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Date : 20190911


Dossier : A-261-18

Référence : 2019 CAF 229

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

AGT FOOD AND INGREDIENTS,

DURUM GIDA SANAYI VE TICARET A.S. et

MEDITERRANEAN EXPORTERS ASSOCIATION

demanderesses

et

CANADIAN PASTA MANUFACTURERS ASSOCIATION,

KRAFT HEINZ CANADA ULC, PULSE CANADA,

et LOBLAWS INC.

défenderesses

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2019.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20190911


Dossier : A-261-18

Référence : 2019 CAF 229

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

AGT FOOD AND INGREDIENTS,

DURUM GIDA SANAYI VE TICARET A.S. et

MEDITERRANEAN EXPORTERS ASSOCIATION

demanderesses

et

CANADIAN PASTA MANUFACTURERS ASSOCIATION,

KRAFT HEINZ CANADA ULC, PULSE CANADA,

et LOBLAWS INC.

défenderesses

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcé à l’audience à Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2019.)

LE JUGE WEBB

[1]  Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, LRC (1985), c S-15 (LMSI), dirigée contre d’une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur relativement au dommage causé à la branche de production nationale par le dumping et le subventionnement de certaines pâtes alimentaires séchées à base de blé.

[2]  Les demanderesses soutiennent que la norme de la décision correcte est la norme de contrôle devant s’appliquer à l’examen du critère du lien de causalité. Cependant, la question en litige en l’espèce porte sur l’interprétation de l’article 42 de la LMSI; il s’agit donc d’une question d’interprétation des lois. Nous sommes d’avis que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer et, compte tenu du texte, du contexte et de l’objet de la loi, nous sommes également d’avis qu’il peut y avoir plus d’une interprétation raisonnable de cette disposition (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 et Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29, [2016] 1 RCS 770).

[3]  Même si nous devions présumer que l’interprétation que le Tribunal a faite de l’exigence prévue dans la LMSI relativement à l’établissement d’un lien de causalité n’est pas conforme à la jurisprudence antérieure, cela ne suffit pas pour justifier l’intervention de notre Cour. De fait, malgré l’incertitude qui pourrait découler de telles différences, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada nous enseigne que les cours de contrôle doivent faire preuve d’un haut degré de déférence envers les tribunaux spécialisés qui interprètent leur loi constitutive (Wilson).

[4]  Le principal argument invoqué par les demanderesses en l’espèce porte sur l’erreur qu’aurait commise le Tribunal, en recherchant si un dommage avait été causé par les marchandises sous-évaluées et subventionnées, plutôt que par le dumping et le subventionnement. À notre avis, cette distinction – quant à savoir si le dommage a été causé par les effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées ou par le dumping et le subventionnement proprement dits – n’est qu’une question de forme qui est sans conséquence et qui ne justifie pas notre intervention en l’espèce.

[5]  Les demanderesses citent une décision récente rendue par l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce dans l’affaire Corée – Droits antidumping visant les valves pneumatiques en provenance du Japon (plainte déposée par le Japon) (2019), Document de l’OMC WT/DS504/AB/R (Rapport de l’Organe d’appel), en ligne à : OMC <https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S005.aspx> à l’appui de cette distinction. Cependant, au paragraphe 5.173 de cette décision, l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce observe :

[...] Deuxièmement, ces observations ne laissent pas entendre qu’une méthode particulière devrait être appliquée pour évaluer l’importance de la marge de dumping dans un examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur la branche de production nationale.

[6]  Il en ressort que l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce n’opère pas de distinction entre les effets des marchandises faisant l’objet d’un dumping et ceux du dumping à proprement parler. Les demanderesses citent également l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (l’Accord antidumping). Cependant, l’article 3.5 de cet Accord dispose :

3.5  Il devra être démontré que les importations faisant l’objet d’un dumping causent, par les effets du dumping, tels qu’ils sont définis aux paragraphes 2 et 4, un dommage au sens du présent accord. La démonstration d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le dommage causé à la branche de production nationale se fondera sur l’examen de tous les éléments de preuve pertinents dont disposent les autorités. Celles-ci examineront aussi tous les facteurs connus autres que les importations faisant l’objet d’un dumping qui, au même moment, causent un dommage à la branche de production nationale, et les dommages causés par ces autres facteurs ne devront pas être imputés aux importations faisant l’objet d’un dumping.

[7]  Cette distinction que les demanderesses opèrent entre la question de savoir si le dommage a été causé par le dumping de marchandises et celle de savoir si les marchandises faisant l’objet d’un dumping ont causé un dommage ne trouve pas écho dans l’article 3.5 de l’Accord antidumping.

[8]  Après avoir lu les motifs du Tribunal ainsi que le veut la Cour suprême, nous sommes d’avis que le Tribunal, en mentionnant les effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées et le lien de causalité entre ces marchandises et le dommage causé à la branche de production nationale, a conclu que le dumping et le subventionnement avaient causé ce dommage. Comme la décision sur la question de savoir si le dumping et le subventionnement des marchandises en cause ont causé un dommage est une question mélangée de droit et de fait, imprégnée d’une appréciation des faits, rien n’appelle notre intervention en l’espèce.

[9]  Bien que les demanderesses aient soulevé d’autres questions dans leur demande, nous sommes d’avis qu’aucune de ces autres questions n’appellerait notre intervention.

[10]  Pour ces motifs, je rejetterais la présente demande avec dépens, lesquels sont fixés à 5 000 $.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

Traduction certifié conforme

François Brunet, réviseur

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


CONTRÔLE JUDICIAIRE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR, ENQUÊTE No NQ-2017-005, RENDUE LE 26 JUILLET 2018 ET MOTIFS RENDUS LE 10 AOÛT 2018

DOSSIER :

A-261-18

 

INTITULÉ :

AGT FOOD AND INGREDIENTS ET AL. c. CANADIAN PASTA MANUFACTURERS ASSOCIATION ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 septembre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE DE MONTIGNY

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE WEBB

COMPARUTIONS :

Victoria Bazan

Devin Doyle

Pour les demanderesses

Vince DeRose

Daniel Hohnstein

Stephanie Desjardins

Pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Victoria Bazan Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

Pour les demanderesses

Aitken Klee LLP

Ottawa (Ontario)

Pour les demanderesses

Tereposky & DeRose LLP

Ottawa (Ontario)

Pour les défenderesses

 

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