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Date : 20190513


Dossier : A-396-18

Référence : 2019 CAF 120

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

ATLAS TUBE CANADA ULC

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

et

COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS CANADA

intervenante

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 13 mai 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20190513


Dossier : A-396-18

Référence : 2019 CAF 120

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

ATLAS TUBE CANADA ULC

appelante

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

et

COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS CANADA

intervenante

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]  Comptables professionnels agréés Canada (CPA Canada) a présenté une requête pour obtenir l’autorisation d’intervenir dans le présent appel. La requête de CPA Canada a été déposée sur consentement.

Les critères applicables à l’intervention

[2]  Le consentement des parties ne lie pas la Cour. Celle-ci doit quand même examiner si l’intervention proposée par CPA Canada dans le présent appel satisfait aux critères établis à l’article 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et par la jurisprudence afférente : voir, à titre d’exemple, Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, [2016] 4 R.C.F. 3; Canada (Procureur général) c. Première Nation Pictou Landing, 2014 CAF 21, [2015] 2 R.C.F. 253.

Notre approche

[3]  Le présent appel concerne l’interprétation et l’application de l’article 231.7 et d’articles connexes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Je commencerai par exposer notre approche à l’égard des interventions dans les appels soulevant ce type de questions.

[4]  À titre de tribunal de droit et d’equity et de cour supérieure (voir l’article 4 de la Loi sur les Cours fédérales), notre tâche est d’interpréter le sens véritable des lois édictées par le législateur et d’autres principes de droit et d’appliquer ces lois et principes fidèlement et objectivement aux faits de l’affaire : Williams c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 252, aux paragraphes 41 à 52; Canada c. Cheema, 2018 CAF 45, aux paragraphes 73 à 86; Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, aux paragraphes 18 et 24 à 27.

[5]  Nous ne légiférons pas, pas plus que nous ne modifions la législation adoptée par nos représentants élus : Williams, au paragraphe 50; Hillier, au paragraphe 26. Nous n’y introduisons pas nos propres politiques ou valeurs : Williams, au paragraphe 48; Cheema, aux paragraphes 79 et 80; Hillier, aux paragraphes 31 à 33. De la même façon que tous les juges à tous les niveaux de l’appareil judiciaire, nous devons nous abstenir de faire ces choses; si nous ne nous en abstenons pas, nous contrevenons aux fondements de longue date de notre démocratie : Williams, au paragraphe 49, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ishaq, 2015 CAF 151, au paragraphe 26; Hillier, au paragraphe 33.

[6]  Par conséquent, quand vient le temps d’examiner s’il faut permettre à des parties d’intervenir dans une affaire portant sur l’interprétation et l’application des lois, nous devons déterminer si les parties peuvent nous aider dans ces tâches juridiques, c’est-à-dire, aux termes de l’article 109 des Règles, si leur participation « aidera à la prise d’une décision sur toute question [...] de droit se rapportant à l’instance ».

[7]  Ceci fait que, dans une affaire portant sur l’interprétation et l’application des lois, entre autres, nous voyons fréquemment d’un bon œil la participation de personnes qui sont bien placées pour nous éclairer à l’égard du véritable objet de la loi, c’est-à-dire l’objet qui ressort manifestement du texte de la loi, de son contexte ou d’autres sources légitimes : Hillier, aux paragraphes 25, 26 et 33.

[8]  Il s’ensuit que nous abhorrons les points de vue intéressés comme ceux que défendent certains lobbyistes sur la Colline du Parlement et certains intervenants – des observations comportant des faits controversés non prouvés, indûment introduits entre deux figures de rhétorique, formulées par des personnes qui cherchent à donner à la loi le sens qui leur convient plutôt que son sens véritable.

[9]  Il s’ensuit également que nous ne nous intéressons pas aux objets inventés ni aux objets étrangers à la loi. Il en est ainsi même s’il se trouve que nous aimons l’objet proposé. Voir Hillier, aux paragraphes 25, 26 et 36, et, pour une approbation récente de l’approche du type suivi dans l’arrêt Hillier, voir TELUS Communications Inc. c. Wellman, 2019 CSC 19 (motifs des juges majoritaires uniquement).

[10]  Il existe un autre aspect de l’interprétation et de l’application de la loi à l’égard duquel de bons intervenants peuvent jouer un rôle utile. Notre Cour a formulé des observations à cet égard dans l’arrêt Williams (au paragraphe 52) :

Il est fréquent dans le processus d’interprétation de procéder à un examen des effets probables ou des résultats d’interprétations opposées pour voir laquelle de ces interprétations s’harmonise le mieux avec le texte, le contexte et l’objet de la loi. Cette façon de faire est appropriée. Le juge procède à cet examen non pas pour cerner l’interprétation qui s’accorde avec ses politiques personnelles ou ses préférences politiques. Il examine plutôt ces effets ou résultats au regard des critères habituels et reconnus que sont le texte, le contexte et l’objet, afin de dégager le sens véritable de la loi. Par exemple, si une interprétation est contraire à l’objet de la loi, mais qu’une autre interprétation ne l’est pas, cette dernière pourrait être préférable à la première.

[11]  Ceci ouvre la voie à un autre rôle important que peuvent jouer certains intervenants : ils peuvent être bien placés pour nous aider à examiner les effets ou les résultats probables d’interprétations opposées d’une disposition légale en raison de leur expérience dans l’analyse de cette disposition et de leur travail avec celle-ci. Une partie de cette expérience peut provenir de travail sur le terrain et être issue de la pratique.

[12]  Enfin, lorsque nous autorisons des interventions, nous cherchons à éviter de créer un déséquilibre numérique marqué en faveur d’une des parties au débat devant la Cour. L’équité est primordiale. L’apparence d’équité l’est tout autant. Une fois que la Cour a tranché les requêtes en autorisation d’intervenir, le résultat ne doit pas donner l’impression que la Cour a autorisé qu’on se ligue contre une des parties : voir, par exemple, les observations dans l’arrêt Nation Gitxaala c. Canada, 2015 CAF 73, aux paragraphes 22 à 24, et Zaric c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 36, au paragraphe 12.

La présente affaire

[13]  En l’espèce, l’appelante demande l’annulation d’une ordonnance rendue par la Cour fédérale en application de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). L’ordonnance enjoignait à l’appelante de produire à l’Agence du revenu du Canada une ébauche de rapport de diligence raisonnable. L’Agence du revenu du Canada avait demandé la production du rapport au cours d’une vérification fiscale de l’appelante.

[14]  CPA Canada souhaite intervenir pour offrir une perspective dont la Cour n’est pas saisie : ses membres, qui sont liés par des obligations professionnelles et éthiques, doivent effectuer certaines tâches auprès de leurs clients; ils doivent documenter leur travail et ils pourraient être assujettis aux demandes de production présentées par l’Agence du revenu du Canada en vertu d’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Si elle était autorisée à participer au présent appel, CPA Canada serait la seule intervenante.

[15]  Bien que la requête en autorisation d’intervenir soit tardive – l’appelante a déjà déposé son mémoire des faits et du droit – il est largement satisfait aux critères applicables aux interventions.

[16]  CPA Canada a un rôle utile à jouer dans le présent appel, plus particulièrement en ce qui concerne le point de vue de la Cour quant au sens véritable de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu et d’articles connexes et la façon dont ils devraient être appliqués aux faits de l’appel.

[17]  Comme on le sait, la méthode appropriée d’interprétation des dispositions des lois exige que le texte, le contexte et l’objet soient analysés : voir les arrêts Williams, Cheema, Hillier et les arrêts de la Cour suprême qui y sont cités. Je suis convaincu que l’expérience sur le terrain, issue de la pratique, qu’a CPA Canada aidera vraisemblablement la Cour lorsqu’elle suivra cette méthode pour interpréter et appliquer l’article 231.7 et les dispositions connexes de la Loi de l’impôt sur le revenu. En effet, CPA Canada a vraisemblablement beaucoup de choses utiles à dire à l’égard de l’objet de la loi, comme il en a été question au paragraphe 7 ci-dessus. Plus particulièrement, pour ce qui est de l’examen des effets des interprétations, son expérience pratique devrait avoir une pertinence directe qui met en lumière l’objet de la loi, comme il en a été question aux paragraphes 10 et 11 ci-dessus, et, au bout du compte, le sens véritable de la loi.

[18]  Par conséquent, il convient d’autoriser CPA Canada à intervenir sur ces questions. Les observations de nature générale portant sur des politiques au sens large et qui ne sont pas liées à l’objet véritable des dispositions de la loi ne sont pas autorisées. CPA Canada devra plutôt travailler en suivant la méthode appropriée d’interprétation des lois et en aidant la Cour dans sa tâche de cerner le sens véritable de ces dispositions et de l’appliquer en l’espèce.

Dispositif proposé

[19]  La requête sera accueillie. L’ordonnance modifiera l’intitulé de la cause pour refléter la présence de CPA Canada à titre d’intervenante. Son intervention sera assujettie aux restrictions mentionnées dans les présents motifs et aux conditions dont notre Cour assortit habituellement les interventions. L’ordonnance réglera également certaines questions mineures relatives aux délais et à la procédure.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-396-18

 

INTITULÉ :

ATLAS TUBE CANADA ULC c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS CANADA

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 MAI 2019

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Margaret Nixon

 

Pour l’appelante

 

H. Annette Evans

 

Pour l’intimé

 

Dominic C. Belley

Jonathan Lafrance

 

Pour l’intervenante

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliott

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimé

 

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour l’intervenante

 

 

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