Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20200327


Dossiers : A-333-15

A-367-15

A-389-15

A-390-15

A-440-15

A-452-15

Référence : 2020 CAF 66

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

Dossier : A-333-15

 

 

ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-367-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-389-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-390-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-440-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE VICE-PREMIER MINISTRE ET LE MINISTRE DE

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

intimés

 

 

Dossier : A-452-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE VICE-PREMIER MINISTRE ET LE MINISTRE DE

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

intimés

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 mars 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20200327


Dossiers : A-333-15

A-367-15

A-389-15

A-390-15

A-440-15

A-452-15

Référence : 2020 CAF 66

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

Dossier : A-333-15

 

 

ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-367-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-389-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-390-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

intimée

 

 

Dossier : A-440-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE VICE-PREMIER MINISTRE ET LE MINISTRE DE

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

intimés

 

 

Dossier : A-452-15

 

 

ET ENTRE :

 

 

VLASTA STUBICAR

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE VICE-PREMIER MINISTRE ET LE MINISTRE DE

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  Mme Stubicar a déposé six appels. Chaque appel vise une ordonnance différente de la Cour fédérale. Bien que les appels n’aient pas été réunis, les questions liées à ces six appels se recoupent de manière importante. Les six appels portent sur l’adjudication de dépens dans d’autres affaires dont Mme Stubicar était partie. Deux des appels concernent des affaires dans lesquelles Mme Stubicar s’est vu adjuger les dépens, alors que les quatre autres sont liés à des affaires dans lesquelles les dépens ont été adjugés à la Couronne.

[2]  Mme Stubicar est avocate. Elle a agi pour son propre compte à l’audience concernant les présents appels et dans toutes les affaires auxquelles les présents appels se rapportent. Toutes ces affaires étaient liées à son affirmation sous-jacente selon laquelle l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a indûment saisi son passeport croate en 2008.

[3]  Les présents motifs s’appliquent aux six appels. La version originale des motifs sera versée au dossier A-333-15, et une copie sera versée dans chacun des autres dossiers.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais les six appels.

I.  A-333-15

[5]  Le présent appel concerne une affaire dans laquelle Mme Stubicar s’est vu accorder des dépens par la Cour dans un jugement du 13 novembre 2012 (2012 CAF 288). L’affaire a commencé par une ordonnance d’un protonotaire datée du 13 octobre 2011, qui exigeait que la Couronne énumère, dans un affidavit de documents supplémentaire, certaines pages des carnets de notes de deux superviseurs qui travaillaient pour l’ASFC. La Cour fédérale a accueilli l’appel qu’avait interjeté la Couronne à l’encontre de cette ordonnance du protonotaire (2012 CF 549). L’appel interjeté par Mme Stubicar devant notre Cour a été accueilli.

[6]  Dans son jugement, notre Cour a accueilli l’appel et a accordé « à Mme Stubicar les dépens dans toutes les cours ». Les dépens ont été taxés dans deux décisions différentes. La première décision concernait les dépens liés à l’affaire dont la Cour fédérale était saisie et la seconde, les dépens liés à l’appel devant notre Cour.

[7]  Dans sa taxation des dépens auxquels Mme Stubicar avait droit à l’égard de l’affaire devant la Cour fédérale, l’officier taxateur n’a pas inclus de montant d’argent pour le temps qu’a consacré Mme Stubicar au litige (2015 CF 564). Les dépens ont été établis à 226,86 $. Mme Stubicar a déposé une requête en révision de la taxation des dépens. La Cour fédérale a rejeté cette requête par ordonnance le 2 juin 2015 (dossier n° T-2102-10). Mme Stubicar fait appel de cette ordonnance.

[8]  Dans son mémoire, Mme Stubicar a invoqué trois motifs d’appel :

  • la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur dans l’application du droit régissant les révisions faites en vertu de l’article 414 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106?

  • la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en suivant les jugements rendus par la Cour d’appel fédérale?

  • la Cour fédérale a-t-elle omis d’examiner correctement le dossier dont avait été saisi l’officier taxateur?

Bien qu’ils soient présentés comme trois motifs d’appel distincts, ils portent tous sur la même question : celle de savoir si un montant d’argent aurait dû être inclus pour le temps qu’a consacré Mme Stubicar au litige.

[9]  Mme Stubicar invoque l’arrêt Turner c. Canada, 2003 CAF 173, [2003] A.C.F. no 548 (QL), à l’appui de sa thèse. Toutefois, je suis d’avis qu’il n’étaye pas sa thèse.

[10]  M. Turner était une partie qui défendait sa propre cause. En accueillant l’appel de M. Turner, notre Cour a déclaré que l’appel était accueilli avec dépens (Turner c. La Reine (2000), 259 N.R. 92, [2000] A.C.F. no 1066 (QL)). Après le prononcé de ce jugement, les dépens de M. Turner ont été taxés par un officier taxateur qui n’a pas prévu de montant d’argent pour son temps. M. Turner n’était pas d’accord  et a contesté cette taxation des dépens devant la Cour fédérale.

[11]  Le juge Nadon (aujourd’hui juge à la Cour d’appel fédérale) a décrit dans les termes suivants la demande de dépens de M. Turner et la somme qui lui avait été accordée, dans la décision dont la référence est 2001 CAF 289, [2001] A.C.F. no 1506 (QL) :

3  Le demandeur soutient qu’il a droit à des dépens d’un montant de 275 268,12 $ mais l’officier taxateur a fixé les dépens à 2 381,22 $ après avoir effectué une analyse approfondie du dossier.

4  Le principal article que demande le demandeur est une somme de 265 700 $ qui a été calculée en multipliant le nombre des heures qu’il a consacrées à la cause par le nombre des unités correspondant au service mentionné dans la liste du tarif, le tout multiplié par 100 $. Les débours réclamés s’élèvent à 9 568,12 $. Le demandeur a soutenu, tant devant moi que devant M. Stinson, que, d’après l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Skidmore v. Blackmore, [1995] 4 W.W.R. 524, il a le droit d’être indemnisé pour les efforts qu’il a déployés, tout comme s’il avait été représenté par un avocat.

5  Je suis tout à fait d’accord avec M. Stinson, pour les motifs qu’il a fournis, sur le fait que le demandeur n’a pas droit à l’indemnité recherchée.

[12]  En rejetant l’appel de M. Turner, notre Cour a déclaré ceci :

[5]  L’officier taxateur a décidé que la Cour entendait attribuer à M. Turner les dépens entre parties et qu’en l’absence de directives contraires, on devait calculer le montant des dépens en se fondant sur le Tarif B des Règles de la Cour fédérale (1998). Ce tarif, toutefois, ne prévoit que le remboursement partiel des honoraires d’avocat ainsi que des débours habituels, mais non de la valeur du temps consacré au litige par les parties, qu’elles soient représentées ou non.

[6]  À mon avis, la conclusion de M. Stinson était correcte (Munro c. Canada, (1998), 163 D.L.R. (4th) 541 (C.A.F.)). En outre, le fait que le Tarif B ne vise pas le temps perdu par une partie qui se représente elle-même n’enfreint pas le droit à l’égalité de M. Turner garanti par l’article 15 de la Charte (Rubin c. Canada (Procureur général), [1990] 3 C.F. 642 (1re inst.); Lavigne c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) (1998), 228 N.R. 124 (C.A.F.)).

[7]  Cela ne veut pas dire qu’en exerçant son plein pouvoir d’attribution des dépens que le paragraphe 400(1) des Règles lui confère, la Cour ne peut accorder à une partie une certaine indemnité pour des éléments qui ne constituent ni des débours au sens courant, ni des honoraires d’avocats (se reporter, par exemple, à Entreprises A.B. Rimouski Inc. c. Canada, [2000] A.C.F. n° 501 (C.A.))

[8]  Dans l’affaire qui nous occupe, toutefois, la Cour n’a rien prévu de particulier en faveur de M. Turner dans son jugement du 27 juin 2000, en termes d’attribution de dépens, bien qu’elle ait fortement critiqué le comportement de Revenu Canada. L’officier taxateur n’avait pas compétence pour modifier l’ordonnance de la Cour. Notre Cour ne peut pas davantage, dans le cadre de l’appel du rejet par le juge Nadon de la requête déposée par M. Turner en vertu de l’article 414 des Règles en vue de la révision de la décision de l’officier taxateur, modifier l’ordonnance quant aux dépens rendue par un autre tribunal de la Cour lorsqu’il a accueilli l’appel de M. Turner à l’encontre de sa cotisation d’impôt sur le revenu.

[13]  L’adjudication des dépens dans l’affaire de M. Turner était identique à l’adjudication des dépens visée en l’espèce, puisqu’il y est simplement écrit que l’appel est accueilli avec dépens. Il n’y a pas eu d’adjudication particulière de dépens à M. Turner ni à Mme Stubicar. Il y a lieu d’établir une distinction entre ces affaires et celle examinée par notre Cour dans l’arrêt Sherman c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 202, [2002] 4 C.F. 865, dans lequel neuf paragraphes (paragraphes 44 à 52) ont été consacrés à la discussion de l’adjudication des dépens à M. Sherman, un avocat agissant pour son propre compte. Dans le dernier paragraphe sur cette question, notre Cour s’est exprimée ainsi :

52  […] Tout en respectant les paramètres des Règles, je crois qu’il convient d’adjuger les dépens suivants à l’appelant, en plus de ses débours et sur dépôt d’éléments de preuve appropriés à l’appui de la demande : un montant raisonnable pour le temps et les efforts que l’appelant a consacrés à la préparation et à la présentation de la cause en première instance et en appel sur preuve que, ce faisant, l’appelant a engagé un coût d’opportunité en renonçant à une activité rémunératrice.

[14]  Dans l’arrêt Sherman, il y a eu une adjudication particulière des dépens. Étant donné que notre Cour n’a pas accordé de dépens particuliers à Mme Stubicar, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en rejetant sa demande de révision de la taxation des dépens qui ne comprenait pas de somme pour le temps qu’elle a consacré au litige. Je rejetterais l’appel de Mme Stubicar dans le dossier A-333-15.

II.  A-367-15

[15]  Dans cette affaire, la Cour fédérale a adjugé des dépens à l’encontre de Mme Stubicar (2012 CF 1393). La procédure à l’origine de cette adjudication de dépens était une requête en jugement sommaire déposée par la Couronne. En accueillant cette requête, la juge a déclaré ceci :

La requête de la [Couronne] en jugement sommaire est accueillie et l’action engagée par [Mme Stubicar] contre la [Couronne] est rejetée, avec dépens.

[16]  L’officier taxateur a établi les dépens à 3 422,08 $ (2015 CF 563). Mme Stubicar a demandé la révision de cette taxation des dépens. Sa requête en révision de la taxation des dépens a été rejetée par la Cour fédérale dans une ordonnance datée du 8 juin 2015 (dossier n° T-2102-10). La même juge de la Cour fédérale qui avait adjugé les dépens en cause dans cette taxation des dépens a également entendu et tranché la requête en révision de cette taxation. Mme Stubicar a affirmé, aux paragraphes 13 à 15 de son mémoire, que sa requête en révision de la taxation des dépens avait été initialement confiée à un autre juge de la Cour fédérale, mais que ce dernier avait renvoyé la demande à la même juge de la Cour fédérale qui avait adjugé les dépens en cause. Le fait que le juge qui a adjugé les dépens entende aussi la requête en révision de la taxation des dépens est conforme aux observations du juge Evans dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, [2008] A.C.F. n° 1656 (QL), qui s’exprimait au nom de notre Cour :

[18]  Enfin, j’appuie fermement la recommandation du juge Gibson (par. 51) selon laquelle le juge qui a présidé l’instance sous-jacente est mieux placé que quiconque pour réviser la taxation des dépens et que, lorsque cela est possible, le juge présidant devrait réviser la décision de l’officier taxateur.

[17]  Aux paragraphes 52 à 54 de son mémoire, Mme Stubicar souligne certaines erreurs grammaticales dans les motifs de la juge de la Cour fédérale qui a accueilli la requête en jugement sommaire de la Couronne et rejeté son action; celles-ci ne justifient pas que l’on s’écarte de la recommandation du juge Evans.

[18]  Dans son mémoire des faits et du droit pour le présent appel, Mme Stubicar invoque deux motifs d’appel :

  • la juge de la Cour fédérale n’a pas examiné le bon motif de révision;

  elle a appliqué de façon erronée de la norme régissant la révision de la décision de l’officier taxateur.

[19]  En ce qui concerne le premier motif d’appel, Mme Stubicar l’a divisé en deux parties – l’une relative à l’interprétation de l’adjudication des dépens à l’origine de la taxation, et la seconde relative à la [traduction] « justification contestée des dépens demandés [par la Couronne] ».

[20]  En ce qui concerne l’interprétation de l’adjudication des dépens, Mme Stubicar soutient que le fait que la juge ait mis une virgule entre « rejetée » et « avec dépens » a eu une incidence sur le sens qui a été donné à l’adjudication. L’officier taxateur a estimé que l’adjudication des dépens concernait à la fois la requête en jugement sommaire et le rejet de l’appel qui avait été interjeté par Mme Stubicar. Il ressort clairement des motifs de l’officier taxateur que ce dernier a analysé et pris en compte les arguments de Mme Stubicar concernant l’utilisation de la virgule.

[21]  Il est cependant loin d’être clair comment l’adjudication des dépens pourrait ne concerner que la requête ou que le rejet de l’action de Mme Stubicar, puisque la virgule sépare le mot « rejetée » des mots « avec dépens ». Bien que Mme Stubicar consacre plusieurs paragraphes de son mémoire à une prétendue erreur dans l’interprétation de l’adjudication des dépens, elle ne donne aucune indication sur ce en quoi consisterait à son avis la bonne interprétation. Elle ne précise pas dans son mémoire si, à son avis, l’adjudication des dépens portait uniquement sur la requête ou uniquement sur le rejet de l’action.

[22]  Mme Stubicar soutient que le libellé de l’adjudication des dépens dans la présente affaire devrait être comparé au libellé de l’adjudication des dépens dans la décision Source Enterprises Ltd. c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 966, [2012] A.C.F. no 1032 (QL). Dans cette décision, le jugement était, en partie, rédigé ainsi :

2.  La requête en jugement sommaire des défendeurs est accueillie et l’action de la demanderesse est rejetée;

3.  Les défendeurs ont droit à leurs dépens, fixés à la somme de 500 $.

[23]  Le jugement rendu dans la décision Source Enterprises Ltd. fait également droit à une requête en jugement sommaire et rejette l’action sous-jacente. Toutefois, ce jugement fixe les dépens à 500 $. Ce jugement n’est d’aucune utilité pour l’interprétation du jugement rendu dans l’affaire de Mme Stubicar, lequel accueille la requête de la Couronne et rejette son action, avec dépens.

[24]  Mme Stubicar fait également référence à un autre jugement qui a accueilli une requête en jugement sommaire et a rejeté une action. Dans la décision Miller c. Canada, 2006 CF 1446, [2006] A.C.F. no 1819 (QL), l’ordonnance était rédigée ainsi :

La requête en jugement sommaire est accueillie et l’action des demandeurs est rejetée, le tout avec dépens.

[25]  La seule différence entre l’ordonnance dans la décision Miller et le jugement concernant Mme Stubicar est l’ajout des mots « le tout » avant les mots « avec dépens ». Dans les deux cas, la partie de la phrase qui adjuge les dépens est séparée du reste de la phrase par une virgule. Même si cela aurait peut-être été plus clair si les mots « le tout » avaient été ajoutés dans l’affaire de Mme Stubicar, l’absence de ces mots ne permet pas que l’on conclue que l’adjudication des dépens dans la décision concernant Mme Stubicar ne devrait s’appliquer qu’à la requête en jugement sommaire ou qu’au rejet de l’action.

[26]  Il semblerait que Mme Stubicar donne au jugement l’une ou l’autre des interprétations suivantes :

  • La requête en jugement sommaire [de la Couronne] est accueillie. L’action [de Mme Stubicar] contre [la Couronne] est rejetée avec dépens.

ou

  La requête en jugement sommaire [de la Couronne] est accueillie avec dépens. L’action [de Mme Stubicar] contre [la Couronne] est rejetée.

[27]  Mme Stubicar n’a rien présenté à l’appui de l’une ou l’autre de ces interprétations. Si la première interprétation était adoptée, aucuns dépens ne seraient adjugés à la partie qui a eu gain de cause en ce qui concerne la requête. Étant donné qu’en règle générale, la partie qui a gain de cause se voit adjuger les dépens, je ne souscris pas à cette interprétation.

[28]  Si la deuxième interprétation était adoptée, aucuns dépens ne seraient adjugés relativement au rejet de l’action, lequel rejet constitue le résultat important de la requête accueillie. Là encore, étant donné qu’en règle générale, la partie qui a gain de cause se voit accorder les dépens, il n’y a aucune raison d’interpréter ce jugement comme refusant à la partie qui a eu gain de cause les frais qu’elle a payés relativement à l’action qui a été rejetée.

[29]  Par conséquent, Mme Stubicar n’a pas réussi à établir que l’officier taxateur a commis une erreur dans son interprétation du jugement rendu en l’espèce.

[30]  Le premier paragraphe de son mémoire après l’intitulé [traduction] « Justification contestée des dépens demandés [par la Couronne] » est le paragraphe 58. Dans ce paragraphe, Mme Stubicar renvoie à une erreur alléguée de l’officier taxateur, qui aurait omis d’analyser et de tirer des conclusions de fait étayées par les éléments de preuve et les observations des parties. Ce motif semble être le même que le deuxième motif d’appel, pour lequel elle soutient que l’officier taxateur a commis une erreur [traduction] « de principe en omettant d’examiner ou en interprétant mal les éléments de preuve produits et les observations faites lors de la taxation » (paragraphe 61).

[31]  Le deuxième motif d’appel est expliqué aux paragraphes 59 à 63 de son mémoire. Il semble que l’erreur qu’elle allègue est que la juge de la Cour fédérale n’a pas utilisé la norme de contrôle applicable.

[32]  Au paragraphe 40 de son mémoire, Mme Stubicar fait observer que la norme de contrôle applicable aux révisions de taxations de dépens est celle établie par la juge Dawson (aujourd’hui juge à la Cour d’appel fédérale) dans la décision Wilson c. Canada (2000), 196 F.T.R. 99, 2000 CanLII 16367 (CF), et citée par notre Cour dans l’arrêt Bellemare c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 231, [2004] A.C.F. no 1048 (QL) :

3  La norme de contrôle applicable n’est pas contestée. Dans Wilson c. Canada (2000) 196 F.T.R. 99, à la page 102, la juge Dawson la formule ainsi :

La compétence de la Cour pour intervenir à l’égard de la décision d’un officier taxateur ne permet pas à la Cour de substituer son analyse des faits à celle de l’officier taxateur. Comme l’a noté le juge Joyal dans la décision Harbour Brick Co. c. Canada (1987), 17 F.T.R. 255 (C.F. 1re inst.), la Cour ne peut intervenir que lorsqu’il y a eu une erreur de principe ou qu’on peut établir que le montant taxé est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

(Souligné dans Bellemare.)

[33]  En l’espèce, il semble que la plainte de Mme Stubicar porte sur l’inclusion de certains services dans la détermination du montant des dépens et sur le nombre d’unités attribué à ces services conformément à l’article 2 du tarif B. Le choix des services à inclure et l’attribution du nombre d’unités à chaque service ne sont pas des erreurs de principe. Dans son mémoire, Mme Stubicar n’a pas réussi à établir que l’officier taxateur a commis une erreur dans le choix des services à inclure ou dans l’attribution du nombre d’unités à chaque service qui justifierait notre intervention.

[34]  Je rejetterais l’appel dans le dossier A-367-15.

III.  A-389-15

[35]  Le présent appel porte sur la seconde taxation des dépens découlant du jugement de notre Cour daté du 13 novembre 2012 (2012 CAF 288) adjugeant les dépens à Mme Stubicar. Cette taxation des dépens concernait les dépens liés à l’appel devant notre Cour. Dans la taxation des dépens, aucun montant d’argent n’a été accordé pour le temps de Mme Stubicar (2015 CF 113). Lorsqu’il a rejeté la requête en révision de cette taxation des dépens déposée par Mme Stubicar, le juge de la Cour fédérale a adjugé à la Couronne des dépens de 200 $ (2015 CF 722).

[36]  Dans son appel devant notre Cour, Mme Stubicar a invoqué trois motifs d’appel dans son mémoire des faits et du droit :

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il omis d’examiner le bon motif de révision et par conséquent mal appliqué la norme régissant la révision de la décision de l’officier taxateur?

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il mal interprété les dispositions de l’article 407 des Règles des Cours fédérales?

  le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en n’exerçant pas correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a adjugé à la Couronne des dépens à l’égard de la requête en révision de la taxation des dépens?

[37]  Les observations de Mme Stubicar concernant les deux premiers motifs d’appel portaient principalement sur le rejet de ses demandes quant au temps qu’elle a consacré au litige. Par conséquent, ces deux motifs d’appel portent essentiellement sur son observation selon laquelle elle a droit à une somme pour son temps. Cette question a été examinée plus haut relativement au dossier no A-333-15 et, pour les motifs exposés ci-dessus, Mme Stubicar ne peut pas obtenir gain de cause à cet égard dans le présent appel.

[38]  Ses observations succinctes concernant l’adjudication de dépens de 200 $ relativement à la requête en révision de la taxation des dépens font référence à des décisions antérieures de la Cour fédérale établissant qu’en règle générale, on n’adjuge pas de dépens dans de telles requêtes. À l’appui de cette affirmation, Mme Stubicar renvoie notamment à la décision de la Cour fédérale Merck & Co c. Apotex inc., 2007 CF 1035, [2007] A.C.F. no 1337 (QL). Dans cette décision, le juge Gibson se prononce ainsi :

[52]  Dans Montreal Fast Print (1975) Ltd. c. Polylok Corporation [(1984), 1 C.P.R. (3d) 204 (C.F. 1re inst.)], le juge Cattanach a écrit à la page 210, dans le contexte d’une ordonnance relative aux dépens et à un « appel » :

En vertu du pouvoir discrétionnaire dont je dispose, je me conformerai à une pratique que j’estime courante dans cette Cour en m’abstenant de me prononcer sur les dépens, c’est‑à‑dire ni en faveur ni à l’encontre de l’une ou l’autre des parties, pour la révision du certificat de l’officier taxateur.

[53]  J’adopte la « pratique » suivie par le juge Cattanach. On devrait encourager le règlement définitif des litiges. L’instruction de la présente instance relative à un avis de conformité concernant des médicaments brevetés a pris plus de trois (3) jours. L’audience devant l’officier taxateur a duré deux (2) jours. L’audience que j’ai tenue a pris une journée entière. En résumé, il a fallu autant de temps pour régler la question des dépens, et je reconnais que cette question n’est peut‑être pas encore tranchée de façon définitive, qu’il en a fallu pour en arriver à une décision sur le fond de l’instance sous‑jacente. Cela ne devrait pas se produire. Il est évident que l’officier taxateur a effectué sa taxation avec beaucoup de soin. Il a rédigé des motifs détaillés. Les points qui restaient à trancher auraient dû être réglés à l’amiable entre les parties.

[39]  En appel devant notre Cour, dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc. (précité, au paragraphe 16), le juge Evans, qui s’exprimait au nom de la Cour, a fait référence à ces observations sur la non-adjudication de dépens dans les requêtes en révision de taxation des dépens :

[14]  Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire. Tout comme les officiers dans d’autres décisions récentes, l’officier taxateur dans une affaire complexe comme celle-ci, où des sommes très importantes sont en jeu, a pleinement motivé sa décision sur la base d’un examen minutieux de la preuve dont il disposait et des principes généraux du droit applicable.

[15]  Le juge Gibson a évoqué ces considérations, y compris l’importance du caractère définitif des litiges, quand il a refusé (par. 53) d’adjuger les dépens afférents à la requête en révision de la taxation des dépens de l’instance sous-jacente. À mon avis, ces facteurs contextuels sont également pertinents pour déterminer si un officier taxateur a commis une erreur « de principe » en évaluant le caractère raisonnable des dépens.

[40]  Bien que la pratique générale veuille que l’on n’adjuge pas de dépens dans les requêtes en révision de taxation des dépens, l’adjudication des dépens relève du pouvoir discrétionnaire du juge de la Cour fédérale (paragraphe 400(1) des Règles). Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire dans le contexte d’une requête en révision de la taxation de dépens, le caractère définitif des litiges a constitué un facteur important pour notre Cour dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc., puisque c’est le seul qu’elle a expressément mentionné au paragraphe 15.

[41]  En l’espèce, les dépens qui ont été adjugés ont été fixés à 200 $. Le montant des dépens étant fixe, le facteur du caractère définitif des litiges a été respecté. L’officier taxateur n’a pas à procéder à la taxation des dépens.

[42]  Étant donné :

  • a) que ne pas adjuger de dépens lors de la révision d’une taxation de dépens est une pratique et non une règle;

  • b) que l’adjudication de dépens d’une somme fixe s’inscrit dans le principe voulant que les litiges aient une fin;

c)  que l’adjudication des dépens est une décision discrétionnaire du juge qui instruit l’affaire;

Mme Stubicar ne peut obtenir gain de cause pour ce motif d’appel en ce qui concerne l’adjudication des dépens de 200 $ prévue dans le jugement rejetant sa requête en révision de la taxation des dépens.

[43]  Par conséquent, je rejetterais l’appel de Mme Stubicar dans le dossier A-389-15.

IV.  A-390-15

[44]  Le présent appel porte sur des dépens qui ont été adjugés à l’encontre de Mme Stubicar. Notre Cour a adjugé ces dépens en rejetant l’appel interjeté par Mme Stubicar contre le jugement qui avait accueilli la requête en jugement sommaire de la Couronne et rejeté l’action de Mme Stubicar (2013 CAF 239). Les dépens ont été établis à 1 162,46 $ (2015 CAF 112).

[45]  La requête de Mme Stubicar en révision de la taxation des dépens a été examinée par le même juge de la Cour fédérale qui avait entendu la requête en révision de la taxation des dépens liée à l’appel no A-389-15. Un seul jugement et une seule série de motifs ont été rendus pour les deux requêtes. En rejetant la requête en révision de la taxation des dépens dans cette affaire (2015 CF 722), le juge de la Cour fédérale a également adjugé à la Couronne des dépens de 200 $.

[46]  Dans son mémoire des faits et du droit dans le présent appel, Mme Stubicar invoque trois motifs d’appel :

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en ce qui concerne la norme de révision applicable?

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en appliquant une présomption de régularité du processus?

  le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en n’exerçant pas correctement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a accordé les dépens à la Couronne à l’égard de la requête en révision de la taxation des dépens?

[47]  Mme Stubicar a fait valoir, au paragraphe 22 de son mémoire, que le juge de la Cour fédérale semble avoir appliqué la norme de la décision raisonnable plutôt que la norme énoncée dans l’arrêt Bellemare, auquel il est fait référence au paragraphe 30 ci-dessus. Mme Stubicar affirme que cela a eu pour effet que le juge de la Cour fédérale n’a pas fait droit à sa requête en révision en ce qui concerne :

  • le nombre d’unités attribué aux services concernés pour l’application de la formule énoncée à l’article 2 du tarif B;

  • son allégation selon laquelle certains débours n’auraient pas dû être autorisés;

  son allégation selon laquelle elle aurait dû se voir accorder les dépens de la taxation en vertu du paragraphe 408(3) des Règles.

[48]  Le deuxième motif d’appel de Mme Stubicar concerne la déclaration du juge de la Cour fédérale au paragraphe 11 de ses motifs selon laquelle « [i]l existe une présomption voulant qu’il ait examiné entièrement le dossier ». Toutefois, même si elle affirme de manière générale que le dossier révèle que cette présomption pourrait être réfutée, elle ne précise pas, dans son mémoire, comment le dossier étaye cette affirmation. Bien qu’elle fasse référence à des observations supplémentaires dans les notes de bas de page, elle ne peut pas intégrer par renvoi des observations faites dans d’autres documents. Cela lui permettrait de contourner la limite de 30 pages pour un mémoire prescrite au paragraphe 70(4) des Règles.

[49]  Dans son mémoire, Mme Stubicar n’a pas réussi à démontrer qu’en établissant les dépens à 1 162,46 $, l’officier taxateur a commis une erreur justifiant notre intervention relativement à l’attribution du nombre d’unités pour chaque service ou à la taxation du montant des débours.

[50]  En ce qui concerne l’argument de Mme Stubicar selon lequel l’officier taxateur a omis de mentionner qu’elle avait demandé les dépens de la taxation en vertu du paragraphe 408(3), il convient de noter que l’adjudication de dépens au titre de ce paragraphe est discrétionnaire :

(3) L’officier taxateur peut taxer et accorder ou refuser d’accorder les dépens de la taxation à l’une ou l’autre partie.

(3) An assessment officer may assess and allow, or refuse to allow, the costs of an assessment to either party.

[51]  Dans la décision Phillips Legal Professional Corp. v. Vo, 2017 SKCA 58, [2017] S.J. no 327 (QL), la Cour d’appel de la Saskatchewan a fait observer ce qui suit :

[traduction]

118  En ce qui concerne l’observation connexe de M. Phillips selon laquelle des questions et des arguments précis n’ont pas été mentionnés dans le certificat, il n’est pas nécessaire que les motifs fassent mention de chaque argument invoqué par les parties. Les motifs doivent être considérés globalement (West Van Inc. v. Daisley, 2014 ONCA 232, au paragraphe 15, 119 O.R. (3d) 481, citant R.E.M.). En l’espèce, l’officier taxateur n’était pas tenu d’examiner chacune des questions accessoires soulevées par M. Phillips dans ses observations écrites ou orales. Cela dit, rien n’indique que le certificat dans son ensemble ait fait abstraction de questions de fond en litige.

[52]  Étant donné que Mme Stubicar n’a pas obtenu les dépens de la taxation, sa demande concernant ses dépens était implicitement rejetée. Mme Stubicar n’a pas réussi à démontrer que l’officier taxateur, en établissant les dépens à 1 162,46 $, a commis une erreur justifiant notre intervention en ne taxant pas les dépens de la taxation et en ne les lui accordant pas ou encore en n’indiquant pas expressément que c’est ce qu’il faisait.

[53]  Aux paragraphes 37 à 41 de son mémoire, Mme Stubicar présente ses observations sur son deuxième motif d’appel. Toutefois, malgré des remarques très générales sur le fait que l’officier taxateur aurait omis d’examiner avec soin des éléments de preuve et des observations, elle ne précise pas lesquels dans son mémoire. Comme il est affirmé plus haut, Mme Stubicar ne peut pas se fonder sur des observations précises qui sont présentées dans un autre document figurant au dossier et qui ne sont pas incluses dans son mémoire, car cela lui permettrait de contourner la limite de 30 pages par mémoire prévue au paragraphe 70(4) des Règles. Par conséquent, il semble tout simplement qu’elle ne souscrive pas aux conclusions de l’officier taxateur concernant le montant de 1 162,46 $ auquel les dépens ont été établis.

[54]  En ce qui concerne le dernier motif d’appel, pour les motifs indiqués plus haut pour l’appel A-389-15, Mme Stubicar ne peut pas obtenir gain de cause dans le présent appel en ce qui concerne les dépens de 200 $ adjugés contre elle.

[55]  Par conséquent, je rejetterais son appel dans le dossier A-390-15.

V.  A-440-15

[56]  Le présent appel découle de l’adjudication de dépens à l’encontre de Mme Stubicar. Par une ordonnance du 2 août 2012 (dossier n° T-19-12), la Cour fédérale a rejeté la requête de Mme Stubicar en prorogation du délai pour interjeter appel de l’ordonnance de la protonotaire. L’ordonnance de la Cour fédérale était rédigée ainsi :

[traduction]

La requête en prorogation du délai pour interjeter appel de l’ordonnance de la protonotaire Aronovitch accordant la gestion de l’instance dans les dossiers nos T-1436-11, T-2061 et T-19-12 est rejetée avec dépens à l’intimée, à payer immédiatement.

[57]  Dans l’affaire qui nous occupe, les dépens taxés s’élevaient à 1 140,95 $ (2015 CF 809). En rejetant la requête en révision des dépens de la taxation de Mme Stubicar, le juge de la Cour fédérale a accordé à la Couronne des dépens de 400 $ (ordonnance du 31 août 2015 dans le dossier n° T-19-12).

[58]  Dans son mémoire des faits et du droit, Mme Stubicar invoque quatre motifs d’appel :

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur en confirmant l’erreur de principe de l’officier taxateur quant à la portée de l’adjudication des dépens?

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en interprétant mal ou en n’examinant pas le motif de révision voulant que l’officier taxateur ait commis une erreur de principe en appliquant de manière erronée le sous-alinéa 400(3)k)(i) des Règles?

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en n’examinant pas les autres motifs de révision de Mme Stubicar?

  le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a adjugé à la Couronne les dépens de la requête en révision de la taxation des dépens?

[59]  Le premier motif d’appel de Mme Stubicar est lié à l’interprétation de l’adjudication des dépens. Mme Stubicar soutient que les dépens n’ont été accordés que pour la requête en prorogation de délai. Toutefois, comme l’a fait observer l’officier taxateur aux paragraphes 10 et 11 de ses motifs, la requête de Mme Stubicar portait à la fois sur l’appel de l’ordonnance et sur la prorogation de délai. Puisque Mme Stubicar avait formulé sa requête de façon à ce qu’elle porte sur les deux questions, la Couronne a été tenue de formuler des observations sur les deux questions dans sa réponse à la requête. Il serait donc logique que les dépens aient été adjugés à la fois pour la requête en prorogation de délai et pour l’appel de l’ordonnance.

[60]  Par conséquent, Mme Stubicar ne peut pas obtenir gain de cause pour ce motif d’appel.

[61]  Le deuxième motif d’appel de Mme Stubicar porte sur le sous-alinéa 400(3)k)(i) :

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

[…]

[…]

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

(k) whether any step in the proceeding was

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

[62]  Au paragraphe 8 de ses motifs, l’officier taxateur a renvoyé au paragraphe 401(2) des Règles :

(2) Si la Cour est convaincue qu’une requête n’aurait pas dû être présentée ou contestée, elle ordonne que les dépens afférents à la requête soient payés sans délai.

(2) Where the Court is satisfied that a motion should not have been brought or opposed, the Court shall order that the costs of the motion be payable forthwith.

[63]  L’officier taxateur a ensuite fait observer ce qui suit :

[traduction]

[9]  Compte tenu des dispositions du paragraphe 401(2) des Règles, je considère que l’adjudication des dépens à l’intimée, « à payer immédiatement », aux termes de l’ordonnance, montre clairement que la Cour a conclu que la requête « n’aurait pas dû être présentée ».

[64]  Bien que Mme Stubicar renvoie au paragraphe 401(2) des Règles au paragraphe 52 de son mémoire, elle ne fait pas valoir que l’officier taxateur a commis une erreur dans l’interprétation qu’il a donnée à ce paragraphe ni dans la conclusion qu’il a tirée en l’espèce. Les observations de Mme Stubicar ne précisent pas non plus comment ce paragraphe aurait eu une incidence sur l’adjudication de dépens de 1 140,95 $ ni à combien, selon elle, les dépens auraient dû s’élever si ce paragraphe n’avait pas été pris en compte. Rien ne justifie l’intervention de notre Cour dans le présent appel.

[65]  Le troisième motif d’appel de Mme Stubicar semble concerner la somme accordée pour les débours. Elle n’a pas précisé à combien s’élevait le montant d’argent contesté, mais il semble que les débours en cause soient la somme de 198 $ accordée pour les photocopies et celle de 25 $ accordée pour les frais d’huissier. Mme Stubicar n’a pas établi qu’il y avait lieu que la Cour intervienne dans l’adjudication de ces débours.

[66]  Le dernier motif d’appel concerne de nouveau l’adjudication des dépens par le juge de la Cour fédérale et, comme il a été dit plus haut pour l’appel A-389-15, rien ne justifie que la Cour intervienne dans cette adjudication de dépens de 400 $.

VI.  A-452-15

[67]  L’adjudication des dépens en cause dans le présent appel découle d’une ordonnance de la Cour fédérale datée du 18 octobre 2012 (dossier n° T-618-12). Cette ordonnance fait suite à une requête de Mme Stubicar demandant qu’une ordonnance de la protonotaire soit annulée et que la protonotaire se récuse. La requête de Mme Stubicar a été rejetée. La Cour fédérale a conclu son ordonnance rejetant la requête en adjugeant [traduction] « les dépens de l’appel sur une base avocat-client, à payer immédiatement ».

[68]  Les dépens dans cette affaire ont été établis à 1 947,25 $ au total (2015 CF 810). La somme établie pour les honoraires, calculée sur une base avocat-client, s’est élevée à 1 670,95 $. En rejetant la requête en révision de la taxation des dépens de Mme Stubicar, la Cour fédérale a adjugé à la Couronne des dépens de 400 $ (ordonnance du 31 août 2015 dans le dossier n° T-618-12).

[69]  Dans son mémoire des faits et du droit dans le présent appel, Mme Stubicar invoque quatre motifs d’appel :

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en n’exerçant pas les pouvoirs de révision que lui confère l’article 414 des Règles?

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur en reprenant les erreurs de principe de l’officier taxateur?

  • le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit en confirmant des conclusions erronées tirées dans le contexte d’une autre révision de taxation (2015 CF 722), qui faisait alors l’objet d’un appel en instance (dossier n° A-390-15)?

  le juge de la Cour fédérale a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a adjugé à la Couronne les dépens de la requête en révision de la taxation?

[70]  En ce qui concerne le premier motif d’appel, Mme Stubicar s’exprime ainsi, au paragraphe 46 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

Étant donné qu’il n’est pas fait mention, dans les motifs de la taxation, de l’affidavit de l’appelante sur la taxation et que l’argument fondé sur l’omission de l’officier taxateur de prendre en considération cet affidavit n’a été présenté que lors de la révision, le juge de la Cour fédérale ne pouvait pas conclure que l’officier taxateur avait attentivement examiné puis rejeté les arguments de l’appelante concernant l’omission de l’officier taxateur de prendre en considération l’affidavit de l’appelante.

[71]  Toutefois, Mme Stubicar ne précise pas quels seraient les éléments de son affidavit qui n’auraient pas été examinés par l’officier taxateur ni comment cela aurait eu une incidence sur la taxation des dépens. Parce qu’elle n’a pas apporté cette précision dans son mémoire, elle ne peut pas obtenir gain de cause pour ce motif d’appel.

[72]  Mme Stubicar a également renvoyé à son argument selon lequel l’officier taxateur avait inversé le fardeau de la preuve. Au paragraphe 47 de son mémoire, elle déclare simplement que l’officier taxateur a inversé le fardeau de la preuve sans fournir de précisions sur la manière dont il l’aurait fait ni sur le moment où il l’aurait fait.

[73]  L’officier taxateur fait cependant observer ceci au paragraphe 17 de ses motifs :

[traduction]

De plus, compte tenu de l’affirmation de [Mme Stubicar] selon laquelle il arrive fréquemment que la compilation de documents soit effectuée par des parajuristes, je conclus que [Mme Stubicar] n’a fourni aucune preuve pour étayer son allégation selon laquelle le dossier de requête [de la Couronne] a dans les faits été compilé par un parajuriste. Il n’est donc pas nécessaire de tenir compte de ce facteur dans la taxation des dépens [de la Couronne].

[74]  Dans cette affaire, Mme Stubicar a allégué de façon générale qu’il arrivait fréquemment que ce type de travail soit effectué par des parajuristes. Elle ne soutient pas que l’officier taxateur a commis une erreur dans son examen de cette allégation. Dans ses observations, elle ne précise pas non plus pourquoi le principe général selon lequel la personne « qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28, 1985 CanLII 18 (C.S.C.)) ne s’appliquerait pas en l’espèce. À mon avis, Mme Stubicar ne peut pas obtenir gain de cause relativement à ce motif d’appel.

[75]  Le deuxième motif d’appel semble porter principalement sur le montant autorisé des dépens avocat-client. À l’audience, Mme Stubicar a fait valoir que l’adjudication de dépens avocat-client ne signifie pas qu’elle est obligée d’indemniser entièrement la Couronne pour les frais raisonnables qu’elle a payés dans l’affaire pour laquelle ces dépens ont été adjugés. Cependant, le juge Locke (aujourd’hui juge à la Cour d’appel fédérale) a fait observer ce qui suit dans la décision Mediatube Corp. c. Bell Canada, 2017 CF 495, [2017] A.C.F. no 1218 (QL) :

32  En ce qui concerne cette question, je préfère m’appuyer sur les précédents des cours fédérales. Outre les précédents cités ci-dessus, je mentionne également le passage ci-après de Merck & Co. c. Apotex Inc., 2002 CFPI 1210, au paragraphe 11 :

L’adjudication des dépens sur une base avocat-client vise à indemniser entièrement les demanderesses pour les frais engagés raisonnablement dans le cadre de la poursuite des présentes procédures. Pour fixer les dépens, la Cour doit examiner soigneusement les montants réclamés eu égard à la quantité de travail raisonnablement requise, non pas à la lumière de ce qui, rétrospectivement, s’est avéré finalement nécessaire, ni en évaluant les éléments un par un ainsi que le ferait un officier taxateur, mais en les révisant suffisamment pour s’assurer de leur caractère raisonnable. [Renvoi omis]

33  À mon avis, dans notre Cour, l’expression « dépens sur une base avocat-client » désigne généralement le plein montant des dépens nécessaires et raisonnables. Aucun passage des précédents qui ont été cités par les demanderesses ne peut me convaincre que, dans notre Cour, les dépens sur une base avocat-client puissent signifier moins.

[76]  Je souscris aux observations du juge Locke. L’adjudication des dépens sur une base avocat-client signifie que Mme Stubicar doit indemniser la Couronne pour les frais qu’elle a déboursés pour l’affaire, dans la mesure où ces frais étaient nécessaires et raisonnables. Dans le présent appel, Mme Stubicar n’a apporté aucun élément montrant qu’une partie de la somme de 1 670,95 $ attribuée pour les honoraires ne constituait pas des dépenses nécessaires et raisonnables.

[77]  Le troisième motif d’appel semble se rapporter à la norme de révision appliquée. Au paragraphe 75 de son mémoire, Mme Stubicar déclare que les requêtes en révision de la taxation prévues à l’article 414 des Règles sont assujetties à la norme de la décision correcte. Toutefois, comme il est indiqué plus haut au paragraphe 32, Mme Stubicar a fait valoir dans le dossier no A-367-15 que la norme de révision est celle qui est établie dans l’arrêt Bellemare. Quoi qu’il en soit, elle n’a pas réussi à démontrer l’incidence que cela aurait eu sur le résultat. Il est bien établi en droit qu’on peut interjeter appel seulement d’ordonnances, et non de motifs (Stubicar c. Canada, 2012 CAF 288, au paragraphe 2, [2012] A.C.F. n° 1431 (QL)).

[78]  Le dernier motif d’appel concerne l’adjudication de dépens pour la requête en révision. Comme il a été indiqué plus haut pour l’appel A-389-15, rien ne justifie l’intervention de la Cour dans cette adjudication de dépens de 400 $.

[79]  Par conséquent, je rejetterais l’appel de Mme Stubicar dans le dossier A-452-15.

VII.  Article 357 des Règles

[80]  À l’issue de l’audience sur les présents appels, Mme Stubicar a renvoyé à l’article 357 des Règles :

357 (1) Malgré la règle 352, la requête présentée en vertu de l’article 37.1 de la Loi sur la Cour suprême pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel, devant la Cour suprême du Canada, d’un jugement de la Cour d’appel fédérale peut être faite sans préavis, au moment où le jugement est rendu, si celui-ci est rendu à l’audience.

357 (1) Notwithstanding rule 352, where a judgment of the Federal Court of Appeal is delivered from the bench, a motion under section 37.1 of the Supreme Court Act for leave to appeal from the judgment to the Supreme Court of Canada may be made at the time the judgment is delivered and without prior notice.

[81]  Puisque les présents appels n’ont pas été rejetés à l’audience, cette règle n’est pas applicable en l’espèce.

VIII.  Conclusion

[82]  Je rejetterais les six appels.

[83]  À l’issue de l’audience, Mme Stubicar a demandé à pouvoir présenter des observations écrites sur les dépens. En ce qui concerne les dépens des présents appels, je reprendrais les observations du juge Evans dans l’arrêt Apotex inc. c. Merck & Co. Inc. :

[19]  Mieux encore, les parties devraient toujours essayer de s’entendre sur les dépens dès le départ.

[84]  Je proposerais de commencer par donner aux parties la possibilité de s’entendre sur les dépens, faute de quoi elles pourront présenter des observations. Je proposerais que, si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens d’ici le 24 avril 2020, Mme Stubicar soit autorisée à présenter, au plus tard le 29 mai 2020, des observations écrites supplémentaires, d’une longueur maximale de dix pages, qui seraient applicables aux six appels. La Couronne aura ensuite jusqu’au 19 juin 2020 pour présenter des observations écrites sur les dépens d’une longueur maximale de dix pages, applicables aux six appels. Mme Stubicar sera ensuite autorisée à produire, d’ici le 26 juin 2020, une réponse d’une longueur maximale de trois pages. Les parties ont jusqu’au 24 avril 2020 pour faire savoir à la Cour si elles se sont entendues sur les dépens et, le cas échéant, préciser les modalités de leur entente.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D. G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

A-333-15, A-367-15, A-389-15, A-390-15, A-440-15 ET A-452-15

APPELS D’ORDONNANCES DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉES DU 2 JUIN 2015 (DOSSIER NO T-2102-10), DU 8 JUIN 2015 (DOSSIER NO T-2102-10), DU 8 JUIN 2015 (2015 CF 722) (POUR LES DOSSIERS NOS A-389-15 et A-390-15), DU 31 AOÛT 2015 (DOSSIER NO T-19-12) ET DU 31 AOÛT 2015 (DOSSIER N° T-618-12)

DOSSIERS :

A-333-15, A-367-15, A-389-15 et A-390-15

 

INTITULÉ :

VLASTA STUBICAR c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

ET DOSSIERS :

A-440-15 et A-452-15

 

INTITULÉ :

VLASTA STUBICAR c. LE VICE-PREMIER MINISTRE ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 décembre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

Le 27 mars 2020

COMPARUTIONS :

Vlasta Stubicar

POUR son propre COMPTE

Stephen Kurelek

Pour les intimés

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour les intimés

 

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