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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

Date : 20110609

Dossier : A-399-10

Référence : 2011 CAF 196

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

9005-6342 QUÉBEC INC.

intimée

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 juin 2011.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 9 juin 2011.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                    LE JUGE MAINVILLE

 

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110609

Dossier : A-399-10

Référence : 2011 CAF 196

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

9005-6342 QUÉBEC INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel dirigé à l’encontre d’une décision interlocutoire rendue par le juge Hogan de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la CCI) ordonnant au Ministre du Revenu national (le ministre) de produire avant procès certains documents et informations.

 

[2]               Le litige se situe dans le cadre d’un appel portant sur une cotisation émise par le ministre en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (LTA), désallouant certains crédits de taxe sur les intrants (CTI) réclamés par 9005-6342 Québec inc. (ci-après Québec inc.) pour des fournitures de biens et de services qu’elle prétend avoir acquis de quatre sous-traitants. Selon le ministre, aucun tel bien ou service n’a été fourni et les factures émises par les sous-traitants et produites par Québec inc. au soutien de la réclamation de CTI étaient fausses.

 

[3]               En présentant sa requête devant la CCI, Québec inc. a insisté sur le fait que le fardeau de démontrer que la cotisation est mal fondée lui incombe. Sa requête allègue qu’elle a bel et bien acquis des services des quatre sous-traitants en cause; qu’elle entend assigner à comparaître les représentants et employés de ces quatre fournisseurs pour établir ce fait et que malgré des recherches raisonnables, elle n’a pas été en mesure de les retracer. L’ordonnance émise par le juge de la CCI enjoint le ministre à divulguer les documents et renseignements suivants :

 

a)   les dossiers des vérifications effectuées par Revenu Québec, à titre de mandataire de [la Couronne], à l’égard de Construction Pro-Dal (9114-0566 Québec inc.), Les Constructions Vimont inc., Construction P. Bourget inc. et Construction Nikita (9125-9853 Québec inc.);

 

b)   les dernières coordonnées connues des sociétés susmentionnées et de leurs actionnaires, administrateurs et employés, ainsi que les relevés d’emploi remis par ces sociétés à leurs employés au cours de la période pertinente.

 

 

[4]               La Couronne ne s’oppose pas à la divulgation des rapports de vérification portant sur les quatre sous-traitants. Seul le volet b) de l’ordonnance rendue par le juge de la CCI fait l’objet de l’appel.

 

[5]               La seule preuve qui fut déposée au soutien de la requête est l’affirmation solennelle de l’une des procureurs de l’étude qui agit au nom de Québec inc. qui dit avoir fait des recherches sur Internet pour tenter de retracer les sous-traitants, et ce, sans succès. Lors de l’audition de la requête, l’avis d’appel, la réponse du ministre ainsi que la liste de documents furent aussi produits.

 

[6]               Il est utile à cet égard de reproduire le paragraphe 10 de l’avis d’appel où Québec inc. allègue être :

[…] en mesure de démontrer que des services ont été rendus, d’identifier les personnes qui ont rendu les services pour et au nom des sous-traitants et même, dans certains cas, de produire des preuves de relevés de salaires et d’implications dans les sous-contrats par des individus désignés.

[Je souligne.]

 

 

[7]               La Couronne a demandé le rejet de la requête invoquant principalement le fait que l’information recherchée comportait des renseignements confidentiels portant sur des tiers. Le juge de la CCI en vint à la conclusion que les renseignements demandés pouvaient tout de même être divulgués et devaient l’être étant donné leur pertinence et le fait que Québec inc. ne pouvait y avoir accès autrement.

 

[8]               Au soutien de son appel, la Couronne allègue que le juge de la CCI a usurpé du pouvoir discrétionnaire du ministre prévu à l’article 295 de la LTA et a excédé sa compétence. De plus, elle prétend que c’est à l’étape de l’interrogatoire au préalable tenu en vertu de la Règle 107 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (DORS/90-688a) que la question portant sur les renseignements recherchés devait être abordée. Puisque cette étape n’a pas eu lieu, la requête de Québec inc. est prématurée et devait être à ce titre rejetée.

 

[9]               À tout événement, la Couronne prétend qu’il n’était pas opportun pour le juge de première instance d’émettre l’ordonnance recherchée et que de toute façon il ne pouvait ordonner la divulgation des renseignements en l’absence de toute preuve émanant d’un représentant autorisé de Québec inc. faisant état des recherches effectuées par cette dernière pour retrouver les administrateurs, actionnaires et employés des quatre sous-traitants.

 

ANALYSE ET DISPOSITION

[10]           À mon humble avis, le juge de la CCI n’a commis aucune erreur de principe en ordonnant la divulgation des renseignements recherchés. Toute forme de renseignements, incluant ceux qui portent sur des tiers, peuvent faire l’objet de divulgation dans le cadre d’un appel devant la CCI, si jugés pertinents au litige (voir le paragraphe 295(4) de la LTA).

 

[11]           La Couronne reconnaît que l’information recherchée, si jugée pertinente au litige, peut faire l’objet d’une ordonnance de production même si elle comporte des renseignements de tiers jugés confidentiels. Elle prétend cependant que la pertinence des renseignements recherchés ne peut être établie que lors de l’interrogatoire au préalable (mémoire de la Couronne, para 18 à 21).

 

[12]           Même si c’est souvent à cette étape des procédures que l’on peut cerner avec précision les questions en litige, ceci n’est pas toujours le cas. En l’occurrence, une simple lecture des procédures établit que les sous-traitants et les employés qui auraient rendu les services pour le compte de Québec inc. sont détenteurs d’informations pertinentes au litige. Il est clair que Québec inc. aurait normalement accès à ces informations, mais elle affirme ne pas avoir pu les obtenir malgré des efforts raisonnables.

 

[13]           Abordant la requête telle qu’elle fut rédigée, il s’ensuit que sujet à ce que Québec inc. démontre qu’elle a tenté sans succès d’obtenir les renseignements recherchés, le juge de la CCI était en droit d’en ordonner la divulgation. Sur ce dernier plan cependant, la seule preuve devant le juge de la CCI était l’affirmation solennelle d’une avocate de l’étude qui représente Québec inc. qui dit avoir fait une recherche sur l’Internet en utilisant divers moteurs de recherche, sans succès. Cette tentative de retrouver les sous-traitants aurait été effectuée au cours de la journée du 7 avril 2010. Le juge de la CCI a conclu à partir de cette seule preuve que (motifs, para. 47) :

[…] Malgré des recherches qui semblent de prime abord raisonnables, [Québec inc.] n’a été en mesure de retracer aucun des sous-traitants, administrateurs ou employés. […]

 

 

[14]           À mon humble avis, le juge de la CCI ne pouvait tirer cette conclusion sans que la principale intéressée (i.e. Québec inc.) fasse état des recherches qu’elle a effectuées par l’entremise d’un représentant qui en a une connaissance personnelle ou qui en est bien informé, et qui peut être contre-interrogé sur les circonstances entourant les recherches et les résultats obtenus.

 

[15]           Les dirigeants de Québec inc. connaissent mieux que quiconque les quatre sous-traitants avec lesquels ils ont fait affaire entre le 1er mars 2003 et le 28 février 2006. Seuls ces derniers peuvent faire état de la nature des liens que Québec inc. entretenait avec ses sous-traitants. Si l’on se fie aux actes de procédures déposés au dossier, ils savent depuis le 15 janvier 2007, date de l’émission de la cotisation, que le ministre prétend qu’aucun travail ne fut effectué par ces sous-traitants et que les factures que Québec inc. a produites au soutien de sa réclamation de CTI  seraient fausses. C’est donc depuis au moins 2007 que les dirigeants de Québec inc. sont conscients du fait que les renseignements qui font l’objet de leur requête sont essentiels à leur cause.

 

[16]           En l’absence de toute preuve émanant d’un dirigeant de Québec inc., ou d’une personne bien informée, le juge de la CCI ne pouvait conclure que cette dernière a fait preuve d’efforts raisonnables pour obtenir les renseignements en question, et qu’elle n’a pu les obtenir.

 

[17]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens, j’annulerais la décision du juge de la CCI en ce qui a trait au volet b) de son ordonnance, et ce, sans préjudice au droit de Québec inc. de soumettre une nouvelle requête appuyée d’une preuve qui démontre les recherches effectuées et les résultats obtenus.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

            Robert M. Mainville j.c.a. »

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-399-10

 

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE HOGAN DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DU 12 OCTOBRE 2010, N° DU DOSSIER

2008-1945(GST)G.

 

INTITULÉ :                                                                           Sa Majesté la Reine  et

                                                                                                9005-6342 Québec Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 8 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE PELLETIER

                                                                                                LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 9 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Benoit Denis

Gérald Danis

 

POUR L’APPELANTE

 

Serge Fournier

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Larivière Meunier (Revenu Québec)

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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