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Date : 20200611


Dossier : A-98-18

Référence : 2020 CAF 106

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

CARON TRANSPORT LTD.

appelante

et

QUENCY WILLIAMS

intimé

Audience par vidéoconférence tenue par le greffe, le 29 mai 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 juin 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20200611


Dossier : A-98-18

Référence : 2020 CAF 106

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

 

ENTRE :

CARON TRANSPORT LTD.

appelante

et

QUENCY WILLIAMS

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]  L’intimé, M. Quency Williams, a été congédié par l’appelante, Caron Transport Ltd. (Caron), sans préavis ni indemnisation. Dans la lettre de congédiement adressée à M. Williams, Caron mentionnait que M. Williams avait commis des [traduction] « gestes d’intimidation à l’encontre d’un collègue ».

[2]  M. Williams a déposé une plainte pour congédiement injuste aux termes de l’article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2. La plainte a été renvoyée à l’arbitrage. L’arbitre a accueilli la plainte de congédiement injuste et a ordonné à Caron de verser à M. Williams des indemnités de cessation d’emploi équivalant à huit mois de salaire.

[3]  Caron a demandé un contrôle judiciaire de la décision rendue par l’arbitre. Pour les motifs énoncés dans la décision 2018 CF 206, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire, sans dépens. C’est sur ce jugement de la Cour fédérale que porte le présent appel.

[4]  La Cour fédérale a choisi, à juste titre, la norme de la décision raisonnable pour contrôler la décision rendue par l’arbitre à l’égard de la plainte de congédiement injuste de M. Williams. Par conséquent, il s’agit pour notre Cour de se « met[tre] à la place » de la Cour fédérale et de porter un regard sur la décision de l’arbitre afin de décider si la Cour fédérale a correctement appliqué la norme de la décision raisonnable (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 46 et 47).

[5]  Pour les motifs énoncés ci-après, je conclus que la Cour fédérale a commis une erreur dans son application de la norme de la décision raisonnable. Je commencerai mon analyse par un examen de la décision rendue par l’arbitre.

La décision de l’arbitre

[6]  Après avoir résumé les éléments de preuve présentés au nom de Caron et de M. Williams, ainsi que leurs observations, l’arbitre a présenté sa brève analyse, dont voici la partie essentielle :

[traduction]

[54]  Le défendeur a fait valoir que le premier incident, celui de la masse, était en soi un motif de congédiement. Il faut donc analyser cet incident pour décider s’il existait vraiment des motifs de congédier M. Williams.

[55]  Il convient tout d’abord d’examiner les événements qui se sont produits le 16 avril entre M. Fortin et M. Williams, car ils sont à l’origine de l’incident de la masse survenu le lendemain entre ces deux personnes. Durant son témoignage, M. Fortin a déclaré qu’il était allé chercher les clés dans le dépôt de sûreté à 6 h 30 afin de déplacer le camion de M. Williams qui, selon ses dires, « bloquait une voie ». En ouvrant la porte du camion, il a vu que Quency Williams se trouvait à l’intérieur. Il ne s’attendait pas à le trouver là. M. Fortin a demandé à M. Williams de déplacer son camion, puis il a refermé la porte et a verrouillé le camion. M. Fortin a déclaré que Chris Hazelwood était avec lui à ce moment-là. Le témoignage de M. Williams diffère. Selon lui, M. Fortin était seul. M. Williams a indiqué que son camion était déverrouillé, et non verrouillé; il a également affirmé que son camion ne bloquait pas une voie, mais qu’il était plutôt stationné près de la clôture, à l’écart de la circulation. M. Fortin a été étonné de trouver M. Williams dans son camion et, selon ce dernier, M. Fortin lui aurait dit : « Je suis désolé, je voulais déplacer ton camion. Rendors-toi ». Il y a manifestement des incohérences entre les deux versions des événements.

[56]  C’est cet incident, lors duquel M. Fortin est entré dans le camion de M. Williams le 16 avril, qui a incité ce dernier à avoir une petite discussion avec M. Fortin le lendemain. La preuve présentée par les témoins au sujet des événements du 17 avril est incohérente et contradictoire, tout comme la preuve portant sur l’incident du 16 avril. À titre d’exemple, Dan Woods a déclaré qu’il faisait tourner la masse dans ses mains, alors que Ronan Harper a dit que M. Woods était appuyé sur la masse, qu’il tenait à deux mains. M. Woods a indiqué que Quency Williams lui avait pris la masse des mains, alors que M. Williams a déclaré que M. Woods la lui avait lancée. M. Woods ne se souvenait pas de ce que M. Williams lui avait dit au sujet de la masse. Durant son témoignage, Ronan Harper a indiqué qu’une distance d’un pied (30 cm) séparait M. Williams de M. Fortin et qu’il n’y avait eu aucun contact entre les deux hommes; M. Woods, au contraire, a déclaré que M. Williams avait le bras autour de M. Fortin.

[57]  Selon les éléments de preuve présentés par M. Fortin, M. Williams a mis son bras autour de lui et l’a « entraîné à l’écart »; M. Williams, en revanche, a déclaré qu’il avait simplement mis sa main sur l’épaule de M. Fortin. M. Fortin a déclaré que M. Williams lui avait dit qu’il lui « briserait les genoux et lui fracasserait la colonne vertébrale ». Les éléments de preuve de M. Williams indiquent que ce dernier a décrit différents usages d’une masse, notamment la façon dont les maîtres d’esclaves s’en servaient pour briser les genoux et la colonne vertébrale des esclaves pour leur donner une leçon. M. Williams a affirmé qu’il s’était appuyé sur la masse comme sur une canne et qu’il l’avait déposée au sol durant son entretien avec M. Fortin. M. Fortin a mentionné qu’il était « terrassé » par la situation et qu’il avait tenté de la désamorcer. M. Williams a déclaré qu’il n’avait pas crié ni juré et qu’il n’avait pas non plus brandi la masse. En tant qu’arbitre, je suis aux prises avec deux versions très différentes des événements. Aucun témoin n’a assisté à la discussion qui a eu lieu derrière le camion. Les collègues ont seulement vu les deux hommes sortir de l’atelier, puis y revenir.

[58]  Les éléments de preuve montrent que M. Fortin a hésité à porter plainte au sujet de la situation et que ce sont ses collègues de l’atelier qui l’ont convaincu de le faire. Hésitait-il, car la situation ne justifiait pas une plainte? Était-il possible que la version des événements donnée par M. Williams ait été la bonne et que M. Fortin n’ait pas vraiment été menacé? L’incident a-t-il pris une ampleur injustifiée empêchant M. Fortin de se rétracter sans perdre la face après avoir porté plainte? Seule la déclaration de M. Williams a été déposée en preuve. Les déclarations écrites de M. Fortin et de ses collègues de l’atelier n’ont pas été déposées en preuve. Je trouve cela curieux et j’en tire une conclusion défavorable. C’est la parole d’un homme contre celle d’un autre.

[59]  L’enquête menée par Caron sur la question était superficielle et s’est limitée à recueillir les déclarations écrites des personnes concernées. Aucun entretien en personne n’a été mené avec ces personnes pour recueillir les faits. Lorsque M. Williams a demandé à donner sa version des faits à Kent Dewart, M. Dewart a refusé de l’entendre et lui a dit de s’en tenir à rédiger sa déclaration. De l’aveu même de M. Williams, il arrive à peine à lire et à écrire.

[60]  D’un autre côté, se procurer une masse et marcher avec M. Fortin hors de la vue de tout témoin n’était pas une chose très intelligente à faire, pas plus que d’expliquer à M. Fortin les nombreux usages d’une masse, qui sert notamment à briser des os. En plus de son gabarit imposant, le fait que M. Williams avait en main une masse, et qu’il a parlé de briser des os, constitue une conduite répréhensible. Ce seul fait constituait un motif de mesure disciplinaire. Mais il ne représentait pas un motif suffisant de congédiement. M. Williams aurait dû recevoir une sévère réprimande écrite et un avertissement de congédiement dans le cas d’une répétition d’un incident du genre dans le futur. Il revenait à l’entreprise de prouver qu’elle disposait de motifs suffisants pour mettre fin à l’emploi de M. Williams. Pour établir que les motifs de congédiement sont suffisants, il doit exister des éléments de preuve clairs, concluants et convaincants. En l’espèce, il n’y a pas de tels éléments de preuve. Il y avait suffisamment de lacunes dans les récits, et suffisamment d’incohérences dans les témoignages des témoins, pour qu’ils soient moins que convaincants.

[61]  M. Williams ne devrait pas retrouver son emploi chez Caron étant donné la nature de l’incident avec la masse et le climat de travail qui attendrait M. Williams. J’ordonne plutôt que Caron Transport Ltd. verse à M. Williams une indemnité de cessation d’emploi équivalant à huit mois de salaire. Le montant de l’indemnité a été fixé en tenant compte du fait que le poste de M. Williams chez Caron devait être son dernier avant son départ à la retraite. M. Williams a déclaré que c’était le meilleur emploi qu’il avait jamais eu. L’indemnité correspondant à huit mois de salaire couvrirait la période allant de la date de cessation d’emploi de M. Williams, en avril 2016, à la date en décembre 2016 où il travaillait pour son employeur actuel.

(Non souligné dans l’original)

[7]  Nulle part dans son analyse l’arbitre n’a mentionné ou pris en compte l’obligation légale de l’employeur « de prendre les mesures prévues par les règlements pour prévenir et réprimer la violence dans le lieu de travail » (alinéa 125 z.16) du Code canadien du travail). L’arbitre n’a pas non plus tenu compte de la définition de violence dans le lieu de travail : « tout agissement, comportement, menace ou geste d’une personne à l’égard d’un employé à son lieu de travail et qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage, un préjudice ou une maladie » (article 20.2 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304).

Application de la norme de contrôle

[8]  Je suis d’avis que les motifs de l’arbitre posent problème sur au moins deux points importants.

[9]  Premièrement, l’arbitre a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable du fait que l’employeur n’avait pas remis les déclarations écrites des employés qui ont été témoins de l’échange entre le plaignant et M. Williams.

[10]  Un décideur est autorisé à tirer une conclusion défavorable dans certaines circonstances. Ces circonstances sont décrites comme suit dans l’ouvrage d’Alan Bryant, Sidney Lederman et Michelle Fuerst, Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada, 5éd. (Toronto: LexisNexis Canada, 2018), au paragraphe 6.471 :

[traduction]

Dans les instances civiles, une inférence défavorable peut être tirée lorsque la partie au litige omet, sans explication, de témoigner, de produire des témoignages par affidavit à l’appui d’une demande ou d’assigner un témoin qui aurait une connaissance des faits et qui serait disposé à aider cette partie. Dans le même ordre d’idées, une inférence défavorable peut être tirée à l’égard d’une partie qui n’assigne pas de témoin-clé dont elle a le contrôle exclusif, sans fournir d’explication. Une telle inférence ne peut toutefois être tirée que dans les cas où les éléments de preuve du témoin qui n’a pas été convoqué auraient été supérieurs à d’autres éléments de preuve semblables. Le défaut de convoquer un témoin-clé équivaut à admettre implicitement que les éléments de preuve du témoin absent iraient à l’encontre de la preuve de la partie, ou tout au moins qu’ils ne l’appuieraient pas.

(Non souligné dans l’original)

[11]  En l’espèce, l’employeur a convoqué plusieurs témoins, dont le plaignant, c’est-à-dire M. Fortin, ainsi que deux employés qui étaient présents lors de l’incident entre M. Williams et le plaignant. Le premier employé, M. Woods, a déclaré durant son témoignage que c’est lui qui avait remis la masse à M. Williams et qu’il avait ensuite vu M. Williams prendre la masse, puis mettre le bras autour du plaignant et l’entraîner à l’écart. Le deuxième employé, M. Harper, a témoigné qu’il avait lui aussi vu M. Williams prendre la masse, mettre son bras autour du plaignant et l’entraîner à l’écart. Un troisième employé qui avait aussi été témoin de l’incident, M. Epili, n’a pas été convoqué. Rien n’indique que la preuve de M. Epili n’aurait pas été une simple répétition du témoignage des autres employés, et personne n’a fait valoir que M. Williams n’aurait pas pu convoquer cette personne. De fait, M. Williams a convoqué d’autres employés afin qu’ils témoignent en sa faveur.

[12]  Comme ces témoins ont été convoqués pour l’interrogatoire et le contre-interrogatoire, il est difficile de justifier en droit l’établissement d’une inférence défavorable à l’encontre de l’employeur. L’arbitre semble avoir présumé que les déclarations manquantes auraient pu faire état d’incohérences dans le récit des événements qui a été fait par les employés. En toute légitimité, toutefois, aucune inférence défavorable ne pourrait être tirée de telles spéculations. D’autant que, selon l’alinéa 16a) du Code canadien du travail, l’arbitre aurait pu demander à obtenir les déclarations des témoins.

[13]  Quoi qu’il en soit, même s’il avait été possible de tirer une conclusion défavorable, l’arbitre en l’espèce était tenu d’en préciser la nature. Une conclusion défavorable selon laquelle les témoins ne sont généralement pas dignes de confiance ne constitue pas une bonne conclusion (Novick v. Ontario College of Teachers, 2016 ONSC 508, 346 O.A.C. 69 (Ont. Div. Crt.), au paragraphe 96).

[14]  En ce qui concerne l’erreur commise par l’arbitre dans son appréciation de la preuve, il convient de mentionner le défaut de l’arbitre d’expliquer quelle conduite répréhensible de la part de M. Williams justifiait que ce dernier soit [traduction] « sévèrement rappelé à l’ordre par écrit et re[çoive] un avertissement de congédiement », mais ne constituait pas une faute grave équivalant à de la violence dans le lieu de travail justifiant un congédiement.

[15]  L’arbitre a accepté le témoignage selon lequel M. Williams voulait discuter avec le plaignant parce que ce dernier était entré dans son camion la veille. Durant son témoignage, M. Williams a déclaré qu’il souhaitait discuter avec le plaignant d’objets qui avaient été volés dans son camion. M. Williams a ajouté qu’il avait dit au plaignant [traduction] « je te surveillerai », même s’il n’avait pas vu ce dernier commettre de vol. L’arbitre a accepté le témoignage selon lequel M. Williams avait obtenu une masse d’un autre employé, puis s’était éloigné avec le plaignant hors de la vue de tout témoin. Il a également accepté le témoignage selon lequel M. Williams, alors qu’il était hors de vue, a dit au plaignant qu’une masse pourrait notamment servir à briser les genoux et la colonne vertébrale. Les deux employés ont témoigné qu’après le départ de M. Williams et du plaignant, [traduction] « ils avaient prêté l’oreille », car [traduction] « [i]ls s’attendaient à entendre des cris ».

[16]  Une décision est dite raisonnable si elle est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] A.C.S. no 65, au paragraphe 85).

[17]  Après avoir tiré une conclusion défavorable non spécifique et injustifiée, l’arbitre n’a présenté aucune analyse cohérente et rationnelle à l’appui de sa conclusion selon laquelle certaines mesures disciplinaires étaient justifiées dans les circonstances, mais non le congédiement. L’arbitre n’a pas tenu compte de l’obligation légale de l’employeur de protéger les employés de la violence au de travail, ni d’aucune analyse de la question de savoir si les agissements de M. Williams constituaient de la violence au travail. La décision de l’arbitre était déraisonnable.

Conclusion

[18]  Contrairement à ce qu’affirme Caron, en raison des éléments de preuve contradictoires, il ne s’agit pas d’un cas où il convient que notre Cour décide de l’issue de la plainte de congédiement injuste. Par conséquent, j’accueillerais l’appel et j’annulerais le jugement de la Cour fédérale avec dépens devant notre Cour. Rendant le jugement qui aurait dû être prononcé par la Cour fédérale, je renverrais la plainte de congédiement injuste à un autre arbitre en vue d’une nouvelle détermination en conformité avec les présents motifs.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

George R. Locke, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-98-18

 

 

INTITULÉ :

CARON TRANSPORT LTD. c. QUENCY WILLIAMS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mai 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 juin 2020

 

COMPARUTIONS :

Dwayne W. Chomyn, c.r.

Ryan K. Smith

 

Pour l’appelante

 

Drew Blaikie

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Neuman Thompson

Edmonton (Alberta)

 

Pour l’appelante

 

Chivers Carpenter Lawyers

Edmonton (Alberta)

 

Pour l’intimé

 

 

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