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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110914

Dossier : A-39-11

Référence : 2011 CAF 251

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

Entre :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

SIEMENS ENTERPRISE COMMUNICATIONS INC.

défenderesse

 

 

 

Demande jugée sur dossier sans audition des parties.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE MAINVILLE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                                                      LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER

 

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110914

Dossier : A-39-11

Référence : 2011 CAF 251

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

Entre :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

SIEMENS ENTERPRISE COMMUNICATIONS INC.

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MAINVILLE

[1]               Le procureur général du Canada (la Couronne) a présenté une demande de contrôle judiciaire visant l’annulation d’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) rendue le 23 décembre 2010, et dont les motifs ont été publiés le 19 avril 2011, concernant différentes plaintes déposées par Siemens Enterprise Communications Inc. (Siemens), anciennement Enterasys Networks of Canada Ltd., en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 ch. 47 (4e suppl.) (la Loi), concernant les demandes de rabais sur volume (DRV) 773, 781, 783, 784 et 785 et portant les numéros de dossier du Tribunal PR-2010-049, PR-2010-050 et PR-2010-056 à PR-2010-058.

 

[2]               Le Tribunal a examiné ces plaintes dans le cadre d’une série d’enquêtes sur des plaintes déposées par Enterasys Networks of Canada Ltd. concernant diverses DRV faites par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) en vue de la fourniture d’équipement de réseau auprès de divers ministères fédéraux en application d’une offre à commandes principale et nationale des Services de soutien de l’équipement de réseau, qui est un moyen par lequel les ministères fédéraux peuvent se procurer de l’équipement de réseau informatique.

 

[3]               La Couronne conteste principalement a) la qualité pour agir de Siemens et la compétence du Tribunal concernant certaines des plaintes, b) l’interprétation par le Tribunal du paragraphe 1007(3) de l’Accord de libre‑échange nord‑américain conclu entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis du Mexique et le gouvernement des États-Unis d’Amérique le 17 décembre 1992, et mis en œuvre par la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre‑échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44 (ALENA), en ce qu’il concerne l’utilisation d’appellations commerciales dans les procédures de marchés publics et c) les conclusions du Tribunal concernant le caractère inadéquat de certains délais à l’égard de certains des DRV.

 

Absence de qualité pour agir ou de compétence

 

[4]               Le principal argument de la Couronne à l’égard des plaintes liées aux DRV 773, 781 et 785 est que le Tribunal n’avait pas compétence parce que Siemens n’était ni un « fournisseur potentiel » ni une « intéressée » au sens de l’article 30.1 de la Loi, et qu’elle ne pouvait donc pas déposer de plaintes en vertu de l’article 30.11 de la Loi puisque ni Siemens, ni aucun de ses représentants n’avaient présenté de soumission en réponse à ces DRV et puisque le Tribunal avait conclu qu’aucun acte de TPSGC dans le cadre de la procédure des marchés publics n’avait empêché Siemens de présenter une soumission.

 

[5]               Le Tribunal a rejeté les arguments de la Couronne sur la qualité pour agir et la compétence en l’espèce pour les mêmes motifs qu’il avait rejeté une objection similaire dans sa décision concernant une autre plainte de Enterasys Networks of Canada Ltd., numéro de dossier du Tribunal PR-2009-080. La décision du Tribunal dans le dossier PR-2009-080 a été récemment révisée par notre Cour dans Procureur général du Canada c. Enterasys Networks of Canada Ltd., 2011 CAF 207 (Enterasys), aux paragraphes 5 à 17. Dans Enterasys, la juge Sharlow a jugé qu’à la lumière des conclusions de fait du Tribunal portant que la plaignante n’avait pas été empêchée de présenter une soumission en raison d’un aspect de la procédure des marchés publics qui pouvait être contesté en vertu de l’ALENA, elle ne satisfaisait pas ainsi à la définition de « fournisseur potentiel » figurant dans la Loi, et le Tribunal était donc légalement tenu de rejeter les plaintes.

 

[6]               En l’espèce, le Tribunal a tiré des conclusions de fait similaires en jugeant que « les actes de TPSGC n’ont pas empêché Siemens de présenter une soumission et, peut-être, de se faire adjuger un contrat » (motifs du Tribunal, paragraphe 274). Les circonstances en l’espèce ne peuvent donc pas être distinguées de celles d’Enterasys et notre Cour est donc liée par les motifs qui y ont été exposés. Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire de la Couronne devrait être accueillie sur cette base, les décisions du Tribunal concernant les plaintes liées aux DRV 773, 781 et 785 devraient être annulées et l’affaire devrait être renvoyée devant le Tribunal avec directive que ces plaintes soient rejetées.

 

Utilisation d’appellations commerciales

 

[7]               Les plaintes concernant l’utilisation d’appellations commerciales en violation du paragraphe 1007(3) de l’ALENA ont été déposées à l’égard des DRV 773 et 781 (motifs du Tribunal, paragraphes 2 à 14). Comme cela est noté ci-dessus, il convient de rejeter les plaintes concernant les DRV 773 et 781 pour absence de qualité pour agir et de compétence; il n’y a donc pas lieu de considérer la question de l’utilisation des appellations commerciales pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire. Toutefois, comme la question a également été examinée dans Enterasys, et vu les similarités entre la présente affaire et Enterasys, j’ajouterai ce qui suit.

 

[8]               La décision du Tribunal en l’espèce concernant l’utilisation d’appellations commerciales dans le cadre de la procédure des marchés publics était largement fondée sur sa décision précédente concernant les plaintes d’Enterasys Networks of Canada Ltd. dans le dossier du Tribunal PR‑2009‑080, qui a été examinée en détail par notre Cour dans Enterasys, précitée, paragraphes 18 à 27. Dans Enterasys, la juge Sharlow a rejeté la proposition implicite contenue dans la décision du Tribunal selon laquelle le paragraphe 1007(3) de l’ALENA exige nécessairement que le gouvernement fédéral prenne des risques opérationnels inacceptables pour se procurer l’équipement. Il s’ensuit que, pour décider si un marché public particulier peut spécifier une appellation commerciale, le Tribunal ne peut écarter ou considérer comme non pertinentes les preuves présentées par TPSGC à l’appui de sa position selon laquelle l’utilisation d’appellations commerciales en liaison avec un marché particulier était nécessaire afin d’éviter un risque opérationnel inacceptable. (Enterasys, paragraphe 25).

 

[9]               En l’espèce, comme dans Enterasys, la façon dont le Tribunal a interprété et appliqué le paragraphe 1007(3) de l’ALENA était déraisonnable en ce que le Tribunal a conclu qu’aucune exception à l’utilisation des appellations commerciales ne pouvait être justifiée sur la base de risques opérationnels et que, par conséquent, aucune des preuves concernant de tels risques n’était pertinente (voir notamment les paragraphes 151 à 153 des motifs du Tribunal).

 

Caractère adéquat du délai

 

[10]           L’objection de la Couronne fondée sur la capacité pour agir ou la compétence ne s’étendait pas aux plaintes concernant les DRV 784 et 783. Conséquemment, les principes exposés dans Enterasys ne s’appliquent pas à ces plaintes.

 

[11]           Le Tribunal a conclu que les périodes de soumission pour les DRV 784 et 783 étaient inférieures aux 4 jours ouvrables prévus dans l’offre à commandes principale et nationale applicable et qu’elles contrevenaient donc à l’article 1012 de l’ALENA, qui exige que les fournisseurs disposent d’un délai suffisant pour préparer et déposer leurs soumissions.

 

[12]           La Couronne reconnaît que la période de soumission pour la DRV 784 était inférieure aux 4 jours ouvrables prévus, mais elle fait valoir qu’il était justifié de réduire le délai applicable en raison de l’urgence de la procédure de marché public concernée. Comme la période de soumission pour la DRV 784 s’est terminée le 24 août 2010 et que le contrat n’a été accordé que le 13 septembre 2010, le Tribunal a conclu que la Couronne n’avait pas démontré que l’urgence justifiait la réduction des délais. Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, je ne peux conclure que la conclusion du Tribunal sur cette question était déraisonnable.

 

[13]           La Couronne conteste également le fait que la période de soumission pour la DRV 783 était de moins de 4 jours ouvrables et soutient que le Tribunal a commis une erreur de fait au paragraphe 216 de ses motifs en concluant que « la période d’invitation pour la DRV 783 a été limitée à deux jours ouvrables partiels et à deux jours ouvrables complets ». La Couronne fait valoir que la période de soumission pour la DRV 783 était plutôt constituée de 3 jours ouvrables complets et de deux demi-jours ouvrables partiels, soit un total de 4 jours ouvrables. Toutefois, la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur ou non en calculant le nombre de jours ouvrables, ou la question de savoir si les jours ouvrables partiels devraient être considérés ou non aux fins du calcul de la période de soumission sont des questions qui n’ont pas à être tranchées dans le cadre du présent contrôle judiciaire vu les conclusions du Tribunal selon lesquelles le préjudice subi par Siemens était peut-être minime ou même nul (motifs du Tribunal, paragraphe 275). Comme le souligne l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 40, la Cour fédérale, et notre Cour par voie de conséquence, jouissent du pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser d’accorder réparation dans le cadre des contrôles judiciaires, un pouvoir discrétionnaire qui doit bien sûr être exercé judiciairement et en conformité avec des principes appropriés. Une décision de notre Cour sur le calcul de la période de soumission n’aura pas d’incidence sur les conclusions du Tribunal quant à l’absence de préjudice envers Siemens et l’absence de réparation dont elle peut se prévaloir. Dans ces circonstances, il est préférable que la Cour ne se prononce pas dans ce dossier sur la méthode de calcul et le caractère adéquat des délais en matière de soumission pour les procédures de marchés publics dans le cadre de l’ALENA.

 

Dépens

 

[14]           Bien que la Couronne ait eu en grande partie gain de cause quant à sa demande de contrôle judiciaire, la plupart des questions qu’elle a soulevées avaient déjà été tranchées dans Enterasys. De plus, la conclusion du Tribunal concernant la réduction injustifiée de la période de soumission de 4 jours ouvrables pour la DRV 784 a été jugée raisonnable. Enfin, la défenderesse n’a pas pris part à l’instance de contrôle judiciaire. Vu tous ces facteurs, je ne prononcerais aucune ordonnance quant aux dépens.

 


Conclusions

 

[15]           J’accueillerais en partie la demande de contrôle judiciaire de la Couronne, j’annulerais les décisions du Tribunal concernant les plaintes liées aux DRV 773, 781 et 785 et je renverrais l’affaire devant le Tribunal avec directive que ces plaintes soient rejetées.

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

     K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                                              A-39-11

 

Demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 23 décembre 2010 du Tribunal canadien du commerce extérieur

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Siemens Enterprise Communications Inc.

 

DEMANDE jugée sur dossier sans AUDItion des parties

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 Le juge Mainville

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             La juge Sharlow

                                                                                                Le juge Pelletier

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 14 septembre 2011

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

David M. Attwater

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David M. Attwater

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

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