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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20111215

Dossier : A-222-11

 

Référence : 2011 CAF 355

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

JENTEL MANUFACTURING LTD.

 

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 14 décembre 2011

Jugement rendu à Calgary (Alberta), le 15 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE EVANS

                                                                                                                     LE JUGE MAINVILLE


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20111215

Dossier : A-222-11

 

Référence : 2011 CAF 355

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

JENTEL MANUFACTURING LTD.

 

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]        La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’appelante, Jentel Manufacturing Ltd. (Jentel ou la société), a droit, relativement à son exercice 2005, à des crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (crédits d’impôt pour la RS‑DE) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, dans sa version modifiée (la Loi). Le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé les crédits d’impôt pour la RS‑DE demandés par Jentel au motif que les travaux effectués par la société ne satisfaisaient pas à la définition d’« activités de recherche scientifique et de développement expérimental » (RS&DE) contenue au paragraphe 248(1) de la Loi. Le juge D’Arcy, de la Cour canadienne de l’impôt (le juge), a rejeté l’appel de Jentel. Les motifs du juge sont publiés à 2011 CCI 261. Jentel interjette maintenant appel à la Cour.

 

[2]        Jentel conçoit et fabrique des produits en plastique technique thermoformé à usage commercial et industriel. Au cours des années antérieures, la société avait conçu un système de rangement pour petites pièces portant le nom de Multi‑Bins, qui est généralement utilisé dans les ateliers et les usines. Pendant son exercice 2005, Jentel a entrepris de procéder à la refonte de son concept du Multi‑Bins dans le but de l’améliorer de façon à en faire un système de rangement plus petit et beaucoup plus léger.

 

[3]        Le juge a conclu que les travaux effectués par Jentel, qui étaient décrits dans l’exposé conjoints des fait et dans le témoignage du propriétaire et président de la société, Ralph Hahn, ne constituaient pas de la RS&DE au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. L’alinéa c) de la définition se lit comme suit :

« activités de recherche scientifique et de développement expérimental » Investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est‑à‑dire :

c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

 

scientific research and experimental development” means systematic investigation or search that is carried out in a field of science or technology by means of experiment or analysis and that is…

 (c) experimental development, namely, work undertaken for the purpose of achieving technological advancement for the purpose of creating new, or improving existing, materials, devices, products or processes, including incremental improvements thereto,

[4]        Le juge a conclu en particulier que les travaux de Jentel portaient essentiellement sur l’utilisation de procédés de fabrication et de matériaux existants pour essayer d’améliorer son produit existant. Ces travaux incluaient des études techniques courantes et des procédures habituelles (motifs du juge, au paragraphe 10). Dans son témoignage, M. Hahn a décrit simplement « l’utilisation de procédés de fabrication existants pour essayer de fabriquer un produit meilleur, tout en contrôlant les coûts de fabrication » (motifs du juge, au paragraphe 22). La preuve n’établissait pas que les travaux en cause comportaient un risque ou une incertitude technologique (motifs du juge, au paragraphe 16). De l’avis du juge, Jentel n’avait pas apporté la preuve prima facie qu’elle essayait d’aboutir à un progrès technologique (motifs du juge, au paragraphe 27).

 

[5]        Malgré les observations habiles de M. Fenton, j’estime que l’appel doit être rejeté. La conclusion du juge constitue une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle qui s’applique au volet juridique d’une telle question est celle de la décision correcte. L’application du critère juridique aux faits est susceptible de contrôle seulement en cas d’erreur manifeste et dominante : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33. Je ne suis pas convaincue que le juge a commis une erreur de droit ou qu’une de ses conclusions de fait comporte une erreur manifeste ou dominante.

 

[6]        La jurisprudence établit les critères qui servent à déterminer si des travaux constituent de la RS&DE. Dans C.W. Agencies Inc. c. Canada, 2011 CAF 293, la Cour a adopté les critères énoncés dans Northwest Hydraulic Consultants Limited c. La Reine, 98 D.T.C. 1839 (C.C.I.) (Northwest Hydraulic). Le juge a expressément fait référence à ces critères (motifs du juge, au paragraphe 9), en plus de citer certains passages de Northwest Hydraulic (motifs du juge, au paragraphe 11). Il a conclu que Jentel ne satisfaisait pas au premier critère, soit celui qui consiste à savoir s’il existait un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes. Comme cette conclusion permettait de trancher l’affaire, il n’était pas nécessaire que le juge aille plus loin.

 

[7]        Jentel ne laisse pas entendre que le juge a omis de définir le critère juridique approprié. La société prétend plutôt que le juge n’a pas bien appliqué le critère à la preuve. Dans ses observations écrites, Jentel prétendait que le juge aurait dû accorder un poids plus grand au témoignage de M. Hahn étant donné que ce témoignage n’était pas contredit. Cette prétention ne saurait être accueillie puisque le juge a examiné de manière approfondie le témoignage de M. Hahn (motifs du juge, aux paragraphes 18 à 23). C’est d’ailleurs sur ce témoignage que le juge s’est fondé pour affirmer que les travaux de Jentel décrivaient simplement l’utilisation de procédés de fabrication existants pour essayer de fabriquer un produit meilleur, tout en contrôlant les coûts de fabrication (motifs du juge, au paragraphe 22).

 

[8]        Jentel prétend que l’affirmation du juge selon laquelle il n’existait aucune preuve d’un risque ou d’une incertitude technologique constitue une erreur manifeste et dominante étant donné qu’il a [traduction] « conclu » au paragraphe 19 que « l’une des difficultés de ce procédé réside dans le fait que les propriétés de la résine utilisée dans la feuille changent après l’extrusion de la résine plastique. Les spécifications réelles de la feuille extrudée ne sont pas connues ». Or, contrairement à ce que prétend Jentel, le juge n’a pas tiré une telle [traduction] « conclusion ». L’affirmation en question figure dans le résumé fait par le juge du témoignage de M. Hahn et montre que le juge était au courant de la question. Quoi qu’il en soit, le juge a conclu que, en ce qui concerne l’utilisation de différents types de résine plastique ou de matériaux, il ne voyait pas en quoi cela constituait de la RS&DE (motifs du juge, au paragraphe 24).

 

[9]        Jentel soutient également que le juge a commis une erreur en concluant que les améliorations que l’on tente d’apporter à des procédés existants ne peuvent pas constituer de la RS&DE. À mon avis, la société interprète mal les motifs du juge. Ce dernier n’a pas limité la RS&DE aux produits entièrement nouveaux, à l’exclusion des améliorations. En fait, il s’est intéressé aux objectifs de Jentel (motifs du juge, aux paragraphes 12 à 14) avant de conclure que les objectifs mesurables n’allaient pas être atteints au moyen de réels progrès technologiques, mais plutôt par des études techniques courantes. Le travail effectué par Jentel pour la conception du produit était, selon le juge, conforme à la norme de conception de produit.

 

[10]      En ce qui concerne son allégation selon laquelle le juge a commis une erreur en concluant que la preuve ne révélait pas « une tentative d’accomplir un progrès technologique » et le fait qu’elle s’est fondée sur le témoignage de M. Hahn selon lequel il n’existait aucun procédé permettant de créer des articles en plastique moulé ayant les formes, les caractéristiques et les possibilités recherchées, Jentel reconnaît qu’une grande partie du problème technologique concernant la fabrication existait déjà (mémoire des faits et du droit de Jentel, au paragraphe 85). Compte tenu de cette reconnaissance de l’existence préalable des techniques et procédés de thermoformage et de moulage par injection (et donc de la possibilité, pour d’autres professionnels du domaine, d’y avoir accès), combinée au fait que Jentel avait utilisé les deux méthodes dans le passé et n’avait pas soudainement commencé à s’en servir au cours de l’exercice 2005, la conclusion du juge selon laquelle Jentel utilisait un procédé de fabrication courant et disponible est raisonnable.  

 

[11]      Il ne fait aucun doute que le travail effectué par Jentel exigeait des efforts considérables, mais il existe une preuve abondante qui étaye la conclusion du juge selon laquelle les procédures de Jentel ne constituaient pas du développement expérimental, notamment le fait que l’utilisation d’une [traduction] « source froide » était simplement une technologie de thermoformage assisté par poinçon qui [traduction] « existait depuis un certain temps » (motifs du juge, au paragraphe 23).

 

[12]      À mon avis, par ses prétentions, Jentel demande à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de substituer son opinion à celle du juge de première instance. Or, ce n’est pas le rôle de la Cour.

 

[13]      Je ne vois aucune raison de conclure que le juge a omis de tenir compte de tous les éléments de preuve pour déterminer si les travaux qui, selon l’appelante, constituaient de la RS&DE satisfaisaient aux exigences de la Loi suivant la jurisprudence. Le juge a appliqué le critère juridique approprié et ses conclusions étaient fondées sur un examen complet de la preuve. Aucune erreur manifeste ou dominante n’a été établie. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[14]      Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

« Je suis d’accord.

John M. Evans, juge »

 

« Je suis d’accord.

            Robert M. Mainville, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                          A-222-10

 

INTITULÉ :                                                         JENTEL MANUFACTURING LTD. c.

                                                                              SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 14 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                              LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                           LE JUGE EVANS

                                                                              LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                        Le 15 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Trevor E. Fenton

Angela Byrne

 

POUR L’APPELANTE

 

Margaret McCabe

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stonecracker Scientific Law Office

Calgary (Alberta)

POUR L’APPELANTE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

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