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Date : 20110718

Dossier : A‑282‑10

Référence : 2011 CAF 228

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

CORLAC INC., NATIONAL‑OILWELL CANADA LTD.,

et NATIONAL OILWELL INCORPORATED

 

appelantes

et

WEATHERFORD CANADA LTD.,

WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP,

DARIN GRENKE, à titre de représentant personnel
de la succession d’EDWARD GRENKE,
et GRENCO INDUSTRIES LTD.

 

intimés

et

 

L’INSTITUT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

 

intervenant

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), les 13, 14 et 15 juin 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                               LE JUGE EVANS


Date : 20110718

Dossier : A‑282‑10

Référence : 2011 CAF 228

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

CORLAC INC., NATIONAL‑OILWELL CANADA LTD.,

et NATIONAL OILWELL INCORPORATED

 

appelantes

et

WEATHERFORD CANADA LTD.,

WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP,

DARIN GRENKE, à titre de représentant personnel de la succession d’EDWARD GRENKE,

et GRENCO INDUSTRIES LTD.

 

intimés

et

 

 

L’INSTITUT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

           

intervenant

 

MOTIFS DU JUGEMENT

[1]        Il s’agit d’un appel du jugement du juge Phelan de la Cour fédérale (le juge) relativement à une action pour contrefaçon et une demande reconventionnelle concernant le brevet canadien no 2,095,937 (le brevet 937) délivré le 22 décembre 1998 et intitulé « Ensemble d’étanchéité pour pompes à huile, et méthode d’utilisation connexe ».

 

[2]        Les intimés soutenaient qu’il y a eu violation des revendications du brevet 937 concernant la fabrication et la vente des systèmes d’entraînement pour pompe rotative de puits de pétrole des appelantes. Les appelantes ont nié les allégations, contesté la validité du brevet et présenté une demande reconventionnelle à l’encontre des intimés. Les appelantes ont allégué que, par cession ou par licence, elles étaient les propriétaires du brevet 937 et que les intimés avaient porté atteinte à leurs droits sur le brevet. La procédure a fait l’objet d’une ordonnance de disjonction en vertu de laquelle l’instruction sur les dommages‑intérêts était distincte de celle sur la question de la responsabilité.

 

[3]        Le juge a déclaré que le brevet était valide et que les appelantes l’avaient contrefait conjointement et solidairement. Il a accordé une injonction et a ordonné que les dommages‑intérêts soient évalués et que les intérêts et les dépens avant et après jugement soient déterminés. Les motifs du jugement donnés par le juge sont publiés sous 2010 CF 602, 84 C.P.R. (4th) 237.

 

[4]      Les appelantes interjettent appel du jugement pour plusieurs motifs. Le statut d’intervenant a été accordé à l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada (IPIC) afin qu’il puisse présenter des observations relativement à une seule question. Pour les motifs qui suivent, j’accueillerais l’appel à l’égard de la conclusion du juge selon laquelle il y a eu contrefaçon de la revendication 17 du brevet 937. À tous autres égards, je rejetterais l’appel. Pour faciliter la consultation, voici la table des matières des présents motifs.

 

TABLE DES MATIÈRES

Numéro
de paragraphe

 

Le contexte................................................................................................... 5

 

La norme de contrôle................................................................................... 18

 

Les dispositions législatives.......................................................................... 19

 

Les questions en litige.................................................................................. 20

 

L’interprétation des revendications............................................................... 21

 

L’antériorité (divulgation antérieure)............................................................. 36

 

L’évidence.................................................................................................. 66

 

La crédibilité de Grenke............................................................................... 88

 

La paternité de l’invention............................................................................ 96

            Engelen........................................................................................ 100

            Torfs............................................................................................. 104

 

Les fausses représentations au Bureau des brevets...................................... 111

            Le paragraphe 53(1).................................................................... 113

            L’alinéa 73(1)(a).......................................................................... 130

            L’injonction................................................................................. 152

 

Les inférences défavorables....................................................................... 155

 

Conclusion................................................................................................ 172

 

Annexe A............................................................................................ page 76

 

Le contexte

[5]        Le contexte factuel est long et complexe. Il est énoncé en détail dans les motifs du jugement rendus par le juge (les motifs). En première instance, les parties ont formulé 17 questions; il n’y a que sept questions en litige en appel. Nous ne résumerons ici que les faits qui sont essentiels à la compréhension des questions en litige devant notre Cour. Des éléments contextuels supplémentaires pourront être fournis au besoin tout au long des présents motifs. Le résumé ci‑dessous constitue une version très abrégée du contexte factuel donné par le juge.

 

[6]        Les puits de pétrole classiques étaient exploités à l’aide de pompes alternatives à mouvement vertical de va‑et‑vient qui comportaient des boîtes à garniture protégées contre les fuites et les pertes de pétrole. Lorsque les pompes rotatives à rotor hélicoïdal excentré ont commencé à être utilisées par l’industrie, les boîtes à garniture classiques ne fonctionnaient pas bien. La boîte à garniture (à garniture comprimée) recouvre le raccord en T (qui dirige le pétrole vers le lieu d’entreposage) et scelle la tige polie rotative des pompes rotatives à rotor hélicoïdal excentré.

 

[7]        Dans les années 1980, les producteurs de pétrole canadiens ont commencé à avoir un problème commun. Le pétrole pompé du sol contenait des impuretés; on y trouvait de la saleté, du sel et du sable. Les débris créaient du frottement et de la pression. Ces forces exercées sur les boîtes à garniture entraînaient la défaillance des pompes rotatives à rotor hélicoïdal excentré, et étaient accompagnées des pertes de pétrole, de dommages causés à l’environnement et d’arrêts non prévus dans l’exploitation des puits afin de procéder aux réparations.

 

[8]        Les producteurs de pétrole voulaient disposer d’une technologie qui soit empêcherait les boîtes à garniture de tomber, soit leur permettrait d’anticiper la défaillance et ainsi de planifier un échéancier d’entretien adéquat. À la fin des années 1990, H&R Valve (H&R) a soumis à des essais une boîte à garniture prototype utilisant un joint d’étanchéité statique autour de la tige polie. Art Britton (Britton), superviseur d’une équipe d’entretien chez Amoco (producteur de pétrole), surveillait l’essai du prototype. L’idée de base était que l’usure normale de la tige polie et de la garniture pourrait être amoindrie en faisant tourner la tige polie et la garniture ensemble. Britton a discuté du concept de H&R avec son équipe d’entretien (appelée EI), mais rien n’en a résulté.

 

[9]        Edward Grenke (Grenke), machiniste de métier et actionnaire dominant de GrenCo Industries Ltd. (GrenCo), s’est penché sur le problème des boîtes à garniture. Au début de 1991, Grenke et Britton ont discuté du problème et d’une solution possible. Le fils de Grenke, Wes, a dessiné un diagramme du concept de Grenke montrant l’espace annulaire qui accepte des joints dynamiques autour de l’arbre ou du mandrin rotatif.

 

[10]      À la demande de Grenke, Britton a préparé une vidéo sur les sites et les puits qui avaient connu des défaillances de boîtes à garniture. Au printemps de 1991, Grenke et Britton sont allés à Hambourg, en Allemagne, pour examiner les divers types de joints disponibles avec Martin Merkel GmbH (Merkel), société d’ingénierie allemande. Grenke a discuté de sa proposition avec Michael Engelen (Engelen), l’expert en joints chez Merkel, ainsi qu’avec des membres du personnel de chez Merkel. Engelen a formulé des suggestions concernant les types de joints qui pourraient être utilisés dans le dispositif.

 

[11]      Alors qu’il était en Allemagne, Grenke a essayé en vain de contacter Walter Torfs (Torfs), le représentant canadien de A. Friedr. Flender AG (Flender), fabricant de têtes d’entraînement de pompes diverses. Après son retour au Canada, Grenke a rencontré Torfs pour discuter de la manière dont il pourrait fabriquer une unité d’entraînement qui comprendrait l’assemblage de joints. À peu près au même moment, Merkel a modifié les dessins de Grenke pour ajouter un autre mécanisme permettant de convertir les joints statiques en joints dynamiques, dans l’éventualité où les joints subiraient une défaillance, et inversement.

 

[12]      Grenke a construit un prototype de l’assemblage de joints. Le 21 juin 1991, le premier prototype a été installé sur l’un des puits de pétrole d’Amoco. Un deuxième prototype a été installé en août. À peu près au même moment, Grenke a rencontré Torfs et David Scott pour discuter des composants d’entraînement. Une boîte de vitesses de série a été utilisée mais cela n’a pas été un succès, et Flender a accepté d’en concevoir une pour GrenCo. Grenke et Torfs ont discuté des questions de droits d’auteur et convenu d’un partenariat 50‑50 concernant les brevets s’y rapportant. Grenke a continué de travail sur le dispositif au cours de l’automne de 1991 et du printemps de 1992.

 

[13]      En avril et mai 1992, Britton a participé à des négociations commerciales avec Pan Canadian (un autre producteur de pétrole) et a divulgué le fonctionnement interne du prototype aux représentants de Pan Canadian. Les négociations ont donné lieu à l’installation d’un prototype sur l’un des puits de Pan Canadian. Le ou vers le 19 juin 1992, GrenCo a envoyé à Pan Canadian une facture relative à des bordereaux de marchandise, une commande de travail et une note de crédit.

 

[14]      Le 11 mai 1993, Grenke a présenté une demande de brevet relativement à son dispositif. L’invention revendiquée comprend plusieurs joints dynamiques avec un passage anti‑fuites à chaque joint et montre une méthode selon laquelle les passages sont surveillés pour détecter les fuites. La pétition initiale indiquait que Grenke et Torfs étaient les coinventeurs. Le 3 novembre 1993, Torfs est décédé. Flender a accepté que Grenke reprenne les brevets déposés en son nom par Torfs ainsi que ceux déposés conjointement. La cession officielle consentie par Flender porte la date du 24 mars 1994. Le 14 février 1994, Magda Torfs, la veuve de Torfs, a accepté de céder ses droits dans le brevet à Grenke. La cession officielle consentie par Magda Torfs porte la date du 11 novembre 1994. Le 17 août 1994, Grenke a signé sous serment un affidavit faisant foi qu’il était le seul véritable inventeur du brevet et que Torfs n’aurait pas dû être nommé dans la pétition initiale. Cet affidavit a été envoyé au commissaire aux brevets (le commissaire) le 8 décembre 1994.

 

[15]      En 1999, Corlac Equipment Ltd. a commencé à fabriquer (et à vendre en 2000) une boîte à garniture rotative portant le nom de « Enviro ». Les intimés ont intenté une action contre les appelantes au motif que le produit Enviro contrefaisait le brevet 937.

 

[16]      Le juge donne, aux paragraphes 9 à 17 de ses motifs, des renseignements détaillés sur l’identification des diverses parties. En quelques mots, Grenke est le propriétaire et l’inventeur nommé du brevet 937, lequel est cédé par licence à GrenCo. Les droits sur le brevet ont été cédés par sous‑licence à Weatherford Canada Ltd. et par la suite à Weatherford Canada Partnership (collectivement Weatherford). National Oilwell Incorporated (maintenant National Oilwell Varco Inc.) est la société mère de National‑Oilwell Canada Ltd. (collectivement National). National a acheté les actions de Corlac Equipment Ltd. (responsable de la fabrication et des ventes des têtes d’entraînement et des boîtes à garniture). Corlac Inc. était la société mère de Corlac Equipment Ltd. (collectivement Corlac). Des questions sur la structure de l’entreprise, le contrôle, l’octroi de licence et la qualité ont été traitées en première instance, mais ces questions n’ont pas soulevées en appel.

 

[17]      Le procès a commencé le 20 avril 2009, s’est terminé le 1er juin 2009 et a fait intervenir 21 témoins. Les motifs comprennent 380 paragraphes couvrant de multiples questions très diverses. Les questions en appel sont nettement plus étroites que celles examinées en première instance. Fait à noter, au paragraphe 8 de ses motifs, le juge a déclaré que, même si le litige comportait de nombreux éléments techniques et juridiques complexes, le nœud de l’affaire était constitué de « questions concernant la crédibilité, la paternité de l’invention et la prise en compte du comportement des protagonistes en l’espèce ». Il sera renvoyé aux motifs du juge pour les questions soulevées dans le présent appel. « Grenke » et « GrenCo » sont fréquemment utilisés de manière interchangeable dans les motifs du juge. Je ferai de même.

 

La norme de contrôle

[18]      La norme de contrôle applicable est formulée dans Housen c. Nikolaison, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. La Cour suprême a réitéré dans ce pourvoi qu’un appel ne constitue pas un nouveau procès sur l’affaire. Les questions de droit doivent être tranchées selon la norme de la décision correcte. Cela signifie qu’il est loisible à la cour d’appel de substituer son opinion à celle du juge de première instance lorsque celui‑ci commet une erreur de droit. La norme de contrôle applicable aux questions de fait est celle de l’erreur manifeste et dominante; en d’autres mots, les conclusions de fait ne peuvent être infirmées en l’absence d’une erreur importante qui est manifeste. Concernant les conclusions sur les questions mixtes de fait et de droit, il faut voir si elles comportent une erreur manifeste et dominante, à moins qu’il n’existe une question de droit isolable, qui doit être révisée selon la norme de la décision correcte.

 

Les dispositions législatives

[19]      La loi applicable est la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 (la Loi). Les Règles sur les brevets, DORS/96‑423 sont également pertinentes. Le texte des dispositions auxquelles il est fait référence dans les présents motifs est reproduit à l’annexe A.

 

Les questions en litige

[20]      Les appelants soulèvent sept questions, dont plusieurs comportent une ou plusieurs questions subsidiaires. Je traiterai des questions subsidiaires selon ce qu’il sera nécessaire dans le cadre de l’analyse de chacune des questions principales. De manière générale, les questions peuvent se résumer sous les titres suivants : l’interprétation des revendications, la divulgation antérieure (antériorité), l’évidence, la crédibilité de Grenke, la paternité de l’invention, les fausses représentations au Bureau des brevets et les inférences défavorables (incitation).

 

L’interprétation des revendications

[21]      L’argument des appelantes sur l’interprétation des revendications comporte trois éléments distincts. Le premier est que le juge n’a pas interprété les revendications  du brevet 937, le deuxième, qu’il n’a pas interprété les revendications correctement, et le troisième, qu’il n’a identifié  aucun élément essentiel.

 

[22]      Il me semble quelque peu illogique de soutenir que le juge a mal interprété ce qu’il est censé ne pas avoir interprété. La prétention des appelantes selon laquelle leurs revendications ont mal été interprétées n’a pas été formulée dans leurs observations écrites ou à lors de l’audition de l’appel. L’argument constitue une simple affirmation et les appelantes n’ont identifié aucune erreur précise de la part du juge. En l’absence d’allégation visant une erreur en particulier, je n’ai pas l’intention de m’arrêter plus longuement sur cet argument.

 

[23]      Les prétentions selon lesquelles le juge n’a pas interprété les revendications et n’a identifié aucun élément essentiel sont davantage substantielles, mais il ne s’agit pas d’un facteur très important, dans les arguments des appelantes en appel. L’analyse de ces affirmations requiert de les examiner dans le contexte dans lequel les questions ont été soulevées au procès.

 

[24]      Certes, l’interprétation des revendications est une question de droit : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, paragraphe 76 (Whirlpool). Cependant, en interprétant les revendications, le juge s’appuie sur les dépositions des témoins experts, sans être lié par elles, afin de pouvoir interpréter les revendications de façon  éclairée : Whirlpool, paragraphe 57. L’évaluation du témoignage des experts par le juge ainsi que ses conclusions factuelles sur l’état de la technique sont des conclusions de fait qui ne peuvent être infirmées en appel en l’absence d’une erreur manifeste et dominante : Halford c. Seed Hawk Inc., 2006 CAF 275, 54 C.P.R. (4th) 130, paragraphe 11; Whirlpool, paragraphe 62.

 

[25]      Fait à noter, les appelantes ne contestent pas les principes juridiques applicables à l’interprétation des revendications formulés par le juge aux paragraphes 116 à 120 de ses motifs. 

 

[26]      Il est vrai que le juge n’a pas formulé expressément les éléments essentiels des revendications. En première instance, les appelantes ont soutenu que leurs experts avaient identifié les éléments essentiels de l’invention et que le défaut des experts des intimés de faire de même constituait une [traduction] « manœuvre calculée » pour [traduction] « éluder des limitations contenues dans une revendication que [l’inventeur] avait expressément et intentionnellement mentionnées ».  S’appuyant sur Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024 (Free World Trust), les appelantes ont déclaré que les intimés ne pouvaient « s’en prendre qu’à [eux‑mêmes] » pour leur omission. Renvoyant expressément au paragraphe 57 de Free World Trust, les appelantes ont informé le juge qu’il incombait au breveté de démontrer le caractère non essentiel de mots ou de propositions particuliers dans une revendication.

 

[27]      L’examen des témoignages des experts révèle qu’aucun d’entre eux n’a prétendu que des mots ou des propositions dans les revendications n’étaient pas essentiels. Les intimés sont d’accord avec l’affirmation des appelantes selon laquelle tout élément d’une revendication est considéré comme essentiel, sauf lorsqu’une partie soutient qu’il ne l’est pas. Je suis d’accord avec les parties à cet égard, voir : Catnic Components Ltd. c. Hill and Smith Ltd. (1980), [1982] R.P.C. 183, p. 237 (H.L.); Eli Lily & Co. c. O’Hara Manufacturing Ltd. (1989), 99 N.R. 60, 26 C.P.R. (3d) 1, paragraphes 19 et 20 (C.A.F.); Free World Trust, paragraphes 31 et 57; McKay c. Weatherford Canada Ltd., 2008 CAF 369, 74 C.P.R. (4th) 1, paragraphe 18. Par conséquent, en l’espèce tous les éléments sont considérés et traités comme essentiels.

 

[28]      Bien qu’elles prétendent que le juge a omis d’interpréter les termes « passage anti‑fuites » et « pluralité », les appelantes ont seulement plaidé l’ambigüité relativement à ces termes et elles n’ont pas fait valoir leur argument lors de l’instruction. Au contraire, elles ont informé le juge dans leurs observations finales qu’elles ne faisaient pas valoir l’argument sur l’ambigüité : dossier d’appel, vol. 20, onglet 297, page 6253. En tout état de cause, le juge a d’ailleurs conclu expressément que les appelantes n’avaient pas présenté de preuve cohérente selon laquelle les termes étaient obscurs ou ambigus : motifs, paragraphe 353. Je ne vois là aucune erreur de la part du juge.

 

[29]      Les appelantes soutiennent également que le juge devait interpréter la « géométrie des cartouches d’étanchéité et des passages anti‑fuites. » Cette question a été soulevée lors du débat concernant le sens de l’expression « cartouche d’étanchéité ». Le juge a décrit brièvement le litige comme suit : « l’expression cartouche d’étanchéité décrit‑elle une fonction ou un article? ». Il a examiné la preuve et a conclu que l’expression a le sens d’assemblage partiel d’éléments accomplissant une certaine fonction ‑ en l’espèce, celle d’étanchéifier : motifs, paragraphes 128 à 137. Le juge a bien interprété la géométrie de la cartouche d’étanchéité et aucune erreur n’est démontrée quant à l’utilisation de cette expression.

 

[30]      Ensuite, les appelantes disent que le juge a seulement interprété les revendications 1, 6, 9, 11 et 14. Elles affirment que, comme elles contestaient la validité du brevet 937, toutes les revendications auraient dû être interprétées. Les motifs d’invalidité invoqués par les appelantes avaient trait à l’antériorité (qui, à leurs dires, découle de la vente de prototypes à Amoco et à Pan Canadian), à des fausses représentations importantes aux termes du paragraphe 53(1) de la Loi, à l’abandon au sens de l’alinéa 73(1)a) de la Loi et à l’évidence. Parmi ces motifs, seul celui de l’évidence a trait à l’interprétation des revendications.

 

[31]      En ce qui concerne l’évidence, les appelantes contestent la revendication 1 sur le fondement de trois réalisations antérieures et du prototype. Au paragraphe 127 de ses motifs, le juge a interprété la revendication dans les termes suivants :

La revendication 1 décrit un espace annulaire entre un carter (le premier membre fixe) et un manchon (le deuxième membre rotatif) où les cartouches d’étanchéité sont empilées et où des passages de fuites se trouvent dans le carter dans le but de détecter les défaillances de la garniture et où un bouchon ferme au moins un passage.

 

 

Les revendications 2 à 16 dépendent directement ou indirectement de la revendication 1. La revendication 17 est une revendication à part sur laquelle je reviendrai. L’interprétation des revendications 18 et 19 n’est pas en litige dans le présent appel.

 

[32]      Comme nous l’avons mentionné précédemment, le juge a examiné la preuve concernant la « cartouche d’étanchéité » (dans la revendication 1) et a interprété l’expression. Il a fait la même chose pour l’expression « joint dynamique » énumérée comme élément a) de la cartouche dans la revendication 1: motifs, paragraphes 138 à 147. La signification du mot « fermé » dans la revendication 5 était une question en litige et le juge a interprété ce mot : motifs, paragraphes 149 à 154. Dans la revendication 9, la formulation « éléments de garniture comprimés dans le logement annulaire » était une question en litige et le juge a interprété cette expression : motifs, paragraphes 156 à 164.

 

[33]      Les appelantes reconnaissent que l’inventivité des revendications 2 à 13 et 17 à 19 dépend de l’inventivité de la revendication 1 : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 73. Cependant, elles soutiennent qu’aucune caractéristique des revendications 14 à 16 n’est inventive. Elles disent donc que les revendications auraient été évidentes pour une personne versée dans l’art. Le juge a conclu que les revendications 14 et 15 dépendent de la revendication 1 : motifs, paragraphe 192. À mon avis, cette conclusion est juste. Le juge savait qu’il avait à statuer sur un brevet par combinaison. L’ossature fixe (revendication 14) et le système d’entraînement (revendication 15) sont mentionnés en raison de leur utilisation en combinaison avec les éléments de l’invention décrits dans la revendication 1. De plus, le juge a déclaré que la revendication 16 s’appuyait sur la revendication 9 (qu’il a interprétée) : motifs, paragraphe 198. À nouveau, je crois que la conclusion du juge était correcte, essentiellement pour la même raison. J’ajouterais que la revendication 16 dépend de la revendication 9, laquelle, à son tour, dépend de la revendication 1. Dans ces circonstances, et étant donné la façon dont les parties ont traité de la question de l’interprétation, le juge n’était pas tenu d’interpréter plus à fond ce qui n’était pas en litige.

 

[34]      L’argument des appelantes relativement à la revendication 17 ne porte pas sur l’interprétation. Les appelantes soutiennent que la revendication 17 est une [traduction] « revendication de méthode pour l’utilisation du système d’étanchéité de la revendication 1 » : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphes 7 et 73. Cela indique que l’interprétation de la revendication 17 touche dans une grande mesure à l’interprétation de la revendication 1. Cependant, la véritable contestation des appelantes relativement à la revendication 17 est que le juge a erronément conclu à la violation de la revendication sans la présentation de la preuve que les clients de l’appelante avaient réellement utilisé leurs boîtes à garniture d’une manière qui contrefaisait la méthode décrite dans la revendication : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphes 153 à 155 et 157. Je traiterai de cet argument plus loin dans les présents motifs.

 

[35]      En somme, le juge a traité de toutes les questions d’interprétation soulevées par les parties. Aucune question n’a été soulevée relativement au caractère essentiel des éléments de revendication. La signification des expressions « pluralité » et « passages anti‑fuites » n’était pas une question en litige; le juge a étudié la question de la géométrie des cartouches d’étanchéité et des passages anti‑fuites dans son analyse portant sur la formulation de l’expression « cartouche d’étanchéité », ce qui résout le problème des « boîtes à garniture ». Les appelantes n’ont pas démontré que le juge a commis une erreur de droit ou de principe, ni une erreur de fait ou mixte de fait et de droit manifeste ou dominante. Le fait que le juge a préféré le témoignage des experts des intimés (le docteur Salant en particulier) et qu’il a adopté leurs opinions ne constitue pas, en soi, une erreur de droit. En l’espèce, le juge a examiné la preuve (sur les termes ou les expressions en litige) de tous les experts avant d’indiquer ses préférences. Il n’a pas délégué la tâche de l’interprétation aux experts des intimés.

 

L’antériorité (divulgation antérieure)

[36]      L’antériorité est une question mixte de fait et de droit : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, page 533; Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro‑Industries Ltd., 2002 CAF 158, [2003] 1 C.F. 49, paragraphe 46 (Baker Petrolite). Les appelantes soutiennent que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que la boîte à garniture rotative n’avait pas été divulguée au public plus d’un an avant la date du dépôt du brevet 937. Prenant appui sur l’arrêt de notre Cour Baker Petrolite, elles font valoir que la vente des prototypes à Amoco et à Pan Canadian avait entraîné la divulgation de l’objet du brevet.

 

[37]      Le même argument a été présenté au juge de première instance. Celui‑ci a conclu qu’il a peut‑être été imprudent de la part de Grenke de ne pas avoir établi de régime de confidentialité avec les deux sociétés, mais une attente de confidentialité existait compte tenu de la relation qu’il (Grenke) avait chacune d’elles. Comme l’existence d’une telle confidentialité était implicite, la vente des prototypes par GrenCo à Amoco et à Pan Canadian ne constituait pas une communication « au public » et ne rendait pas le brevet public : motifs, paragraphes 297 et 298. Le juge s’est fondé sur Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574 (LAC Minerals) pour conclure à la confidentialité implicite dans les circonstances : motifs, paragraphes 298 à 318.

 

[38]      En particulier, le juge a conclu que les parties avaient une « cause commune » (résoudre le problème des boîtes à garniture) et qu’elles avaient une relation de confiance et de coopération qui donnait lieu à une attente de confidentialité : motifs, paragraphes 294 et 298. La communication à Amoco et à Pan Canadian devait servir « à une fin limitée, certainement pas à la communication au public » : motifs, paragraphe 297. Aucun élément de preuve ne portait sur ce qui a pu être dit à des tiers et l’observation des unités n’aurait rien révélé sur leur fonctionnement interne : motifs, paragraphe 307. Les personnes qui travaillaient dans le domaine ne pensaient pas, pour la plupart, qu’une obligation de confidentialité existait, mais les personnes à des échelons supérieurs de la hiérarchie pensaient que la confidentialité était de mise : paragraphes 293 et 301. Tant Amoco que Pan Canadian savaient que Grenke n’avait pas les moyens de mettre son dispositif à l’essai et elles ont mis à sa disposition des installations pour effectuer les essais : motifs, paragraphes 294. La divulgation de Grenke faisait partie du processus qu’il avait entrepris aux fins de procéder à des essais sur le terrain, d’établir l’utilité, d’apporter les améliorations nécessaires au design et de parachever l’invention : motifs, paragraphe 301. Les deux sociétés se sont comportées comme si les unités étaient confidentielles en ne les révélant pas à d’autres : motifs, paragraphe 297.

 

[39]      La relation d’Amoco avec Grenke était plus étroite que celle avec Pan Canadian. Amoco, représentée par Britton, avait participé aux discussions sur le développement avec Merkel. Néanmoins, Pan Canadian avait le même problème de boîte à garniture qu’Amoco et elle savait ou aurait dû savoir que la vente du dispositif qui lui était consentie devait servir à une fin limitée, liée au développement, et ne visait pas à constituer une communication au public : motifs, paragraphes 295 et 305. Appliquant LAC Minerals, le juge a conclu que la vente des prototypes, comme elle avait été consentie dans des circonstances donnant lieu à une obligation de confidentialité, ne pouvait pas constituer une communication antérieure aux termes de la Loi : motifs, paragraphe 298.

 

[40]      Les appelantes soutiennent que LAC Minerals ne s’applique pas parce que cet arrêt ne porte pas sur la vente de renseignements confidentiels ou sur le concept de communication au public dans la Loi. Elles soulignent l’absence d’une entente orale ou écrite entre GrenCo et Amoco ou Pan Canadian.

 

[41]      Selon les appelantes, [traduction] « le titre de ces produits a été transféré à ces sociétés sans restriction et ils ont été divulgués au public ». Elles affirment en outre que les intimés n’ont présenté aucune preuve sur la pratique suivie dans l’industrie en matière de confidentialité et qu’ils n’ont pas non plus démontré que la pratique suivie dans l’industrie pouvait constituer le fondement de la condition contractuelle implicite. Par conséquent, selon les appelantes, il ne s’agissait pas d’un cas approprié pour imposer une telle condition implicite. Même s’il en était autrement, il incombait aux intimés de démontrer qu’il existait une [traduction] « condition contractuelle implicite découlant d’une coutume notoire qui est tellement connue dans le marché dans lequel elle est censée exister que ceux qui font affaire dans le marché concluent des contrats où l’usage est une condition implicite » : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 78. La supposition de Grenke selon laquelle les prototypes demeureraient confidentiels [traduction] « ne suffit pas à imposer une obligation de confidentialité » : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 86. Comme les intimés échouent à cet égard, l’imposition d’une obligation de confidentialité dans de telles circonstances constitue une « erreur de droit », car le juge n’a pas considéré le critère juridique applicable à l’imposition d’une condition contractuelle implicite.

 

[42]      Si les appelantes ont raison d’estimer que les prototypes ont été vendus à Amoco et Pan Canadian sans restriction (de manière inconditionnelle), le brevet pourrait être invalide pour cause d’antériorité. L’article 2 de la Loi précise qu’une invention doit être nouvelle. Lorsque l’on procède à une enquête sur la nouveauté, l’invention ne doit pas se heurter à une antériorité. Pour réussir à faire invalider un brevet en invoquant le motif d’antériorité, le prétendu contrefacteur doit satisfaire aux exigences de divulgation antérieure et de caractère réalisable, ayant fait l’objet d’un examen distinct : Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265 (Sanofi). S’il n’y a pas de divulgation, il ne peut y avoir de caractère réalisable. Les éléments de preuve à examiner ne concernent que les réalisations antérieures (en l’espèce, le prototype) selon la compréhension qu’en aurait la personne qualifiée.

 

[43]      C’est l’article 28.2 de la Loi qui régit la divulgation. L’article prescrit notamment que l’invention ne doit pas faire l’objet d’une communication « qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs » plus d’un an avant la date de dépôt du brevet. L’on se demandait en première instance si la vente à Pan Canadian avait eu lieu antérieurement à la période de grâce d’un an, mais les intimés n’ont pas sérieusement contesté dans le présent appel que les ventes à Amoco de même qu’à Pan Canadian avaient eu lieu plus d’un an avant la date du dépôt.

 

[44]      Au paragraphe 97 de Baker Petrolite, notre Cour déclare ce qui suit :

C’est la vente inconditionnelle [de l’invention] à l’acheteur qui rend le produit accessible au public. Si l’acheteur peut procéder à l’analyse du produit par rétroingénierie sans contrainte, cela suffit. La question de savoir comment l’acheteur entend traiter l’analyse, c’est‑à‑dire s’il compte la divulguer ou non, n’est pas un facteur pertinent. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[45]      Le raisonnement de Baker Petrolite comporte deux éléments. Comme la Loi prévoit une présomption de validité, il incombait aux appelantes d’établir : 1) les ventes et 2) que les ventes n’étaient pas conditionnelles. Comme nous l’avons indiqué, l’existence des ventes est reconnue par tous. Le débat tourne autour de la question de savoir si les ventes étaient inconditionnelles.

 

[46]      Les appelantes reconnaissent (avec raison selon moi) qu’il leur incombe d’établir l’existence de la divulgation antérieure. En l’espèce, ce fardeau entraîne l’obligation d’établir la nature inconditionnelle des ventes. Cependant, les appelantes soutiennent que, dès qu’elles ont présenté la preuve des ventes inconditionnelles à des parties indépendantes (c’est‑à‑dire, sans entente orale ou écrite), le fardeau tactique passe alors aux intimés de démontrer que les ventes étaient assujetties à une restriction. Les appelantes soutiennent que les intimés ont échoué à cet égard. Le juge est toutefois parvenu à une conclusion différente. Dans des circonstances où, après avoir procédé à l’appréciation de la preuve, un juge parvient à une conclusion factuelle fondée sur la totalité de la preuve, il n’est pas permis à une cour d’appel de modifier sa conclusion en l’absence d’une erreur manifeste et dominante, quel que soit le fardeau tactique.

 

[47]      En ce qui a trait aux « ventes inconditionnelles », comme il a été dit précédemment, le juge s’est appuyé sur LAC Minerals pour décider si la confidentialité existait. Si elle existait, il a fait le raisonnement que les prototypes n’auraient pas été divulgués au public. En d’autres mots, si la confidentialité existait, les ventes ne seraient pas considérées comme « inconditionnelles ». Il me semble qu’il s’agit au bout du compte d’une conclusion factuelle ou, tout au plus, d’une question mixte de fait et de droit.

 

[48]      La Cour suprême était divisée dans LAC Minerals. Malgré le désaccord parmi les cinq membres du tribunal en ce qui a trait à l’existence d’une obligation fiduciaire, la Cour a unanimement approuvé et adopté implicitement le « critère de l’homme raisonnable » énoncé dans Coco c. A.N. (Engineers) Ltd., [1969] R.P.C. 41 (Ch.) (Coco), pour déterminer si une obligation de confidentialité existe dans une situation donnée : LAC Minerals, paragraphes 10, 11, 161 et 162. On juge que des renseignements ont été échangés dans le cadre d’une relation confidentielle lorsque [traduction] « tout homme raisonnable se mettant à la place de celui qui reçoit les renseignements se serait rendu compte, s’il existait des motifs raisonnables de le croire, que les renseignements lui ont été donnés de manière confidentielle » : Coco, pages 47 et 48. Le juge Sopinka a également fait référence au passage suivant de Coco (page 51), lequel a été cité par le juge dans la présente affaire :

[traduction]  En particulier, lorsque des renseignements ayant une valeur commerciale ou industrielle sont donnés sur une base d’affaires en vue d’un objet déclaré, comme une entreprise conjointe ou la fabrication d’articles par une partie pour une autre, je considérerais que celui à qui ces renseignements ont été confiés doit faire une preuve très solide s’il veut réfuter la prétention qu’il était tenu à une obligation fondée sur des rapports de confiance.

 

 

[49]      Je suis d’accord avec les appelantes que les faits de la présente espèce diffèrent de ceux de LAC Minerals. Dans cette dernière affaire, les questions avaient trait à un abus de confiance et à un manquement éventuel à l’obligation fiduciaire. Cependant, selon mon interprétation des motifs du juge, celui‑ci n’estimait pas que la présente espèce était analogue à LAC Minerals. Il a plutôt voulu extraire de cet arrêt des principes généraux applicables aux communications confidentielles, y compris en ce qui a trait aux facteurs à considérer pour déterminer la question de savoir si la confidentialité existe. La jurisprudence ultérieure ne déroge pas substantiellement aux principes relatifs à la confidentialité énoncés dans LAC Minerals. Étant donné la généralité de cet arrêt à cet égard, je ne vois aucune raison de principe (et les appelantes n’en ont fait valoir aucune) pour laquelle le juge n’aurait pas dû s’appuyer sur cette décision aux fins pour lesquelles il l’a fait.

 

[50]      Les appelantes elles‑mêmes invoquent LAC Minerals à l’appui de leur affirmation selon laquelle toute obligation de confidentialité fondée sur la pratique suivie dans l’industrie doit être clairement « notoire ». À mon avis, une telle affirmation est exagérée et incorrecte. Les commentaires du juge La Forest visaient à répondre aux arguments des parties et celui‑ci traitait de la distinction entre « coutume » (terme qu’il a interprété de manière large et qu’il a effectivement considéré comme équivalent à « pratique » au Canada) et « usage ». Le terme « notoriety » [en français : « notoriété »] est utilisé dans une définition du terme « usage » [en français : « usage »] dans Halsbury’s Laws of England, vol. 12, 4e éd., paragraphe 445. Le juge La Forest a exprimé une réserve sur certaines parties de la définition et s’est expressément abstenu de trancher la question de savoir si la « pratique » dont l’existence était établie par le témoignage des cadres et des experts de LAC équivalait en droit à un « usage ». Il a néanmoins conclu que la preuve de la pratique suivie dans l’industrie suffisait à fonder une attente de confidentialité en l’espèce. Si on l’applique au concept de la confidentialité en général, l’extrait donne tout au plus à penser qu’il peut être pertinent de prendre en compte le niveau de la notoriété d’une pratique suivie dans l’industrie pour trancher la question de savoir si la personne raisonnable se considère comme ayant une obligation de confidentialité. Aucun critère de « notoriété » distinct n’a été énoncé. Le critère de la confidentialité est le critère de Coco adopté par la Cour et cité précédemment dans les présents motifs.

 

[51]      Le juge n’a pas expressément mentionné le « critère de l’homme raisonnable » aux fins de savoir si les prototypes avaient été vendus dans des circonstances donnant lieu à une obligation de confidentialité. Au paragraphe 315 de ses motifs, il a fait référence au passage précédemment cité de Coco. Il traitait alors de la question de la divulgation à Merkel et à Flender (qui ne fait pas l’objet du présent appel), mais il est clair que le juge connaissait le critère de Coco. De plus, étant donné qu’il s’est expressément appuyé sur LAC Minerals à cet égard et qu’il a fait référence au terme « raisonnable » aux paragraphes 297 à 299 de ses motifs, je suis convaincue que le juge a abordé la question de la confidentialité dans la perspective d’un homme raisonnable en conformité avec le critère de Coco.

 

[52]      L’obtention de renseignements confidentiels dans le cadre de rapports de confiance crée l’obligation de ne pas utiliser ces renseignements pour une autre fin que celle en vue de laquelle ils ont été donnés : LAC Minerals, paragraphe 16. À mon avis, on ne peut pas considérer que des renseignements obtenus dans le cadre de rapports de confiance ont été communiqués au public aux fins de la Loi. Par conséquent, comme je l’ai indiqué précédemment, si la conclusion du juge – selon laquelle les ventes des prototypes à Amoco et à Pan Canadian avaient été faites dans des circonstances dans lesquelles celles‑ci avaient l’obligation de garder l’invention secrète – n’était pas manifestement erronée, l’argument des appelantes relatif à l’antériorité ne saurait être retenu.

 

[53]      Il ne fait aucun doute que le juge a estimé que l’absence d’une communication orale ou écrite concernant la confidentialité était importante, mais non décisive. De même, à mon avis, un certain secret entourait manifestement le prototype. Il était le fruit du travail et du développement de Grenke au commencement de l’année 1991; il n’était pas accessible au public; aucun dispositif de ce genre n’existait dans le marché. Le point crucial est de savoir si GrenCo a vendu les prototypes à Amoco dans des circonstances faisant naître une obligation de confidentialité. Les diverses conclusions du juge à cet égard sont résumées plus haut. Aux fins présentes, il suffit de réitérer sa conclusion selon laquelle tant Amoco que Pan Canadian avaient une « cause commune » avec Grenke et qu’elles avaient une relation de confiance et de coopération qui faisait naître une attente de confidentialité : motifs, paragraphes 294 et 298. Les appelantes ne contestent pas sérieusement l’existence d’une cause commune – dans l’industrie, le problème des boîtes à garniture préoccupait tout le monde. Selon les appelantes, c’est plutôt la conclusion sur l’existence d’une relation de confiance et de confidentialité qui est manifestement erronée, car elle n’est pas étayée par la preuve.

 

[54]      Pour ce qui est d’Amoco, il y avait certainement des éléments de preuve qui contredisaient l’existence d’une attente de confidentialité à l’égard des unités. Cette preuve comprend le témoignage versé dans le dossier d’appel du membre de l’équipe d’entretien EI d’Amoco, George (onglet 283, transcription pages 19 et 20); le membre de l’équipe d’entretien EI d’Amoco, Krucik (onglet 287, transcription pages 61 à 63); le travailleur d’Amoco à Elk Point, Fair (onglet 283, transcription page 100); l’ingénieur de la production d’Amoco à Elk Point, Urich (onglet 287, transcription pages 59 à 61 et 68); et le contremaître de district d’Amoco à Elk Point, Johnson (onglet 287, transcription page 52). Il ressort généralement de ces témoignages qu’Amoco pouvait faire ce qu’elle voulait avec le prototype et qu’il n’y avait aucune entente de confidentialité.

 

[55]      Certains éléments de preuve allaient aussi dans le sens de la conclusion contraire. Amoco était très impliquée dans le développement du brevet. Une note interne d’Amoco portait sur la mise à l’essai des prototypes et des solutions à apporter à certains problèmes : dossier d’appel, vol. 5, onglet 113, pages 1581 à 1585. Britton a remercié dans une lettre le personnel d’Amoco pour sa participation dans le développement : dossier d’appel, vol. 9, onglet 252, page 3018. Amoco a payé le voyage en Allemagne de Britton pour discuter du dispositif avec Merkel : dossier d’appel, vol. 16, onglet 279, transcription page 32. Selon le témoignage d’Urich, Amoco participait au développement du dispositif : dossier d’appel, vol. 17, onglet 287, transcription pages 57, 71 et 83.

 

[56]      De plus, le témoignage de Wes Grenke indique qu’il comprenait que les prototypes constituaient des unités d’essai et qu’il ne fallait pas en parler : dossier d’appel, vol. 16, onglet 277, transcription page 116. Grenke a livré le même témoignage : dossier d’appel, vol. 16, onglet 280, transcription pages 48, 63 et 64. Le contremaître à la production d’Amoco, Dudley, a témoigné qu’il existait une obligation de confidentialité relativement aux unités d’essai : dossier d’appel, vol. 17, onglet 281, transcription pages 102 à 105.

 

[57]      Johnson a témoigné en interrogatoire principal qu’aucune condition de confidentialité expresse n’existait concernant l’achat d’Amoco, que le prototype n’était pas une unité d’essai et qu’Amoco pouvait faire ce qu’il voulait avec l’unité. Il a également témoigné qu’il ne l’aurait pas fourni [traduction] « pour des raisons éthiques et morales […] à un autre compétiteur de tête d’entraînement » et qu’il [traduction] « ne l’aurait pas démonté et donné à [des compétiteurs de GrenCo] ». Il a reconnu que les membres de l’industrie essayaient de collaborer afin de résoudre le problème : dossier d’appel, vol. 17, onglet 287, transcription pages 17 à 20. En contre‑interrogatoire, il a témoigné que l’utilisation du prototype était [traduction] « un essai privé chez Amoco », qu’Amoco avait financé le projet, faisait le travail, le faisait pour elle‑même et n’en avait pas fait un [traduction] « projet conjoint de l’industrie que chacun aurait aidé à financer et à propos duquel nous aurions eu de grandes assemblées » : dossier d’appel, vol. 17, onglet 287, transcription pages 37 à 40 et 49 à 56.

 

[58]      Les appelantes font valoir le témoignage de Matthews, l’expert des intimés sur la pratique suivie dans l’industrie, à l’appui de leur affirmation selon laquelle, si la vente d’une unité d’essai avait lieu, la partie venderesse devait instituer un régime de confidentialité au moins en tenant des discussions orales relativement à la confidentialité. L’affirmation est exagérée. Matthews a déclaré qu’il [traduction] « supposait qu’il fallait au moins une entente ou convention verbale ». Il a ajouté qu’il [traduction] « n’était pas rare à l’époque, et aujourd’hui encore, que les entreprises effectuant les essais, les pétrolières en particulier, paient le développement des prototypes et soutiennent les vendeurs ». De plus, [traduction] « on sait que le vendeur est le propriétaire des droits sur l’unité. L’exploitant est, bien sûr, celui qui l’utilise. Ils font par conséquent ce qu’ils veulent avec l’unité sur le terrain, mais il y a une entente qui va au‑delà du simple paiement ou de l’achat du dispositif » : dossier d’appel, vol. 15, onglet 271, transcription pages 195 et 196.

 

[59]      La tâche du juge était de mettre les éléments de preuve en balance et de parvenir à une conclusion. C’est lui qui a observé les témoins et entendu leurs témoignages. Certains éléments de preuve dans le dossier étayent la conclusion du juge selon laquelle Amoco et Grenke avaient une cause commune ainsi qu’une relation de confiance et de coopération. Comme « les parties faisant cause commune et celles utilisant des prototypes [] s’attendaient au respect des renseignements confidentiels et l’obtenaient » (motifs, paragraphe 300), on ne peut pas dire que la conclusion du juge, selon laquelle la divulgation à Amoco devait servir à une fin limitée et certainement pas à la divulgation au public, était manifestement erronée.

 

[60]      Pour ce qui est de Pan Canadian la preuve est faible. Il n’y avait pas d’entente de confidentialité et Pan Canadian n’était pas impliquée dans le développement du dispositif. Le juge a conclu que Britton avait divulgué le fonctionnement interne du prototype aux représentants de Pan Canadian durant leurs négociations : motifs, paragraphe 304. L’ancien mécanicien et contremaître à l’entretien de Pan Canadian, Derewynka, a témoigné qu’il pensait que Pan Canadian pouvait démonter l’unité pour l’entretien ou le remplacement des joints d’étanchéité et qu’il pouvait permettre à d’autres producteurs de pétrole de venir sur le site et d’observer le prototype. Fait à noter, il n’a pas dit que Pan Canadian aurait permis à d’autres d’observer le fonctionnement interne du prototype : dossier d’appel, vol. 17, onglet 286, transcription pages 33, 34, 42, 46 et 47. Je suis d’accord avec les appelantes qu’aucune preuve n’étaye de manière directe l’existence d’une relation de confiance et de coopération entre Grenke ou GrenCo et Pan Canadian.

 

[61]      Néanmoins, le juge de première instance était convaincu que les unités vendues à Pan Canadian ou dont il avait été discuté avec celle‑ci étaient des unités d’essai et que la pratique suivie dans l’industrie voulait que les unités d’essai aient un caractère confidentiel. Des éléments de preuve au dossier étayent cette conclusion. La lettre de Pan Canadian datée du 8 février 1994 reconnaissait (même si c’était après le fait) que le dispositif de GrenCo présentait des [traduction] « caractéristiques et concepts de design nouveaux » : dossier d’appel, vol. 5, onglet 88, page 1399. Wes et Ed Grenke ont tous deux souligné que les prototypes étaient des unités d’essai : dossier d’appel, vol. 16, onglet 278, transcription page 25, onglet 279, transcription pages 65 et 66; dossier d’appel, vol. 76, onglet 281, transcription pages 17 et 18. Selon le témoignage de Britton, les unités étaient des unités d’essai (dossier d’appel, vol. 17, onglet 184, transcription page 190) et la mise à l’essai s’est poursuivie jusque vers le milieu de 1992 (motifs, paragraphe 296). Les unités ont été produites en quantité limitée : motifs, paragraphe 296. Dudley a convenu de la nature confidentielle des unités d’essai : dossier d’appel, vol. 17, onglet 281, transcription pages 103 et 104.

 

[62]      Par ailleurs, Matthews a témoigné que le simple examen de l’extérieur du prototype ne permettait pas à l’observateur de connaître son fonctionnement interne : dossier d’appel, vol. 5, pages 1605 à 1607; que le fait de sortir les pompes sur le terrain ou de les faire installer par des équipes de forage ne constituait pas une divulgation de renseignements confidentiels; qu’il était dangereux pour les observateurs de continuer à forer le terrain pour voir l’équipement; que les unités d’essai pouvaient rester sur le terrain pendant une période de temps prolongé sans perdre leur confidentialité : dossier d’appel, vol. 15, onglet 271, transcription pages 137, 138, 141, 143, 144, 172, 173 et 199 à 201.

 

[63]      Tout bien pesé, et même si un juge différent aurait pu parvenir à une autre conclusion, comme le juge s’est imprégné de la preuve et qu’il a eu le bénéfice de voir et d’entendre les témoins, il lui était loisible de conclure que les prototypes vendus à Pan Canadian, ou dont il avait été discuté avec elle, étaient des unités d’essai et que la pratique généralement suivie dans l’industrie voulait que de telles unités soient considérées comme confidentielles. Les conclusions auxquelles il est parvenu sont étayées par des éléments de preuve dans le dossier. Sur le fondement de ces conclusions, il lui était aussi loisible de décider que les ventes à Pan Canadian ou les discussions avec elle en avril 1992 ne constituaient pas une communication antérieure au sens de l’article 28.2 de la Loi.

 

[64]      Il découle des conclusions du juge ainsi que de mes conclusions sur ces dernières que Baker Petrolite n’est d’aucun secours pour les appelantes en l’espèce.

 

[65]      Enfin, fait important, le juge a conclu que les prototypes fournis à Amoco et à Pan Canadian n’étaient pas les mêmes que la boîte à garniture rotative décrite dans le brevet 937. Des modifications ont été apportées avant la finalisation du design. Malgré le témoignage de Grenke selon lequel celui‑ci croyait que le prototype avait essentiellement résolu le problème et que les améliorations étaient sans importance (témoignage invoqué avec beaucoup d’insistance par les appelantes), le juge est parvenu à une autre conclusion. Le témoignage de Skoczylas sur la nature des améliorations (dossier d’appel, vol. 6, onglet 129, pages 1969 et 1987 à 1990) et celui de Salant selon lequel les améliorations étaient inventives (dossier d’appel, vol. 5, onglet 123, pages 1661 et 1662; vol. 14, onglet 272, transcription pages 17 à 44 et 57 à 59) étayent la conclusion du juge. En réalité, le juge a fait le commentaire suivant : « Une différence existe entre croire que l’on a la solution au problème et achever la conception et la fonction de sorte que l’invention fonctionne comme prévu ». Il a alors considéré comme établi que « [l]e travail qui restait à faire pour la conception finale portait des améliorations, mais elles étaient importantes » : motifs, paragraphe 309. Étant donné la preuve dont il disposait, il était loisible au juge de parvenir à cette conclusion (laquelle constitue à mon avis une conclusion implicite d’inventivité). En soi, cela suffit aussi pour trancher l’argument sur l’antériorité des appelantes.

 

L’évidence

[66]      Les appelantes soutiennent que le juge [traduction] « n’a pas procédé à une analyse sur l’évidence et/ou a donné des motifs insuffisants à l’appui de sa conclusion sur l’évidence » : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 41. Plus particulièrement, elles affirment que le juge a commis une erreur de droit en ne procédant pas à [traduction] « l’analyse élaborée dans Pozzoli ». De plus, il aurait commis une erreur en acceptant la preuve des experts des intimés sans résoudre les contradictions entre les éléments de preuve et il aurait ainsi fait défaut de parvenir à une conclusion indépendante sur l’évidence.

 

[67]      L’affirmation des appelantes concernant « l’analyse élaborée dans Pozzoli » est exagérée. Dans Sanofi, la Cour suprême a déclaré que « [l]ors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd. [et] récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA » : Sanofi, paragraphe 67 (renvois omis, non souligné dans l’original). La cour n’a pas établi un critère juridique obligatoire. Au contraire, son approbation de la jurisprudence constitue une mise en garde contre l’adoption «  d’une règle trop rigide qui restreint l’examen portant sur l’évidence ». Le juge Rothstein a expliqué que « dans la plupart des cas où il est appelé à statuer sur les faits, le juge ou le jury ne doit appliquer une règle rigide que si la loi l’y oblige » : Sanofi, paragraphe 63. En vérité, « [l]orsque l’évidence est en cause, le bien‑fondé de la décision ne dépend pas de ce que son auteur a paraphrasé ou non le texte de la loi » ou qu’il en a fait usage « d’une certaine manière » : Sanofi, paragraphe 61. Plutôt, une « démarche large et flexible englobant [traduction] “toute considération accessoire pouvant se révéler éclairante” convient davantage » : Sanofi, paragraphe 63.

 

[68]      Quoique Sanofi identifie le cadre énoncé dans Pozzoli et le recommande comme un outil utile, le défaut de suivre explicitement la structure ne constitue pas, en soi, une erreur de droit. Au cours de leur plaidoirie, les appelantes ont indiqué qu’il n’était pas nécessaire de traiter expressément des étapes proposées dans Pozzoli si on en tient compte [traduction] « en substance ». En l’espèce, il faut supposer que le juge a compris la finalité de la démarche Pozzoli puisqu’il a expressément indiqué que Sanofi a modifié le « critère » énoncé dans Beloit Canada Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1986), 64 N.R. 287, 8 C.P.R. (3d) 389 (C.A.F.) (Beloit): motifs, paragraphe 320.

 

[69]      Les appelantes conviennent que le juge a procédé correctement à la première étape : l’identification de la personne versée dans l’art. Quoiqu’elles soutiennent que le juge n’a pas expressément identifié l’idée originale du brevet (comme cela est prévu à la deuxième étape de Pozzoli), elles reconnaissent qu’il a fait référence aux « principaux concepts » dans ses motifs. Quoi qu’il en soit, la deuxième étape indique qu’il est suffisant d’interpréter le brevet si l’idée originale ne peut être facilement discernée dans les revendications. Comme nous l’avons indiqué précédemment, le juge a correctement interprété les revendications du brevet. De plus, le brevet 937 est un brevet par combinaison. Il est donc par essence constitué de la combinaison unique revendiquée, même s’il se peut que les éléments individuels de l’invention, pris un à un, ne soient pas inventifs. Comme notre Cour l’a récemment expliqué, « [i]l ne serait pas juste vis‑à‑vis la personne revendiquant une invention de combinaison de décomposer la combinaison en ses éléments pour conclure que, chacun de ceux‑ci étant bien connus, ladite combinaison est nécessairement évidente » : Bridgeview Manufacturing Inc. c. 931409 Alberta Ltd. (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188, C.P.R. (4th) 195, paragraphe 51 (Bridgeview), autorisation de pourvoi rejetée, [2010] C.S.C.R. no 346; Free World Trust, paragraphe 27. Le juge a fait référence à ce principe : motifs, paragraphes 240 et 241. À mon avis, l’analyse du juge démontre dans l’ensemble qu’il a implicitement considéré la substance ses deux premières étapes de Pozzoli.

 

[70]      Le point central de l’argument des appelantes porte sur le défaut prétendu du juge de considérer les troisième et quatrième étapes de Pozzoli. Les appelantes soutiennent en outre que les motifs du juge sont insuffisants pour permettre à la Cour de déterminer comment ou pourquoi il est parvenu à ses conclusions, et donc pour effectuer un examen valable en appel.

 

[71]      Comme cela a été le cas pour l’interprétation des revendications, l’appréciation de l’analyse du juge requiert d’examiner la façon dont les appelantes ont traité de la question de l’évidence lors de l’instruction. Quoique les appelantes aient explicitement reconnu que les [traduction] « questions de l’évidence et de l’antériorité sont très différentes », leurs arguments concernant ces deux questions étaient réunis sous le même sujet de [traduction] « l’invalidité » : dossier d’appel, vol. 20, onglet 297, pages 6308 à 6355. Il n’est guère étonnant que le juge ait choisi considérer l’évidence comme un reflet des observations écrites des appelantes sur l’antériorité, particulièrement du fait que les appelantes ont invoqué la « même communication » et la « même réalisation antérieure » relativement à ces deux questions : motifs, paragraphes 321 et 322. Les observations écrites des appelantes concernant les réalisations antérieures étaient interdépendantes d’une manière similaire. Elles portaient que l’invention était rendue évidente en raison de la divulgation au public du prototype de GrenCo, de la référence API et de la combinaison des deux : dossier d’appel, vol. 20, onglet 297, pages 6342, 6343, 6347, 6348, 6354 et 6355. Les appelantes font également valoir que le brevet des États‑Unis no 3,913,752 (le brevet 752) rendait l’invention évidente uniquement [traduction] « en combinaison avec les structures de joint d’étanchéité de l’API et/ou le [prototype] » : dossier d’appel, vol. 20, onglet 297, pages 6350 et 6355. De même, dans le présent appel, les appelantes soutiennent que le brevet des États‑Unis no 4,372,379 (le brevet 379) ne rendait évidentes que les revendications 14 à 16 du brevet 937. Par conséquent, le juge n’était pas tenu de considérer expressément l’effet de ces réalisations antérieures séparément du prototype ou des structures de joint d’étanchéité de l’API.

 

[72]      La troisième étape de Pozzoli porte sur l’identification des différences entre les réalisations antérieures et les idées originales de la revendication, ou de la revendication telle qu’elle est interprétée. Étant donné la structure des arguments des appelantes, si le juge avait expressément suivi le cadre de Pozzoli, il aurait considéré directement le prototype et la référence API. Il ressort clairement des motifs du juge qu’il a considéré le prototype. Cependant, étant donné ma conclusion antérieure selon laquelle le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que les ventes des prototypes de GrenCo à Amoco et à Pan Canadian ne constituaient pas une divulgation de l’invention au public, le prototype ne constitue pas une réalisation antérieure et est sans importance en ce qui a trait à la question de l’évidence. La question de la référence API justifie une analyse plus approfondie.

 

[73]      Le juge n’a pas expressément mentionné la référence API dans son analyse sur l’évidence. Il a toutefois expliqué que les appelantes s’étaient appuyées, aux fins de l’évidence, sur les mêmes réalisations antérieures que celles sur lesquelles elles s’étaient appuyées pour la communication antérieure, soit des « brevets [des États‑Unis] et […] des publications, dont des manuels industriels » : motifs, paragraphes 317, 318 et 322 (non souligné dans l’original). La référence API est décrite avec raison comme un manuel industriel compris dans la réalisation antérieure dont il a été question au procès. Le brevet 752 est un brevet des États‑Unis.

 

[74]      Les appelantes soutiennent que la référence API est un [traduction] « un système de joints dans lequel des joints dynamiques sont utilisés pour sceller l’extérieur d’un manchon qui tourne avec l’arbre de pompe. » Elles font remarquer qu’il y a [traduction] « deux joints dynamiques mécaniques […] et une bague auxiliaire […] qui pourrait également être un joint dynamique comme une rondelle d’étanchéité » (non souligné dans l’original). Elles ajoutent que les raccords placés entre les joints peuvent être utilisés pour détecter les fuites : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphes 59 et 60. Les intimés insistent sur le fait que dans le brevet 937, il s’agit de joints dynamiques non mécaniques : mémoire des faits et du droit des intimés, paragraphe 33.

 

[75]      Au vu du dossier, de l’acceptation par le juge des témoignages des experts des intimés et de son interprétation du brevet 937, la position des intimés est correcte : motifs, paragraphes 127, 128, 133, 137, 138, 140, 142 et 147. Voir aussi : l’affidavit de Salant, dossier d’appel, vol. 5, onglet 123, pages 1646 et 1647, paragraphe 32; l’interrogatoire principal de Salant, dossier d’appel, vol. 15, onglet 272, transcription pages 32 et 33; le rapport de réfutation de Skoczylas, dossier d’appel, vol. 6, onglet 129, page 1998, paragraphe 123; le contre‑interrogatoire de Nelson, dossier d’appel, vol. 18, onglet 288, transcription pages 52 et 53. De plus, selon la preuve des intimés, le système de scellement dont il est question dans la référence API fonctionne seulement pour créer des joints séquentiels redondants lorsque l’orifice de détection initial est fermé après une défaillance du joint initial : contre‑interrogatoire de Skoczylas, dossier d’appel, vol. 16, onglet 276, transcription pages 53 à 60. Le système de scellement redondant dont il est question dans le brevet 937 n’a pas besoin d’une telle intervention externe.

 

[76]      Pour ce qui concerne le brevet 752, la preuve fournie par les appelantes indique que cette réalisation antérieure nous montre l’utilisation d’un joint dynamique dans une pompe à piston (plongeur coulissant) plutôt que dans une pompe rotative à rotor hélicoïdal excentré : affidavit de Nelson, dossier d’appel, vol. 11, onglet 261, pages 3416 à 3418, paragraphes 128 à 130. Nelson a également indiqué que le brevet 752 nous montre l’utilisation de deux joints, d’un passage de détection des fuites et d’un autre passage anti‑fuites qui est utile en cas de défaillance complète du système de scellement : contre‑interrogatoire de Nelson, dossier d’appel, vol. 18, onglet 288, transcription pages 153 à 159. Le brevet 937 fait état de l’utilisation de plusieurs joints dynamiques annulaires avec passage anti‑fuites pour chaque joint.

 

[77]      Les appelantes soutiennent que le brevet 379 porte sur un type de dispositif d’entraînement rotatif pour tête de puits qui présente presque toutes les caractéristiques des revendications 14 à 16 du brevet 937. Ces revendications font état de l’intégration d’une commande à cadre stationnaire et de raccords avec le système de joints dynamiques redondants précisé dans le brevet. Il est peu probable qu’ils soient pertinents pour l’analyse portant sur l’évidence si la combinaison des éléments restants de l’invention ne sont pas rendus évidents par la réalisation antérieure mentionnée. Cela ne signifie pas que le brevet 379 amènerait à combiner la tête d’entraînement et le système de joint, comme dans le brevet 937.

 

[78]      Étant donné l’ensemble des réalisations antérieures susmentionnées, le cadre de Pozzoli pose alors la question de savoir si les différences identifiées à la troisième étape constituent des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art, sans la connaissance de l’invention revendiquée. Si les différences requièrent un certain degré d’inventivité, la réalisation antérieure en question ne rend pas l’invention évidente. Le rejet sibyllin par le juge de l’argument de l’évidence des appelantes était fondé sur le témoignage des experts, qu’il avait considéré et accepté antérieurement dans ses motifs. À mon avis, la brièveté de ses commentaires indique qu’il considérait comme peu fondées les observations écrites des appelantes sur l’évidence.

 

[79]      Le juge a de façon générale préféré la preuve des intimés à celle des appelantes. Fait significatif, il a résumé le témoignage de Salant et a expliqué la raison pour laquelle il le préférait à celui des experts des appelantes : motifs, paragraphes 37 à 40 et 53. Les appelantes n’ont pas démontré l’existence d’une erreur manifeste et dominante dans l’évaluation des témoins par le juge.

 

[80]      Les experts des intimés ont examiné les réalisations antérieures pertinentes et ont conclu que, même si elles contenaient des éléments similaires à ceux du brevet 937, aucune d’elles ne comprenait la combinaison et l’application des éléments contenus dans l’invention. Ils étaient d’avis que combiner les réalisations antérieures de la manière décrite dans le brevet 937 requérait un degré important d’inventivité : rapport de Salant, dossier d’appel, vol. 5, onglet 123, pages 1661 et 1662, paragraphes 85 à 90 et 92; contre‑interrogatoire de Salant, dossier d’appel, vol. 15, onglet 273, transcription pages 36 à 38; rapport de Skoczylas, dossier d’appel, vol. 6, onglet 128, pages 1770 à 1780, paragraphes 85 à 106; rapport de réfutation de Skoczylas, dossier d’appel, vol. 6, onglet 129, pages 1990 à 2003, paragraphes 92 à 141. Le juge n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en préférant le témoignage de Salant à celui de Nelson. En fait, Nelson considérait Salant comme une autorité reconnue en matière de joints d’étanchéité rotatifs : contre‑interrogatoire de Nelson, vol. 18, onglet 288, transcription pages 91 et 92.

 

[81]      Le juge a également noté que Nelson était incapable d’expliquer pourquoi personne n’avait découvert auparavant la solution du brevet 937 auparavant si elle était tellement évidente : motifs, paragraphe 50. Le juge a conclu que le problème de la boîte à garniture préoccupait les producteurs de pétrole lourd depuis le début des années 1980, que cette préoccupation s’était accrue depuis au moins la fin des années 1980 et que l’industrie du pétrole lourd y était confrontée avant l’introduction de l’invention de Grenke : motifs, paragraphes 68 et 264. De plus, contrairement à l’affirmation des appelantes selon laquelle Grenke avait résolu le problème à sa première tentative, le juge a conclu que Grenke avait eu besoin de plus de deux ans pour progresser, de son invention initiale (grâce à la production du prototype et la phase d’essai) jusqu’au dépôt du brevet de l’invention : motifs, paragraphes 71 à 91. Comme je l’ai dit précédemment, à mon avis, le juge a implicitement conclu que les améliorations postérieures au prototype au design final étaient inventives. Aucune erreur susceptible de révision n’a été démontrée relativement à ces conclusions. Le juge a eu le bénéfice de voir et d’entendre les témoins et il a considéré que les témoins des intimés étaient clairs, crédibles et qu’ils avaient répondu beaucoup mieux au contre‑interrogatoire que les témoins des appelantes. Les renvois susmentionnés étayent suffisamment les conclusions du juge qui ont trait à l’évidence.

 

[82]      Il est évident, avec le recul, qu’il ne serait pas entièrement déraisonnable de dire que le fait de combiner le système de joints mécaniques redondants et des passages de détection des fuites limités (indiqués dans la référence API) avec la pompe à piston à joints dynamiques multiples (dont il est question dans le brevet 752) rend l’invention évidente. On pourrait dire que l’invention du brevet 937 semble être un raccourci entre les réalisations antérieures combinées, particulièrement lorsque les deux étaient utilisées dans l’industrie du pétrole. Cependant, des différences clés existent entre les réalisations antérieures et l’invention du brevet 937.

 

[83]      L’utilisation de joints mécaniques dans la référence API était problématique pour les appelantes. Selon l’expert Nelson, les joints mécaniques sont utilisés de manière différente dans un autre domaine que les pompes centrifuges et alternatives; de plus, les joints mécaniques « ne peuvent pas fonctionner en présence de matières particulaires, comme du sable », et elles ne seraient pas utilisées dans un champ de pétrole lourd : contre‑interrogatoire de Nelson, dossier d’appel, vol. 18, onglet 288, transcription pages 109 à 111. Britton a indiqué qu’il reviendrait aux garnitures classiques plutôt que d’utiliser des joints mécaniques dans du pétrole sableux et épais : contre‑interrogatoire de Britton, dossier d’appel, vol. 17, transcription pages 148 et 149. Le juge a examiné la preuve et a accepté l’énoncé selon lequel [traduction] « un joint mécanique placé contre une surface cylindrique ne pourrait pas étanchéifier correctement » : motifs, paragraphe 142.

 

[84]      Les revendications du brevet 752 ne s’appliquent qu’à une pompe alternative, qui est fondamentalement différente du système de pompe rotative employée dans le brevet 937. De plus, le système de joints redondants dans le brevet 752 est activé uniquement lorsque l’orifice de fuite initial est fermé, contrairement à la redondance automatique créée par le joint dans le brevet 937.

 

[85]      Le passage fréquemment cité à la page 295 de Beloit est pertinent :

Une fois qu’elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l’infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j’aurais pu faire cela »; avant d’accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l’avez‑vous pas fait? »

 

[86]      En l’espèce, les experts des intimés ont examiné les réalisations antérieures et ils ont conclu que la personne versée dans l’art n’aurait pas aisément trouvé la façon de combiner les éléments auparavant connus de l’invention de manière à obtenir la combinaison revendiquée dans le brevet 937. Compte tenu de la preuve dans sa totalité ainsi que de l’évaluation des témoins par le juge, je ne saurais conclure qu’il a commis une erreur d’une manière qui justifie l’intervention de la Cour.

 

[87]      Les motifs du juge en ce qui a trait à la question de l’évidence sont concis. La Cour suprême du Canada a statué que « lorsqu’un tribunal d’appel examine les motifs pour déterminer s’ils sont suffisants, il doit les considérer globalement, dans le contexte de la preuve présentée, des arguments invoqués et du procès, en tenant compte des buts ou des fonctions de l’expression des motifs » : R. c. R.E.M, 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, paragraphe 16 (REM). Il doit ressortir des motifs, considérés dans le contexte du dossier et des observations sur les questions en litige, que le juge a compris l’essentiel de l’affaire : REM, paragraphe 43. Une cour d’appel doit adopter une attitude empreinte de retenue en accord avec le postulat voulant que le juge de première instance soit le mieux placé pour trancher les questions de fait et qu’il est censé connaître les principes fondamentaux du droit : REM, paragraphe 54. La question cruciale consiste à savoir si les motifs du juge de première instance, considérés dans le contexte de la preuve versée au dossier, des questions litigieuses telles qu’elles sont ressorties au procès et des observations des avocats, privent l’appelant du droit à un véritable examen en appel. : REM, paragraphe 57. Pour les motifs formulés relativement à la question de l’évidence, il est manifeste, en l’espèce, que la réponse à cette question cruciale est négative.

 

La crédibilité de Grenke

[88]    Les appelantes font valoir que le juge a commis des erreurs manifestes et dominantes ou que les motifs qu’il a donnés étaient insuffisants pour conclure que Grenke était un témoin crédible. Plus précisément, Grenke a parfois reconnu avoir fait des énoncés erronés dans sa correspondance antérieure et il a rétracté le témoignage qu’il avait auparavant donné sous serment. Selon les appelantes, le juge ne s’est pas penché sur les incohérences dans le témoignage de Grenke et n’a pas expliqué comment il les a résolues en faveur de Grenke. Par conséquent, les appelantes ont été empêchées de comprendre pourquoi le juge a accepté son témoignage et ont été privées d’un [traduction] « examen éclairé des moyens d’appel » : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 151. La Cour suprême a traité de cette question au moins trois fois depuis 2006 : R. c. Gagnon, 2006 CSC 17, [2006] 1 R.C.S. 621 (Gagnon); R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, [2008] 1 R.C.S. 788 (Dinardo); REM

 

[89]      Dans Gagnon, au paragraphe 20, la Cour écrit :

Apprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte.  Il est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits.  C’est pourquoi notre Cour a statué – la dernière fois dans l’arrêt H.L. – qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante.

 

[90]      Dans Dinardo, la Cour donne l’avertissement suivant au paragraphe 26 :

Dans un litige dont l’issue est en grande partie liée à la crédibilité, on tiendra compte de la déférence due aux conclusions sur la crédibilité tirées par le juge de première instance pour déterminer s’il a suffisamment motivé sa décision.  Les lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge de première instance, telle qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel.

 

[91]      Dans REM, la cour a réitéré la proposition formulée dans Dinardo selon laquelle « aucune règle générale n’exige que les motifs soient suffisamment détaillés pour permettre à la juridiction d’appel d’instruire toute l’affaire à nouveau. Il n’est pas nécessaire d’établir que le juge de première instance avait conscience et a tenu compte de tous les éléments de preuve, ou encore qu’il a répondu à chaque argument soulevé par les avocats » : REM, paragraphe 32.

 

[92]      Comme je l’ai noté dans les présents motifs, le juge a présenté le « nœud » de l’affaire comme étant « constitué de questions concernant la crédibilité, la paternité de l’invention et la prise en compte du comportement des protagonistes » : motifs, paragraphe 8. En termes généraux, il a décrit le témoignage de Grenke comme « vague sur quelques détails » : motifs, paragraphe 43. Le juge a déclaré qu’il considérait le témoignage de Grenke « avec prudence », mais qu’il estimait que « l’essentiel de son récit est conforme à d’autres témoignages et a été plus crédible que celui d’autres témoins » : motifs, paragraphe 44.

 

[93]      Par exemple, le juge a expliqué que le témoignage de Grenke était étayé par :

(1)               ses déplacements en Allemagne pour rencontrer Merkel et Flender : motifs paragraphe 245;

(2)               le fait qu’il a demandé des avis : motifs, paragraphe 245;

(3)               son rôle de leader dans le projet : motifs, paragraphe 246;

(4)               les documents à l’appui de la position selon laquelle il avait trouvé l’idée et qu’il l’avait concrétisée dans un dispositif pratique : motifs, paragraphe 246;

(5)               sa nouvelle conception des unités en 1992 et 1993 : motifs, paragraphe 251

 

[94]      Le juge n’a pas accepté tous les éléments de preuve de Grenke. Je traiterai plus loin dans les présents motifs de l’un des éléments de preuve rejetés. De plus, il y a la « rétractation » sur laquelle le juge s’est penché aux paragraphes 308 et 309 de ses motifs.

 

[95]      Les appelantes n’ont pas établi que le juge a commis des erreurs manifestes et dominantes dans son évaluation de la crédibilité ou que l’insuffisance de ses motifs (le cas échéant) quant à la crédibilité de Grenke tombait dans la catégorie de ces rares cas qui justifient l’intervention de la Cour en appel.

 

La paternité de l’invention

[96]      Les appelantes font valoir que le juge a requis de manière inappropriée la démonstration de l’utilité aux fins de la paternité de l’invention. Elles soutiennent que, si le juge n’avait pas exigé d’Engelen qu’il puisse démontrer l’utilité, il aurait conclu qu’Engelen était un inventeur du brevet 937 en raison de sa contribution au dispositif d’étanchéité et de sa proposition d’utiliser des passages multiples pour détecter les fuites. Elles font valoir en outre que c’est Torfs qui a conçu et développé l’intégration de la tête d’entraînement et du système d’étanchéité dans les revendications 14 à 16 du brevet.

 

[97]      Les intimés contestent la conclusion du juge selon laquelle Torfs est un coinventeur du brevet 937. Le point crucial de leur argument se fonde sur la déclaration du juge selon laquelle « [s]’il n’y avait l’arrangement de Grenke avec Torfs qu’ils allaient partager également les brevets, la Cour hésiterait à conclure que Torfs a apporté des concepts créatifs au brevet 937 » : motifs, paragraphe 281. Les intimés soutiennent que le juge a commis une erreur de droit en s’appuyant sur l’entente entre Grenke et Torfs pour résoudre la question de la paternité de l’invention en ce qui les concerne.

 

[98]      Il est possible de statuer sommairement sur les arguments, à cet égard, et des appelantes et des intimés.

 

[99]      Le juge n’a pas mal interprété le droit en ce qui a trait à la paternité de l’invention. Quoiqu’il se soit mal exprimé au paragraphe 239 de ses motifs en ce qui a trait à l’utilité, cette erreur n’a eu aucune incidence sur son analyse. À tous autres égards, le juge a correctement cité le droit en matière de paternité de l’invention tel qu’il a été formulé dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, paragraphes 97et 98 (Wellcome) : motifs, paragraphes 236 et 237. Brièvement, la dernière question – qui est l’auteur de l’idée originale – a été expressément identifiée : motifs, paragraphe 236. Le juge a reconnu que les personnes « contribuant à l’idée originale peuvent être des coinventeurs alors que celles qui aident à achever l’invention mais dont l’ingéniosité est orientée vers la vérification plutôt que vers l’idée originale ne sont pas des coinventeurs » : motifs, paragraphe 237. Il a noté la nécessité de concrétiser l’idée dans une forme définie et pratique et a estimé qu’il ne fallait pas décomposer la combinaison dans ses divers éléments (et attribuer chacun de ces éléments à la contribution de diverses personnes) pour résoudre la question de la paternité de l’invention : motifs, paragraphes 239 et 241. Les appelantes ne m’ont pas convaincue que le juge n’a pas considéré et appliqué le droit approprié relativement à la paternité de l’invention.

 

Engelen

[100]    Après avoir examiné les témoignages de Grenke, Reincke, Engelen et Britton ainsi que les éléments de preuve relatifs à Torfs (les appelantes ont pris la position que tous sont des coinventeurs sauf Grenke), le juge a conclu que Grenke est l’un des inventeurs du brevet 937. Les autres (sauf Torfs) n’en sont pas. Pour parvenir à cette conclusion, il a tiré un certain nombre de conclusions factuelles.

 

[101]    Plus particulièrement, le juge a vu qu’il avait été demandé à Engelen de proposer un type de joint dynamique approprié après que Grenke eut contacté Merkel pour discuter de la question. Cependant, la proposition d’Engelen avait trait au type de joint dynamique, pas au concept de l’utilisation de celui‑ci dans l’espace annulaire pour étanchéifier autour du manchon rotatif. Les joints proposés par Engelen ont été pris dans le catalogue ordinaire de Merkel : motifs, paragraphe 256. Engelen a certes bien rencontré Grenke, mais c’est celui‑ci qui a apporté les changements à la proposition qui a finalement abouti à la conception qui devait être testée : motifs, paragraphe 257. Il a confirmé qu’à l’époque, l’opinion générale admise était qu’un orifice unique de détection des fuites était suffisant et que le fait d’en avoir plusieurs présentait des inconvénients : motifs, paragraphe 258. Même si Engelen a fait quelques suggestions, il n’a pas contribué aux « idées originales »; motifs, paragraphe 260. Les documents corroborent le rôle de Grenke d’avoir trouvé l’idée et de l’avoir concrétisé dans un dispositif pratique : motifs, paragraphe 246 (y compris les références aux documents particuliers).

 

[102]    En contre‑interrogatoire, Engelen a reconnu qu’il n’avait pas contribué à l’idée d’utiliser des joints dynamiques dans l’espace annulaire pour sceller l’espace autour du manchon rotatif, mais que Grenke lui avait demandé de spécifier un type de joint dynamique: dossier d’appel, vol. 17, onglet 282, transcription pages 112 à 114, 143. Engelen a dit qu’il était d’avis qu’un passage anti‑fuites était suffisant, parce que plusieurs passages anti‑fuites nécessiteraient l’utilisation de joints multiples, ce qui présenterait l’inconvénient d’accroître le frottement : dossier d’appel, vol. 17, onglet 282, transcription pages 135 et 136. Il a peut‑être proposé l’idée d’utiliser plusieurs passages anti‑fuites, mais ne l’a pas fait valoir. De plus, il a indiqué que Grenke avait pris toutes les décisions de conception relatives à la manière dont les joints seraient installés : dossier d’appel, vol. 17, onglet 282, transcription pages 109 à 112.

 

[103]    Notre Cour ne serait justifiée à modifier la conclusion du juge sur la preuve selon laquelle Engelen n’est pas un inventeur du brevet 937 que s’il était démontré qu’il existe une erreur manifeste et dominante dans l’appréciation des faits par le juge. Ce n’est pas le cas.

 

Torfs

[104]    Comme je l’ai noté plus haut, les observations écrites des intimés ayant trait à Torfs portent principalement sur le rôle que les ententes entre Torfs et Grenke ont joué dans l’analyse du juge. Je conviens avec les intimés que l’existence d’une « entente » entre les parties ne résout  pas la question de la paternité de l’invention. Une personne peut contribuer ou ne pas contribuer à l’idée originale. Si le juge a conclu que Torfs était un inventeur en raison de son entente avec Grenke, il a commis une erreur. La question est de savoir si c’est ce que le juge a fait. Mon examen des motifs du juge m’amène à conclure que la critique des intimés est hors de propos.

 

[105]    Le fait que le juge a qualifié les éléments de preuve sur Torfs de « confus » et qu’il a estimé qu’une grande partie de ces éléments relevait de la « conjecture » conduit à penser que sa conclusion selon laquelle Torfs était un coinventeur tombait près du point médian figuratif de la prépondérance des probabilités. Cependant, l’analyse de l’entente entre Torfs et Grenke par le juge ne montre pas qu’il considérait l’entente comme suffisante en droit pour trancher la question de la paternité de l’invention. Au contraire, c’était la totalité de la preuve, dont l’importance factuelle de l’entente, qui a conduit le juge à sa conclusion.

 

[106]    Quoique Grenke n’eût pas à l’esprit une connexion entre le système d’étanchéité et la tête d’entraînement avant sa première tentative de rencontrer Torfs en Allemagne, le juge a conclu que Grenke avait commencé le travail sur cette intégration en faisant cette tentative : dossier d’appel, vol. 16, onglet 279, transcription pages 35 à 37; motifs, paragraphes 79 et 276. Eu égard au contexte, la conclusion du juge implique que les éléments inventifs des revendications 14 à 16 n’ont pas été achevés en conséquence du simple fait que Grenke avait commencé sa relation de travail avec Torfs. Le juge a reconnu que les deux travaillaient ensemble à développer la manière de l’intégration revendiquée dans le brevet 937 : motifs, paragraphe 250. Il a aussi estimé que l’expertise de Torfs sur les têtes d’entraînement avait été « indispensable » pour le travail sur l’intégration : motifs, paragraphe 276.

 

[107]    De plus, le fait que Grenke et Torfs ont convenu de partager également les brevets résultant de leur travail et que cette entente ait duré tout au long de leur relation de travail constitue une preuve de la reconnaissance par l’un et l’autre de la contribution de l’autre. En réalité, durant son contre‑interrogatoire, Grenke a lui‑même reconnu la participation de Torfs à l’invention du dispositif : motifs, paragraphe 98; dossier d’appel, vol. 16, onglet 280, transcription pages 135, 136, 149, 150, 155, 156 et 159; voir aussi l’affidavit de Grenke, dossier d’appel, vol. 5, onglet 91, page 90, paragraphes 4 et 5; la lettre de Grenke à Flender, dossier d’appel, vol. 9, onglet 223, pages 2765 à 2767. J’ai conclu plus haut que l’appréciation du témoignage de Grenke par le juge ne présentait aucune erreur manifeste et dominante.

 

[108]    La question de savoir si Grenke croyait qu’il était possible de convenir de la copaternité de l’invention ou simplement de la copropriété est sans pertinence relativement au présent moyen d’appel. La preuve présentée au juge constitue un fondement raisonnable pour inférer que Torfs était un coinventeur. Comme le juge n’estimait pas que l’entente entre Torfs et Grenke régissait la question de la paternité de l’invention, il n’a pas commis d’erreur de la manière alléguée par les intimés.

 

[109]    Les intimés soutiennent également que la participation de Torfs était [traduction] « simplement l’application des [...] connaissances générales communes » à l’art : mémoire des faits et du droit des intimés, paragraphe 65. Le juge est parvenu à une conclusion différente. Comme nous l’avons déjà vu dans les présents motifs, c’est la combinaison singulière des éléments essentiels du dispositif qui constitue l’invention dans un brevet par combinaison. L’intégration des revendications 14 à 16 dans le brevet 937 est essentielle à l’invention en l’espèce. Il se peut que la preuve sur la question de la paternité de l’invention soit déficiente à plusieurs égards, mais le juge a conclu qu’elle s’accordait avec la conclusion que Torfs était un coinventeur du fait de sa contribution à l’intégration de la tête d’entraînement. Cette conclusion reflète l’avis du juge selon lequel Grenke et Torfs ont collaboré pour donner à l’invention une forme définie et pratique.

 

[110]    Il était loisible au juge de parvenir à sa conclusion sur le fondement de la preuve présentée. Les intimés n’ont pas démontré l’existence d’une erreur dans sa conclusion, qui justifierait l’intervention de notre Cour.

 

Les fausses représentations au Bureau des brevets

[111]    Les appelantes allèguent que le juge de première instance a commis une erreur en ne concluant pas que les fausses représentations faites par Grenke dans son affidavit du 17 août 1994 et dans les pétitions relatives au brevet 937 n’avaient aucune incidence sur la validité, l’abandon ou le caractère exécutoire du brevet 937 ou sur le droit à une injonction. Cette observation écrite est fondée sur deux questions subsidiaires distinctes, toutes deux appuyées sur des dispositions de la Loi, plus particulièrement le paragraphe 53(1) et l’alinéa 73(1)a).

 

[112]    La question porte sur l’affidavit de Grenke concernant une demande de brevet américaine et trois demandes de brevet canadiennes. Les demandes de brevet canadiennes se rapportent : (1) à la conduite d’écoulement en T; (2) au système de scellement; et (3) au mécanisme de commande qui fait tourner la colonne de tige : affidavit de Grenke, dossier d’appel, vol. 8, onglet 227, page 2635. Les paragraphes 8 à 10 de l’affidavit sont rédigés comme suit :

[traduction]

QUE M. Torfs a indiqué à M. Rieder qu’il était lui‑même le seul inventeur des demandes de brevet au Canada et aux États‑Unis intitulées « Améliorations des assemblages de la tête d’entraînement » et que lui ainsi que moi‑même étions des coinventeurs dans les autres demandes. M. Torfs ainsi que moi‑même avions antérieurement convenu que Flender et GrenCo seraient copropriétaires des droits de brevet et je crois que c’est cette entente qui a mené M. Torfs à s’identifier erronément comme un coinventeur ou le seul inventeur (selon le cas), en dépit du fait que j’avais déjà donné aux diverses inventions une forme pratique au moment de ma première rencontre avec M. Torfs.

 

QUE la mention de M. Torfs comme seul inventeur ou coinventeur et le défaut de m’identifier comme le seul inventeur dans toutes les demandes ont résulté [sic] d’une inadvertance ou d’une erreur et ne visaient pas une fin dilatoire.

 

QUE M. Walter Torfs est décédé au cours du mois de juin 1993 et qu’il n’est donc pas possible d’obtenir son affidavit.

 

Comme la présente affaire ne concerne que le brevet 937, les conséquences des déclarations de Grenke relativement à tout autre brevet ne sont pas pertinentes pour le présent appel.

 

Le paragraphe 53(1)

[113]    Le paragraphe 53(1) prévoit notamment qu’un brevet est nul si la pétition, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité. Les appelantes soutiennent que Grenke a intentionnellement trompé le Bureau des brevets en supprimant le nom de Torfs et en ne mentionnant pas celui d’Engelen à titre d’inventeurs du brevet 937. Étant donné ma conclusion selon laquelle le juge n’a pas commis d’erreur en tranchant qu’Engelen n’était pas un coinventeur, il ne sera pas nécessaire d’ajouter quoi que ce soit à propos d’Engelen.

 

[114]    Le juge a rejeté la thèse selon laquelle l’affidavit de Grenke reposait sur le fait que celui‑ci avait confondu la « paternité de l’invention » et la « propriété » et il a conclu que cela était dû à l’opinion de Grenke selon laquelle Torfs « l’avait évincé » des autres brevets qui, selon lui, auraient dû être à leurs deux noms : motifs, paragraphe 335. Le juge a noté qu’« on peut certes débattre que le paragraphe 53(1) impose toujours qu’il y ait la volonté d’induire en erreur, mais l’accent est selon la jurisprudence dominante sur l’importance » : motifs, paragraphe 331. Après avoir examiné la preuve dont il disposait, le juge a conclu que la déclaration inexacte de Grenke n’était pas importante aux fins du paragraphe 53(1). Ce résultat reposait en partie sur sa conclusion selon laquelle Grenke avait acquis tout intérêt que Torfs ou son employeur avait dans le brevet au moment de sa délivrance. Le juge a déclaré que désigner Torfs à titre de coinventeur (après son décès) serait « un beau geste de reconnaissance », mais que « cela aurait été sans pertinence quant à la validité du brevet, à sa propriété ou aux droits de paternité d’invention » : motifs, paragraphe 337. Il est implicite dans la conclusion du juge que la désignation de Torfs comme coinventeur n’aurait eu aucune incidence sur la façon dont le public utilise l’invention exposée dans le brevet 937.

 

[115]    Les appelantes ne contestent pas sérieusement ces conclusions factuelles subsidiaires. Elles soutiennent plutôt qu’une déclaration inexacte délibérée sur la paternité de l’invention est toujours importante aux fins du paragraphe 53(1). La principale question consiste à savoir si le juge a commis une erreur en concluant que les représentations prétendument fausses de Grenke n’étaient pas importantes. Cette question porte sur une conclusion mixte de fait et de droit qui n’est susceptible de révision que s’il existe une erreur manifeste et dominante.

 

[116]    Avant de me pencher sur cette question, deux observations s’imposent. Premièrement, en ce qui a trait à l’exigence relative au caractère volontaire, dans 671905 Alberta Inc. c. Q’Max Solutions Inc., 2003 CAF 241, [2003] 4 C.F. 713 (Q’Max), le juge Stone, écrivant les motifs unanimes de la Cour, a considéré la question et a conclu au paragraphe 31 que « une “allégation importante” non conforme à la vérité qui consiste à omettre de désigner les coinventeurs dans une pétition visant l’obtention d’un brevet n’a pas pour effet de rendre le brevet nul si l’allégation n’était pas volontairement faite pour induire en erreur” ». Cela m’amène à ma deuxième observation.

 

[117]    Les appelantes disent que le juge [traduction] « a conclu que Grenke a volontairement trompé [sic] le Bureau des brevets relativement à la participation de Torfs dans le développement du brevet 937 » : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 89. Les intimés répliquent que le juge a expressément conclu, au paragraphe 351 de ses motifs, que Grenke n’avait pas fait volontairement une déclaration pour induire en erreur au sens du paragraphe 53(1) : mémoire des faits et du droit des intimés, paragraphe 73.

 

[118]    La position des appelantes est exagérée. Le juge n’est pas parvenu à la conclusion précise que Grenke avait fait volontairement une déclaration pour induire en erreur. Les commentaires du juge au paragraphe 335 de ses motifs, sur lesquels les appelantes s’appuient, portent sur le rejet par le juge de l’explication donnée par Grenke quant à la raison pour laquelle il a présenté son affidavit au Bureau des brevets, explication que le juge ne trouvait pas crédible. Le juge n’explique nullement pourquoi il « réitère » au paragraphe 351 de ses motifs que Grenke n’avait pas fait volontairement une déclaration pour induire en erreur.

 

[119]    Le fondement de la cause de Grenke tout au long de l’instruction était qu’il avait conçu l’invention (les concepts clés qu’il a décrits comme ayant consisté à étanchéifier un arbre rotatif, à ménager de multiples passages anti‑fuites et à intégrer l’ensemble du système à un arbre d’entraînement). Le juge est parvenu en dernière analyse à une autre conclusion. Cependant, cette conclusion émane d’un litige ayant eu lieu quelque quinze années après le dépôt de l’affidavit. Jusqu’au moment où le jugement a été rendu, ni les appelantes, ni les intimés ne pouvaient savoir ce que seraient les conclusions du juge relativement aux diverses questions. Il est bien établi que la date pertinente pour l’interprétation du paragraphe 53(1) est celle de la délivrance, quoique des allégations non conformes à la vérité faites antérieurement à la délivrance qui ne sont pas corrigées à la date de la délivrance puissent être inclues : Jules Gilbert Ltd. c. Sandoz Ltd. (1970), 64 C.P.R. 14, page 74 (C. de l’É.), infirmé pour d’autres motifs, [1974] R.C.S. 1336.

 

[120]    Certains pourraient soutenir que le rejet par le juge de l’explication de Grenke constitue une conclusion implicite que Grenke a fait volontairement une déclaration pour induire en erreur. Cependant, à mon avis, la conclusion du juge relativement à la motivation ne se traduit pas par la conclusion d’une déclaration faite volontairement pour induire en erreur, étant donné en particulier la déclaration contraire expresse du juge au paragraphe 351. Dans ces circonstances, notre Cour n’est pas encline à conclure que Grenke a fait volontairement une déclaration pour induire en erreur à la date pertinente – ce qui conduit à ce qui était décrit au paragraphe 32 de Q’Max comme la « réparation draconienne » prévue au paragraphe 53(1) – dans l’absence d’une analyse par le juge de la croyance de Grenke quant à la paternité de l’invention au moment pertinent.

 

[121]    En ce qui concerne leurs arguments sur l’importance de la paternité de l’invention, en ce qui a trait à Torfs, les appelantes font valoir que les déclarations inexactes de Grenke étaient importantes pour trois raisons : 1) elles ont conduit à la situation où le nom d’un inventeur véritable a été supprimé de la pétition, 2) elles ont empêché le commissaire d’exécuter ses obligations en vertu du paragraphe 31(3) de la Loi et 3) elles sont la cause du fait que le public a perdu le bénéfice de savoir que Torfs était un inventeur : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 103.

 

[122]    Il est possible de statuer sommairement sur les deux premières observations. La première justification soulève la question de savoir si une déclaration inexacte de paternité de l’invention est importante dans les circonstances. La deuxième justification concerne une disposition procédurale de la Loi qui permet que le dépôt d’une demande conjointe soit effectué par un des demandeurs ou certains d’entre eux lorsqu’il se révèle que certains des autres demandeurs initiaux n’ont pas pris part dans l’invention. Pour poursuivre la demande, les demandeurs restants doivent convaincre le commissaire, au moyen d’un affidavit, qu’ils sont les inventeurs. Comme c’est justement de cette façon que Grenke a décidé d’agir, on ne peut guère prétendre que le commissaire a été empêché d’exercer sa compétence en vertu de la loi.

 

[123]    La troisième justification repose sur divers arguments de politique publique et sur des dispositions de la Loi portant sur l’identification des inventeurs, la nécessité de promouvoir l’intégrité du Bureau du commissaire et du système des brevets canadien, les obligations internationales du Canada et les bénéfices personnels auxquels les inventeurs ont droit à l’égard de leurs inventions. Quoiqu’il ne faille pas diminuer leur force, il est très douteux à mon avis que les arguments des appelantes soient déterminants pour interpréter l’importance dans le contexte du paragraphe 53(1). Je renverrai encore une fois à l’arrêt Q’Max dans lequel l’annulation absolue du brevet sur le fondement d’une déclaration inexacte de paternité d’invention a été considérée comme une « réparation draconienne ». Les arguments de politique des appelantes doivent être mis en balance avec ce résultat. Si la position des appelantes était correcte, elle donnerait lieu à une anomalie. En effet, d’autres inventeurs perdraient effectivement leurs intérêts dans le monopole de leur brevet plutôt que de pouvoir avoir accès à ce qu’il leur avait été antérieurement refusé.

 

[124]    L’argument le plus fort des appelantes à cet égard est leur prétention selon laquelle la révélation exacte de l’identité des inventeurs procure un certain nombre de bénéfices au public. Les appelantes soutiennent que l’identification des inventeurs permet au public de joindre ces inventeurs pour discuter de l’invention et proposer des améliorations éventuelles, qui, à leur tour, contribuent au progrès de l’art. Elles soutiennent en outre que, aux termes du paragraphe 237(4) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles des Cours fédérales), les parties à une action en contrefaçon de brevet ont le droit de soumettre les inventeurs à un interrogatoire à titre de cédants de leurs droits de brevet. Il est fait valoir que le défaut de révéler l’identité des inventeurs nuit au droit d’un défendeur de donner une réponse complète et de se défendre contre des allégations de contrefaçon dans de telles circonstances.

 

[125]    Ces arguments, tout aussi intéressants qu’ils soient, sont loin d’être concluants. Les appelantes ne soutiennent pas que le public a un droit particulier de communiquer avec les inventeurs figurant au registre des brevets ou que les inventeurs sont de quelque façon obligés de répondre à des tentatives de communication. L’interrogatoire d’un inventeur en vertu du paragraphe 237(4) des Règles des Cours fédérales peut se révéler utile, mais il s’agit, non d’un interrogatoire préalable d’une partie, mais d’un interrogatoire antérieur au procès d’un témoin potentiel : Lido Industrial Products Ltd. c. Teledyne Industries Inc., (1978), [1979] 1 C.F. 310, paragraphe 11 (C.A.). Il demeure loisible aux parties au litige de recourir à l’article 238.

 

[126]    La conclusion du juge relativement au paragraphe 53(1) repose sur la thèse que la question de l’importance constitue une conclusion liée aux faits. Je suis d’accord avec l’observation du juge à cet égard. Je suis attentive à l’observation des appelantes selon laquelle la désignation inexacte des inventeurs était auparavant considérée comme un motif suffisant pour invalider un brevet : Comstock Canada c. Electec Ltd. (1991), 38 C.P.R. (3d) 29, paragraphes 61 et 98 (C.F. 1re inst.). De même, dans Merck & Co. Inc. c. Canada (Santé), 2010 CF 1042, 88 C.P.R. (4th) 98, au paragraphe 56, le juge a expliqué qu’un argument fondé sur le paragraphe 53(1) « aurait eu un poids considérable » s’il n’était pas parvenu à la conclusion qu’aucune allégation non conforme à la vérité concernant la paternité de l’invention n’avait été faite.

 

[127]    Cependant, les tribunaux au Canada ont également conclu que la paternité de l’invention était sans importance dans d’autres causes. Les appelantes reconnaissent que, dans la décision Proctor & Gamble c. Bristol‑Myers Canada Ltd. (1978), 39 C.P.R. (2d) 145, aux paragraphes 31 à 37 (C.F. 1re inst.) (Proctor & Gamble), confirmée par (1979), 28 N.R. 273, 42 C.P.R. (2d) 33 (C.A.F.), le juge Addy a statué qu’une déclaration inexacte quant la paternité de l’invention était sans importance étant donné les faits de l’espèce. Fait à noter, il a fait le raisonnement que la paternité de l’invention était sans conséquence parce que les faits démontraient que cela « ne touche ni la durée ni le fond du brevet ni même le fait d’y avoir droit » : Proctor & Gamble, paragraphe 37. Notre Cour, dans Wellcome, après avoir conclu que les docteurs Broder et Mitsuya n’étaient pas des coinventeurs, ont supposé aux fins de l’argument sur l’invalidité en vertu du paragraphe 53(1) qu’ils étaient coinventeurs et ont conclu que le défaut de les nommer dans la pétition n’était pas fatale.

 

[128]    Les appelantes soutiennent que la Cour suprême a récemment examiné la question de la paternité de l’invention et qu’elle avait déterminé que la question de son importance était remise à des décisions futures : Wellcome, paragraphes 107 à 109. Quoique cela soit exact, Wellcome ne conduit pas à la conclusion pour laquelle les appelantes l’invoquent (le fait qu’il a été déterminé que la question de l’importance de la paternité de l’invention devait être tranchée dans une cause où des fausses représentations volontaires sont faites relativement à la paternité de l’invention – faits dont l’existence est alléguée en l’espèce). À mon avis, l’orientation qui ressort de Wellcome est que l’importance de la paternité de l’invention dépend des faits de l’espèce. En ce qui a trait aux décisions américaines sur lesquelles s’appuient les appelantes, hormis le fait qu’elles mettent en relief les problèmes à cet égard que connaissent les tribunaux aux États‑Unis en conséquence de la doctrine sans cesse étendue de la conduite inéquitable, elles ne sont d’aucun secours.

 

[129]    La conclusion du juge selon laquelle la déclaration inexacte de Grenke sur Torfs était sans importance était fondée sur les faits de l’espèce. Son analyse liée aux faits s’accorde avec la jurisprudence relative à l’importance de la paternité de l’invention. Les appelantes n’ont pas démontré, en droit, que la paternité de l’invention est importante en toutes circonstances. Elles n’ont pas non plus établi que tout ensemble particulier de faits rend nécessairement l’identité d’un inventeur importante aux fins du paragraphe 53(1). En ce qui concerne l’appréciation de la preuve par le juge, je ne suis pas convaincue que les appelantes ont démontré l’existence d’une erreur manifeste et dominante dans la conclusion du juge sur la propriété de l’invention à la date pertinente. Enfin, les appelantes n’ont pas démontré que la paternité de l’invention est de quelque façon pertinente quant à l’utilisation de l’invention par le public en l’espèce. La Cour n’est pas fondée à modifier la conclusion du juge.

 

L’alinéa 73(1)a)

[130]    L’alinéa 73(1)a) de la Loi prévoit que la demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par le commissaire.

 

[131]    L’argument des appelantes relativement à cette disposition repose encore sur l’affidavit du 17 août 1994 de Grenke et sur les pétitions du brevet 937. Les appelantes font valoir qu’un demandeur est tenu par la loi d’agir de bonne foi en répondant à toute demande de l’examinateur ou du commissaire aux brevets durant la poursuite de la demande de brevet. (En l’espèce, le Bureau des brevets a demandé un affidavit à l’appui de la requête de Grenke de supprimer le nom de Torfs à titre d’inventeur.) L’omission du demandeur de satisfaire à son obligation de bonne foi entraîne la présomption de l’abandon de la demande de brevet sauf si les défauts sont corrigés dans une période déterminée. Selon les appelantes, la non‑conformité technique avec les dispositions de l’article 73 de la Loi suffit pour entraîner l’abandon d’un brevet durant la poursuite de la demande de brevet ainsi qu’après la délivrance du brevet : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphe 112.

 

[132]    L’IPIC comparaît à titre d’intervenant relativement à cette question. Les intimés et l’IPIC soutiennent que l’interprétation de l’alinéa 73(1)a) par les appelantes requerrait l’imposition d’une obligation générale de bonne foi, comme condition pour la validité d’un brevet, analogue à la doctrine américaine de la conduite inéquitable, doctrine juridique qui n’a jamais eu cours au Canada. Ils font valoir que le Parlement  n’avait pas eu l’intention de modifier, et qu’il n’a pas modifié, le droit substantiel en adoptant l’alinéa 73(1)a).

 

[133]    Le juge a conclu que l’article 73 de la Loi, lu comme un tout, ne vise pas principalement la validité d’un brevet après sa délivrance, mais à régir le processus de demande de brevet : motifs, paragraphe 345. L’exigence de bonne foi énoncée à l’alinéa 73(1)a) de la Loi doit être interprétée de concert avec les exigences de la Loi relatives à l’évidence à l’article 28.3 et aux déclarations inexactes importantes au paragraphe 53(1) : motifs, paragraphe 347. Rien n’indiquait que l’examinateur avait fait une demande sur la paternité de l’invention : motifs, paragraphe 348. Grenke avait le droit de répondre au Bureau des brevets par le truchement de son agent de brevets; sa déclaration n’était ni une déclaration inexacte importante, ni une déclaration faite volontairement pour induire en erreur : motifs, paragraphe 351.

 

[134]    Les appelantes contestent les conclusions du juge sur la déclaration inexacte importante et sur la déclaration faite volontairement pour induire en erreur. Cependant, étant donné mes conclusions antérieures dans les présents motifs, la durée de vie de ces arguments a expiré. Le point crucial de la question est celui de savoir si l’alinéa 73(1)a) peut être utilisé pour invalider un brevet après sa délivrance. L’affaire ne peut être résolue que sur ce fondement. Quoique les intimés soulèvent la question de savoir si l’article 151 des Règles sur les brevets était en vigueur à l’époque en cause, je suis disposée à supposer, aux fins de l’analyse, qu’elles l’étaient, malgré les préoccupations sur la rétroactivité formulées par les intimés.

 

[135]    Les principes d’interprétation législative applicables ne soulèvent aucune controverse. Selon Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 et les décisions ultérieures portant sur le même sujet, il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 (Canada Trustco), la Cour suprême a souligné le rôle primordial joué par le sens ordinaire des mots dans le processus d’interprétation lorsque le libellé est précis : Canada Trustco, paragraphe 10. Plus récemment, dans Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3 (Celgene), la cour a statué que « [s]’il est clair, le libellé prévaut; sinon, il cède le pas à l’interprétation qui convient le mieux à l’objet prédominant de la loi » : paragraphe 10.

 

[136]    Pour la commodité du lecteur, je reproduis l’alinéa 73(1)a) :

 (1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

 

a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai

 

plus court déterminé par le commissaire;

 

7 (1) An application for a patent in Canada shall be deemed to be abandoned if the applicant does not

 

(a) reply in good faith to any requisition made by an examiner in connection with an examination, within six months after the requisition

 

is made or within any shorter period     established by the Commissioner;

 

 

[137]    À première vue, l’alinéa 73(1)a) exige que le demandeur de brevet réponde de bonne foi aux demandes de l’examinateur durant la poursuite de la demande de brevet. Cette disposition définit la personne qui est assujettie à l’obligation (le demandeur) et les circonstances dans lesquelles elle y est assujettie (lorsqu’elle répond à toute demande de l’examinateur dans le cadre d’un examen). Lorsque le demandeur ne répond pas de bonne foi à une demande de l’examinateur, sa demande est réputée abandonnée par application de la loi, sous réserve de la possibilité du demandeur de rétablir la demande conformément aux dispositions de la Loi et des Règles. La disposition se trouve à l’article 73, qui porte généralement sur les communications et les étapes de la poursuite des demandes de brevet au Bureau des brevets. D’autres dispositions dans l’article portent sur les délais ou les étapes procédurales et les taxes. En cas de manquement à toute exigence énoncée à l’article 73, la demande est réputée abandonnée. Le rétablissement est possible, mais seulement s’il est obtenu dans le délai prescrit.

 

[138]    Les appelantes reconnaissent que certaines décisions ne préconisent pas leur position. Elles acceptent que dans Lovell Manufacturing Co. c. Beatty Brothers Ltd. (1962), 41 C.P.R. 18, p. 40 (Cour de l’É.) (Lovell), il a été statué qu’une fausse représentation alléguée faite au cours de la poursuite d’une demande de brevet ne pouvait pas par la suite être utilisée pour invalider un brevet. Dans Bourgault Industries Ltd. c. Flexi‑Coil Ltd. (1999), 237 N.R. 74, 86 C.P.R. (3d) 221 (C.A.F.) (Flexi‑Coil), autorisation de pourvoi refusée, [1999] C.S.C.R. no 223, notre Cour a statué qu’il n’existait pas d’obligation générale de franchise au‑delà de ce que « la loi, les règles et la jurisprudence exigent déjà » : Flexi‑Coil, paragraphes 26 à 31; voir aussi Eli Lilly c. Apotex, 2007 CF 455, [2008] 2 R.C.F. 636, confirmé par 2008 CAF 44, 68 C.P.R. (4th) 167.

 

[139]    Cependant, les appelantes soutiennent que le droit, tel qu’il ressort de ces décisions, a été énoncé en vertu de la législation antérieure. Lorsque l’alinéa 73(1)a) a été édicté, il rendait les décisions antérieures non pertinentes à cet égard dans la mesure où il s’agissait de l’obligation de bonne foi. Selon ma compréhension de l’argument, s’il est établi (en tout temps) qu’un demandeur n’a pas répondu de bonne foi à une demande durant la poursuite de la demande, alors, par application de la loi, la demande est réputée avoir été abandonnée. Par conséquent, si la demande était abandonnée par application de la loi et qu’elle n’était pas rétablie dans le délai requis, le brevet 937 n’aurait pas pu être délivré de manière appropriée et devrait être déclaré invalide.

 

[140]    Je n’accepte pas ces arguments. L’objet de la Loi est de favoriser le progrès continu de la recherche et de l’innovation au Canada. La protection des brevets repose sur le concept d’un marché entre l’inventeur et le public. En contrepartie de la divulgation de leur invention au public, l’inventeur acquiert, pendant une période déterminée, le droit exclusif d’exploiter le brevet : Free World Trust, paragraphes 13 et 42.

 

[141]    Il est bien établi que le droit canadien en matière de brevet est de nature entièrement législative. Il découle de la Loi et des règlements édictés en vertu de celle‑ci : Commissioner of Patent c. Fabwerks Hoechst Aktiengeselschaft Vormals Meister Lucius and Bruning (1963), [1964] R.C.S. 49, Sanofi, paragraphe 12; Flexi‑Coil, paragraphe 31. Dans DBC Marine Safety Systems Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2007 CF 1142, [2008] 2 R.C.F. 563, confirmé par 2008 CAF 256, 69 C.P.R. (4th) 189, au paragraphe 2, la Loi et les Règlements sont décrits par la Cour comme un « code complet ».

 

[142]    Les motifs pour contester la validité d’un brevet sont précisés dans la Loi. Plus particulièrement, ils ont trait à : l’utilité, article 2; la nouveauté (l’antériorité), article 28.2, l’évidence (l’inventivité), article 28.3 et la suffisance de la divulgation, paragraphe 27(3). Outre les motifs de validité, un brevet peut être jugé nul s’il est satisfait aux conditions du paragraphe 53(1).

 

[143]    Les appelantes ont beaucoup misé sur le fait que Bourgault a été tranché en vertu de la législation antérieure qui n’est plus en vigueur. Plus précisément, elles soutiennent que la législation antérieure ne prévoyait aucune obligation de bonne foi. Il est vrai que la Loi antérieure ne contenait pas l’exigence de la bonne foi. Cependant, aux termes des Règles sur les brevets antérieures, plus précisément du paragraphe 45(3), le demandeur devait tenter de bonne foi de faire accepter sa demande : C.R.C. 1978, ch. 1250. On ne peut sérieusement arguer que les termes bona fide [dans la version anglaise] et bonne foi ne sont pas interchangeables. De plus, il y a une interrelation entre l’obligation prévue à l’alinéa 73(1)a) de répondre à toute demande dans les six mois et l’obligation de faire accepter sa demande en vertu de l’ancien paragraphe 45(3). Quoique l’alinéa 73(1)a) soit libellé différemment et dans un langage plus moderne, l’interprétation des appelantes est insoutenable.

 

[144]    Le vice le plus fondamental dans le raisonnement des appelantes est qu’il ne fait pas de différence entre une [traduction] « demande de brevet » et un [traduction] « brevet ». La distinction entre ces deux termes est constamment maintenue dans toute la Loi, voir par exemple : l’alinéa 12(1)f), les paragraphes 27(1), 29(2), 31(1), 49(1), 49(2) et 56(3) ainsi que l’article 78.1 et le paragraphe 78.2(2). De même, les Règles font la distinction entre une « demande de brevet » et un « brevet », voir : les paragraphes 3(8) et (9), les alinéas 3.01(1)e), 3.01(2)a) et b), les paragraphes 4(7) et 8(1), les alinéas 8(2)b) et c), les articles 38 et 42, le paragraphe 100(3), les articles 108 et 133, le paragraphe 155(3) et l’article 159. La Loi traite aussi de la délivrance d’un brevet comme d’un événement décisif qui distingue une « demande de brevet » d’un « brevet », voir : l’article 36 et le paragraphe 38.2(1). Les Règles font de même, voir le paragraphe 160(4) et les articles 164 et 166.

 

[145]    La jurisprudence établit une distinction entre la « demande de brevet » et le « brevet » et considère que la délivrance d’un brevet constitue un point de démarcation : Lovell, page 40; Flexi‑Coil, paragraphe 31; Procter & Gamble Co. c. Beecham Canada Ltd. (1982), 40 N.R. 313, 61 C.P.R. (2d) 1, paragraphes 68 et 69 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée, [1982] C.S.C.R. no 289 (Calgon); Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2006 CAF 323, [2007] 3 R.C.F. 588, 55 C.P.R. (4th) 1, paragraphe 47, autorisation de pourvoir refusée, [1982] C.S.C.R. no 289.

 

[146]    Étant donné que le Parlement est présumé connaître le droit, se peut‑il qu’il ait eu l’intention, par l’édiction de l’alinéa 73(1)a), de révolutionner le droit tel qu’il était? Je ne le pense pas.

 

[147]    L’article 73 a d’abord été présenté dans le projet de loi S‑17, la Loi d’actualisation du droit de la propriété intellectuelle, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 1996. Il s’agissait d’un projet de loi omnibus qui visait à moderniser et à harmoniser les lois sur la propriété intellectuelle du Canada : Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, « Projet de loi S‑17 : Loi d’actualisation du droit de la propriété intellectuelle » de Monique Hebert (19 janvier 1993), page 2. Cinq lois sur la propriété intellectuelle ont été modifiées, dont la Loi. En ce qui a trait aux abandons, entre autres choses, Mme Hebert explique que des problèmes techniques avaient été identifiés sous les modifications de 1987 dans le projet de loi C‑22. Des dispositions qui auraient dû être supprimées ont été conservées, tandis que d’autres requéraient d’être clarifiées. Le projet de loi S‑17 « corrigerait les lacunes existantes, éclaircirait certaines notions et énoncerait les diverses options, révisées ou non, dans un ordre plus logique ».

 

[148]    Le compte rendu des débats parlementaires et les rapports des comités associés sur le projet de loi S‑17 ne disent rien de remarquable sur l’article 73 de la Loi. Le résumé de l’étude d’impact sur la réglementation n’y fait pas référence.

 

[149]    À mon avis, le paragraphe 53(1) de la Loi parle des fausses représentations relativement aux brevets, c’est‑à‑dire aux brevets délivrés. L’alinéa 73(1)a) parle de la bonne foi dans la poursuite de la demande de brevet. Les dispositions sont mutuellement exclusives. Cette interprétation est compatible avec le sens manifeste de la disposition, son contexte à l’intérieur de la Loi et la jurisprudence. Rien n’indique que le Parlement avait l’intention de modifier la loi existante qui établit une dichotomie entre une demande de brevet et un brevet.

 

[150]    Pour être clair, le concept d’abandon à l’alinéa 73(1)a) s’applique durant la poursuite de la demande de brevet. Il cesse de s’appliquer lorsque le brevet est délivré. Après la délivrance du brevet, les dispositions du paragraphe 53(1) doivent être utilisées relativement aux allégations de fausses représentations. Conclure autrement mènerait à l’absurdité. Un brevet délivré serait susceptible de faire l’objet d’un examen rétroactif des tribunaux relativement aux représentations faites par le demandeur au Bureau des brevets durant la poursuite de la demande (généralement plusieurs années auparavant), jugées selon des critères inconnus. C’est à la Commission, et non aux tribunaux, de décider si la réponse d’un demandeur à une demande d’un examinateur est donnée de bonne foi. Les tribunaux ne délivrent pas de brevets. Je note incidemment que la Cour d’appel des États‑Unis pour le circuit fédéral dans Therasense, Inc. c. Becton, Dickinson and Company, 2011 U.S. App. LEXIS a0590, 2011 WL 2028255 (Fed. Cir. 2011), a traité de la doctrine de la conduite inéquitable relative à [traduction] « l’absence de conduite sans reproche ». Fait à noter, la doctrine requiert la démonstration de l’importance et de l’intention de tromper, norme nettement plus élevée que l’exigence générale de bonne foi invoquée par les appelantes. La Cour d’appel a décrit la conduite inéquitable comme [traduction] « la bombe atomique » du droit en matière de brevets. La Cour a statué qu’il était nécessaire de resserrer la norme [traduction] « afin de donner une nouvelle orientation à une doctrine qui a été trop utilisée au détriment du public », opinion présentée à la cour, pages 19, 21 et 24.

 

[151]    Les décisions invoquées par les appelantes ne leur sont d’aucun secours. DBC Marine a confirmé l’abandon présumé d’une demande de brevet imposé avant la délivrance du brevet : paragraphe 1. Dans Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2003 CAF 121, [2003] 4 C.F. 67, autorisation de pourvoi rejetée, [2003] C.S.C.R. no 204, la demande de brevet canadien no 2,146,904 a été présumée abandonnée : paragraphe 3. Aucun brevet n’avait été délivré relativement à cette demande. Dans Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientifique Ltée, 2006 CAF 195, [2007] 1 R.C.F. 465, autorisation de pourvoi refusée, [2006] C.S.C.R. no 324, la Cour a statué, suite à l’ajout du paragraphe 78.1(6) à la Loi, que des paiements complémentaires avaient un effet rétroactif et qu’il en résultait que le brevet en cause n’aurait pas dû être présumé abandonné.  Lundbeck Canada Inc. c. Ratiopharm Inc., 2009 CF 1102, 79 C.P.R. (4th) 243 (Lundbeck) concernait des procédures en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133. L’argument des appelantes repose, en partie, sur les motifs de la Cour fédérale dans G.D. Searle & Co. c. Novopharm Ltd., 2007 CF 81, [2008] 1 R.C.F. 477, inf. par 2007 CAF 173, [2008] 1 R.C.F. 529 (G.D. Searle), autorisation de pourvoi refusée, [2007] C.S.C.R. no 340. Dans la mesure où les décisions de la Cour fédérale dans G.D. Searle et Lundbeck peuvent être interprétées comme favorables à la proposition selon laquelle l’alinéa 73(1)a) peut être invoqué pour contester la validité d’un brevet, elles ne devraient pas être suivies.

 

L’injonction

[152]    Enfin, les appelantes soutiennent que le juge de première instance a commis une erreur en accordant une injonction dans les circonstances de l’espèce. Leur prétention repose principalement sur l’allégation selon laquelle Grenke n’avait pas [traduction] « une attitude irréprochable » dans ses rapports avec le Bureau des brevets : mémoire des faits et du droit des appelantes, paragraphes 127 à 130. Étant donné mes conclusions antérieures en ce qui concerne les représentations de Grenke, l’argument est rejeté.

 

[153]    Dans son examen de la question, le juge a renvoyé sa conclusion antérieure selon laquelle la conduite de Grenke ne constituait pas un motif suffisant pour invalider le brevet 937. Quoique je reconnaisse que les actions de Grenke n’étaient pas irréprochables, le juge était d’avis que les appelantes avaient contrefait et continueraient de contrefaire le brevet si la Cour n’intervenait pas : motifs, paragraphe 227 à 232. Il a décrit les actions des appelantes comme « injustifiables et inacceptables ».

 

[154]    Contrairement à l’affirmation des appelantes, le juge n’a pas indiqué qu’une injonction était soit nécessaire soit opportune dans tous les cas de contrefaçon d’un brevet. L’injonction discrétionnaire qu’il a accordée était fondée sur les faits de l’espèce. Les injonctions discrétionnaires appellent une déférence importante. Les appelantes n’ont pas satisfait au seuil requis par la Cour pour son intervention, voir : Apotex Inc. c. Gouverneur en Conseil, 2007 CAF 374, 63 C.P.R. (4th) 151, paragraphe 15; Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Navire), 2005 CAF 139, [2005] 3 R.C.F. 367, paragraphe 13.

 

Les inférences défavorables

[155]    Les appelantes interjettent appel de deux conclusions du juge, chacune censément fondée sur une inférence défavorable. Premièrement, elles contestent la conclusion selon laquelle les appelantes ont sciemment et volontairement contrefait le brevet 937 du fait qu’elles avaient engagé Glen Schneider, un ancien employé de l’intimée Weatherford. Deuxièmement, elles contestent la conclusion du juge sur la contrefaçon de la revendication 17 et soutiennent que le juge, en utilisant une inférence défavorable, a effectivement libéré les intimés de leur obligation d’établir l’incitation.

 

[156]    Mis à part la revendication 17, il est possible de statuer sommairement sur la première allégation. Je commencerai en notant que l’intention n’est pas pertinente en matière de contrefaçon. [traduction] « La contrefaçon est autant le produit de l’ignorance que de la véritable intention. On présume que toute personne est au courant des nouveaux brevets d’invention, mais un brevet d’invention peut être contrefait par une personne ignorante de son existence » : Harold G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventors, 4e éd. (Toronto : Carswell, 1969), page 381; Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, paragraphe 49. Cependant, rien n’interdit à un juge de conclure qu’un brevet a été intentionnellement contrefait. La conclusion du juge selon laquelle les appelantes ont volontairement contrefait le brevet ne reposait pas sur la seule embauche de Glen Schneider. Elle reposait sur un certain nombre de faits que le juge a exposé avant de déclarer que de tels facteurs n’avaient pas été expliqués : motifs, paragraphe 202. C’est alors seulement que le juge a tiré l’inférence défavorable que la preuve des appelantes ne leur aurait été d’aucun secours si elle avait été présentée. Je ne décèle aucune erreur à cet égard.

 

[157]    La deuxième allégation est autre chose. J’ai indiqué au paragraphe 34 des présents motifs que je traiterais plus loin des arguments relatifs à la revendication 17. Le moment est venu de le faire. Je dois noter que, mis à part leurs arguments sur la validité, les appelantes ne contestent pas les conclusions du juge sur la contrefaçon sauf en ce qui a trait à la revendication 17. Par conséquent, la présente analyse ne portera que sur la revendication 17. Je commencerai par préciser ce qui n’est pas en cause. Les propositions ci‑dessous sont bien établies.

(1)               Il incombe aux intimés d’établir la contrefaçon selon la prépondérance des probabilités.

(2)               La revendication 17 du brevet 937 est une revendication de méthode.

(3)               Les appelantes ne pratiquent pas la méthode et ne violent donc pas la revendication 17l.

(4)               La contrefaçon de la revendication 17 par les appelantes sera établie en démontrant l’incitation.

 

[158]    Le juge a décrit la revendication 17 comme étant une revendication indépendante exposant la méthode pour empêcher les fuites de pétrole dans une pompe à rotor hélicoïdal : motifs, paragraphe 175. Il indique que les appelantes « fournissent des manuels d’instructions sur la façon d’utiliser la boîte à garniture rotative. L’instruction pour faire fonctionner les boîtes à garniture intégrales et de rattrapage Enviro des défenderesses fournit des informations exactes; la situation est moins claire pour les Griffin »: motifs, paragraphe 176. Il a fait remarquer que aucune partie n’ayant cité de client à témoigner, la Cour doit donc arriver à la seule conclusion logique qu’elle puisse rendre, soit que « les clients suivent en toute probabilité les instructions des manuels ‑ surtout des clients avertis comme les exploitants de puits de pétrole, à qui sont destinés les produits » : motifs, paragraphe 177. Il constate que le manuel d’instructions comporte des images des unités intégrales et de rattrapage, un schéma de la boîte à garniture et les procédures d’exploitation : motifs, paragraphe 178. Il mentionne la preuve de Skoczyla selon laquelle les manuels pour les dispositifs montrent le mode d’emploi de la revendication 17 : motifs, paragraphe 179.

 

[159]    Au paragraphe 199 de ses motifs, qui portent spécifiquement sur la violation potentielle de la revendication 17, le juge fait remarquer une fois de plus que la revendication « est toutefois une méthode pour empêcher les fuites de pétrole, selon laquelle il faut notamment surveiller un passage anti‑fuites pour déterminer si des joints cèdent. Il faut pour cela que ce passage soit ouvert » et a fait remarquer que « les dispositifs Corlac sont fermés ». Il a ensuite résumé la position des intimés : « [Ils] reconnaissent ne pas avoir de preuve de son utilisation réelle. Ils s’appuient sur les conclusions défavorables tirées du fait que les défenderesses n’ont pas cité de témoin pour contrer la conclusion évidente que les clients suivraient les instructions. Ils s’appuient également sur les témoignages des experts dans le même sens. »

 

[160]    Le juge a conclu que la revendication 17, entre autres, avait été contrefaite : motifs, paragraphe 204. Sa conclusion précédait sa considération de la question de savoir si les appelantes « ont incité des tiers, les clients, à contrefaire le brevet 937, séparément de la propre responsabilité des [appelantes] pour contrefaçon par fabrication ou vente » : motifs, paragraphe 205. En ce qui concerne la question de l’incitation, le juge a réitéré sa préoccupation quant à l’absence de preuve et a déclaré qu’on ne pouvait que logiquement penser que les ventes se faisaient à des clients. Il a noté que l’ordonnance de disjonction limitait l’évaluation du degré de l’incitation par les appelantes : motifs, paragraphe 205. Puis, le juge a conclu que « [q]uoi qu’il en soit, après avoir jugé qu’il y a eu contrefaçon de la part d’au moins l’une des défenderesses, la Cour conclut que la réponse à la question no 3 est oui » : motifs, paragraphe 206. Par souci d’exhaustivité, la question no 3 était la suivante : « [a]u moins une des [appelantes] est‑elle responsable de la fabrication ou de la vente de leurs unités au Canada, ou de l’incitation de leur clientèle à utiliser leurs unités au Canada? » : motifs, paragraphe 115.

 

[161]    Avec respect, les appelantes ne peuvent pas avoir contrefait la revendication 17 en l’absence d’une conclusion d’incitation. Le juge a conclu que les appelantes avaient contrefait la revendication 17 et ce n’est qu’alors qu’il s’est penché sur la question de l’incitation. L’analyse de l’incitation dans ses motifs porte sur les points suivants : il n’y avait aucune preuve de l’existence de clients; on ne pouvait que logiquement penser que les ventes se font à des clients : motifs, paragraphe 205. Il avait antérieurement noté qu’il n’y avait pas de preuve d’utilisation par des clients, mais qu’il était plus probable que ceux‑ci suivent les instructions dans les manuels plutôt que le contraire.

 

[162]    Il est bien établi en droit que celui qui incite ou amène un autre à contrefaire un brevet se rend coupable de contrefaçon du brevet. Une conclusion d’incitation requiert l’application d’un critère à trois volets. Premièrement, l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct. Deuxièmement, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu. Troisièmement, l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon : Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751, paragraphes 42 et 43 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, [1996] C.S.C.R. no 441; AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien‑être social), 2002 CAF 421, 22 C.P.R. (4th) 1, paragraphe 17 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, [2002] C.S.C.R. no 531; MacLennan c. Produits Gilbert Inc., 2008 CAF 35, 67 C.P.R. (4th) 161, paragraphe 13. Le critère n’est pas difficile à satisfaire.

 

[163]    Les appelantes soutiennent que le juge n’a pas appliqué le critère. Il a plutôt appliqué une inférence défavorable et n’a pas tenu compte du fait que les intimés n’avaient pas établi les facteurs requis pour fonder une conclusion d’incitation.

 

[164]    La question de l’inférence défavorable a été soulevée durant les observations finales des intimés au procès. Les intimés ont concédé qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve qu’un exploitant quelconque avait réellement utilisé une méthode qui contrefaisait la revendication 17 » : dossier d’appel, vol. 19, onglet 295, page 5917. Comme les appelantes n’ont appelé aucun témoin relativement à l’utilisation de leur manuel d’instructions, les intimés ont prétendu qu’il fallait en inférer que, selon la preuve, des gens suivaient les instructions et utilisaient leurs machines de la façon exposée dans le manuel : dossier d’appel, vol. 18, onglet 291, transcription page 73; vol. 19, onglet 295, page 5917. Les intimés ont en outre fait référence au [traduction] « témoignage des experts des [appelantes] qui disent que les gens suivent normalement les directives sur la lubrification et la façon d’utiliser une machine » ainsi qu’au témoignage de l’expert Skoczylas des intimés selon lequel les instructions [traduction] « sont un équivalent fonctionnel de la revendication 17 » : dossier d’appel, vol. 18, onglet 291, page 5918. La question n’est pas claire de savoir sur quel fondement l’expert avait l’intention de faire reposer la première déclaration. Il convient de faire remarquer que, sans concéder l’utilisation, les appelantes ne semblaient pas contester que les clients suivraient leurs instructions. Le débat tournait autour de la question de savoir si le manuel d’instructions enseignait la pratique de la méthode (de la revendication 17). Le juge a conclu qu’il le faisait.

 

[165]    Les appelantes soutiennent qu’elles n’étaient pas tenues d’aider les intimés à établir le bien‑fondé de leur cause. Il incombait aux intimés de le faire et il était loisible à ceux‑ci d’assigner les clients des appelantes pour démontrer l’allégation d’utilisation. Bref, les intimés ont tenté de démontrer le bien‑fondé de leur cause par la bouche des appelantes.

 

[166]    Le concept d’inférence défavorable a été analysé dans R. c. Jolivet, 2000 CSC 29, [2000] 1 R.C.S. 751, paragraphes 23 à 28, 29 et 33. Le juge Binnie, citant Wigmore on Evidence (renvoi omis), a fait référence au passage suivant au paragraphe 33 :

[traduction]  La partie dont la preuve consiste à réfuter les allégations de l’autre partie n’a pas le fardeau de convaincre le jury. Du point de vue juridique, une partie peut demeurer inactive et attendre que le proposant établisse sa propre preuve. Jusqu’au déplacement du fardeau de production de la preuve, l’opposant n’est donc pas tenu de produire quelque élément de preuve que ce soit et peut se présenter devant le jury en se fondant uniquement sur la faiblesse de la preuve du proposant. Par conséquent, même s’il prend un risque en agissant de la sorte, il n’en reste pas moins que son omission de produire des éléments de preuve ne peut pas permettre à cette étape que des conclusions soient tirées relativement à l’absence de preuve; autrement, le proposant échapperait pour ainsi dire au fardeau légitime qui lui incombe. Cette distinction est reconnue et raisonnable. [Souligné par le juge Binnie.]

 

[167]    Cela dit, selon mon interprétation de ses motifs, le juge n’a pas tiré une inférence défavorable de la revendication 17. Au contraire, il a déclaré qu’on ne peut « que logiquement penser que les ventes se font à des clients » : motifs, paragraphe 205. Plus haut dans ses motifs, il a fait la remarque qu’il devait « donc arriver à la seule conclusion logique […] que les clients suivent en toute probabilité les instructions des manuels – surtout des clients avertis comme les exploitants de puits de pétrole, à qui sont destinés les produits » : motifs, paragraphe 77. 

 

[168]    Étant donné le critère rigoureux applicable à l’incitation, je ne peux déterminer si le juge, s’il avait appliqué le critère explicitement, serait arrivé à la conclusion que les appelantes ont indirectement contrefait la revendication 17 du brevet 937. Il est clair que le juge a commis une erreur en concluant à la contrefaçon de la revendication 17 du brevet 937 avant d’examiner la question de l’incitation. La conclusion de contrefaçon directe ne résiste pas à l’analyse. De plus, quoique le juge est présumé connaître le droit, le critère d’incitation est rigoureux et il n’a pas clairement indiqué s’il en a apprécié la nature.

 

[169]    Il semble y avoir des lacunes importantes dans le fondement probatoire nécessaire  pour fonder ce qui semble être une conclusion implicite d’utilisation par un tiers. Par exemple, le manuel d’instructions était peut‑être destiné aux exploitants de puits de pétrole, mais ceux‑ci étaient‑ils des clients ? Qui est l’utilisateur final? Le manuel d’instructions était‑il fourni à l’utilisateur final? Le manuel d’instructions était‑il fourni dans le cours normal des affaires des appelantes ? Quoique je ne veuille pas donner à entendre que le juge était tenu de répondre à ces questions précises (peut‑être le dossier ne le lui permettait pas), je les soulève pour illustrer le contexte factuel qui pourrait étayer les inférences du juge. Il existe une distinction importante entre une inférence et une conjecture. La frontière entre les deux est souvent très difficile à tracer. [traduction] « Une conjecture peut être plausible, mais elle n’a aucune valeur en droit puisqu’il s’agit d’une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante » : Jones c. Great Western Railway Co. (1930), 47 T.L.R. 39, p. 45, 144 L.T. 194 (H.L.).

 

[170]    En l’espèce, l’analyse du juge en ce qui a trait à l’incitation est déficiente. Cependant, l’analyse doit être interprétée à la lumière des autres conclusions auxquels il est parvenu ailleurs dans ses motifs. Malheureusement, après avoir fait l’exercice, je ne suis pas convaincue que le juge a saisi la substance de la question cruciale en ce qui concerne l’incitation. Sa conclusion semble découler de sa conclusion antérieure sur la contrefaçon indirecte.

 

[171]    Je suis d’accord avec les appelantes pour dire que, compte tenu du critère applicable à l’incitation, les motifs du juge faisaient obstacle à leur examen valable en appel. Par conséquent, étant donné la connaissance intime que le juge a du dossier, je lui renverrais la question de la revendication 17, soit celle de l’incitation 17, pour qu’il rende une décision conforme au critère établi.

 


Conclusion

[172]    Pour tous ces motifs, j’accueillerais l’appel relativement à la décision du juge sur la violation de la revendication 17 du brevet 937. Je renverrais la question de la contrefaçon de la revendication 17 au juge pour qu’il rende une nouvelle décision. À tous les autres égards, je rejetterais l’appel. Ayant conclu que les intimés ont gain de cause en grande partie, j’accorderais 80 % de leurs dépens en appel.

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

j.c.a.

 

 

 

 

« Je suis d’accord.

     M. Nadon, j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

     John M. Evans, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


ANNEXE A

aux motifs dans le dossier A‑282‑10

datés du 18 juillet 2011

 

 

 

Loi sur les brevets,

L.R.C. 1985, ch. P‑4

 

 Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[…]

 

12. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règle ou règlement :

 

[…]

 

f) prescrire les taxes à payer pour le maintien en état des demandes de brevet ainsi que des droits conférés par les brevets ou les modalités de leur détermination;

 

[…]

 

27. (1) Le commissaire accorde un brevet d’invention à l’inventeur ou à son représentant légal si la demande de brevet est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle‑ci sont remplies.

 

 

 

[…]

 

 (1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

 

a) plus d’un an avant la date de dépôt de celle‑ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs ;

 

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs ;

 

c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a) ;

 

d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a) si :

 

(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas

 

(A) a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a),

 

(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,

 

(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa a),

 

(iii) à la date de dépôt de la demande, il s’est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,

 

(iv) cette personne a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

 

(2) Si la demande de brevet visée à l’alinéa (1)c) ou celle visée à l’alinéa (1)d) a été retirée avant d’être devenue accessible au public, elle est réputée, pour l’application des paragraphes (1) ou (2), n’avoir jamais été déposée.

[…]

 

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[…]

 

29. (2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, cette personne ou maison désignée est réputée, pour toutes les fins de la présente loi, y compris la signification des procédures prises sous son régime, le représentant de ce demandeur et de tout titulaire d’un brevet émis sur sa demande qui ne semble pas résider ou faire des opérations à une adresse spécifiée au Canada, et le commissaire l’inscrit comme tel.

 

[…]

 

31. (1) Lorsqu’une invention est faite par plusieurs inventeurs et que l’un d’eux refuse de soumettre une demande de brevet ou que le lieu où il se trouve ne peut être déterminé après une enquête diligente, les autres inventeurs ou leur représentant légal peuvent soumettre une demande, et un brevet peut être accordé au nom des inventeurs qui font la demande, si le commissaire est convaincu que l’inventeur conjoint a refusé de soumettre une demande ou que le lieu où il se trouve ne peut être déterminé après une enquête diligente.

 

[…]

36. (1) Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

 

(2) Si une demande décrit plus d’une invention, le demandeur peut restreindre ses revendications à une

seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire, si celle‑ci est déposée avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale.

 

 

(2.1) Si une demande décrit et revendique plus d’une invention, le demandeur doit, selon les instructions du commissaire, restreindre ses revendications à une seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire, si celle‑ci est déposée avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale.

 

(3) Si la demande originale a été abandonnée, le délai pour le dépôt d’une demande complémentaire se termine à l’expiration du délai fixé pour le rétablissement de la demande originale aux termes de la présente loi.

 

 

(4) Une demande complémentaire est considérée comme une demande distincte à laquelle la présente loi s’applique aussi complètement que possible. Des taxes distinctes sont acquittées pour la demande complémentaire, et sa date de dépôt est celle de la demande originale.

[…]

 

38. (1) Dans tous les cas où l’invention est susceptible d’être représentée par un modèle, le demandeur fournit, si le commissaire le requiert, un modèle établi sur une échelle convenable, montrant les diverses parties de l’invention dans de justes proportions. Lorsque l’invention consiste en une composition de matières, le demandeur fournit, si le commissaire le requiert, des échantillons des ingrédients et de la composition, en suffisante quantité aux fins d’expérience.

 

 

(2) Si les ingrédients ou la composition sont d’une nature explosive ou dangereuse, ils sont fournis avec toutes les précautions spécifiées dans la réquisition qui en est faite.

 

[…]

 

38.2 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des règlements, le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande de brevet peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

 

[…]

 

49. (1) Un brevet peut être concédé à toute personne à qui un inventeur, ayant aux termes de la présente loi droit d’obtenir un brevet, a cédé par écrit ou légué par son dernier testament son droit de l’obtenir. En l’absence d’une telle cession ou d’un tel legs, le brevet peut être concédé aux représentants personnels de la succession d’un inventeur décédé.

 

(2) Si le demandeur d’un brevet a, après le dépôt de sa demande, cédé son droit d’obtenir le brevet, ou s’il a, avant ou après le dépôt de celle‑ci, cédé par écrit tout ou partie de son droit de propriété sur l’invention, ou de son intérêt dans l’invention, le cessionnaire peut faire enregistrer cette cession au Bureau des brevets, en la forme fixée par le commissaire; aucune demande de brevet ne peut dès lors être retirée sans le consentement écrit de ce cessionnaire.

[…]

 

52. La Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

 

[…]

 

 (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

 

(2) S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

 

[…]

 

56. (3) L’article 56 de la Loi sur les brevets, dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur du paragraphe (1), s’applique à l’achat, l’exécution ou l’acquisition, antérieurs à cette date, d’une invention pour laquelle un brevet est délivré relativement à une demande déposée après le 1er octobre 1989 mais avant l’entrée en vigueur du paragraphe (1).

 

[…]

 (1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

 

a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par le commissaire ;

b) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 27(6) ;

 

 

c) de payer, dans le délai réglementaire, les taxes visées à l’article 27.1 ;

 

d) de présenter la requête visée au paragraphe 35(1) ou de payer la taxe réglementaire dans le délai réglementaire ;

 

 

e) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 35(2) ;

 

f) de payer les taxes réglementaires mentionnées dans l’avis d’acceptation de la demande de brevet dans les six mois suivant celui‑ci.

 

(2) Elle est aussi considérée comme abandonnée dans les circonstances réglementaires.

 

(3) Elle peut être rétablie si le demandeur :


a) présente au commissaire, dans le délai réglementaire, une requête à cet effet ;

 

b) prend les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon ;

 

c) paie les taxes réglementaires avant l’expiration de la période réglementaire.

[…]

 

76. Quiconque, relativement aux fins de la présente loi et en connaissance de cause, selon le cas :

 

a) fait un exposé faux;

 

b) effectue ou fait effectuer une fausse inscription dans un registre ou livre;

 

b.1) remet ou fait remettre, sous forme électronique, de faux documents ou renseignements ou des documents renfermant des renseignements faux;

 

 

c) fait ou fait faire un faux document ou altère la forme d’une copie de document;

 

d) produit ou présente un document renfermant des renseignements faux, commet un acte criminel et encourt, sur déclaration de culpabilité, une amende maximale de cinq cents dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines.

[…]

 

78.1 La présente loi dans sa version du 30 septembre 1989 s’applique aux demandes de brevet déposées jusqu’à cette date. Ces demandes sont également régies par l’article 38.1.

 

[…]

 

 

78.2 (2) Sous réserve du paragraphe (3), la présente loi dans sa version du 30 septembre 1989, à l’exception de l’article 46, s’applique aux affaires survenant, le 1er octobre 1989 ou par la suite, relativement aux brevets délivrés ce jour ou par la suite au titre de demandes déposées avant le 1er octobre 1989. Ces affaires sont également régies par les articles 38.1, 45, 46 et 48.1 à 48.5.

 

 

 

 

Règles sur les brevets

DORS/96‑423

 

3. (8) La taxe à verser en application des articles 100, 101, 155 et 156 pour le maintien en état des droits conférés par un brevet délivré au titre d’une demande déposée le 1er octobre 1989 ou après cette date est :

 

a) si, avant l’expiration du délai prévu pour le versement de la taxe, la déclaration du statut de petite entité est déposée conformément à l’article 3.01, la taxe applicable aux petites entités prévue à l’article 31 de l’annexe II;

 

b) dans les autres cas, la taxe générale prévue à cet article.

 

(9) La taxe à verser en application des paragraphes 182(1) et (3) pour le maintien en état des droits conférés par un brevet délivré le 1er octobre 1989 ou après cette date au titre d’une demande déposée avant cette date est :

 

a) si, avant l’expiration du délai prévu pour le versement de la taxe, la déclaration du statut de petite entité est déposée conformément à l’article 3.01, la taxe applicable aux petites entités prévue à l’article 32 de l’annexe II;

 

b) dans les autres cas, la taxe générale prévue à cet article.

 

3.01 (1) Sous réserve de l’article 3.02, la déclaration du statut de petite entité :

[…]

 

e) est signée par le demandeur ou le breveté ou par un agent de brevets nommé par le demandeur ou le breveté;

[…]

 

(2) Le demandeur ou le breveté a le droit de payer la taxe applicable aux petites entités à l’égard d’une demande ou d’un brevet :

 

a) si, à l’égard d’une demande autre qu’une demande PCT à la phase nationale ou d’un brevet délivré au titre d’une telle demande, à la date de dépôt de la demande, le demandeur initialement désigné dans la pétition est une petite entité à l’égard de l’invention visée par la demande ou le brevet;

 

b) si, à l’égard d’une demande PCT à la phase nationale ou d’un brevet délivré au titre d’une telle demande, le demandeur était, à la date à laquelle il s’est conformé aux exigences du paragraphe 58(1) et, s’il y a lieu, à celles du paragraphe 58(2) une petite entité à l’égard de l’invention visée par la demande ou le brevet.

 

[…]

 

 

4. (7) La taxe d’enregistrement de tout document relatif à un brevet ou à une demande est remboursée si elle est versée et que le document n’est pas déposé par la suite.

 

[…]

 

8. (1) Sous réserve du paragraphe (2), toute communication adressée au commissaire au sujet d’une demande ou d’un brevet porte sur une seule demande ou un seul brevet.

 

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux communications concernant :

 

a) les transferts, licences ou sûretés;

 

 

b) les changements de nom ou d’adresse d’un demandeur, d’un breveté, d’un agent de brevets, d’un coagent ou d’un représentant pour signification;

 

c) les taxes versées pour le maintien en état des demandes et des droits conférés par les brevets.

 

[…]

 

25. Sauf disposition contraire de la Loi ou des présentes règles, le délai d’exécution de tout acte que le commissaire exige, par avis, du demandeur pour qu’il se conforme à la Loi ou aux présentes règles est le délai de trois mois suivant la demande.

 

[…]

 

 

 

38. Le commissaire ne reconnaît le transfert d’un brevet ou d’une demande que si une copie de l’acte de transfert du propriétaire actuellement reconnu au nouveau propriétaire a été enregistrée au Bureau des brevets à l’égard du brevet ou de la demande.

 

 

[…]

 

 

42. Sous réserve des articles 49 et 50 de la Loi, le commissaire enregistre au Bureau des brevets tout document relatif à un brevet ou à une demande, sur réception d’une demande d’enregistrement accompagnée de la taxe prévue à l’article 21 de l’annexe II.

 

[…]

 

100. (3) Aucune taxe pour le maintien en état des droits conférés par le brevet n’est exigible pour la période à l’égard de laquelle a été payée une taxe pour le maintien en état de la demande du brevet.

 

[…]

 

108. Le commissaire ne peut, jusqu’à ce qu’un brevet ait été délivré au titre de la demande ou que celle‑ci ait été rejetée, ou ait été abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou ait été retirée, faire la certification visée au paragraphe 107(2) à l’égard d’une personne, notamment un expert indépendant, à moins d’avoir reçu l’engagement donné par cette personne au demandeur, selon lequel :

 

 

a) elle ne mettra aucun échantillon de matières biologiques remis par l’autorité de dépôt internationale ni aucune culture dérivée d’un tel échantillon à la disposition d’une autre personne avant qu’un brevet ait été délivré au titre de la demande ou que celle‑ci ait été rejetée, ou ait été abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou ait été retirée;

 

b) elle n’utilisera l’échantillon de matières biologiques remis par l’autorité de dépôt internationale et toute culture dérivée d’un tel échantillon que dans le cadre d’expériences qui se rapportent à l’objet de la demande, jusqu’à ce qu’un brevet ait été délivré au titre de la demande ou que celle‑ci ait été rejetée, ou ait été abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou ait été retirée.

 

[…]

 

133. Tout document déposé à l’égard d’un brevet ou d’une demande est présenté clairement et lisiblement sur des feuilles de papier blanc de bonne qualité qui, sauf dans le cas des actes de transfert, des autres documents constatant un titre de propriété et des copies certifiées conformes de documents, mesurent au plus 21,6 cm sur 33 cm (8 1/2 pouces sur 13 pouces).

 

[…]

 

 Pour l’application du paragraphe 73(2) de la Loi, la demande est considérée comme abandonnée si le demandeur omet de répondre de bonne foi à toute demande du commissaire visée aux articles 23 ou 25 dans le délai prévu à ces articles.

 

[…]

 

 

155. (3) Aucune taxe pour le maintien en état des droits conférés par le brevet n’est exigible pour la période à l’égard de laquelle a été payée une taxe pour le maintien en état de la demande du brevet.

 

[…]

 

159. Pour l’application du paragraphe 38.1(1) de la Loi, lorsque le mémoire descriptif d’une demande déposée au Canada ou du brevet délivré au titre de cette demande mentionne le dépôt d’un échantillon de matières biologiques, le dépôt est réputé effectué conformément au présent règlement si les exigences des articles 160 à 162 sont respectées.

 

[…]

 

160. (4) Le demandeur peut, au plus tard le 1er janvier 1998, ou le jour précédant celui où la demande est rendue accessible au public pour consultation sous le régime de l’article 10 de la Loi si ce jour est postérieur, déposer un avis auprès du commissaire indiquant qu’il veut, jusqu’à ce qu’un brevet soit délivré au titre de la demande ou que celle‑ci soit rejetée, ou soit abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou soit retirée, que le commissaire n’autorise la remise d’un échantillon des matières biologiques déposées qu’à un expert indépendant désigné par lui conformément à l’article 165.

[…]

 

 

164. Le commissaire ne peut, jusqu’à ce qu’un brevet ait été délivré au titre de la demande ou que celle‑ci ait été rejetée, ou ait été abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou ait été retirée, faire la certification visée au paragraphe 163(2) à l’égard d’une personne, notamment un expert indépendant, à moins d’avoir reçu l’engagement donné par cette personne au demandeur, selon lequel :

 

 

a) elle ne mettra aucun échantillon de matières biologiques remis par l’autorité de dépôt internationale ni aucune culture dérivée d’un tel échantillon à la disposition d’une autre personne avant qu’un brevet ait été délivré au titre de la demande ou que celle‑ci ait été rejetée, ou ait été abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou ait été retirée;

 

b) elle n’utilisera l’échantillon de matières biologiques remis par l’autorité de dépôt internationale et toute culture dérivée d’un tel échantillon que dans le cadre d’expériences qui se rapportent à l’objet de la demande, jusqu’à ce qu’un brevet ait été délivré au titre de la demande ou que celle‑ci ait été rejetée, ou ait été abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou ait été retirée.

 

[…]

 

166. (1) Lorsque l’avis visé au paragraphe 160(4) a été déposé à l’égard d’une demande, seul l’expert indépendant désigné par le commissaire peut déposer la requête visée à l’article 163 jusqu’à ce qu’un brevet soit délivré au titre de la demande ou que celle‑ci soit rejetée, ou soit abandonnée et ne puisse plus être rétablie, ou soit retirée.

 

 

(2) Lorsque le commissaire fait la certification visée au paragraphe 163(2) à l’égard de l’expert indépendant qu’il a désigné, il envoie une copie de la requête, accompagnée de la certification, au demandeur et à la personne qui a demandé la désignation de l’expert.

Patent Act

R.S.C. 1985, c. P‑4

 

 In this Act, except as otherwise provided,

 

 

“invention” means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

 

12. (1) The Governor in Council may make rules or regulations

 

 

(f) prescribing the fees or the manner of determining the fees that shall be paid to maintain in effect an application for a patent or to maintain the rights accorded by a patent;

 

 

27. (1) The Commissioner shall grant a patent for an invention to the inventor or the inventor’s legal representative if an application for the patent in Canada is filed in accordance with this Act and all other requirements for the issuance of a patent under this Act are met.

 

 

 (1) The subject‑matter defined by a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) must not have been disclosed

 

(a) more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant, in such a manner that the subject‑matter became available to the public in Canada or elsewhere;

 

(b) before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the subject‑matter became available to the public in Canada or elsewhere;

 

(c) in an application for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant, and has a filing date that is before the claim date; or

 

 

 

 

(d) in an application (the “co‑pending application”) for a patent that is filed in Canada by a person other than the applicant and has a filing date that is on or after the claim date if

 

 

 

(i) the co‑pending application is filed by

 

(A) a person who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for Canada an application for a patent disclosing the subject‑matter defined by the claim, or

 

(B) a person who is entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party and who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for any other country that by treaty, convention or law affords similar protection to citizens of Canada an application for a patent disclosing the subject‑matter defined by the claim,

 

(ii) the filing date of the previously regularly filed application is before the claim date of the pending application,

 

(iii) the filing date of the co‑pending application is within twelve months after the filing date of the previously regularly filed application, and

 

(iv) the applicant has, in respect of the co‑pending application, made a request for priority on the basis of the previously regularly filed application.

 

(2) An application mentioned in paragraph (1)(c) or a co‑pending application mentioned in paragraph (1)(d) that is withdrawn before it is open to public inspection shall, for the purposes of this section, be considered never to have been filed.

 

28.3 The subject‑matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject‑matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

 

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

 

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

 

29. (2) Subject to this section, a nominee of an applicant shall be deemed to be the representative for all purposes of this Act, including the service of any proceedings taken under it, of the applicant and of any patentee of a patent issued on his application who does not appear to reside or carry on business at a specified address in Canada, and shall be recorded as such by the Commissioner.

 

 

31. (1) Where an invention is made by two or more inventors and one of them refuses to make application for a patent or his whereabouts cannot be ascertained after diligent inquiry, the other inventors or their legal representatives may make application, and a patent may be granted in the name of the inventors who make the application, on satisfying the Commissioner that the joint inventor has refused to make application or that his whereabouts cannot be ascertained after diligent inquiry.



36. (1) A patent shall be granted for one invention only but in an action or other proceeding a patent shall not be deemed to be invalid by reason only that it has been granted for more than one invention.

 

(2) Where an application (the "original application") describes more than one invention, the applicant may limit the claims to one invention only, and any other invention disclosed may be made the subject of a divisional application, if the divisional application is filed before the issue of a patent on the original application.

 

(2.1) Where an application (the "original application") describes and claims more than one invention, the applicant shall, on the direction of the Commissioner, limit the claims to one invention only, and any other invention disclosed may be made the subject of a divisional application, if the divisional application is filed before the issue of a patent on the original application.

 

(3) If an original application mentioned in subsection (2) or (2.1) becomes abandoned, the time for filing a divisional application terminates with the expiration of the time for reinstating the original application under this Act.

 

(4) A divisional application shall be deemed to be a separate and distinct application under this Act, to which its provisions apply as fully as may be, and separate fees shall be paid on the divisional application and it shall have the same filing date as the original application.

 

38. (1) In all cases in which an invention admits of representation by model, the applicant, if required by the Commissioner, shall furnish a model of convenient size exhibiting its several parts in due proportion, and when an invention is a composition of matter, the applicant, if required by the Commissioner, shall furnish specimens of the ingredients, and of the composition, sufficient in quantity for the purpose of experiment.


 

 

 

(2) If the ingredients or composition referred to in subsection (1) are of an explosive or dangerous character, they shall be furnished with such precautions as are specified in the requisition therefore.

 

 

38.2 (1) Subject to subsections (2) and (3) and the regulations, the specification and any drawings furnished as part of an application for a patent in Canada may be amended before the patent is issued.

 

 

49. (1) A patent may be granted to any person to whom an inventor, entitled under this Act to obtain a patent, has assigned in writing or bequeathed by his last will his right to obtain it, and, in the absence of an assignment or bequest, the patent may be granted to the personal representatives of the estate of the deceased inventor.

 

 

(2) Where an applicant for a patent has, after filing the application, assigned his right to obtain the patent, or where the applicant has either before or after filing the application assigned in writing the whole or part of his property or interest in the invention, the assignee may register the assignment in the Patent Office in such manner as may be determined by the Commissioner, and no application for a patent may be withdrawn without the consent in writing of every such registered assignee.

 

52. The Federal Court has jurisdiction, on the application of the Commissioner or of any person interested, to order that any entry in the records of the Patent Office relating to the title to a patent be varied or expunged.

 

 

 (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.

 

 

(2) Where it appears to a court that the omission or addition referred to in subsection (1) was an involuntary error and it is proved that the patentee is entitled to the remainder of his patent, the court shall render a judgment in accordance with the facts, and shall determine the costs, and the patent shall be held valid for that part of the invention described to which the patentee is so found to be entitled.

 

56. (3) Section 56 of the Patent Act, as it read immediately before the day on which subsection (1) came into force, applies in respect of a purchase, construction or acquisition made before that day of an invention for which a patent is issued on the basis of an application filed after October 1, 1989 and before the day on which subsection (1) came into force.

 

 (1) An application for a patent in Canada shall be deemed to be abandoned if the applicant does not

 

(a) reply in good faith to any requisition made by an examiner in connection with an examination, within six months after the requisition is made or within any shorter period established by the Commissioner;

 

(b) comply with a notice given pursuant to subsection 27(6);

 

 

(c) pay the fees payable under section 27.1, within the time provided by the regulations;

 

(d) make a request for examination or pay the prescribed fee under subsection 35(1) within the time provided by the regulations;

 

(e) comply with a notice given under subsection 35(2); or

 

(f) pay the prescribed fees stated to be payable in a notice of allowance of patent within six months after the date of the notice.

 

(2) An application shall also be deemed to be abandoned in any other circumstances that are prescribed.

 

(3) An application deemed to be abandoned under this section shall be reinstated if the applicant

 

(a) makes a request for reinstatement to the Commissioner within the prescribed period;

(b) takes the action that should have been taken in order to avoid the abandonment; and

 

(c) pays the prescribed fee before the expiration of the prescribed period.

 

 

76. Every person who, in relation to the purposes of this Act and knowing it to be false,

 

(a) makes any false representation,

 

(b) makes or causes to be made any false entry in any register or book,

 

(b.1) submits or causes to be submitted, in an electronic form, any false document, false information or document containing false information,

 

(c) makes or causes to be made any false document or alters the form of a copy of any document, or

 

(d) produces or tenders any document containing false information, is guilty of an indictable offence and liable on conviction to a fine not exceeding five hundred dollars or to imprisonment for a term not exceeding six months or to both.

 

 

78.1 Applications for patents in Canada filed before October 1, 1989 shall be dealt with and disposed of in accordance with section 38.1 and with the provisions of this Act as they read immediately before October 1, 1989.

 

 

78.2 (2) Subject to subsection (3), any matter arising on or after October 1, 1989 in respect of a patent issued on or after that date on the basis of an application filed before that date shall be dealt with and disposed of in accordance with sections 38.1, 45, 46 and 48.1 to 48.5 and with the provisions of this Act, other than section 46, as they read immediately before October 1, 1989.

 

 

 

 

Patent Rules

SOR/96‑423

 

3. (8) In respect of a fee to maintain under sections 100, 101, 155 and 156 the rights accorded by a patent issued on the basis of an application filed on or after October 1, 1989, the appropriate fee is

 

(a) if before the expiry of the time prescribed for payment of the fee a small entity declaration is filed in accordance with section 3.01, the applicable small entity fee set out in item 31 of Schedule II; and

 

 

(b) in any other case, the applicable standard fee set out in that item.

 

(9) In respect of a fee to maintain under subsections 182(1) and (3) the rights accorded by a patent issued on or after October 1, 1989 on the basis of an application filed before that date, the appropriate fee is

 

(a) if before the expiry of the time prescribed for payment of the fee a small entity declaration is filed in accordance with section 3.01, the applicable small entity fee set out in item 32 of Schedule II; and

 

 

(b) in any other case, the applicable standard fee set out in that item.

 

3.01 (1) Subject to section 3.02, a small entity declaration

 

 

(e) shall be signed by the applicant or patentee or by a patent agent appointed by the applicant or patentee;

 

 

(2) An applicant or patentee may pay fees at the small entity level in respect of an application or patent if

 

 

(a) in respect of an application other than a PCT national phase application or a patent issued on the basis of such an application, on the filing date of the application the applicant originally identified in the petition is a small entity in respect of the invention to which the application or patent relates; and

 

(b) in respect of a PCT national phase application or a patent issued on the basis of such an application, on the date when the requirements of subsection 58(1) and, if applicable, subsection 58(2) are complied with, the applicant who complies with those requirements is a small entity in respect of the invention to which the application or patent relates.

 

 

4. (7) Where a fee to register any document relating to a patent or an application is received and the document is not submitted, the fee paid shall be refunded.

 

 

8. (1) Subject to subsection (2), communications addressed to the Commissioner in relation to an application or a patent shall relate to one application or patent only.

 

(2) Subsection (1) does not apply in respect of communications relating to

 

(a) a transfer, a licence or a security interest;

 

(b) a change in the name or address of an applicant, a patentee, a patent agent, an associate patent agent or a representative for service; or

 

 

(c) fees to maintain an application in effect or to maintain the rights accorded by a patent.

 

 

25. Except where other times are provided by the Act or these Rules, the time within which action must be taken by an applicant where the Commissioner, by notice, requisitions the applicant to take any action necessary for compliance with the Act or these Rules is the three‑month period after the requisition is made.

 

 

38. No transfer of a patent or an application to a new owner shall be recognized by the Commissioner unless a copy of the document effecting the transfer from the currently recognized owner to the new owner has been registered in the Patent Office in respect of that patent or application.

 

 

42. Subject to sections 49 and 50 of the Act, the Commissioner shall, upon request and on payment of the fee set out in item 21 of Schedule II, register in the Patent Office any document relating to a patent or an application.

 

 

 

 

100. (3) No fee to maintain the rights accorded by a patent shall be payable in respect of any period for which a fee to maintain the application for that patent was paid.

 

 

 

108. Until either a patent has been issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn, the Commissioner shall not make the certification referred to in subsection 107(2) in respect of a person, including an independent expert, unless the Commissioner has received an undertaking by that person to the applicant

 

(a) not to make any sample of biological material furnished by the international depositary authority or any culture derived from such sample available to any other person before either a patent is issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn; and

 

(b) to use the sample of biological material furnished by the international depositary authority and any culture derived from such sample only for the purpose of experiments that relate to the subject‑matter of the application until either a patent is issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn.

 

 

 

133. Every document filed in connection with a patent or an application shall be presented clearly and legibly on sheets of good quality white paper, which shall not, except in the case of transfer documents, other documents concerning ownership and certified copies of documents, be more than 21.6 cm x 33 cm (8 ½ inches x 13 inches).

 

 

 

151. For the purposes of subsection 73(2) of the Act, an application is deemed to be abandoned if the applicant does not reply in good faith to any requisition of the Commissioner referred to in section 23 or 25 within the time provided in that section.

 

 

155. (3) No fee to maintain the rights accorded by a patent shall be payable in respect of any period for which a fee to maintain the application for that patent was paid.

 

 

 

159. For the purposes of subsection 38.1(1) of the Act, where a specification in an application filed in Canada, or in a patent issued on the basis of such an application, refers to a deposit of biological material, the deposit shall be considered to be in accordance with these regulations if sections 160 to 162 are complied with.

 

 

 

160. (4) The applicant may, before the application is open to public inspection under section 10 of the Act or on or before January 1, 1998, whichever is the later, file a notice with the Commissioner stating the applicant’s wish that, until either a patent has issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn, the Commissioner only authorize the furnishing of a sample of the deposited biological material to an independent expert nominated by the Commissioner in accordance with section 165.

 

 

164. Until either a patent has been issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn, the Commissioner shall not make the certification referred to in subsection 163(2) in respect of a person, including an independent expert, unless the Commissioner has received an undertaking by that person to the applicant

 

(a) not to make any sample of biological material furnished by the international depositary authority or any culture derived from such sample available to any other person before either a patent is issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn; and

 

(b) to use the sample of biological material furnished by the international depositary authority and any culture derived from such sample only for the purpose of experiments that relate to the subject‑matter of the application until either a patent is issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn.

 

 

 

166. (1) Where a notice has been filed with the Commissioner pursuant to subsection 160(4) in respect of an application, until a patent is issued on the basis of the application or the application is refused, or is abandoned and no longer subject to reinstatement, or is withdrawn, a request pursuant to section 163 may only be filed by an independent expert nominated by the Commissioner.

 

(2) Where the Commissioner makes a certification pursuant to subsection 163(2) in respect of an independent expert nominated by the Commissioner, the Commissioner shall send a copy of the request together with the certification to the applicant and to the person who requested the nomination of the independent expert.

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑282‑10

 

 

UN APPEL DU JUGEMENT DU JUGE PHELAN DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉ DU 3 JUIN 2010, DANS LE DOSSIER NO T‑1236‑01.

 

 

INTITULÉ :                                                   CORLAC INC., NATIONAL‑OIL WELL CANADA LTD., ET NATIONAL OILWELL INCORPORATED c.
WEATHERFORD CANADA LTD., WEATHERFORD CANADA PARTNERSHIP, DARIN GRENKE, À TITRE DE REPRÉSENTANT PERSONNEL DE LA SUCCESSION D’EDWARD gRENKE, ET
GRENCO INDUSTRIES LTD. et L’INSTITUT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

 

LIEU DES AUDIENCES :                            Toronto (Ontario)

 

DATES DES AUDIENCES :                        Les 13, 14 et 15 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE EVANS

           

DATE DES MOTIFS :                                  Le 18 juillet 2011

 

 


COMPARUTIONS :

 

Christopher J. Kvas

William D. Regan

 

POUR LES APPELANTES

 

Robert H.C. MacFarlane

Adam Bobker

 

POUR L’INTIMÉE

(Weatherford)

 

Bruce W. Stratton

Vincent Man

POUR L’INTIMÉ

(Darin Grenke, GrenCo Industries Ltd.)

 

Steven B. Garland

Colin B. Ingram

POUR L’INTERVENANT

(l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PIASETZKI NENNIGER KVAS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

 

BERESKIN & PARR LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

(Weatherford)

 

DIMOCK STRATTON LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉ

(Darin Grenke, GrenCo Industries Ltd.)

SMART & BIGGAR

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANT

(l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada)

 

 

 

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