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Date : 20190418


Dossier : A-60-18

Référence : 2019 CAF 94

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

COMMUNITIES AND COAL SOCIETY,

VOTERS TAKING ACTION ON CLIMATE CHANGE, CHRISTINE DUJMOVICH ET PAULA WILLIAMS

appelants

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER ET

FRASER SURREY DOCKS LIMITED PARTNERSHIP

intimés

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 novembre 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 avril 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GLEASON


Date : 20190418


Dossier : A-60-18

Référence : 2019 CAF 94

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

COMMUNITIES AND COAL SOCIETY,

VOTERS TAKING ACTION ON CLIMATE CHANGE, CHRISTINE DUJMOVICH ET PAULA WILLIAMS

appelants

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER ET

FRASER SURREY DOCKS LIMITED PARTNERSHIP

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Les appelants ont interjeté appel d’une décision rendue par le juge O’Reilly de la Cour fédérale (le juge) le 15 janvier 2018 rejetant leur demande de contrôle judiciaire dirigée contre deux décisions prises par l’intimée, l’Administration portuaire de Vancouver-Fraser (l’Administration portuaire), qui approuvait une proposition de l’autre intimé, Fraser Surrey Docks Limited Partnership (FSD), visant la construction d’une installation de transfert de charbon à un terminal maritime situé à Surrey, en Colombie-Britannique (le projet FSD). Le juge a conclu que les décisions avaient été rendues de façon équitable et légale, et qu’elles n’étaient entachées d’aucune crainte raisonnable de partialité.

[2]  L’affaire portait sur l’approbation par l’Administration portuaire, après la réalisation d’une évaluation environnementale, de la construction et de l’exploitation d’une installation de transfert destinée à accueillir le charbon acheminé par rail en provenance des États-Unis dans un terminal situé à Surrey, en Colombie-Britannique. Le charbon serait ensuite embarqué sur des barges ou navires océaniques à destination de l’Asie. Les appelants n’ont pas attaqué le caractère raisonnable des décisions de l’Administration portuaire, et ce, ni devant notre Cour ni devant la cour de première instance. En outre, la question principale consistait plutôt à savoir si le régime de primes au rendement de l’Administration portuaire soulevait une crainte raisonnable de partialité à l’égard de ses décisions d’approuver le projet FSD. Les appelants soutenaient que, dans la mesure où le PDG et le vice-président de l’Administration portuaire reçoivent des primes en fonction de leur rendement individuel par rapport à des objectifs préétablis, ce régime de primes au rendement donnait aux employés de l’Administration portuaire un incitatif financier pour autoriser le projet FSD.

[3]  Or, le 30 janvier 2019, l’Administration portuaire a écrit à FSD pour lui annoncer l’annulation du permis autorisant l’installation de transfert de charbon. Cette décision découlait par FSD des conditions de base liées au permis, plus précisément la condition 81, laquelle exige que FSD démontre, à la satisfaction de l’Administration portuaire, des progrès importants dans la construction du projet FSD avant le 30 novembre 2018. Après avoir appris cette décision dans les médias, la Cour a donné une directive aux parties le 1er mars 2019 afin d’obtenir leurs observations quant au caractère théorique du présent appel.

[4]  Les appelants et l’Administration portuaire ont reconnu que le dossier était devenu théorique, car il n’y a plus de différend concret entre les parties. Le permis à l’origine de la demande de contrôle judiciaire a été annulé; par conséquent, les appelants ont obtenu le résultat qu’ils voulaient.

[5]  Toutefois, les appelants demandent à notre Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre et de trancher l’appel sur le fond. L’Administration portuaire ne nie pas que notre Cour dispose d’un tel pouvoir discrétionnaire, mais elle soutient que les circonstances en l’espèce ne justifient pas l’exercice de celui-ci. Quant à FSD, l’intimé a décidé de ne pas prendre position à ce sujet.

[6]  Dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, 57 D.L.R. (4th) 231, la Cour suprême a défini les considérations de principe que le juge doit prendre en compte lorsqu’il doit décider de l’opportunité, ou non, d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre un dossier théorique. Elles peuvent être résumées comme suit :

  • l’existence d’un rapport contradictoire;
  • la nécessité de promouvoir l’économie des ressources judiciaires;
  • la nécessité pour les juges d’être sensibles à leur mission au titre du pouvoir judiciaire.

[7]  Ayant attentivement soupesé ces facteurs, je suis d’avis que notre Cour ne devrait pas exercer son pouvoir décisionnaire pour trancher le présent appel. Premièrement, comme il est susmentionné, il est manifeste qu’il n’y a plus de rapport contradictoire, car les appelants ont obtenu le résultat voulu.

[8]  De plus, la décision de notre Cour sur le fond de l’appel ne serait d’aucune utilité réelle pour les parties. FSD a refusé de demander le contrôle judiciaire visant la décision de l’Administration portuaire révoquant son permis, et a indiqué n’avoir aucune intention, pour le moment, de présenter une nouvelle demande. Par conséquent, il est purement conjectural de soutenir que l’affaire pourrait faire l’objet d’un contentieux ultérieur, du moins, dans un avenir rapproché. Quoi qu’il en soit, comme je l’expliquerai plus loin, les questions soulevées dans le présent appel n’échappent au contrôle judiciaire.

[9]  Bien entendu, je suis conscient de ce que les parties ont déjà investi des ressources considérables dans la préparation du présent appel; que la procédure contentieuse a duré près de trois ans et demi devant la cour de première instance, et que notre Cour a déjà entendu l’appel sur le fond. Néanmoins, ce ne sont pas des motifs suffisants pour que notre Cour rende une décision qui, pour ainsi dire, serait une opinion sur un renvoi déguisé en appel. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la décision rendue par notre Cour aurait peu de valeur jurisprudentielle à l’égard des questions soulevées en l’espèce et n’aurait que peu d’enseignements quant au lien entre l’existence d’un régime de primes au rendement et la crainte raisonnable de partialité. En outre, en raison de leur nature, les allégations de crainte raisonnable de partialité appellent une analyse qui dépend énormément des faits propres à chaque (Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2003 CSC 45, [2003] 2 R.C.S. 259, paragraphe 77). Je reconnais que les cadres de plusieurs sociétés d’État et administrations portuaires reçoivent une rémunération fondée sur un régime de primes au rendement et d’incitatifs qui pourrait, d’une certaine façon, s’apparenter aux membres de la direction en l’espèce. Toutefois, le principe demeure que chaque affaire repose sur ses propres faits, particulièrement lorsqu’il est question de la notion de la crainte raisonnable de partialité, laquelle dépend intimement du contexte.

[10]  Finalement, je suis conforté dans cette conclusion vu que les questions soulevées par les appelants ne sont pas susceptibles d’échapper à un éventuel contrôle judiciaire. Comme l’ont signalé les avocats des deux parties, l’Administration portuaire prend régulièrement des décisions à l’égard de la délivrance de permis, conformément aux obligations légales que lui impose la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52. Vu le volume de décisions rendues par l’Administration portuaire en matière de permis, et le nombre d’administrations portuaires ou de sociétés d’État qui prendraient des décisions réglementaires sur fond de régimes de rémunération semblables, il semble juste de présumer qu’il y aura certainement, tôt ou tard, une procédure de contrôle judiciaire et qui produira un enseignement quant au type de questions soulevées par les appelants devant la cour de première instance.

[11]  Pour tous les motifs précités, je suis d’avis que le présent appel est théorique et que nous ne devrions pas exercer notre pouvoir décisionnaire pour rendre une décision en l’espèce. Il n’y a aucune raison de se détourner de la pratique habituelle dans des circonstances semblables voulant que chaque partie assume ses propres frais en lien avec le présent appel. Par conséquent, je rejetterais l’appel sans dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-60-18

 

INTITULÉ :

COMMUNITIES AND COAL SOCIETY, VOTERS TAKING ACTION ON CLIMATE CHANGE, CHRISTINE DUJMOVICH ET PAULA WILLIAMS c. ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER ET FRASER SURREY DOCKS LIMITED PARTNERSHIP

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 novembre 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 avril 2019

 

COMPARUTIONS :

Harry Wruck, c.r.

Fraser Thomson

 

Pour les appelants

COMMUNITIES AND COAL SOCIETY, CHRISTINE DUJMOVICH ET PAULA WILLIAMS

 

Harley J. Harris

Daniel H. Coles

 

Pour l’intimée

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER

 

Robert M. Lonergan

Bridget Gilbride

Pour l’intimé

FRASER SURREY DOCKS LIMITED PARTNERSHIP


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ecojustice

Calgary (Alberta)

Pour les appelants

COMMUNITIES AND COAL SOCIETY, CHRISTINE DUJMOVICH ET PAULA WILLIAMS

 

Owen Bird Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l’intimée

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER-FRASER

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour l’intimé

FRASER SURREY DOCKS LIMITED PARTNERSHIP

 

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