du seul fait que les cours supérieures interprètent des ententes, les Cours fédérales ne peuvent pas le faire aussi.

[15] Lorsqu’elles exercent leur compétence, il arrive souvent que les Cours fédérales se prononcent sur des questions qui requièrent l’interprétation d’ententes.

[16] À titre d’exemple, mentionnons la compétence de la Cour canadienne de l’impôt sur les appels interjetés en matière fiscale et la compétence de notre Cour sur les appels des décisions de la Cour de l’impôt : Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2; Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, paragraphe 27(1.1). Il arrive souvent que notre Cour doive interpréter des ententes et d’autres effets de commerce afin de déterminer la véritable nature d’une opération ou d’une série d’opérations lorsqu’elle doit se prononcer sur une question fiscale. Dans certains cas, l’élément « droit fiscal » de la décision est minime et l’élément « interprétation » est important, et pourtant, il appartient à la Cour de l’impôt et, en appel, à notre Cour, de se saisir de l’affaire. Les contribuables n’ont pas à plaider la nature de leurs opérations en sollicitant des déclarations auprès des cours supérieures, puis à appliquer ces décisions à la Cour de l’impôt ou à notre Cour.

[17] Le domaine de la fiscalité n’est pas le seul domaine où des questions d’interprétation contractuelle se posent. Un examen rapide des arrêts rendus au cours des dernières années révèle un registre regorgeant de questions liées à l’interprétation contractuelle : Apotex c. Allergan Inc., 2016 CAF 155, 399 D.L.R. (4th) 549, et Beam Suntory Inc. c. Domaines Pinnacle Inc., 2016 CAF 212, 487 N.R. 270 (interprétation d’ententes de règlement); Apotex Inc. c. ADIR, 2017 CAF 23, 406 D.L.R. (4th) 572 (interprétation d’une entente de prix de transfert afin d’évaluer le montant des dommages‑intérêts découlant d’une contrefaçon de brevet); Canada (Commissariat à l’information) c. Calian Ltd., 2017 CAF 135, 414 D.L.R. 165 (interprétation de la portée d’une clause de divulgation dans un contrat d’approvisionnement pour les besoins d’une demande d’accès à l’information; Canada c. Agnico-Eagles Mines Limited, 2016 CAF 130, 483 N.R. 92 (interprétation d’un contrat bilatéral afin de déterminer si un contribuable a réalisé un gain en capital); Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2015 CAF 257, 480 N.R. 217 (interprétation d’une entente interdisant apparemment à une partie d’intenter l’action en question); Randy Urquhart c. Canada, 2016 CAF 76, 482 N.R. 31 (interprétation d’un contrat de travail visant à déterminer si certaines dépenses étaient déductibles); Leuthold c. Société Radio-Canada, 2014 CAF 173, 462 N.R. 181 (interprétation d’un accord de licence de droits d’auteur; Toronto Real Estate Board c. Commissaire de la concurrence, 2017 CAF 236 (interprétation de la question de savoir si un consentement autorisait la communication de renseignements conformément aux lois fédérales sur la protection de la vie privée); Murphy c. Amway Canada Corporation, 2013 CAF 38, 443 N.R. 356 (interprétation d’une clause d’arbitrage afin de déterminer si cette clause interdisait à la partie demanderesse d’intenter un recours collectif).

[18] Les arrêts précités ne constituent que l’historique jurisprudentiel très récent en matière d’interprétation contractuelle devant notre Cour. Cependant, même avec ce petit échantillon, on peut constater que les Cours fédérales interprètent des contrats dans presque tous leurs domaines de compétence, de la fiscalité à la propriété intellectuelle, au droit administratif, au droit maritime, à la vie privée et à l’accès à l’information.

[19] Les questions d’interprétation contractuelle se posent régulièrement en droit maritime également : paragraphe 22(1) de la Loi sur les Cours fédérales; ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, 28 D.L.R. (4th) 641; AK Steel Corporation c. Acelormittal Mines Canada Inc., 2014 CF 118, 447 F.T.R. 134, aux paragraphes 3 à 20, conf. par 2014 CAF 287, 466 N.R. 159 (violation de contrat); Offshore Interiors Inc. c. Sargeant, 2015 CAF 46, 467 N.R. 355 (interprétation d’une hypothèque de constructeur); Burin Peninsula Marine Service Centre c. Forsey, 2015 CAF 216, 476 N.R. 183 (interprétation d’une clause d’exclusion de responsabilité).

[20] Les affaires de contrefaçon de brevet fournissent également un grand nombre d’exemples. Ainsi, les parties défenderesses aux actions en contrefaçon de brevet devant la Cour fédérale se défendent parfois en alléguant que la partie demanderesse n’est pas propriétaire du brevet. Cette question est souvent tranchée par la Cour fédérale qui interprète des ententes et d’autres instruments dans le contexte d’actions en contrefaçon de brevet : voir, par exemple, la décision Unilux Manufacturing Co. c. Miller, [1994] A.C.F. no 428, 55 C.P.R. (3d) 199; l’arrêt Kellogg Co. v. Kellogg, [1941] R.C.S. 242, [1941] 2 D.L.R. 545; la décision Safematic Inc. v. Sensodec Oy, no de greffe : T-323-88, 2 mai 1988, (1988), 21 C.P.R. (3d) 12; la décision R.W. Blacktop Ltd. c. Artec Equipment Co. [1991] A.C.F. no 1046, 39 C.P.R. (3d) 432 (C.F., 1re inst.); la décision Titan Linkabit Corp. v. S.E.E. See Electronic Engineering Inc., no de greffe : T-129-91, 4 septembre 1992, (1992), 44 C.P.R. (3d) 469, 58 F.T.R. 1 ( C.F., 1re inst.).

[21] Certaines de ces décisions justifient un examen plus attentif. Elles démontrent où la Cour fédérale s’est égarée en l’espèce.

[22] Dans l’arrêt Kellogg, le commissaire aux brevets a refusé de délivrer un brevet aux termes des articles actuels 40 et 41 de la Loi sur les brevets. À l’appui de la décision du commissaire, l’appelant a cherché à se fonder sur les contrats d’emploi pour réfuter les allégations de l’intimée à l’appui de sa revendication de la propriété d’un brevet.

[23] Tout en reconnaissant que ce qui était à l’époque la Cour de l’Échiquier n’avait [TRADUCTION] « aucune compétence pour trancher une question [...] concernant un contrat intervenu entre deux personnes », la Cour suprême a conclu que la Cour de l’Échiquier avait compétence parce que les contrats d’emploi n’étaient [TRADUCTION] « invoqués que pour établir que l’appelant » était le propriétaire légitime du brevet : aux pages 249 et 250. Le fait de statuer sur la propriété d’un brevet relevait et relève toujours clairement de la compétence de la Cour fédérale.

[24] La règle établie dans l’arrêt Kellogg est simple : la Cour de l’Échiquier (maintenant la Cour fédérale) peut interpréter des contrats entre particuliers pour autant que cette interprétation soit faite dans l’exercice d’une compétence fédérale valide conférée à la Cour fédérale. Il est vrai qu’en l’absence d’une attribution en vertu de la loi d’une compétence précise à la Cour fédérale, une partie ne peut faire valoir une réclamation contractuelle devant la Cour fédérale contre un autre particulier afin d’obtenir une réparation sous forme de dommages-intérêts. L’arrêt Kellogg nous enseigne toutefois qu’en présence d’une telle attribution, les parties peuvent demander réparation même si leur droit repose sur l’interprétation d’une entente ou d’un autre instrument, par exemple, une réparation sous forme de correction des registres du Bureau des brevets visant à reconnaître le titre à un brevet aux termes de l’article 52 de la Loi sur les brevets.

[25] La Cour fédérale a appliqué l’arrêt Kellogg dans la décision Titan Linkabit Corp., précitée, dans laquelle les allégations de violation de contrat des parties défenderesses ont été « [traduction] faites, non pas pour obtenir une réparation pour rupture du contrat, mais pour étayer la défense de non-contrefaçon ». On n’a pas demandé à la Cour fédérale « [traduction] de déterminer la validité du contrat entre les parties, ni de déterminer s’il y a eu violation du contrat ». La « question [qui] se pose principalement » était « de savoir s’il y a eu atteinte au droit d’auteur » : ibid. Par conséquent, la Cour fédérale avait compétence pour entendre l’affaire.

[26] L’arrêt Kellogg et la décision Titan Linkabit ont été ainsi appliqués par les juges et les protonotaires dans de nombreuses décisions de la Cour fédérale en matière de propriété intellectuelle : voir, par exemple, Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2002 CFPI 1007, 21 C.P.R. (4th) 360, aux paragraphes 42 à 46; Tommy Hilfiger Licensing, Inc. c. 2970‑0085 Quebec Inc., 2000 CanLII 14768, (2000) 6 C.P.R. (4th) 374, aux paragraphes 4 à 6 (C.F.); Alchem Capital Corporation c. Nautilus Plus Inc., 1998 CanLII 8545, au paragraphe 2 (C.F.); Innotech Pty Ltd. c. Phoenix Rotary Spike Harrows Ltd. (1997), no du greffe A-253-97, 74 C.P.R. (3d) 275, 215 N.R. 397 (C.A.F.); Possian c. Association olympique canadienne, [1996] ACF no 1555 (QL), (1996) 74 C.P.R. (3d) 509 (C.F.); Kane c. Hooper, [1996] ACF no 769 (QL), (1996) 68 C.P.R. (3d) 267, 113 F.T.R. 292 (C.F.); Asse International Inc. c. Svenska Statens Språkresor, AB, [1996] A.C.F. no 861 (QL), (1996) 70 C.P.R. (3d) 222, 119 F.T.R. 208 (C.F.); Unilux Manufacturing Co. Inc. c. Miller, [1994] ACF no 428 (QL), (1994) 55 C.P.R. (3d) 199 (C.F.); R.W. Blacktop Ltd. c. Artec Equipment Co., [1991] ACF no 1046 (QL), (1991) 39 C.P.R. (3d) 432, 50 F.T.R. 225 (C.F.).

[27] En l’espèce, la Cour fédérale a décliné sa compétence en se fondant sur le jugement qu’elle a rendu dans la décision Lawthier c. 424470 B.C. Ltd., [1995] ACF no 549 (QL), (1995) 60 C.P.R. (3d) 510, 95 F.T.R. 81. Je suis d’avis que la conclusion tirée dans cette décision, qui ne lie pas notre Cour, a été mal fondée. Elle contredit l’arrêt Kellogg. Pire encore, elle établit un courant jurisprudentiel qui s’éloigne de l’arrêt Kellogg.

[28] Dans la décision Lawthier, la partie demanderesse invoquait certains contrats uniquement à l’appui d’une revendication de la propriété d’un brevet auprès du Bureau des brevets. La Cour a décliné sa compétence parce qu’il s’agissait « principalement [...] d’un différend contractuel »« les questions relatives au brevet [étaient] secondaires » et que c’est en tranchant ce point contractuel qu’il serait possible de « déterminer la propriété du brevet » : au paragraphe 6. La décision est très brève et ne relève qu’une citation au passage tirée de la décision Titan Linkabit. Elle n’aborde pas la jurisprudence énoncée précédemment, ne suit pas l’arrêt Kellogg, ni ne le cite.

[29] Nulle part dans l’arrêt Kellogg n’est-il question de savoir si les contrats permettront de « déterminer » la propriété du brevet. En fait, dans l’arrêt Kellogg, les contrats ont été invoqués parce que, aux yeux de l’appelant, ils déterminaient la propriété du brevet. Comme il a été plaidé dans l’arrêt Kellogg, le contrat de travail établirait que l’appelant avait [TRADUCTION] « droit à l’avantage du [brevet] » : à la page 246. Il s’agissait « principalement [...] d’un différend contractuel ».

[30] À part la décision Lawthier, la Cour fédérale a cité deux autres décisions à l’appui de sa conclusion : R.L.P. Machine & Steel Fabrication Inc. c. Ditullio, 2001 CFPI 245, 12 C.P.R. (4th) 15 et Axia Incorporated c. Northstar Tool Corporation, 2005 CF 573, 39 C.P.R. (4th) 299. Toutefois, ces décisions ne font que confirmer la décision Lawthier et son analyse déficiente et omettent de citer l’arrêt Kellogg de la Cour suprême, l’arrêt dominant, ou la jurisprudence énoncée ci-dessus.

[31] Même si l’arrêt Kellogg n’existait pas ou ne s’appliquait pas, je refuserais de considérer que la décision Lawthier est un bon précédent. Les limites de la compétence de la Cour fédérale ne reposent pas sur l’exercice nébuleux consistant à déterminer s’il s’agit « principalement [...] d’un différend contractuel » ou si l’interprétation contractuelle permettra de « déterminer » le résultat final. Pour y arriver, il faudrait adopter une conception de la compétence digne du conte pour enfants Boucle d’Or et les Trois Ours, c’est-à-dire « éprouver » chaque affaire pour en déterminer la « teneur » fédérale et n’invoquer la question de la compétence que dans les affaires où la « teneur » fédérale est, selon l’opinion personnelle d’un juge, « parfaite ». La compétence ne devrait pas dépendre de l’appréciation du juge. De plus, pour des raisons d’accès à la justice et de réduction des frais de justice, le législateur n’établit pas des critères de compétence confus, mais adopte plutôt plus de lignes claires. Les tribunaux devraient analyser les questions de compétence en tenant compte de ces considérations. Voir l’arrêt Première Nation des Hupacasath c. Canada (Affaires étrangères et Commerce international Canada), 2015 CAF 4, 379 D.L.R. (4th) 737 au paragraphe 47, citant l’arrêt Steel c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 153, [2011] 1 RCF 143 aux paragraphes 62 à 73; voir également l’arrêt Steel au paragraphe 69.

[32] L’approche adoptée dans la décision Lawthier aurait pour effet de rendre les Cours fédérales entièrement dépendantes des cours provinciales dans bien des cas, obligeant ainsi les parties à plaider devant deux tribunaux : d’abord une cour supérieure pour obtenir une décision sur le volet contractuel, puis la Cour fédérale pour qu’elle statue conformément à la décision rendue par la cour supérieure. Une telle approche va à l’encontre de l’objet de l’article 52 de la Loi sur les brevets et, de façon générale, de la Loi sur les Cours fédérales. En imposant un fardeau inutile aux plaideurs, cette approche porte également atteinte aux principes non écrits de l’accès à la justice qui ont été reconnus par la Cour suprême dans l’arrêt Trial Lawyers Association of British Columbia c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2014 CSC 59, [2014] 3 RCS 31.

[33] Conformément à la Loi sur les Cours fédérales et aux lois qui l’ont précédée, le maintien d’un système de Cours fédérales au Canada visait à garantir une application et une interprétation uniformes des règles de droit fédérales. Il ne visait cependant pas à complexifier le droit canadien, en obligeant les parties à plaider devant deux tribunaux plutôt qu’un. Cette question est ressortie dans les débats législatifs entourant des modifications envisagées à la Loi sur les Cours fédérales. Je me contenterai de citer un exemple marquant datant de 1990.

[34] Au cours du processus menant à la réforme législative de la Loi sur les Cours fédérales, en 1990, certains se sont demandé si les actions fondées sur un contrat ou sur un délit présentées contre la Couronne devraient demeurer dans le ressort des Cours fédérales aux termes de l’alinéa 17(2)b) de la Loi sur les Cours fédérales.

[35] L’Association du barreau canadien avait mené la charge. Au cours d’une réunion du Comité législatif, un témoin représentant l’Association du barreau canadien s’était opposé à la compétence des Cours fédérales sur les litiges contre la Couronne fédérale :

Notre position fondamentale est que la Cour devrait assumer des responsabilités dans des domaines spécialisés, mais elle ne devrait pas déplacer le rôle traditionnel des cours supérieures des provinces. Cela m’amène à notre première recommandation. Le nouveau projet de loi prévoit la compétence concurrente à l’égard des poursuites contractuelles et délictuelles contre le gouvernement. […]. Nous sommes d’avis que la compétence à l’égard de ces causes devrait être confiée exclusivement aux tribunaux provinciaux. […] [N]ous estimons que la Cour fédérale ne devrait même pas avoir compétence concurrente dans ces affaires. La compétence exclusive à l’égard des poursuites contre le gouvernement tant en matière contractuelle que délictuelle devrait être confiée aux tribunaux provinciaux. [Non souligné dans l’original.]

(Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité législatif sur le projet de loi C-38, fascicule no 6, 19 décembre 1989, à la page 6:6)

[36] Ce témoin envisageait la compétence des Cours fédérales comme portant sur certaines matières : brevets, droit d’auteur, marques de commerce, droit maritime, droit fiscal et droit administratif fédéral, mais que [TRADUCTION] « tous les autres litiges devraient se retrouver devant les cours provinciales » : Brian Crane, c.r., « Jurisdiction of the Federal Court » (exposé présenté au cours du symposium organisé à l’occasion du 20e anniversaire de la Cour fédérale du Canada, le 26 juin 1991) publié dans La Cour fédérale du Canada – Une évaluation. (Ottawa : Cour fédérale du Canada, 1991), aux pages 82 et 83; voir également David J. Mullan, « La Loi sur les Cours fédérales et la compétence fédérale » (exposé présenté dans le cadre du colloque de formation de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale : la compétence des Cours fédérales, les 27 et 28 octobre 2011), à la page 2; Ian Bushnell, The Federal Court of Canada: A History, 1875-1992, (Toronto: University of Toronto Press, 1997), aux pages 313 et 314.

[37] Toutefois, de l’avis des membres du Comité législatif sur le projet de loi C-38, cela était trop simpliste. L’un des membres a demandé ce qui arriverait si les domaines de compétence fédérale (comme la propriété intellectuelle ou le droit fiscal) entraient en conflit avec le droit de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, ce qui est essentiellement la principale question soulevée dans le cadre du présent appel.

Si une affaire fait intervenir des questions contractuelles ou délictuelles, et également des questions qui relèvent clairement et exclusivement de la compétence de la Cour fédérale, la nouvelle procédure qui est proposée ne risque‑t-elle pas de compliquer les choses, ou est-ce que cela ne pose aucun problème?

(Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité législatif sur le projet de loi C-38, fascicule no 6, 19 décembre 1989, à la page 6:15)

[38] La discussion qui a suivi est quelque peu ambiguë et vague. Ce qui se dégage de cet échange, cependant, est que le Comité législatif a déterminé que la question du recoupement entre la compétence fédérale et les actions en responsabilité contractuelle ou en responsabilité délictuelle était un problème qui, vraisemblablement, ne devrait pas entraîner la répartition des instances entre les tribunaux fédéraux et provinciaux. Pour paraphraser la discussion, il est déjà assez difficile pour de nombreuses personnes d’intenter une poursuite du début à la fin, alors pourquoi les forcer à le faire deux fois?

[39] Dans l’ensemble, les propositions de l’Association du barreau canadien ont été rejetées :

Notre démarche me semble juste. Je ne vois aucune raison justifiant l’exclusion de la Cour fédérale, étant donné toutes les compétences judiciaires que cette instance peut offrir. […] [A]ucun témoin, pas même l’Association du barreau canadien, ne m’a présenté de raison importante justifiant l’exclusion de la Cour fédérale.

(L’hon. Rob Nicholson, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité législatif sur le projet de loi C-38, fascicule no 7, 1er janvier 1990, à la page 7:10)

[40] Ce rejet explicite met en pièces l’idée que le législateur considère l’interprétation d’ententes comme étant une tâche étrangère aux Cours fédérales ou que ses juges sont incapables d’appliquer des principes contractuels. Il arrive que les Cours fédérales doivent interpréter ces ententes en vertu de la compétence que la loi leur a conférée. Lorsqu’elles sont saisies de différends contractuels, les Cours fédérales sont habilitées à régler ces différends, tout comme n’importe quel autre tribunal, et elles le font continuellement.

[41] Si les Cours fédérales refusaient d’entendre des affaires qui relèvent « principalement » d’un différend contractuel, elles n’auraient d’autres choix que de répartir un grand nombre de leurs dossiers entre les diverses cours supérieures à l’échelle du pays.

[42] Jadis, cela se produisait assez souvent. Certains cas chevauchaient les compétences fédérale et provinciale. Étant donné que les Cours fédérales avaient compétence exclusive sur certaines poursuites intentées contre la Couronne, lorsque ces poursuites nécessitaient des demandes reconventionnelles ou des procédures de mise en cause ou concernaient des défendeurs autres que la Couronne fédérale, des instances devaient être engagées devant les cours provinciales, malgré le fait qu’elles découlaient exactement des mêmes faits : voir, par exemple, la décision Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1989] 2 C.F. 562, 55 D.L.R. (4th) 618 (C.A.F.); Peel (Regional Municipality) v. Ontario, 1 O.R. (3d) 97, 75 D.L.R. (4th) 523 (C.A.).

[43] En 1990, le projet de loi C-38 a tenté de réduire au minimum ce problème en faisant en sorte que, dans certains cas, les tribunaux jouissent d’une compétence concurrente. Cette façon de procéder permettait de s’assurer que, lorsqu’une demande reconventionnelle ou une mise en cause était présentée, le différend découlant des mêmes faits pouvait être jugé intégralement dans la même instance : Chambre des communes, Procès-verbaux et témoignages du Comité législatif sur le projet de loi C-38, fascicule no 1, 23 novembre 1989, à la page 1:15); Mary E. Dawson, c.r., Bill C-38: Some Reforms for the Federal Court of Canada (exposé présenté au cours du symposium organisé à l’occasion du 20e anniversaire de la Cour fédérale du Canada, le 26 juin 1991) publié dans La Cour fédérale du Canada – Une évaluation. (Ottawa : Cour fédérale du Canada, 1991), à la page 256.

[44] Si la Cour fédérale n’a pas compétence en l’espèce, et, par extension, dans tous les cas où une interprétation contractuelle est cruciale pour trancher l’affaire, le problème de la répartition des instances deviendra, encore une fois, une caractéristique du système judiciaire fédéral, malgré l’intention du législateur. Si la Cour fédérale doit toujours dépendre de l’intervention des cours provinciales pour trancher une affaire qui repose sur des considérations contractuelles ou d’autres droits privés, son essence même et son objet, résumés par John Turner, l’architecte de la toute première Loi sur les Cours fédérales, seraient dépouillés de leur sens :

[N]ous avons cherché une cour nationale qui pourrait appliquer le droit fédéral - une cour nationale avec une expertise dans tous les domaines de droit fédéral. Les impôts, l’amirauté, les brevets, le droit administratif, le droit d’immigration - et j’ai cherché la cour qui pourrait adopter une certaine uniformité dans ses jugements. D’avoir une cohésion nationale dans ses jugements.

(L’hon. John N. Turner, L’origine et la mission de la Cour fédérale du Canada (exposé présenté au cours du symposium organisé à l’occasion du 20e anniversaire de la Cour fédérale du Canada, le 26 juin 1991), publié dans La Cour fédérale du Canada – Une évaluation (Ottawa : Cour fédérale du Canada, 1991), à la page 5.

[45] Il y aura des cas où la Cour fédérale n’aura pas compétence parce qu’il s’agit d’un différend de nature purement contractuelle opposant des parties privées : voir, par exemple, l’arrêt McNamara Construction et autre c. La Reine, [1977] 2 RCS 654. Il y aura également des cas où, compte tenu des faits, il serait plus approprié que la Cour fédérale suspende l’instance pour permettre que le litige connexe se poursuive devant les cours supérieures provinciales : Hutchingame Growth Capital Corporation c. Dayton Boot Co. Enterprises Ltd., 2019 CAF 152. En l’espèce, la différence avec l’arrêt Hutchingame est que personne n’a demandé à la Cour fédérale de suspendre l’instance.

[46] De même, les instances devant les Cours fédérales peuvent être suspendues si l’intérêt de la justice exige que la cour supérieure provinciale ou un autre tribunal se prononce sur les instances connexes : Loi sur les Cours fédérales, article 50; voir, par exemple, l’arrêt Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), 2001 CSC 90, [2001] 3 RCS 907; et, dans le contexte du contrôle judiciaire (sans toutefois se limiter à ce contexte), voir l’arrêt Strickland c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, [2015] 2 RCS 713; et, vice-versa, voir l’arrêt Reza c. Canada, [1994] 2 RCS 394, 116 D.L.R. (4th) 61.

[47] Toutefois, lorsqu’il est question d’une demande fondée sur l’article 52 de la Loi sur les brevets, la Cour fédérale est libre d’exécuter la tâche que le législateur lui a confiée, soit de déterminer qui doit figurer dans les registres du Bureau des brevets à titre de propriétaire du brevet, même si la Cour doit interpréter des ententes ou d’autres instruments.

[48] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la Cour fédérale avait la compétence que lui confère la loi pour trancher la demande dont elle était saisie, fondée sur l’article 52 de la Loi sur les brevets.

[49] L’intimé ne s’est pas opposé à la compétence de la Cour fédérale en raison des limites prévues à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, selon l’interprétation qu’en a faite la Cour suprême dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators, précité. Par souci d’exhaustivité, je tiens à mentionner que l’objection ne pouvait être soulevée en l’espèce. L’article 52 de la Loi sur les brevets est la disposition en vigueur; elle confère compétence à la Cour fédérale et sa constitutionnalité n’a pas été contestée sur le fondement de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. Quoi qu’il en soit, l’affaire dont nous sommes saisis concerne la question de la titularité du brevet, qui est une question de compétence fédérale et qui répond au triple critère établi dans l’arrêt ITO. De plus, la Cour fédérale a un « pouvoir de surveillance » général sur les commissions et offices fédéraux, comme le Bureau des brevets, en cause en l’espèce : Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 62, [2010] 3 RCS 585, au paragraphe 50, citant les Débats de la Chambre des communes, 2e sess., 28e lég. 25 mars 1970, aux pages 5470 et 5471. Une disposition habilitant la Cour fédérale à ordonner au Bureau des brevets de modifier ses registres relève directement du pouvoir de surveillance d’une cour dont la compétence est d’ordre fédéral.

[50] Comme elle a tranché la question de la compétence, la Cour fédérale n’a pas examiné le bien-fondé de la question au regard de l’article 52 de la Loi sur les brevets.

[51] Notre Cour a le pouvoir d’examiner le bien-fondé d’une demande et de rendre la décision que la Cour fédérale aurait dû rendre : Loi sur les Cours fédérales, alinéa 52b)(i). Le dossier dont nous sommes saisis est complet et nous devons rendre une décision. Aucun des facteurs qui pourrait justifier que l’affaire soit renvoyée à la Cour fédérale n’est présent en l’espèce : Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, 400 D.L.R. (4th) 723, aux paragraphes 153 à 157.

[52] Afin de se prononcer sur la propriété d’un brevet, les seuls faits sur lesquels la Cour doit se fonder ne sont pas contestés. Dans ses motifs, la Cour fédérale a énoncé les faits pertinents, aux paragraphes 3 à 5. L’appelante reconnaît à juste titre que, jusqu’en 2010, la chaîne de titres est quelque peu « obscure ». Elle mentionne toutefois que, par la suite, les faits sont clairs et sont tout ce que la Cour doit prendre en compte pour trancher la question du titre pour l’application de l’article 52 de la Loi sur les brevets. Je partage cet avis.

[53] Le 15 décembre 2010, le Dr Markels, le propriétaire original et l’inventeur du brevet canadien no 2 222 058, a signé une entente qui reconnaissait que M. Baker était propriétaire du brevet. Dans la mesure où cela a trait au titre, il s’agit du point de départ.

[54] Aux termes de la clause 4, l’entente a intégré, sans la modifier, une clause réversive figurant dans une entente de 2007. Selon un certain nombre de conditions prévues à l’entente de 2007, en cas de non-respect, le brevet serait rétrocédé au Dr Markels. L’une de ces conditions était le paiement continu des redevances.

[55] Nul ne conteste que M. Baker a effectué son dernier paiement de redevances en 2011. Ainsi, le Dr Markels avait le droit de demander que lui soit cédé le brevet canadien en tout temps après le 1er janvier 2012, conformément à la clause 4, ce qu’il a fait le 12 mai 2015. M. Baker a refusé.

[56] En 2015, le Dr Markels a signé une entente avec l’appelante visant à céder à cette dernière les droits sur le brevet. Aux termes de l’entente, le Dr Markels a convenu de prendre des mesures pour retirer le nom de l’intimé à titre de propriétaire inscrit du brevet. Il a préparé un document de rétrocession que M. Baker n’a jamais signé.

[57] Ce qui précède démontre que le Dr Markels a obtenu le titre de propriété du brevet, et qu’aux termes de l’entente de 2015, l’appelante en est maintenant la propriétaire. Les registres du Bureau des brevets devraient refléter cette situation.

[58] Par conséquent, le commissaire aux brevets doit modifier l’inscription, dans les registres du Bureau des brevets, du titre du brevet, et inscrire l’appelante comme propriétaire du brevet.

[59] Nous avons été informés que des instances sont en cours ailleurs. Personne n’a cherché à suspendre l’espèce pour ce motif, et nous sommes donc tenus de nous prononcer sur la question. Selon les principes de conflit de lois qui n’ont pas été pleinement débattus devant nous, il se peut que les questions de détermination de la propriété soient tranchées dans ces instances. Une fois encore, selon les principes de conflit de lois, ces décisions peuvent être pertinentes en ce qui a trait à la question de savoir ce que les registres du Bureau des brevets au Canada devraient indiquer. La décision en l’espèce ne doit donc pas empêcher une partie de présenter ultérieurement une demande visant à modifier les registres du Bureau des brevets pour refléter la situation juridique appropriée.

[60] Les deux parties soutiennent que des dépens élevés doivent être adjugés à l’égard l’une de l’autre. Je suis d’avis que ni l’une ni l’autre des parties ne se sont conduites de façon à atteindre le seuil requis pour l’adjudication de dépens élevés.

[61] Des dépens majorés, comme les dépens procureur-client, ne sont généralement accordés qu’en cas de conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante liée à l’instance : voir, par exemple, l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, à la page 864. La conduite de l’intimée n’atteint pas ce seuil élevé.

[62] Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’annulerais la décision de la Cour fédérale dans le dossier T‑1620-15, j’accueillerais la demande et j’ordonnerais au commissaire aux brevets de modifier l’inscription, dans les registres du Bureau des brevets, du titre du brevet canadien no 2 222 058 pour y inscrire l’appelante SALT Canada Inc. comme propriétaire du brevet.


 

J’accorderais à l’appelante ses dépens pour la présente instance et pour l’instance inférieure, calculés selon le milieu de la fourchette des valeurs de la colonne III du Tarif B.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

Judith Woods, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-362-16

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE BOSWELL LE 20 JUILLET 2016, DOSSIER NO T-1620-15

INTITULÉ :

SALT CANADA INC. c. JOHN W. BAKER

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JANVIER 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 JUILLET 2020

 

COMPARUTIONS :

Peter Wells

 

POUR L’APPELANTE

 

James T. Swanson

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Calgary (Alberta)

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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