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Date : 20110301

Dossier : A‑306‑10

Référence : 2011 CAF 79

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

IMPERIAL PACIFIC GREENHOUSES LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er mars 2011

Jugement prononcé à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er mars 2011

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                      LA JUGE DAWSON

 


Date : 20110301

Dossier : A‑306‑10

Référence : 2011 CAF 79

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

IMPERIAL PACIFIC GREENHOUSES LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er mars 2011)

 

LA JUGE DAWSON

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (Cour de l’impôt). Dans des motifs publiés sous les références 2010 CCI 431 et [2010] A.C.I. no 328, la Cour de l’impôt a rejeté l’appel interjeté par Imperial Greenhouses Ltd. (Imperial) à l’égard d’un avis de cotisation délivré par le ministre du Revenu national (le ministre). Le bref examen suivant des faits suffira pour les besoins du présent appel.

 

[2]               Le 3 janvier 2006, un individu nommé Paul Houweling avait une dette fiscale de 4 596 399 $ aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). Avant cette date, M. Houweling avait prêté de l’argent à Imperial. Le prêt n’avait pas été remboursé et, au 3 janvier 2006, la dette d’Imperial envers M. Houweling s’élevait à 758 631 $.

 

[3]               Le 3 janvier 2006, le ministre a signifié à Imperial une demande formelle de paiement à l’égard des montants qu’Imperial était tenue de payer à M. Houweling. La demande formelle de paiement a été signifiée en vertu de l’article 224 de la Loi. Les parties de l’article 224 qui sont pertinentes pour le présent appel sont les paragraphes 224(1) et (4), que voici :

 

224. (1) S’il sait ou soupçonne qu’une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle‑même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (1.1) et (3)), le ministre peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu’ils deviennent payables, au receveur général au titre de l’obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.

 

[. . .]

 

(4) Toute personne qui omet de se conformer à une exigence du paragraphe (1), (1.2) ou (3) est tenue de payer à Sa Majesté un montant égal au montant qu’elle était tenue, en vertu du paragraphe (1), (1.2) ou (3), selon le cas, de payer au receveur général. [Non souligné dans l’original.]

224. (1) Where the Minister has knowledge or suspects that a person is, or will be within one year, liable to make a payment to another person who is liable to make a payment under this Act (in this subsection and subsections 224(1.1) and 224(3) referred to as the “tax debtor”), the Minister may in writing require the person to pay forthwith, where the moneys are immediately payable, and in any other case as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor’s liability under this Act.

 

. . .

 

(4) Every person who fails to comply with a requirement under subsection 224(1), 224(1.2) or 224(3) is liable to pay to Her Majesty an amount equal to the amount that the person was required under subsection 224(1), 224(1.2) or 224(3), as the case may be, to pay to the Receiver General[emphasis added]

 

[4]               Imperial a omis de se conformer à la demande formelle de paiement. En conséquence, le ministre a établi, le 12 octobre 2007, une cotisation de 758 630 $ à l’égard d’Imperial.

 

[5]               Imperial a interjeté appel de cette cotisation à la Cour de l’impôt. La seule question dont était saisie la Cour de l’impôt était celle de savoir si, aux fins du paragraphe 224(1) de la Loi, Imperial était tenue de verser à M. Houweling la somme de 758 630 $ dans l’année suivant la signification de la demande formelle de paiement.

 

[6]               Imperial a concédé devant la Cour de l’impôt que l’entente de prêt entre M. Houweling et elle ne comportait aucune modalité de paiement. Cependant, elle prétendait qu’une entente orale avait été conclue après le versement intégral du prêt en vertu de laquelle le remboursement du prêt n’était pas exigible avant le règlement d’une action en justice qu’Imperial avait introduite et qui avait trait à l’approvisionnement en eau pour des biens d’Imperial (l’action relative à l’eau). L’action relative à l’eau n’a pas été réglée qu’au mois de mars 2008. Selon Imperial, il s’ensuit que la cotisation devrait être annulée puisque aucun remboursement n’était exigible d’elle dans l’année suivant la signification de la demande formelle de paiement.

 

[7]               Pour rejeter son appel, le juge n’a pas accepté la prétention d’Imperial selon laquelle une entente orale prévoyait que le prêt était assorti de la modalité que son remboursement n’était pas exigible avant le règlement de l’action relative à l’eau. Le juge a plutôt conclu que le remboursement du prêt était devenu exigible le 5 avril 2006 ou peu après, quand l’épouse de M. Houweling a vendu ses actions dans Imperial. Il s’ensuivait qu’Imperial avait omis de se conformer à la demande formelle de paiement et, par conséquent, qu’elle avait à juste titre fait l’objet de la cotisation établie par le ministre.

 

[8]               En ce qui concerne l’entente orale, le juge a conclu ce qui suit :

26.       La seule preuve de cette entente orale est la déclaration d’Albert De Vries [un administrateur d’Imperial] expliquant que, selon lui, le prêt était lié à la procédure judiciaire et devait être remboursé une fois que le montant correspondant à la demande en justice serait reçu. Il n’existe aucun document écrit au sujet d’une telle modalité, et l’appelante n’a pas appelé Paul Houweling à témoigner pour confirmer celle‑ci. Puisque la dette était due à Paul Houweling et que cette modalité aurait eu une incidence sur le droit de ce dernier de recevoir un paiement, il me semble que l’appelante aurait dû appeler Paul Houweling à titre de témoin.

27.       Il m’apparaît d’autre part que le fait que ce moyen d’appel n’ait pas été soulevé dans l’avis d’appel est important. La section de l’avis d’appel modifié (daté du 9 octobre 2008) intitulée [traduction] « Faits pertinents qui servent de fondement » ne comprend qu’un seul paragraphe, qui est ainsi rédigé :

[traduction]

Pendant toute la période pertinente, il n’y a eu aucune convention de prêt écrite entre Imperial Pacific Greenhouses Ltd. (« IPG ») et Paul Houweling.

Il n’est nulle part indiqué dans l’avis d’appel modifié qu’une modalité du prêt était que Paul Houweling ne serait pas remboursé avant la conclusion de l’instance portant sur l’approvisionnement en eau.

28.               Par conséquent, même s’il est possible qu’Albert De Vries croyait que la somme ne devait pas être payable par l’appelante à Paul Houweling avant le règlement de la procédure judiciaire, je ne conclus pas qu’il s’agissait d’une modalité du prêt.

 

[9]               La seule question soulevée dans le présent appel est celle de savoir si le juge a commis une erreur en tranchant que le prêt n’était pas assorti de la modalité que la dette ne serait pas exigible avant la conclusion de l’action relative à l’eau.

 

[10]           L’existence de la prétendue entente orale ayant trait aux modalités de remboursement du prêt est une question de fait ou une question mixte de fait et de droit qui ne contient aucune question de droit isolable. Par conséquent, notre Cour ne peut intervenir en appel que si le juge a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que le prêt n’était pas assorti de la modalité qu’aucune somme ne serait exigible avant la conclusion de l’action relative à l’eau : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235.

 

[11]           Imperial soutient que le juge a commis une erreur, au paragraphe 26 de ses motifs, en déclarant qu’aucun document écrit ne démontrait l’existence de l’entente orale. Elle fait état d’une lettre écrite par M. De Vries à l’Agence du revenu du Canada le 23 juillet 2004, que le juge n’a pas expressément mentionnée. Voici un extrait de cette lettre :

[traduction] Je crois que les notes qui ont trait aux états financiers permettent de répondre aux questions que vous m’avez posées. Les questions relatives aux ententes sont toutes orales, rien n’est écrit. Il a été convenu entre les actionnaires que le paiement aux actionnaires de tout (prêts, intérêt et location de camion) deviendrait exigible dès que l’argent deviendrait disponible à la suite du règlement de l’instance relative à l’eau et à la question de l’impôt foncier, pour laquelle aucune décision n’a encore été rendue. [Non souligné dans l’original.]

 

[12]           Au paragraphe 26 de ses motifs, le juge a fait observer que l’entente orale dont il était fait état n’avait jamais été mise par écrit et qu’il n’existait aucun document entre les parties qui faisait référence à une telle entente orale. Imperial n’a renvoyé à aucun document dans le dossier qui serait susceptible de démontrer l’existence d’une entente orale ou d’établir que les parties croyaient qu’une telle entente existait. La lettre en date du 23 juillet 2004 que M. De Vries a envoyée à l’Agence du revenu du Canada, sur laquelle s’appuie Imperial, n’établissait pas l’existence d’une entente orale. La lettre de M. De Vries faisait seulement référence à une entente entre les actionnaires. M. Houweling n’a jamais été un actionnaire d’Imperial. La lettre ne constitue pas une preuve de l’existence d’une entente entre Imperial et son prêteur, M. Houweling. Par conséquent, le juge n’a pas commis d’erreur en ne faisant pas référence à la lettre que M. De Vries a envoyée à l’Agence de revenu du Canada.

 

[13]           Imperial soutient également que le juge a commis une erreur en tirant une inférence défavorable du fait qu’Imperial n’avait pas appelé M. Houweling à témoigner. Il s’agit, selon elle, d’une erreur, car l’Agence du revenu du Canada et les tribunaux en Colombie‑Britannique avaient déjà conclu que M. Houweling n’était pas un témoin fiable.

 

[14]           Cette prétention est dénuée de fondement. Dans l’hypothèse où le juge aurait tiré une telle inférence, c’était au juge qu’il incombait d’apprécier la fiabilité du témoignage de M. Houweling. Ni le point de vue de l’Agence du revenu du Canada ni les conclusions des autres tribunaux dans d’autres affaires ne permettent de trancher la question de la fiabilité du témoignage de M. Houweling devant la Cour de l’impôt. M. Houweling, à titre de prêteur, devait nécessairement être partie à l’entente orale alléguée. Son témoignage aurait été d’une importance capitale pour établir l’existence d’une entente orale. À ce titre, il aurait dû être appelé à témoigner ou son absence aurait dû être convenablement expliquée.

 


[15]           Pour ces motifs, Imperial n’a pas démontré que le juge a commis une erreur manifeste et dominante. L’appel sera par conséquent rejeté. Aucune demande n’a été présentée quant aux dépens et aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑306‑10

 

 

INTITULÉ :                                                   IMPERIAL PACIFIC GREENHOUSES LTD. c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 1er mars 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                           LE JUGE EVANS

DE LA COUR                                                LA JUGE DAWSON

                                                                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LA JUGE DAWSON

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Albert De Vries

POUR L’APPELANTE

 

Ron Wilhelm

David Everett

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Correspondant de l’appelante

Nanaimo (Colombie‑Britannique)

 

POUR L’APPELANTE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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