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Date : 20110916

Dossier : A-268-11

Référence : 2011 CAF 255

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

                        En présence de madame le juge Dawson

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

appelant,

et

 

Robert MEREDITH et Brian ROACH

(représentant tous les membres de la Gendarmie royale du Canada)

 

défendeurs.

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           En présence de madame la juge Dawson

 

 

 


Date : 20110916

Dossier : A-268-11

Référence : 2011 CAF 255

 

Présent :         En présence de madame le juge Dawson

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

appelant,

et

 

Robert MEREDITH et Brian ROACH

(représentant tous les membres de la Gendarmie royale du Canada)

 

Défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

En présence de madame la juge Dawson

[1]               Le procureur général du Canada (le procureur général) cherche à obtenir une ordonnance suspendant un jugement rendu par la Cour fédérale le 21 juin 2011. La Cour fédérale, dans ledit jugement, pour les motifs figurant dans la décision 2011 CF 735, [2011] A.C.J. no 948, a déclaré inconstitutionnelle la décision du Conseil du Trésor rendue le 11 décembre 2008 au motif qu’elle contrevient à l’alinéa 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). La Cour fédérale a annulé la décision. Le procureur général cherche obtenir la suspension de l’ordonnance dans la mesure où elle établit que les articles 16, 35, 38, 43, 46 et 49 de la Loi sur le contrôle des dépenses, L.C. 2009, ch. 2, art. 393 (la Loi) étaient constitutionnellement invalidés ou soustraits. Finalement, le procureur général cherche à obtenir une ordonnance prescrivant l’instruction accélérée de l’appel et des dépens.

 

[2]               Le 5 août 2011, notre Cour a ordonné que la requête en suspension soit jugée sur dossier.

 

Exposé des faits

[3]               Les faits pertinents du dossier ne sont pas contestés, mais ils seront abordés brièvement dans le cadre de la présente requête.

 

[4]               Le Conseil du Trésor est l’employeur de tous les membres de la GRC. En juin 2008, le Conseil du Trésor a établi le taux de rémunération des membres de la GRC pour la période de 2008 à 2010. La rémunération des membres de la gendarmerie devait augmenter tous les ans. Les augmentations prévues pour l’année 2009 devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

 

[5]               Or, le 11 décembre 2008, le Conseil du Trésor a modifié le taux de rémunération préétabli en raison de l’écroulement de l’économie mondiale. Cette modification venait annuler l’ajustement au marché prévu en 2009, réduisait l’augmentation économique de 2009 de 2 % à 1,5 % et annulait une augmentation prévue du solde de service.

 

[6]               Par conséquent, les défendeurs ont déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil du Trésor en janvier 2009. Les défendeurs ont soutenu que le Conseil du Trésor avait enfreint leur droit à la liberté d’association garanti par l’alinéa 2(d) de la Charte et ont demandé une ordonnance en annulation de la décision de décembre 2008.

 

[7]               Le 6 février 2009, un projet de loi a été déposé pour mettre en œuvre le budget fédéral. La Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2 a reçu la sanction royale le 12 mars 2009. L’article 393 de cette loi avait pour effet d’édicter l’entrée en vigueur de la Loi.

 

[8]               La Loi :

a.                   prévoyait un plafond à l’augmentation de la rémunération à 1,5 % pour les exercices financiers 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011.

b.                  Annulait toute entente ou condition prévoyant une augmentation salariale supérieure à ce taux, y compris les augmentations approuvées par le Conseil du Trésor en juin 2008 pour les membres de la GRC.

c.                   Interdisait, de façon générale, toute nouvelle entente ou condition prévoyait une augmentation salariale supérieure ou une rémunération supplémentaire, et ce, jusqu’au 31 mars 2011.

 

[9]               Par la suite, les défendeurs ont demandé et obtenu l’autorisation de modifier leur demande de contrôle judiciaire afin de contester la constitutionnalité de la décision du Conseil du Trésor et des dispositions pertinentes de la Loi. Puis, ils ont signifié un avis de question constitutionnelle lequel énonçait qu’ils avaient l’intention de contester la validité constitutionnelle, l’applicabilité et l’effet du paragraphe 13(2) et des articles 35, 38, 40, 43, 46 et 49 de la Loi. Les défendeurs ont également contesté l’article 16 de la Loi dans leurs observations verbales.

Décision de la Cour fédérale

[10]           La juge de la Cour fédérale a résumé ses conclusions aux paragraphes 148 à 150 de ses motifs. Elle a écrit :

148.       À mon avis, la décision que le Conseil du Trésor a prise le 11 décembre 2008 ainsi que les articles 16, 35, 38, 43, 46 et 49 de la LCD vont à l’encontre de l’alinéa 2d) de la Charte et cette violation n’est pas sauvegardée par l’article premier.

 

149.     En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens en faveur des demandeurs. La décision du Conseil du Trésor en date du 11 décembre 2008 est annulée.

 

150.     Les demandeurs ne sollicitent aucune réparation au sujet des dispositions de la LCD. En conséquence, je refuse d’ordonner une réparation à cet égard. De plus, la décision du Conseil du Trésor ne constitue pas une violation de contrat et ne donne pas ouverture à une demande de dommages-intérêts.

 

[11]           L’ordonnance de la Cour fédérale se lit comme suit :

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens en faveur des demandeurs. La décision que le Conseil du Trésor a prise le 11 décembre 2008 va à l’encontre de l’alinéa 2d) de la Charte et est annulée. Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens, elles pourront informer la Cour en ce sens dans les cinq jours suivant le prononcé de la présente ordonnance et des directives seront données au sujet des dépens.

 

[12]           Le procureur général a demandé le réexamen de l’ordonnance au motif qu’elle ne comprenait pas de motifs. Le juge a rejeté la requête en réexamen au motif qu’il n’y avait aucune ambiguïté ou incertitude quant à la signification de l’ordonnance d’origine. De l’avis du juge, l’ordonnance accordait la réparation demandée par les défendeurs.

 

 

 

 

Critère pour l’ordonnance d’une suspension

[13]           Les parties à la présente requête reconnaissent que l’appelant doit établir l’existence des trois éléments énoncés dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Les trois éléments étant la question sérieuse, le préjudice irréparable ainsi que la prépondérance des inconvénients.

 

Discussion

[14]           Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que le procureur général n’est pas parvenu à l’établir l’existence d’un préjudice irréparable à défaut d’obtenir la suspension demandée, particulièrement dans l’espèce alors que les défendeurs ont accepté de coopérer avec la Cour et le procureur général afin de s’assurer que l’appel soit entendu à la première occasion.

 

[15]           Dans ses observations écrites, le procureur général soutient les suivantes quant au préjudice irréparable :

[traduction]

42.       À défaut d’accorder la suspension de l’ordonnance de la Cour fédérale annulant la décision du Conseil du Trésor, les modalités et les conditions fixées par celui-ci en juin 2008, avant la crise économique et financière mondiale, seront rétablies. L’appelant subira un préjudice irréparable, à moins que les dispositions attaquées de la [Loi] soient maintenues en vigueur et aient préséance sur ces modalités et ces conditions, ou que la Cour accorde la suspension de toute ordonnance en invalidité ou exemption constitutionnelle. D’abord, l’intérêt public, lequel commande une gestion prudente des dépenses gouvernementales en cette période de retenue fiscale, subira un tort irréparable. Ensuite, les relations de travail du Conseil du Trésor, en tant qu’employeur, seront grevées d’un préjudice irréparable. Plus particulièrement, le Conseil sera forcé à décider s’il établit de nouvelles modalités et conditions pour les membres de la GRC ou s’il leur verse la rémunération rétroactivement. Comme nous l’expliquons dans les suivantes, ces options causent toutes deux un préjudice irréparable. [nos soulignements]

 

[16]           Le procureur général estime que l’intérêt du public subira un préjudice irréparable si la Loi est invalidée ou rendue inopérante, puisque l’intérêt du public réside dans la gestion prudente des dépenses gouvernementales dans le contexte d’une crise économique et financière mondiale.

 

[17]           Il décrit le préjudice aux relations de travail comme suit :

[traduction]

49.       Si la décision de décembre 2008 du Conseil du Trésor est annulée et que les dispositions de la [Loi] sont rendues inopérantes ou invalides, alors le Conseil devra décider de l’une des deux mesures suivantes à l’égard des membres de la GRC,

 

(a)                à savoir s’il devrait verser la rémunération rétroactivement conformément aux modalités et aux conditions fixées en juin 2008; ou

 

(b)               s’il devrait prendre une nouvelle décision modifiant les modalités et les conditions d’emploi conformément à son pouvoir légal; et

 

(c)                le cas échéant, dans l’une ou l’autre de ces options, du type de consultation nécessaire pour éviter de contrevenir à nouveau à la Charte. [Je souligne et j’ai omis les notes de bas de page.]

 

[18]           Les observations du procureur général sont ainsi fondées sur la prémisse voulant que la Cour fédérale eût conclu que les dispositions de la Loi sont invalides ou inopérantes. Or, l’appel dont il est question est interjeté à l’encontre de l’ordonnance, et non des motifs de la Cour fédérale. L’ordonnance ne vise aucunement à invalider ou à exempter certaines dispositions de la Loi. En outre, bien que l’ordonnance annule la décision du Conseil du Trésor, elle ne prévoit aucune autre réparation. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l’ordonnance de la Cour fédérale invalidait ou exemptait certaines dispositions de la Loi par déduction nécessaire.

 

[19]           La preuve n’établit pas, tout comme l’appelant ne l’avance pas, qu’un préjudice irréparable surviendra si la décision du 11 décembre 2008 du Conseil du Trésor n’est pas maintenue durant le processus d’appel.

[20]           Par conséquent, la requête en suspension est rejetée avec dépens. Les avocats informeront la Cour de leur disponibilité pour la tenue d’une conférence téléphonique les 21, 22 et 23 septembre afin de fixer une date pour l’audience et de finaliser un échéancier afin de parfaire l’appel.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

J.C.A.

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       A-268-11

 

 

INTITULÉ :                                                      PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.

                                                                           ROBERT MEREDITH et BRIAN ROACH (représentant tous les membres de la Gendarmerie royale du Canada)

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                           En présence de madame la juge Dawson

 

 

DATE DU JUGEMENT :                                Le 16 septembre 2011

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

J. Sanderson Graham

Ministère de la Justice

 

POUR L’APPELANT

 

Christopher C. Rootham

Barristers & Solicitors

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

Nelligan O’Brien Payne LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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