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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal


 

Date : 20121207

Dossier : A-511-12

Référence : 2012 CAF 327

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MAINVILLE

ENTRE :

HD MINING INTERNATIONAL LTD. et HUIYONG HOLDINGS (BC) LTD.

appelantes

et

CONSTRUCTION AND SPECIALIZED WORKERS UNION, SECTION LOCALE 1611, INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS, SECTION LOCALE 115, LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA, LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES DU CANADA et CANADIAN DEHUA INTERNATIONAL MINES GROUP INC.

intimés

 

 

 

Requête tranchée par écrit sans comparution des parties

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2012

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                     LE JUGE EN CHEF BLAIS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE EVANS

LE JUGE MAINVILLE

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20121207

Dossier : A-511-12

Référence : 2012 CAF 327

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MAINVILLE

ENTRE :

HD MINING INTERNATIONAL LTD. et HUIYONG HOLDINGS (BC) LTD.

appelantes

et

CONSTRUCTION AND SPECIALIZED WORKERS UNION, SECTION LOCALE 1611, INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS, SECTION LOCALE 115, LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA, LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES DU CANADA et CANADIAN DEHUA INTERNATIONAL MINES GROUP INC.

intimés

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE EN CHEF BLAIS

[1]               La présente décision fait suite à deux avis de requête déposés le 30 novembre 2012 par les parties à l'appel interjeté relativement à l'instance IMM‑11316‑12 qui s'est déroulée devant le juge Campbell.

 

LES FAITS

[2]               Le 22 novembre 2012, le juge Campbell a reconnu la qualité pour agir aux intimés Construction and Specialized Workers Union, section locale 1611, et International Union of Operating Engineers, section locale 115 (les syndicats), leur permettant ainsi de présenter une demande d'autorisation de contrôle judiciaire de la ou des décisions prises par un ou plusieurs fonctionnaires du ministère fédéral des Ressources humaines et du Développement des compétences en ce qui concerne la formulation d'avis au sujet du marché du travail en vertu de l'article 203 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227.

 

[3]               Le 23 novembre 2012, les appelantes, HD Mining International Ltd. et Huiyong Holdings (BC) Ltd. (les sociétés), ont déposé un avis d'appel relativement à la décision par laquelle le juge Campbell avait reconnu la qualité pour agir aux intimés.

 

[4]               Le 30 novembre, les syndicats ont déposé un avis de requête par lequel ils demandaient à notre Cour de radier l'avis d'appel des sociétés. Le même jour, les sociétés ont déposé un avis de requête par lequel elles priaient notre Cour de surseoir à l'exécution de l'ordonnance par laquelle le juge Campbell avait reconnu la qualité pour agir aux intimés en attendant qu'une décision soit rendue sur l'appel.

 

LES THÈSES DES INTIMÉS

[5]               Premièrement, les syndicats soutiennent que la présente affaire est de nature interlocutoire et que l'alinéa 72(2)e) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), rend irrecevable tout appel interjeté d'une décision interlocutoire en matière d'immigration. Les syndicats affirment que la décision du juge Campbell n'a pas eu pour effet de trancher les questions en litige entre les parties et que l'instance est toujours à l'étape préliminaire. De plus, les syndicats rappellent que l'alinéa 74d) de la LIPR prévoit que le jugement consécutif au contrôle judiciaire n'est susceptible d'appel en Cour d'appel fédérale que si le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale. Or, aucune question grave de portée générale n'a été certifiée.

 

[6]               Deuxièmement, les syndicats invoquent les arrêts rendus par notre Cour dans les appels Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 C.F. 255, [2000] A.C.F. no 678 (QL), et ASFC c. C.B. Powell Ltd., 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332, ainsi que d'autres arrêts, qui appuient le principe général suivant lequel ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que les jugements interlocutoires sont susceptibles de contrôle avant que l'affaire n'ait été tranchée de façon définitive.

 

[7]               Troisièmement, les syndicats signalent que la décision de reconnaître la qualité pour agir dans l'intérêt public est une décision discrétionnaire qui ne devrait être modifiée que lorsque le pouvoir discrétionnaire a été exercé sur le fondement d'une erreur de fait ou de droit ou lorsque cette décision discrétionnaire soulève des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

 

LES THÈSES DES APPELANTES

[8]               Les appelantes affirment que l'ordonnance par laquelle le juge Campbell a reconnu la qualité pour agir aux intimés et dont elles interjettent appel n'a pas été rendue en vertu des Règles des Cours fédérales en matière d'immigration et de protection des réfugiés ou de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, dans lesquelles, suivant les appelantes, les questions de qualité pour agir ne sont pas prévues, mais qu'elle a plutôt été prononcée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7. L'ordonnance en question n'est donc pas « prise dans le cadre de » la LIPR, de sorte que l'alinéa 72(2)e) et l'alinéa 74d) de la LIPR ne rendent pas l'appel des sociétés irrecevable.

 

[9]               De plus, les appelantes affirment que l'alinéa 27(1)c) de la Loi sur les Cours fédérales confère à notre Cour la compétence pour statuer sur l'appel d'un jugement interlocutoire.

 

[10]           Deuxièmement, les appelantes font valoir que la compétence de la Cour fédérale est circonscrite par le libellé de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, qui ne lui permet de reconnaître la qualité pour agir qu'aux parties « directement touchées » par la question soumise à la Cour.

 

[11]           Enfin, les appelantes affirment que le juge Campbell a été malencontreusement influencé par une déclaration que le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada a faite aux journalistes et qu'il a présidé l'instance d'une façon qui suscite une crainte raisonnable de partialité.

 

ANALYSE

[12]           J'ai examiné attentivement les arguments des parties et, pour les motifs qui suivent, j'ai décidé de faire droit à la requête des intimés, d'annuler l'avis d'appel des appelantes et de rejeter la requête par laquelle les appelantes réclamaient un sursis en attendant qu'une décision soit rendue au sujet de l'appel.

 

[13]           À titre préliminaire, je conclus que l'ordonnance par laquelle la qualité pour agir a été reconnue aux intimés est de nature interlocutoire en ce sens qu'elle ne tranche d'aucune manière les questions en litige entre les parties dans la présente affaire.

 

[14]           Les appelantes affirment que l'alinéa 27(1)c) de la Loi sur les Cours fédérales crée un droit d'interjeter appel devant notre Cour des jugements interlocutoires de la Cour fédérale. Toutefois, d'autres lois peuvent faire échec à ce droit d'appel, notamment la LIPR (Mahjoub c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CAF 294, au paragraphe 8).

 

[15]           Voici les dispositions pertinentes de la LIPR :

[...] le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d'appel. (alinéa 72(2)e))

 

[...]

 

[...] le jugement consécutif au contrôle judiciaire n'est susceptible d'appel en Cour d'appel fédérale que si le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci. (alinéa 74d))

 

[16]           Les appelantes affirment qu'une décision sur la qualité pour agir n'est pas « prise dans le cadre de » la LIPR. Je ne suis pas de cet avis. Exclure des questions procédurales préliminaires de la catégorie des mesures prises dans le cadre de la LIPR reviendrait à dépouiller l'article 72 de la LIPR de son objet. La qualité pour agir est une condition préalable nécessaire à la formulation de toute question concernant l'immigration devant la Cour fédérale. Les intérêts en jeu dans un litige déterminé et le rapport que les parties entretiennent avec les intérêts en question ne sauraient être dissociés de la question elle-même. La décision portée en appel constitue donc à mon avis une mesure « prise dans le cadre de » la LIPR.

 

[17]           La décision frappée d'appel est une décision interlocutoire et, sauf dans des circonstances exceptionnelles et bien précises, il n'existe pas de droit d'appel. Parmi les circonstances exceptionnelles en question, mentionnons celles dans lesquelles un juge refuse d'exercer sa compétence pour trancher le litige (Canada (Solliciteur général) c. Subhaschandran, 2005 CAF 27, [2005] 3 C.F. 255) et celles dans lesquelles il existe une crainte raisonnable de partialité de la part du juge (Zündel c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2004 CAF 394).

 

[18]           L'argument des appelantes suivant lequel le libellé de la Loi sur les Cours fédérales restreint la qualité pour agir devant la Cour fédérale aux seuls cas où la qualité pour agir est fondée sur un intérêt direct est mal fondé. Notre Cour a déjà reconnu la qualité pour agir dans l'intérêt public ainsi que dans des circonstances n'ayant rien à voir avec des questions constitutionnelles (p. ex. dans l'arrêt Globalive Wireless Management Corp. c. Public Mobile Inc., 2011 CAF 194). Malgré le fait que les appelantes soient prêtes à démontrer que ces arrêts sont erronés, notre Cour refuse de statuer sur une contestation indirecte.

 

[19]           Enfin, après avoir examiné attentivement la transcription de l'audience qui s'est déroulée devant le juge Campbell dans la présente affaire jusqu'ici et en particulier les paragraphes 38 à 42 des observations écrites formulées par les appelantes au sujet de la requête en radiation, je ne vois aucune raison qui me justifierait de conclure que les déclarations ou les actes du juge Campbell suscitent une crainte raisonnable de partialité.

 

[20]           Pour les motifs qui ont été exposés, j'estime que l'appel des appelantes est irrecevable en vertu de l'alinéa 72(2)e) de la LIPR. Par conséquent, la requête en radiation devrait être accueillie, l'appel devrait être annulé et la requête en sursis devrait être rejetée avec dépens.

 

« Pierre Blais »

Juge en chef

 

« Je suis d'accord

            John M. Evans, j.c.a. »

 

« Je suis d'accord

            Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                A-511-12

 

INTITULÉ :                                                              HD MINING INTERNATIONAL LTD. et HUIYONG HOLDINGS (BC) LTD. c. CONSTRUCTION AND SPECIALIZED WORKERS UNION, SECTION LOCALE 1611, INTERNATIONAL UNION OF OPERATING ENGINEERS, SECTION LOCALE 115, LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA, LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES DU CANADA et CANADIAN DEHUA INTERNATIONAL MINES GROUP INC.

 

REQUÊTE TRANCHÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                         LE JUGE EN CHEF BLAIS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                               LE JUGE EVANS

                                                                                    LE JUGE MAINVILLE

                                                                                   

DATE DES MOTIFS :                                             Le 7 décembre 2012

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Alex Stojicevic

Robin Junger

 

POUR LES APPELANTES

 

 

Charles Gordon

Lorne Waldman

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maynard Kischer Stojicevic

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LES APPELANTES

 

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (C.‑B.)

 

 

Glavin Gordon Clements

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LES INTIMÉS

 

Lorne Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

 

 

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