Date : 20190501
Dossier : A-89-18
Référence : 2019 CAF 102
CORAM :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LA JUGE GLEASON
LE JUGE LOCKE
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ENTRE :
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MARTHA COADY
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appelante
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et
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LE COMMISSAIRE DE LA GRC ET LE BIBLIOTHÉCAIRE ET ARCHIVISTE DU CANADA
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intimés
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Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 30 avril 2019.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er mai 2019.
MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE GLEASON
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Y ONT SOUSCRIT :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LE JUGE LOCKE
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Date : 20190501
Dossier : A-89-18
Référence : 2019 CAF 102
CORAM :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LA JUGE GLEASON
LE JUGE LOCKE
|
ENTRE :
|
MARTHA COADY
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appelante
|
et
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LE COMMISSAIRE DE LA GRC ET LE BIBLIOTHÉCAIRE ET ARCHIVISTE DU CANADA
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intimés
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MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE GLEASON
[1]
L’appelante interjette appel du jugement interlocutoire rendu le 7 mars 2018 par le juge Martineau de la Cour fédérale, par lequel il rejette son appel de l’ordonnance rendue par la protonotaire Tabib le 19 janvier 2018. Par cette ordonnance, la protonotaire a rejeté la requête de l’appelante qui visait à obtenir un exemplaire du dossier d’enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) appelé « Projet Anecdote »
(les documents contestés) qui a été déposé auprès de la Cour fédérale. La protonotaire a également refusé à l’appelante sa requête visant à obtenir une ordonnance interdisant à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), sous la direction de l’un des intimés, le bibliothécaire et archiviste du Canada, de modifier ou de détruire les documents contestés. La requête a été présentée dans le cadre d’une demande de l’appelante, présentée en application de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1, visant la communication des documents contestés.
[2]
L’appelante a déposé une requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve qui ont été soumis à l’examen du présent tribunal. Les éléments de preuve consistent en un affidavit de l’appelante auquel elle a joint plusieurs pièces. Parmi celles-ci se trouvent, aux dires de l’appelante, des extraits des documents contestés que l’appelante dit avoir récemment reçus d’une personne non identifiée qui les a obtenus en réponse à une demande présentée aux termes de la Loi sur l’accès à l’information. Selon l’appelante, il s’agit de mandats de perquisition exécutés dans le cadre du Projet Anecdote dans les bureaux de cabinets d’avocats dont certains membres ont participé à des instances antérieures contre elle, notamment celles ayant entraîné sa radiation du barreau, dans lesquelles les circonstances ayant mené à l’enquête du Projet Anecdote étaient pertinentes.
[3]
J’examinerai la requête déposée par l’appelante en vue de produire de nouveaux éléments de preuve avant d’examiner le fond du présent appel. Le critère régissant de telles requêtes est bien établi et nécessite que la partie qui veut présenter de nouveaux éléments de preuve établisse 1) qu’ils n’auraient pas pu être produits au procès avec diligence raisonnable, 2) qu’ils sont pertinents, en ce sens qu’ils portent sur une question décisive ou potentiellement décisive quant à l’appel, 3) qu’ils sont plausibles, en ce sens qu’on peut raisonnablement y ajouter foi, et 4) qu’ils sont tels que si l’on y ajoute foi, on peut raisonnablement penser qu’ils auraient influé sur le résultat : Palmer c. la Reine, [1980] 1 R.C.S. 759, page 775, 1979 CanLII 8; May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, au paragraphe 107. Ce critère a régulièrement été appliqué par les juges de notre Cour siégeant seuls appelés à trancher des requêtes visant à admettre de nouveaux éléments de preuve en appel : voir Shire Canada Inc. c. Apotex Inc., 2011 CAF 10, au paragraphe 17, [2011] ACF no 49 (Shire); Brace c. Canada, 2014 CAF 92, au paragraphe 11 (Brace). Si les éléments de preuve ne satisfont pas au critère qui précède, la Cour possède tout de même un pouvoir discrétionnaire résiduel lui permettant d’admettre les éléments de preuve en appel. Cependant, ce pouvoir doit être exercé dans l’intérêt de la justice, avec parcimonie et uniquement [traduction] « dans les cas les plus clairs »
: Shire, au paragraphe 18, et Brace, au paragraphe 12.
[4]
Dans le cas présent, les nouveaux éléments de preuve que l’appelante veut produire ne sont nullement pertinents en regard des questions en litige dans le présent appel. Le fait que les cabinets d’avocats ayant participé aux instances disciplinaires engagées contre l’appelante ont également fait l’objet de mandats de perquisition n’est pas pertinent pour déterminer si l’appelante a le droit de demander la communication des documents contestés en application de la Loi sur l’accès à l’information ni si la protonotaire a commis une erreur en refusant l’ordonnance de confidentialité demandée contre BAC. Par conséquent, l’appelante n’a pas satisfait au critère de l’admissibilité.
[5]
Vu que la nature des documents que l’appelante veut présenter n’est nullement pertinente, il n’y a aucune raison que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour les admettre. Je suis également d’accord avec les intimés que bon nombre des déclarations contenues dans l’affidavit de l’appelante sont purement conjecturales et attribuent une conduite conspiratrice et déplacée à plusieurs juges ou anciens juges et avocats, sans quelque preuve que ce soit. La nature des déclarations de l’appelante constitue une raison de plus pour ne pas admettre l’affidavit.
[6]
Je rejetterais donc la requête de l’appelante visant à présenter de nouveaux éléments de preuve, avec dépens fixés à la somme forfaitaire de 600 $.
[7]
En ce qui concerne le fond du présent appel, les normes de contrôle énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, s’appliquent : Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 R.C.F. 331. Par conséquent, nous devons déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur susceptible de révision en rejetant l’appel. Nous devons pour ce faire examiner ses conclusions de droit suivant la norme de la décision correcte et examiner ses conclusions de fait ou ses conclusions mixtes de fait et de droit selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Salomon c. Matte-Thompson, 2019 CSC 14, au paragraphe 34; Sikes c. Encana Corporation, 2017 CAF 37, au paragraphe 12.
[8]
En rejetant l’appel de la décision rendue par la protonotaire, la Cour fédérale a tiré quatre conclusions.
[9]
Premièrement, elle a indiqué que l’appelante avait concédé que son avis de demande modifié avait pour but le contrôle de la décision de la GRC de refuser la divulgation des documents contestés. Par conséquent, ayant conclu que le commissaire à l’information n’était pas à juste titre partie à la demande, la Cour fédérale l’a mis hors de cause. L’appelante ne conteste pas cette conclusion.
[10]
Deuxièmement, la Cour fédérale a, du moins implicitement, appuyé la conclusion de la protonotaire selon laquelle il n’y avait pas lieu de mettre en cause BAC parce que l’appelante n’avait pas demandé les documents contestés à BAC. Cette conclusion n’est pas erronée.
[11]
Troisièmement, la Cour fédérale a conclu que la protonotaire n’avait pas commis d’erreur manifeste et dominante en concluant que la demande de l’appelante visant la communication des documents contestés était prématurée puisque, dans le cadre d’un recours en révision aux termes de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, la Cour reçoit normalement les documents contestés par affidavit de l’institution gouvernementale qui a refusé leur communication. Puisque l’instance n’a pas fini de suivre son cours, la Cour fédérale a conclu que la protonotaire n’a pas commis d’erreur en concluant que la demande était prématurée.
[12]
Enfin, la Cour fédérale a conclu qu’il faudrait refuser la demande de l’appelante visant à interdire à BAC de détruire ou de modifier son exemplaire des documents contestés parce qu’elle n’a pas été entièrement plaidée devant la protonotaire et que rien dans la preuve n’indique que BAC avait l’intention de détruire ou de modifier les documents contestés.
[13]
Les deux dernières conclusions sont des conclusions mixtes de fait et de droit; elles sont donc susceptibles de révision suivant la norme de l’erreur manifeste et dominante. Aucune erreur de cette nature n’a été commise par la Cour fédérale. Ses conclusions étaient étayées par des éléments plus que suffisants et me semblent entièrement correctes.
[14]
Je rejetterais donc le présent appel avec dépens fixés à la somme forfaitaire de 2 400 $.
« Mary J.L. Gleason »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
Yves de Montigny j.c.a. »
« Je suis d’accord.
George R. Locke j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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A-89-18
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INTITULÉ :
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MARTHA COADY c. LE COMMISSAIRE DE LA GRC ET LE BIBLIOTHÉCAIRE ET ARCHIVISTE DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Ottawa (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 30 avril 2019
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MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE GLEASON
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Y ONT SOUSCRIT :
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LE JUGE DE MONTIGNY
LE JUGE LOCKE
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DATE DES MOTIFS :
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LE 1er MAI 2019
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COMPARUTIONS :
Martha Coady
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Pour l’appelante
(pour son propre compte)
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Stephen Kurelek
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Pour les intimés
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Nathalie G. Drouin
Sous-procureure générale du Canada
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Pour les intimés
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