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Date : 20190506


Dossier : A-140-19

Référence : 2019 CAF 108

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

GROUPE SNC-LAVALIN INC., SNC-LAVALIN INTERNATIONAL INC. et SNC-LAVALIN CONSTRUCTION INC.

appelantes

et

LE DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 6 mai 2019.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20190506


Dossier : A-140-19

Référence : 2019 CAF 108

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

GROUPE SNC-LAVALIN INC., SNC-LAVALIN INTERNATIONAL INC. et SNC-LAVALIN CONSTRUCTION INC.

appelantes

et

LE DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]  Dans une lettre datée du 30 avril 2019, déposée à la Cour, l’intimé demande des directives au sujet d’une requête qu’il a l’intention de présenter. Les appelantes ont répondu par voie de lettre datée du 1er mai 2019, également déposée à la Cour.

[2]  Selon la Cour, l’intimé présente par sa lettre une requête informelle sollicitant des directives en application de l’article 54 des Règles. Les deux lettres sont très détaillées, bien argumentées, claires et exhaustives. Elles permettent à notre Cour de donner les directives demandées.

[3]  Comme je l’explique ci-après, la Cour estime également nécessaire de rendre une ordonnance enjoignant à l’intimé, s’il décide de présenter la requête, de ne pas tarder. L’ordonnance prévoit également le calendrier de dépôt des documents étayant la requête, si elle est présentée, de sorte que l’appel soit instruit rondement.

L’appel au principal

[4]  La présente requête sollicitant des directives s’inscrit dans l’appel interjeté par les appelantes de l’ordonnance de la Cour fédérale ayant radié leur avis de demande de contrôle judiciaire (2019 CF 282) rendue par la juge Kane. La Cour fédérale a conclu que la demande des appelantes était vouée à l’échec.

[5]  Dans leur appel, les appelantes sollicitent, entre autres, l’autorisation de modifier l’avis de demande radié par la Cour fédérale (paragraphe 2 de l’avis d’appel). Elles affirment que de nouveaux faits justifient cette modification. Elles feront valoir en appel qu’il peut être fait droit à l’avis de demande, tel quel ou modifié, et que ce dernier n’aurait pas dû être radié.

Requête envisagée par le Directeur

[6]  L’intimé a l’intention de présenter une requête en radiation de la requête en modification de l’avis de demande présentée par les appelantes. Il soutiendra que la requête des appelantes est vouée à l’échec et ne devrait pas être accueillie.

Les prétentions des parties exposées dans leurs lettres

[7]  Selon l’intimé, il se peut que la requête envisagée nécessite de la Cour qu’elle tire des conclusions de fait. De plus, le juge qui entendra la requête pourrait avoir de nombreuses questions. Ainsi, l’intimé demande l’audition de la requête. Il ajoute que le principe de la publicité des débats judiciaires le commande. Il soutient que la Cour n’a pas d’autre choix que de tenir une audience.

[8]  Essentiellement, les appelantes estiment que la demande de directives de l’intimé est prématurée. Elles voudraient que le directeur signifie le dossier de requête sans tarder afin qu’elles puissent évaluer la situation et présenter des observations éclairées. Selon elles, compte tenu des motifs d’appel invoqués, le dossier de preuve à présenter à la Cour est imprécis. Or, cette imprécision se corrigera lorsque le contenu du dossier d’appel sera fixé. Enfin, les appelantes prétendent que seule une formation de trois juges de la Cour – par opposition à un juge siégeant seul – peut statuer sur la requête de l’intimé.

La demande de directives est-elle inopportune ou prématurée?

[9]  Notre Cour est d’avis que son pouvoir de donner des directives en vertu de l’article 54 des Règles ne lui permet pas de donner des conseils juridiques ou tactiques aux plaideurs (Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, par. 37 à 47; Olumide c. Canada, 2016 CAF 287, par. 14 à 23).

[10]  Or, ce n’est pas ce que les parties recherchent; elles soulèvent plutôt de réelles préoccupations concernant l’instruction en toute diligence de l’appel.

[11]  Plus précisément, dans les circonstances, l’intimé a eu raison de demander des directives à la Cour avant de présenter sa requête. Il arrive que s’adresser à la Cour tôt dans la procédure permette de résoudre les malentendus et d’accélérer l’instruction de l’affaire. C’est ici le cas.

Audition des requêtes interlocutoires par la Cour

[12]  La thèse de l’intimé concernant l’audition des requêtes interlocutoires par notre Cour appelle des commentaires.

[13]  La Cour n’accorde l’audition des requêtes interlocutoires que si le juge chargé de statuer sur la requête estime qu’une audience est nécessaire (voir le raisonnement exposé dans l’ordonnance du 29 avril 2019 dans l’affaire Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), dossier A-312-18 (annexe « A »)). Les parties peuvent énoncer les raisons justifiant la tenue d’une audience dans leurs prétentions écrites accompagnant la requête (par. 369(2) des Règles).

[14]  Somme toute, la requête interlocutoire est tranchée sur dossier, à moins que le juge chargé de statuer sur cette dernière n’en décide autrement.

Requêtes tranchées sur dossier et publicité des débats

[15]  Les requêtes tranchées sur dossier sont tout aussi publiques que les autres. En l’absence d’une ordonnance de confidentialité, les éléments de preuve, les prétentions écrites des parties, les motifs ainsi que les ordonnances de la Cour se trouvent à la disposition du public. Seules les délibérations de la Cour, protégées par le secret du délibéré, ne sont pas rendues publiques.

La requête interlocutoire doit-elle être tranchée avant l’audition de l’appel?

[16]  La requête interlocutoire ne doit pas forcément être tranchée avant l’audition de l’appel; souvent, il convient de déférer la requête à la formation qui instruira l’appel (Bernard, par. 9 à 11, MediaTube Corp. c. Bell Canada, 2018 CAF 127, par. 9 à 14, McKesson Canada Corporation c. Canada, 2014 CAF 290, par. 9 et 10 et la jurisprudence mentionnée).

[17]  Cette décision discrétionnaire est régie par plusieurs facteurs. Suivant la jurisprudence mentionnée, les facteurs dont il faut tenir compte sont notamment les suivants : en tranchant la requête de manière interlocutoire, faisons-nous en sorte d’assurer le déroulement rapide et ordonné de l’audience ? L’issue de la requête est-elle claire et évidente? L’article 3 des Règles régit généralement l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire : nous devons adopter la démarche qui permettra « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ».

La nature de la requête envisagée par l’intimé

[18]  La requête envisagée, telle qu’elle est décrite, soulèvera probablement deux questions. Premièrement – une question de droit –, la réparation demandée au paragraphe 2 de l’avis d’appel peut-elle être accordée dans les circonstances? Deuxièmement, dans l’affirmative – une question de droit et de fait –, la réparation doit-elle être accordée dans les circonstances? L’intimé répondra à ces questions par la négative; les appelantes, par l’affirmative.

Analyse

[19]  Compte tenu des critères énoncés dans les arrêts Bernard, MediaTube et McKesson et des objectifs prévus à l’article 3 des Règles, la requête de l’intimé, si elle était présentée, devrait l’être à la formation saisie de l’appel.

[20]  Dans les circonstances, agir autrement risquerait de multiplier les audiences et de retarder indûment l’instance. Par exemple, si la requête était tranchée avant l’audition de l’appel, l’autorisation de pourvoi pourrait être demandée à la Cour suprême du Canada et, tout d’un coup, là où il n’y avait qu’un seul appel, il pourrait y en avoir deux, devant deux juridictions.

[21]  Il se peut que la requête envisagée, au fil de la plaidoirie et de la défense, donne lieu à un examen complet du bien-fondé du paragraphe 2 de l’avis d’appel. Cette possibilité milite en faveur du renvoi de la requête à la formation saisie de l’appel.

[22]  En outre, déférer la requête à la formation de trois juges saisie de l’appel permettra à cette dernière d’instruire la requête en même temps que l’appel, ce qui répond au souhait commun des parties quant à l’audition de la requête. En outre, la question de savoir si un seul juge peut entendre la requête ne se poserait pas. De plus, la formation de la Cour pourrait peut-être trancher l’appel sans avoir à se prononcer sur la requête. Ainsi, déférer la requête à la formation de la Cour favorise l’économie judiciaire.

[23]  Je n’ajoute pas foi à la thèse selon laquelle la tenue de l’audience ou les prétentions des parties dans le cadre de l’appel seront indûment compliquées par la requête. Notre Cour est fréquemment appelée à statuer sur des requêtes lors de l’audition d’un appel. Certes, la requête pourrait prolonger quelque peu l’audience, mais il est possible de s’organiser en conséquence. Enfin, l’intimé n’a pas évoqué de circonstances qui justifieraient que nous tranchions immédiatement la requête.

Directives et ordonnance

[24]  Ainsi, si l’intimé décide de présenter une requête en radiation du motif énoncé au paragraphe 2 de l’avis d’appel, il devra présenter sa requête à la formation saisie de l’appel.

[25]  À l’appui de la directive et dans un souci de célérité, notre Cour ordonnera à l’intimé, s’il a l’intention de former cette requête en radiation, de déposer son dossier de requête dans un délai de deux semaines. Les délais prescrits aux paragraphes 369(2) et (3) des Règles s’appliqueront ensuite au dépôt du dossier de requête en réponse et de la réplique. Les parties peuvent demander à la Cour de modifier ce calendrier. La Cour l’envisagera si elle est convaincue que la tenue de l’audience ne sera pas retardée inutilement. À ces fins, je demeure saisi.

[26]  Étant donné que la requête envisagée doit être présentée à la formation saisie de l’appel, les parties devront déposer cinq copies du dossier accompagnant la requête, du dossier de réponse et de la réplique.

[27]  Si l’intimé ne présente pas la requête en radiation du paragraphe 2 de l’avis d’appel, il pourra toujours présenter des arguments concernant ce motif d’appel à l’audience.

Autres questions

[28]  La Cour ne sait pas si les appelantes ont l’intention de présenter à la formation chargée de statuer sur l’appel d’autres éléments de preuve concernant le motif énoncé au paragraphe 2 de l’avis d’appel.

[29]  C’est bien connu, le dossier d’appel ne contient généralement que la preuve dont disposait le tribunal de première instance; tout autre élément est considéré comme une nouvelle preuve. En général, la Cour n’accepte de nouveaux éléments qu’en application de la loi, par accord des parties ou par ordonnance rendue sur requête, à quelques exceptions près (voir, par exemple, MediaTube, par. 58, et la jurisprudence mentionnée).

[30]  Afin d’éviter de retarder l’audition de l’appel, je donne pour directive aux appelantes de faire connaître leur position quant à la production de nouvelles preuves le plus tôt possible. Si une requête doit être présentée, elle doit l’être sans tarder.

[31]  Les parties sont invitées à discuter de ces questions et de tout autre point concernant le déroulement du présent appel en vue de favoriser l’atteinte des objectifs énoncés à l’article 3 des Règles.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


ANNEXE A

Date : 20190429

Dossier : A-312-18

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2019

Présent :   LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

ORDONNANCE

ATTENDU QUE le Procureur général du Canada a déposé, le 21 janvier 2019, une requête visant une ordonnance selon laquelle l’appelant, monsieur Lessard-Gauvin devra fournir un cautionnement pour dépens au montant de 4 471,00 $, qui correspond au montant des frais anticipés dans le présent dossier;

ATTENDU QUE l’appelant a communiqué au greffe de la Cour le 22 février 2019, son intention de faire une demande d’ordonnance de confidentialité quant aux éléments suivants :

  1. L’affidavit de David Lessard-Gauvin, incluant les pièces, qui sera inclus dans le dossier de réponse de l’appelant quant à la requête en cautionnement pour dépens de l’intimé; et

  2. Les paragraphes de prétentions écrites incluant des renseignements découlant de l’affidavit de David Lessard-Gauvin, c’est-à-dire les renseignements personnels et documents concernant l’appelant;

ATTENDU QUE le 13 mars 2019, le juge de Montigny a émis une directive selon laquelle l’appelant devait déposer « un dossier complet incluant son affidavit et ses représentations, en identifiant de façon claire les portions pour lesquelles il demande une ordonnance de confidentialité et les raisons qui sous-tendent cette demande »;

ATTENDU QUE la directive émise par le juge de Montigny précise que le greffe et l’intimé « traiteront les documents et les informations identifiés comme confidentiels par l’appelant en conformité avec la Règle 152 jusqu’à ce que la Cour ait disposé de cette requête »;

ATTENDU QUE l’appelant a déposé le 28 mars 2019, un dossier de requête comprenant 191 pages en réponse à la directive du juge de Montigny dans lequel l’appelant explique qu’afin de répondre à la requête de l’intimé, il devra divulguer ses renseignements financiers et son dossier médical afin d’expliquer son instabilité quant à son revenu, sans préciser de quels renseignements il s’agit;

ATTENDU QUE l’appelant soutient qu’une ordonnance de confidentialité est nécessaire parce que l’accès par le public à ses renseignements financiers le mettrait à risque de vol d’identité ou de fraude, d’escroqueries, d’extorsions financières, tandis que l’accès à son dossier médical est susceptible d’entrainer de la discrimination, notamment pour trouver ou maintenir un emploi;

ATTENDU QUE l’appelant insiste sur le fait que sa requête n’est pas une requête présentée en vertu de la Règle 369 des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles);

CONSIDÉRANT QUE nonobstant la directive du juge de Montigny, l’appelant n’a pas produit un dossier complet incluant son affidavit et ses représentations, en identifiant de façon claire les portions pour lesquelles il demande une ordonnance de confidentialité et les raisons qui sous-tendent cette demande mais qu’il s’en est tenu plutôt à des propos généraux qui ne permettent pas à la Cour de décider du bien-fondé de la demande d’ordonnance de confidentialité quant aux renseignements qui sont propres à l’appelant;

CONSIDÉRANT QUE la règle 360 prévoit qu’un avis de requête ne peut être déposé que s’il indique précisément que la requête sera présentée soit à une séance prévue en vertu de la règle 34, soit aux date, heure et lieu fixés en vertu du paragraphe 35(2), soit par écrit selon la règle 369;

CONSIDÉRANT QUE la règle 34 ne s’applique pas à la Cour d’appel fédéral puisque celle-ci ne tient pas de séances générales pour l’audition de requêtes;

CONSIDÉRANT QUE l’administratrice de la Cour d’appel fédérale n’est pas tenu par la règle 35(2) de fixer sur demande une date, heure, et lieu pour l’audition d’une requête et que celle-ci ne fixe pas une telle date à moins qu’un juge de la Cour soit d’avis qu’une audition soit nécessaire pour disposer de la requête;

CONSIDÉRANT QUE le juge soussigné n’est pas d’avis qu’une audition soit nécessaire pour disposer de cette requête;

CONSIDÉRANT QUE la requête telle qu’elle a été présentée n’est pas conforme à la règle 360 et aurait dû être rejetée par le greffe pour ce motif;

CONSIDÉRANT QUE le rejet de la requête pour ce motif ne favorise pas les intérêts de la justice;

CONSIDÉRANT QUE les ordonnances que réclament l’appelant aux paragraphes 1 à 9 de sa requête sont sans objet si cette cour rejette la requête visant une ordonnance de confidentialité;

CONSIDÉRANT QUE les ordonnances que réclament l’appelant aux paragraphes 10 à 27 de sa requête doivent attendre l’issu de la requête de l’intimé;

LA COUR ORDONNE QUE :

  1. La requête de l’appelant soit rejetée au complet avec dépens;

  2. Le délai pour le dépôt du dossier de l’appelant soit prorogé jusqu’au 15 mai 2019.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-140-19

INTITULÉ :

GROUPE SNC-LAVALIN INC., SNC-LAVALIN INTERNATIONAL INC. ET SNC-LAVALIN CONSTRUCTION INC. c. LE DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 mai 2019

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

William McNamara

 

Pour les appelantes

 

David Migicovsky

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour les appelantes

 

Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimé

 

 

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