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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20111121

Dossier : A-176-11

Référence : 2011 CAF 319

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ALCAN MÉTAL PRIMAIRE,

une division de RIO TINTO ALCAN INC.

appelante

et

GROUPE MARITIME VERREAULT INC.

intimée

et

 

Les propriétaires et autres intéressés

par le remorqueur STEVNS ICECAP

 

mise en cause

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 17 octobre 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LA JUGE TRUDEL

LE JUGE MAINVILLE

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 2011121

Dossier : A-176-11

Référence : 2011 CAF 319

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ALCAN MÉTAL PRIMAIRE,

une division de RIO TINTO ALCAN INC.

appelante

et

GROUPE MARITIME VERREAULT INC.

intimée

et

 

Les propriétaires et autres intéressés

par le remorqueur STEVNS ICECAP

 

mise en cause

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Alcan Métal Primaire, une division de Rio Tinto Alcan inc. (l’appelante) à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale par laquelle le juge Pinard (le juge de la Cour fédérale) a rejeté sa requête contestant la compétence de la Cour fédérale.

 

[2]               L’appelante conteste la compétence de la Cour fédérale pour disposer de l’action intentée par le Groupe Maritime Verreault inc. (l’intimée). Elle prétend que la réclamation de l’intimée relève de la compétence exclusive des tribunaux civils québécois puisqu’il s’agit d’un litige purement civil et que les règles de droit fédérales ne sont pas essentielles à la solution du litige. Selon elle, le juge de la Cour fédérale a commis une variété d’erreurs en tirant la conclusion contraire.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la revendication de l’intimée relève du droit maritime canadien et que c’est à bon droit que le juge de la Cour fédérale a rejeté la requête de l’appelante.

 

FAITS PERTINENTS

[4]               Le litige entre les parties est de nature contractuelle. Il trouve sa source dans le contrat qu’elles ont conclu le 10 juin 2008. Je crois utile de le reproduire dans son intégralité avec l’ajout de paragraphes chiffrés pour faciliter les renvois (dossier d’appel, pp. 29 et 30) :

 

La Baie, le 10 juin 2008

 

ENTENTE INTERVENUE ENTRE :

 

ALCAN METAL PRIMAIRE

262, 1re Rue, C.P. 10

La Baie (Québec) G7B 3R1

Canada

 

ICI REPRÉSENTÉ PAR          Mr. Eric Favre,

                                                Adjoint au Surintendant,

                                                Gestion des opérations portuaires.

                                                Et :

                                                Mr. Ivan Bauret

                                                Titre : Directeur Installations portuaires

 

ET

GROUPE MARITIME VERREAULT

146 RUE PRINCIPALE

LES MÉCHINS (QUÉBEC)

G0J 1T0

 

ICI REPRÉSENTÉ PAR          Mr. Francis Mimeault,

                                                Vice-président Directeur

 

 

[1]     Attendu que l’Alcan désire soit changer, réparer, vendre pour location subséquente, ou augmenter la capacité de ses deux remorqueurs actuellement sa propriété, soit le « Alexis Simard », d’une capacité de 35 (trente-cinq) tonnes, et le « Grande Baie » d’une capacité de 27 (vingt-sept) tonnes, à des capacités respectives variant de 40 à 60 (quarante à soixante) tonnes.

 

[2]     Attendu que Groupe Maritime Verreault désire aider Alcan dans sa recherche d’une solution durable et valable à son problème.

 

IL EST ENTENDU QUE :

 

[3]     Groupe Maritime Verreault s’engage à rechercher un ou des remorqueurs neufs ou usagés, répondant aux besoins d’Alcan, pour revente à Alcan, ou pour acheter et relouer à Alcan, selon le choix de celle-ci.

 

[4]     Si Groupe Maritime Verreault trouve un ou des remorqueurs répondant aux besoins d’Alcan, et qu’Alcan décide d’acheter le ou les remorqueurs en question, Alcan accepte que Groupe Maritime Verreault prélève une commission sur le prix de la transaction à la hauteur de 5% (cinq pour cent), commission étant considérée comme normale dans ce genre de transaction.

 

[5]     Si Groupe Maritime Verreault trouve un ou des remorqueurs répondant aux besoins d’Alcan, et qu’Alcan décide de les louer pour une période prédéterminée de Groupe Maritime Verreault, les deux (2) parties devront alors s’entendre sur un prix de location qui inclura les frais de mise en service à La Baie, les frais d’entretien, de dépréciation, de financement et d’amortissement pour une utilisation normale de(s) l’équipement ainsi loué, ainsi qu’un profit normal pour une telle utilisation. Tout autre frais d’opération, que ce soit carburant, salaire d’opération, assurances diverses, toutes usures jugées anormales, incidents, accidents, et autres, seront à la charge d’Alcan.

 

[6]     Alcan s’engage à ne pas solliciter directement ou indirectement les propriétaires et ou courtiers représentant les propriétaires des remorqueurs que Groupe Maritime Verreault lui trouvera pour achat ou location, et s’engage également, si jamais Alcan était elle-même sollicitée par lesdits propriétaires ou courtiers représentant lesdits propriétaires, à refuser d’effectuer la ou les transactions d’achat ou de location des remorqueurs ainsi trouvés, sans passer par Groupe Maritime Verreault.

 

[7]     Dans les deux (2) cas, si Alcan procède à la location ou à l’acquisition desdits remorqueurs, Alcan s’engage à protéger et payer la commission à Groupe Maritime Verreault.

 

[8]     Si Alcan achète le ou les remorqueurs par l’entremise de Groupe Maritime Verreault, il devra y avoir dans le contrat une entente dans laquelle Alcan s’engage à en faire faire l’entretien et ou les réparations de quelques natures que ce soit par Groupe Maritime Verreault.

 

 

Signé à La Baie en date du 10 du mois de juin 2008-06-10

 

 

ALCAN :                                                      ______________________________

                                                                     Eric Favre

                                                                     Adjoint au Surintendant

                                                                     Gestion des Opérations Portuaires

 

 

ALCAN :                                                      ______________________________

                                                                     Ivan Bauret

                                                                     Directeur Installations portuaires

 

 

GRPE MARITIME VERREAULT :              ______________________________

                                                                     Francis Mimeault

                                                                     Vice-président Directeur

 

 

[5]               C’est le volet courtage de ce contrat qui est à la source du présent litige. Dans le cadre de son action en Cour fédérale, l’intimée allègue que conformément aux paragraphes 3, 6 et 7, elle a identifié et mis l’appelante en contact avec le propriétaire de deux remorqueurs susceptibles de rencontrer les besoins de l’appelante, l’un localisé au Danemark et l’autre en Norvège. Elle ajoute que conformément au paragraphe 4 du contrat, cette dernière lui a payé une première commission (réduite de consentement à 2%) suite à l’achat du remorqueur « Stevns Iceflower ».

 

[6]               Le litige a pris naissance suite à l’achat par l’appelante du second remorqueur, le « Stevns Icecap ». L’intimée allègue avoir appris, en 2011, que l’appelante avait à son insu fait cette acquisition du même propriétaire et réclame une commission de 5% selon les termes du contrat.

 

[7]               C’est afin de faire rayer cette action que l’appelante a déposé une requête contestant la compétence de la Cour fédérale en vertu de la règle 208d) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe.

 

DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[8]               Le juge de la Cour fédérale a rejeté la requête de l’appelante. Après avoir résumé les faits, il a rappelé les principes issus des arrêts ITO – Int’l Terminal Operators Inc. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752 [ITO] et Monk Corp. c. Island Fertilizers Ltd., [1991] 1 R.C.S. 779 [Monk], par lesquels la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur les balises de la compétence de la Cour fédérale en matière de droit maritime.

 

[9]               L’essentiel de l’analyse du juge de la Cour fédérale se retrouve aux pages 4 et 5 de ses motifs :

 

Il est à noter que dans Monk, la partie niant la compétence de la Cour fédérale soutenait que le contrat en cause en était un de vente et achat de marchandises; c’était un cas où il n’y avait rien de maritime au sujet de ces marchandises (des fertilisants) et où ni l’une ni l’autre des parties n’était engagée dans des affaires maritimes (le demandeur était courtier en fertilisants et le défendeur, distributeur en gros de fertilisants).

 

Dans le présent cas, toutefois, considérant le texte de l’entente entre les parties et considérant la nature et le contexte de la demande du Groupe Maritime Verreault, je suis d’avis que cette dernière a un caractère maritime conformément aux analyses contenues dans Monk et ITO, ci-dessus. En effet, les deux parties sont engagées dans des activités de nature maritime, Alcan comme opérateur d’un port et propriétaire de remorqueurs utilisés pour le remouillage de navires et Groupe Maritime Verreault comme pourvoyeur de services maritimes, incluant ventes de navires et services de courtage reliés à l’achat de navires. La réclamation d’une commission, par Groupe Maritime Verreault, est reliée à son service de courtage pour l’achat d’un navire, une affaire manifestement maritime ressortant au droit maritime. Dans tout ce contexte, je considère la réclamation de Groupe Maritime Verreault entièrement liée aux affaires maritimes au point de constituer légitimement du droit maritime canadien qui relève de la compétence législative fédérale.

 

 

POSITION DE L’APPELANTE

[10]           L’appelante caractérise le contrat qui la lie à l’intimée de « contrat de services » (mémoire de l’appelante, para. 4). Elle prétend que ce contrat comprenait deux volets, le premier concernant la recherche de remorqueurs en contrepartie d’une commission, et le deuxième, dans l’éventualité de la conclusion d’une vente, engageant l’appelante à confier l’entretien et la réparation des remorqueurs à l’intimée (ibidem). L’appelante soumet que la réclamation en l’espèce découle du premier volet et qu’il s’agit là d’un contrat de courtage, un domaine qui échappe à la compétence maritime de la Cour fédérale.

 

[11]           L’appelante rappelle, se fondant sur l’arrêt ITO, que le droit maritime canadien se divise en deux volets et prétend qu’aucun des deux ne s’applique à la réclamation de l’intimée. La compétence issue de la Loi sur l’Amirauté ou quelqu’autre loi de même nature jusqu’en 1934 ne trouverait pas application car la revendication n’y est pas reliée (idem, paras. 18 et 19). Pour ce qui est du deuxième volet – le droit qui aurait relevé de la compétence de la Cour de l’Échiquier en sa juridiction d’amirauté si elle avait eu compétence illimitée en matière maritime et d’amirauté, tout en évitant d’empiéter sur la propriété et les droits civils – l’appelante prétend qu’il ne s’applique pas non plus en se basant sur l’arrêt Monk.

 

[12]           Dans cet arrêt, la Cour suprême a retenu le cadre d’analyse suivant pour l’application du deuxième volet : « on doit tout d’abord se demander si les prétentions de Monk sont entièrement liées aux affaires maritimes au point de constituer légitimement du droit maritime canadien qui relève de la compétence législative fédérale » (Monk, pp. 795 et 796). Selon l’appelante, la réclamation en l’espèce ne comporte pas ce caractère maritime. Elle est fondée sur l’exécution en nature de l’obligation découlant du volet « courtage » du contrat.

 

[13]           Dans un autre ordre d’idée, l’appelante soutient que le juge de la Cour fédérale ne pouvait, en l’absence d’un affidavit au soutien, tenir pour acquis l’affirmation de l’avocat de l’intimée selon lequel (dossier d’appel, p. 39) :

In fact, the case at bar is much more obviously maritime than was Monk. In this case, unlike Monk, both parties are engaged in maritime endeavours, [Rio Tinto Alcan inc.] as the operators of a port and owners of tugs required for the berthing of ships, Verreault as general providers of marine services, including sales and purchase brokerage in relation to ships, and the object of the transaction was, indeed, the purchase of ships, all of which are “integrally connected to maritime matters”.

 

[Je souligne]

 

 

[14]           Selon l’appelante, le juge de la Cour fédérale a confondu la nature et l’objet du contrat la liant à l’intimée et la nature et l’objet du contrat de vente intervenu entre elle et le vendeur des remorqueurs (mémoire de l’appelante, paras. 33 à 35). Il a omis de considérer le caractère indépendant des deux contrats (idem, para. 36).

 

[15]            L’appelante s’en remet à cet égard à la décision du juge MacKay dans Amirault c. Prince Nova (Le), [1998] A.C.F. no 557 [Prince Nova]. Dans cette affaire, le juge MacKay a laissé entendre qu’une distinction au niveau de la juridiction maritime de la Cour fédérale pourrait découler du fait qu’une action en dommages-intérêts soit basée sur le bris d’un contrat de courtage plutôt que d’un contrat de vente (idem, para. 39).

 

[16]           Enfin, l’appelante rappelle que dans John E. Canning Ltd. c. Tripap Inc., [2000] A.C.F. no 418 [John Canning], la Cour fédérale a jugé qu’un contrat visant plusieurs engagements dont certains étaient de nature maritime (l’obligation de livrer du bois par la mer) pouvait être scindé et que la réclamation en cause dans cette affaire (la résiliation d’un contrat de vente de marchandise) n’engageait pas la compétence de la Cour fédérale en droit maritime (idem, para. 41).

ANALYSE ET DÉCISION

[17]           À mon avis, le juge de la Cour fédérale a correctement identifié et appliqué la démarche qui découle des arrêts ITO et Monk, et c’est à bon droit qu’il a conclu que la réclamation de l’intimée ressort du droit maritime canadien.

 

[18]           Avant d’aborder les arguments de l’appelante, il y a lieu de considérer le contrat qui sous-tend la réclamation. Il révèle que les remorqueurs de l’appelante n’étaient plus adéquats pour lui permettre de parfaire ses opérations portuaires. En quête de remorqueurs avec une capacité accrue, l’appelante a confié à l’intimée, pourvoyeur de services en matière maritime, la tâche de trouver des navires capables de rencontrer ses besoins. En contrepartie, l’appelante s’est engagée à payer une commission calculée en fonction du prix de vente sur tout achat de remorqueurs de propriétaires que l’intimée lui « trouvera ».

 

[19]           Selon les allégués de l’intimée lesquels doivent être tenus pour avérés dans le contexte du présent litige, c’est suite aux démarches qu’elle a effectuées que l’appelante a pu faire l’acquisition du « Stevns Iceflower ». L’intimée prétend qu’il en est de même pour le « Stevns Icecap », et elle demande, par conséquent, que l’appelante respecte les termes du contrat qu’elle a signé et paye la commission qui lui est due à l’égard de ce deuxième achat.

 

[20]           Abordant les arguments de l’appelante, je note tout d’abord qu’aucun affidavit n’était requis pour établir que les parties au contrat sont toutes deux engagées dans des activités de nature maritime. D’une part, le contrat a pour but de permettre à l’appelante d’acquérir des remorqueurs qui répondent à ses besoins et est signé au nom de l’appelante par « l’adjoint au surintendant des opérations portuaires » et par le « directeur des installations portuaires ». L’affirmation selon laquelle l’appelante opère un port en marge de ses activités d’aluminerie n’exige aucune preuve additionnelle. Quant à l’intimée, le fait que l’appelante ait eu recours à ses services pour régler le « problème » décrit aux paragraphes 1 et 2 du contrat, suffit pour établir sa vocation maritime et en particulier son rôle de fournisseur de services de courtage relié à l’achat de navires.

 

[21]           Il n’y a pas non plus de mérite à l’argument selon lequel la résolution du présent litige ne fait appel à aucune règle particulière issue du droit maritime canadien. Selon l’appelante, les dispositions du Code civil du Québec entourant le mandat sont plus complètes et aptes à résoudre le litige. À mon avis, ceci ne tient pas compte de la plénitude du droit maritime canadien ni du fait qu’il est le même quelque soit l’endroit où il s’applique (ITO, p. 779) :

 

[…] le droit maritime canadien constitue un ensemble de règles de droit fédérales qui englobe les principes de common law en matière de responsabilité délictuelle, de contrat et de dépôt. Je suis aussi d'avis que le droit maritime canadien est uniforme partout au Canada, […]

 

 

[22]           La cause de l’appelante repose entièrement sur la distinction qu’elle fait entre l’achat des remorqueurs, geste éminemment maritime, et les services de courtage qui lui ont permis de faire cet achat. Selon moi, ces deux éléments sont indissociables. Le problème identifié au contrat et le but recherché en le signant, soit la location ou l’acquisition par l’appelante de deux remorqueurs répondant à ses besoins vont de pair. La question de juridiction que soulève l’appelante ne peut se régler en faisant abstraction du contrat qui a donné lieu à la réclamation.

[23]           Le fait que les services rendus par l’intimée n’ont pas été « fournis à un navire pour son fonctionnement ou son entretien » (mémoire de l’appelante, para. 37), ne change rien à l’analyse. De tels services sont indéniablement de nature maritime mais celui qui consiste à permettre que soit acquis un navire dans le contexte qui nous occupe l’est aussi. Le problème identifié par les parties au contrat est sans conteste « entièrement lié aux affaires maritimes » (Monk, p. 795), et la réclamation par l’intimée de son dû pour avoir réglé ce problème l’est tout autant. C’est dans cette perspective que la réclamation doit être considérée.

 

[24]           La décision de la Cour fédérale dans Prince Nova n’étaye pas la thèse de l’appelante. Il s’agissait dans cette affaire de déterminer dans le cadre d’une requête pour rejet, si une action en dommages-intérêts basée sur l’inexécution d’un contrat dont les modalités étaient contestées et qui portaient sur la vente d’un navire relevait de la compétence de la Cour fédérale en matière de droit maritime. Au cours de son analyse, le juge MacKay a laissé entendre que la décision ultime quant à cette question pourrait être différente selon que le contrat en cause en soit un de courtage ou de vente (Prince Nova, para. 19). Il a conclu cet aspect de son analyse comme suit (idem, para. 22) :

 

Si le juge du fond conclut qu'il n'existe pas de contrat entre les parties, ou que l'entente intervenue entre elles ne porte pas sur la vente du navire aux demandeurs et correspond plutôt, par exemple, à un simple contrat de courtage facilitant la vente du navire moyennant le paiement d'une commission, l'entente sera jugée ou non relever

de la compétence en droit maritime de la Cour. Cette question devra être tranchée par le juge du procès, si la présente affaire devait faire l'objet d'un procès.

 

[Je souligne]

 

Le procès, semble-t-il, n’a jamais eu lieu.

 

[25]           Finalement, la conclusion retenue par la Cour fédérale dans John Canning est à l’effet que la réclamation en cause dans cette affaire, notamment des dommages pour la résiliation illégale d’un contrat de vente de pâte de papier, n’était pas reliée aux aspects maritimes du contrat (John Canning, para. 20). Cette conclusion est conforme au principe établi dans l’arrêt Monk, mais n’a rien à voir avec la présente affaire où la réclamation a un fondement éminemment maritime.

 

[26]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

          Johanne Trudel j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

          Robert M. Mainville j.c.a. »


ANNEXE

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

-        L’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi) définit le « droit maritime canadien » :

 

« droit maritime canadien » Droit — compte tenu des modifications y apportées par la présente loi ou par toute autre loi fédérale — dont l’application relevait de la Cour de l’Échiquier du Canada, en sa qualité de juridiction de l’Amirauté, aux termes de la Loi sur l’Amirauté, chapitre A-1 des Statuts revisés du Canada de 1970, ou de toute autre loi, ou qui en aurait relevé si ce tribunal avait eu, en cette qualité, compétence illimitée en matière maritime et d’amirauté.

 

“Canadian maritime law” means the law that was administered by the Exchequer Court of Canada on its Admiralty side by virtue of the Admiralty Act, chapter A-1 of the Revised Statutes of Canada, 1970, or any other statute, or that would have been so administered if that Court had had, on its Admiralty side, unlimited jurisdiction in relation to maritime and admiralty matters, as that law has been altered by this Act or any other Act of Parliament;

 

 

-        L’article 22 de la Loi prévoit la compétence de la Cour fédérale en matière de droit maritime :

Navigation et marine marchande

 

22. (1) La Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas — opposant notamment des administrés — où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d’une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

 

 

 

 

Compétence maritime

 

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants :

 

a) une demande portant sur les titres de propriété ou la possession, en tout ou en partie, d’un navire ou sur le produit, en tout ou en partie, de la vente d’un navire;

 

b) un litige entre les copropriétaires d’un navire quant à la possession ou à l’affectation d’un navire ou aux recettes en provenant;

 

c) une demande relative à un prêt à la grosse ou à une hypothèque, un privilège ou une sûreté maritimes grevant tout ou partie d’un navire ou sa cargaison;

 

d) une demande d’indemnisation pour décès, dommages corporels ou matériels causés par un navire, notamment par collision;

 

e) une demande d’indemnisation pour l’avarie ou la perte d’un navire, notamment de sa cargaison ou de son équipement ou de tout bien à son bord ou en cours de transbordement;

 

f) une demande d’indemnisation, fondée sur une convention relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ou devant en faire l’objet, pour la perte ou l’avarie de marchandises en cours de route;

 

g) une demande d’indemnisation pour décès ou lésions corporelles survenus dans le cadre de l’exploitation d’un navire, notamment par suite d’un vice de construction dans celui-ci ou son équipement ou par la faute ou la négligence des propriétaires ou des affréteurs du navire ou des personnes qui en disposent, ou de son capitaine ou de son équipage, ou de quiconque engageant la responsabilité d’une de ces personnes par une faute ou négligence commise dans la manoeuvre du navire, le transport et le transbordement de personnes ou de marchandises;

 

h) une demande d’indemnisation pour la perte ou l’avarie de marchandises transportées à bord d’un navire, notamment dans le cas des bagages ou effets personnels des passagers;

 

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte-partie;

 

j) une demande d’indemnisation pour sauvetage, notamment pour le sauvetage des personnes, de la cargaison, de l’équipement ou des autres biens d’un aéronef, ou au moyen d’un aéronef, assimilé en l’occurrence à un navire;

 

k) une demande d’indemnisation pour remorquage d’un navire, ou d’un aéronef à flot;

 

l) une demande d’indemnisation pour pilotage d’un navire, ou d’un aéronef à flot;

 

m) une demande relative à des marchandises, matériels ou services fournis à un navire pour son fonctionnement ou son entretien, notamment en ce qui concerne l’acconage et le gabarage;

 

n) une demande fondée sur un contrat de construction, de réparation ou d’équipement d’un navire;

 

o) une demande formulée par un capitaine, un officier ou un autre membre de l’équipage d’un navire relativement au salaire, à l’argent, aux biens ou à toute autre forme de rémunération ou de prestations découlant de son engagement;

 

p) une demande d’un capitaine, affréteur, mandataire ou propriétaire de navire relative aux débours faits pour un navire, et d’un expéditeur concernant des avances faites pour un navire;

 

q) une demande relative à la contribution à l’avarie commune;

 

r) une demande fondée sur un contrat d’assurance maritime ou y afférente;

 

s) une demande de remboursement des droits de bassin, de port ou de canaux, notamment des droits perçus pour l’utilisation des installations fournies à cet égard.

 

Étendue de la compétence

 

(3) Il est entendu que la compétence conférée à la Cour fédérale par le présent article s’étend :

 

a) à tous les navires, canadiens ou non, quel que soit le lieu de résidence ou le domicile des propriétaires;

 

b) à tous les aéronefs, canadiens ou non, quel que soit le lieu de résidence ou le domicile des propriétaires, lorsque le droit d’action découle des alinéas (2)j) à l);

 

c) à toutes les demandes, que les faits y donnant lieu se soient produits en haute mer ou dans les eaux canadiennes ou ailleurs et que ces eaux soient naturellement ou artificiellement navigables, et notamment, dans le cas de sauvetage, aux demandes relatives aux cargaisons ou épaves trouvées sur les rives de ces eaux;

 

d) à toutes les hypothèques ou tous les privilèges donnés en garantie sur un navire — enregistrés ou non et reconnus en droit ou en equity — , qu’ils relèvent du droit canadien ou du droit étranger.

 

Navigation and shipping

 

22. (1) The Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law or any other law of Canada relating to any matter coming within the class of subject of navigation and shipping, except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned.

 

 

Maritime jurisdiction

 

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

 

(a) any claim with respect to title, possession or ownership of a ship or any part interest therein or with respect to the proceeds of sale of a ship or any part interest therein;

 

(b) any question arising between co-owners of a ship with respect to possession, employment or earnings of a ship;

 

(c) any claim in respect of a mortgage or hypothecation of, or charge on, a ship or any part interest therein or any charge in the nature of bottomry or respondentia for which a ship or part interest therein or cargo was made security;

 

(d) any claim for damage or for loss of life or personal injury caused by a ship either in collision or otherwise;

 

(e) any claim for damage sustained by, or for loss of, a ship including, without restricting the generality of the foregoing, damage to or loss of the cargo or equipment of, or any property in or on or being loaded on or off, a ship;

 

(f) any claim arising out of an agreement relating to the carriage of goods on a ship under a through bill of lading, or in respect of which a through bill of lading is intended to be issued, for loss or damage to goods occurring at any time or place during transit;

 

(g) any claim for loss of life or personal injury occurring in connection with the operation of a ship including, without restricting the generality of the foregoing, any claim for loss of life or personal injury sustained in consequence of any defect in a ship or in her apparel or equipment, or of the wrongful act, neglect or default of the owners, charterers or persons in possession or control of a ship or of the master or crew thereof or of any other person for whose wrongful acts, neglects or defaults the owners, charterers or persons in possession or control of the ship are responsible, being an act, neglect or default in the management of the ship, in the loading, carriage or discharge of goods on, in or from the ship or in the embarkation, carriage or disembarkation of persons on, in or from the ship;

 

(h) any claim for loss of or damage to goods carried in or on a ship including, without restricting the generality of the foregoing, loss of or damage to passengers’ baggage or personal effects;

 

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;

 

(j) any claim for salvage including, without restricting the generality of the foregoing, claims for salvage of life, cargo, equipment or other property of, from or by an aircraft to the same extent and in the same manner as if the aircraft were a ship;

 

(k) any claim for towage in respect of a ship or of an aircraft while the aircraft is water-borne;

 

(l) any claim for pilotage in respect of a ship or of an aircraft while the aircraft is water-borne;

 

(m) any claim in respect of goods, materials or services wherever supplied to a ship for the operation or maintenance of the ship, including, without restricting the generality of the foregoing, claims in respect of stevedoring and lighterage;

 

(n) any claim arising out of a contract relating to the construction, repair or equipping of a ship;

 

(o) any claim by a master, officer or member of the crew of a ship for wages, money, property or other remuneration or benefits arising out of his or her employment;

 

(p) any claim by a master, charterer or agent of a ship or shipowner in respect of disbursements, or by a shipper in respect of advances, made on account of a ship;

 

(q) any claim in respect of general average contribution;

 

(r) any claim arising out of or in connection with a contract of marine insurance; and

 

(s) any claim for dock charges, harbour dues or canal tolls including, without restricting the generality of the foregoing, charges for the use of facilities supplied in connection therewith.

 

Jurisdiction applicable

 

(3) For greater certainty, the jurisdiction conferred on the Federal Court by this section applies

 

(a) in relation to all ships, whether Canadian or not and wherever the residence or domicile of the owners may be;

 

(b) in relation to all aircraft where the cause of action arises out of paragraphs (2)(j) to (l), whether those aircraft are Canadian or not and wherever the residence or domicile of the owners may be;

 

(c) in relation to all claims, whether arising on the high seas, in Canadian waters or elsewhere and whether those waters are naturally navigable or artificially made so, including, without restricting the generality of the foregoing, in the case of salvage, claims in respect of cargo or wreck found on the shores of those waters; and

 

(d) in relation to all mortgages or hypothecations of, or charges by way of security on, a ship, whether registered or not, or whether legal or equitable, and whether created under foreign law or not.

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-176-11

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE PINARD DE LA COUR FÉDÉRALE DU 21 AVRIL 2011, N° DU DOSSIER T-313-11.

 

INTITULÉ :                                                                           ALCAN MÉTAL PRIMAIRE, une division de RIO TINTO ALCAN INC. et GROUPE MARITIME VERREAULT INC. et Les propriétaires et autres intéressés par le remorqueur STEVNS ICECAP

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 17 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             La juge Trudel

                                                                                                Le juge Mainville

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 21 novembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Sylvain Deslauriers

POUR L’APPELANTE

 

David F.H. Marler

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deslauriers Jeasonne s.e.n.c.

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

The Law Offices of David F.H. Marler 

Knowlton (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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