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Cour d'appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110513

Dossier : A‑317‑10

Référence : 2011 CAF 165

 

En présence de madame la juge Sharlow

 

ENTRE :

GREG MCMEEKIN

demandeur

et

MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

 

défendeur

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 13 mai 2011.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                             LA JUGE SHARLOW

 


Cour d'appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110513

Dossier : A‑317‑10

Référence : 2011 CAF 165

 

En présence de madame la juge Sharlow

 

ENTRE :

GREG MCMEEKIN

demandeur

et

MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]              Je suis saisie d’une requête présentée par le demandeur, Greg McMeekin, le 29 avril 2011,  par laquelle il sollicite un certain nombre d’ordonnances, que je résume comme suit :

a)             une ordonnance enjoignant au défendeur, le ministre des Ressources naturelles et du Développement des compétences, de payer des frais de 4 000 $ relativement à l’avis de requête précédent du demandeur;

b)             une ordonnance déclarant que le ministre ne s’est pas conformé à l’ordonnance de la juge Trudel, datée du 7 avril 2011, parce que contrairement à cette ordonnance, les questions de l’interrogatoire écrit du ministre n’ont pas été signifiées avant le 15 avril 2011, et enjoignant au ministre de payer des frais et dommages‑intérêts de 40 000 $ par suite des retards importants et des difficultés engendrés par le non‑respect de l’ordonnance;

c)             une ordonnance enjoignant au ministre de payer des frais de 6 000 $ relativement à la présente requête;

d)            une ordonnance enjoignant au ministre de communiquer tous les renseignements qu’il détient au sujet de M. McMeekin, y compris tous les dossiers relatifs au Régime de pensions du Canada, tous les dossiers médicaux, tous les documents présentés au juge Desmarais relativement à l’ordonnance du 13 août 2010 de la Commission d’appel des pensions, et les dossiers afférents à la présente affaire dans leur intégralité;

e)             une ordonnance accordant à M. McMeekin un jugement sommaire à l’égard de la présente requête pour des raisons de délais déraisonnables, d’abus de procédure, d’abus de privilège et d’interprétation abusive de la Charte canadienne des droits et libertés;

f)              une ordonnance accordant à M. McMeekin la somme de 500 000 $ pour les difficultés causées par les délais déraisonnables et l’abus, la somme de 4 000 $ pour les frais de déplacement et d’hébergement occasionnés par le dépôt d’une réponse à la requête du ministre et la somme de 6 000 $ pour les frais de déplacement et d’hébergement occasionnés par le dépôt de la présente requête;

g)             une ordonnance accordant à M. McMeekin des dommages‑intérêts de 10 millions de dollars;

h)             une ordonnance enjoignant au ministre de présenter un projet de loi visant à permettre aux personnes malentendantes de recevoir une pension d’invalidité sans autre enquête;

i)               une ordonnance de mise sous scellés de tous les documents et dossiers médicaux de M. McMeekin ayant trait à la présente instance;

j)               une ordonnance enjoignant le versement à M. McMeekin des prestations d’invalidité rétroactives au 6 février 1996;

k)             une ordonnance enjoignant au ministre de payer 40 000 $ pour les frais de déplacement et médicaux engagés dans la présente procédure depuis 2003;

l)               dans l’éventualité où M. McMeekin devra répondre aux questions du ministre même s’il en a reçu la signification après le délai prescrit, une ordonnance portant qu’il y répondra dans le cadre d’une audience tenue à Edmonton.

 

[2]              Monsieur McMeekin a demandé que notre Cour instruise sa requête dans le cadre d’une audience. Contrairement à la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale ne fixe pas de jour précis pour l’audition des requêtes. La Cour a pour pratique habituelle d’entendre toutes les requêtes sur la base de conclusions écrites, aux termes de l’article 369 des Règles des Cours fédérales. Le requérant ou le défendeur peut demander la tenue d’une audience, mais une telle demande n’est accordée qu’en cas d’urgence ou lorsque des circonstances particulières le justifient. Rien dans le dossier dont je suis saisie ne justifie que la requête de M. McMeekin soit instruite par voie d’audience. Par conséquent, le dossier sera jugé sur la foi des documents déposés.

 

[3]              Le ministre n’a pas déposé de dossier de requête en réponse. L’avocat du ministre a plutôt présenté à la Cour une lettre datée du 5 mai 2011 (dont une copie a apparemment été envoyée à M. McMeekin) portant le titre [traduction] « Demande de directives ».

 

[4]              Les directives demandées par le ministre auraient pu et auraient dû être présentées sous forme de requête et je n’ai pas l’intention de les examiner, à une exception près. Le ministre a demandé à la Cour de nommer un gestionnaire d’instance. Il s’agit de la seconde demande de cette nature que présente le ministre. Comme il sera expliqué plus en détail plus loin, la juge Trudel a conclu, pas plus tard que le mois dernier, qu’il n’y avait pas lieu de confier cette affaire à un gestionnaire d’instance. À mon sens, il ne s’est rien produit depuis qui justifierait la présentation, par le ministre, d’une nouvelle requête ou l’annulation, par notre Cour, de la décision de la juge Trudel sur ce point. La demande de gestion de l’instance faite par le ministre est donc rejetée.

 

[5]              La lettre du ministre datée du 5 mai 2011 contient un certain nombre de conclusions qui, en fait, constituent des réponses aux requêtes présentées par M. McMeekin dans son dossier de requête. Ces réponses auraient pu et auraient dû être présentées dans un dossier de requête du défendeur. En dépit de cette irrégularité de forme, j’examinerai la lettre du 5 mai 2011 comme s’il s’agissait d’observations qu’aurait faites le ministre en réponse aux requêtes de M. McMeekin. Je constate que M. McMeekin a procédé de la même façon, puisque c’est par une lettre à la Cour datée du 6 mai 2011 qu’il a répondu à la lettre du 5 mai 2011.

 

Contexte

[6]              Afin de mettre cette affaire en contexte, on peut utilement examiner en partie son déroulement. M. McMeekin habite à Hay River, dans les Territoires du Nord‑Ouest. En juin 2006, il a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, fondée sur son incapacité d’occuper un emploi en raison d’une surdité nerveuse. Sa demande a été rejetée par le ministre.

 

[7]              Monsieur McMeekin a interjeté appel de la décision du ministre devant le tribunal de révision. D’après les motifs de la décision du tribunal de révision, il n’est pas controversé que la « période minimale d’admissibilité » (PMA) de M. McMeekin se terminait en décembre 2002. Le tribunal de révision a donc estimé que la question principale était de savoir s’il ressortait des éléments de preuve qu’en décembre 2002, M. McMeekin présentait selon toute vraisemblance une invalidité qui satisfaisait au critère d’invalidité prévu par la Loi. Le tribunal de révision a conclu que la preuve était insuffisante pour établir le niveau d’invalidité requis à cette date. Par conséquent, dans une décision datée du 26 mars 2008, le tribunal de révision a rejeté l’appel de M. McMeekin.

 

[8]              Monsieur McMeekin a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision devant la Commission d’appel des pensions. L’autorisation lui a été accordée par une lettre datée du 5 août 2008. Le 3 septembre 2009, la Commission d’appel des pensions a tenu une audience à Edmonton.

 

[9]              À l’audience, le ministre a déposé une requête par laquelle il alléguait que M. McMeekin avait refusé de se conformer à l’article 68 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, qui oblige le requérant à fournir au ministre des renseignements et à se soumettre à un examen médical si ce dernier le demande. Le ministre demandait une ordonnance rejetant l’appel de M. McMeekin, ou subsidiairement, une ordonnance enjoignant à M. McMeekin de se conformer à l’article 68 et suspendant l’audition de l’appel tant qu’il ne s’y serait pas conformé. En réponse à cette requête, M. McMeekin a donné sa version des faits et a allégué entre autres choses que le ministre n’avait pas collaboré avec lui lorsqu’il s’était dit disposé à subir un examen médical. Quoi qu’il en soit, M. McMeekin a finalement accepté de se soumettre à un examen médical. La requête du ministre a été accueillie et la Commission d’appel des pensions a ajourné l’audience.

 

[10]          La Commission d’appel des pensions a alors fixé une audience pour le 1er septembre 2010 à Edmonton. Or, le 12 août 2010, le procureur du ministre a écrit au registraire de la Commission d’appel des pensions et a fait parvenir une copie de la lettre à M. McMeekin. La lettre se lit comme suit :

[traduction]

La présente se rapport à l’appel cité en objet, dont l’audition doit avoir lieu le mercredi 1er septembre 2010.

Veuillez noter que la position du ministre dans cette affaire est que le requérant est devenu invalide, au sens du Régime de pensions du Canada, en décembre 2002. Conformément au sous‑alinéa 44(1)b)(ii) du Régime, le requérant peut être considéré comme invalide au plus tôt en mars 2005, compte tenu de la date à laquelle il a présenté sa demande de prestations. C’est pourquoi, et conformément à l’article 69 du Régime, il a droit à des prestations à partir du mois de juillet 2005.

De plus, nous vous informons que le ministre ne citera aucun témoin à l’audience.

 

 

 

[11]          Par cette lettre, le ministre concède le point principal tranché par le tribunal de révision contre M. McMeekin, à savoir si ce dernier était atteint d’une invalidité grave et prolongée au mois de décembre 2002.

 

[12]          La lettre du 12 août 2010 indique également que M. McMeekin deviendrait admissible à une pension d’invalidité à compter de juillet 2005. Le ministre semble croire que, vu l’effet conjugué du sous‑alinéa 44(1)b)(ii) et de l’article 69 du Régime de pensions du Canada, le droit de M. McMeekin à des prestations rétroactives est limité aux 12 mois précédant immédiatement sa demande en juin 2006. La question de savoir s’il a raison en droit peut être tranchée dans le cadre de la présente demande.

 

[13]          Le 20 août 2010, dans ce qui semble être une réponse à la lettre du 12 août 2010, le juge Desmarais, membre de la Commission d’appel des pensions, a prononcé l’ordonnance suivante :

[traduction]

Par suite de la réception d’une lettre envoyée par Allan Matte, procureur du ministre, le 13 août 2010, il a été porté à l’attention de la Commission que, selon la position du ministre et de son procureur dans cette affaire, l’appelant est devenu invalide, au sens du Régime de pensions du Canada (RPC), au mois de décembre 2002.

Conformément au sous‑alinéa 44(12)b)(ii) du Régime, l’appelant peut être considéré comme invalide au plus tôt en mars 2005, compte tenu de la date à laquelle il a présenté sa demande de prestations, et conformément à l’article 69 du RPC, il a droit à des prestations à partir du mois de juillet 2005.

Je ne vois aucun motif raisonnable qui justifierait un délai supplémentaire et, en l’absence d’aucun [sic] préjudice subi par l’appelant, je suis disposé à considérer cette affaire réglée et à conclure que l’appelant a droit de recevoir des prestations d’invalidité.

Il serait aussi souhaitable que les procédures engagées en vertu du Régime de pensions du Canada aient un caractère définitif. La Commission n’a plus compétence, puisque le consentement à jugement du ministre offre à l’appelant le maximum admissible prévu au sous‑alinéa 44(1)b)(ii).

IL EST ORDONNÉ à huis clos que l’appel soit accueilli et que l’audition initialement prévue de cette affaire soit annulée.

 

 

[14]          Le 10 septembre 2010, M. McMeekin a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette ordonnance, par laquelle il demande de nombreuses mesures, dont une ordonnance portant qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour une période de rétroactivité supplémentaire. Par sa demande, M. McMeekin soutient entre autres choses que la procédure que le juge Desmarais a suivie en faisant droit à son appel en secret, sans lui offrir la possibilité de se faire entendre, constitue un déni d’équité procédurale. Si je comprends bien la thèse de M. McMeekin, s’il y avait été autorisé, il aurait présenté des observations sur la période de rétroactivité appropriée des prestations d’invalidité et il aurait cherché à obtenir du ministre d’autres mesures.

 

[15]          Monsieur McMeekin a apparemment signifié au ministre un affidavit à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, comme il y était tenu. Le ministre souhaite contre‑interroger M. McMeekin au sujet de son affidavit.

[16]          Le 3 mars 2011, le ministre a sollicité une ordonnance prorogeant le délai de signification des questions de l’interrogatoire écrit, enjoignant à M. McMeekin de répondre aux questions et rejetant la présente procédure; M. McMeekin a réagi en présentant une réponse et une requête incidente. La Couronne, qui soutenait que les documents de M. McMeekin contenaient un certain nombre d’irrégularités, a écrit à la Cour pour lui demander des directives et pour qu’elle nomme un gestionnaire d’instance.

 

[17]          Les questions auxquelles le ministre souhaitait initialement que M. McMeekin réponde ont été versées au dossier de la requête. Les voici :

[traduction]

1.             Votre nom est‑il Greg McMeekin?

2.             Est‑ce que vous résidez au [adresse]?

3.             Est‑ce vous qui avez introduit l’instance en Cour d’appel fédérale dans le dossier A‑317‑10?

4.             Est‑ce vous qui avez souscrit l’affidavit intitulé « Affidavit de Greg McMeekin » daté du 8 octobre 2010?

5.             Reconnaissez‑vous qu’au paragraphe 2 de votre affidavit vous alléguez qu’une rencontre privée à huis clos a eu lieu entre Allan Matte, avocat du ministère des RHDCC, et le juge Robert C. Desmarais, le 20 août 2010?

6.             Êtes‑vous au courant qu’Allan Matte, au paragraphe 15 de son affidavit, jure qu’une telle rencontre n’a pas eu lieu entre lui et le juge Desmarais?

7.             Reconnaissez‑vous n’avoir fourni aucun élément de preuve pour étayer votre allégation voulant qu’une telle rencontre ait eu lieu entre Allan Matte et le juge Desmarais?

8.             Au paragraphe 2 de votre affidavit, est‑ce que vous alléguez que le juge Desmarais a prononcé, « à la demande d’Allan Matte », une ordonnance le 20 août 2010 (pièce A, p. 5 et 6 de l’affidavit d’Allan Matte)?

9.             Reconnaissez‑vous que la lettre de M. Matte à la Commission d’appel des pensions, datée du 12 août 2010 (pièce A, p. 238 de l’affidavit d’Allan Matte), indique que le ministre a changé d’avis à l’égard de votre demande de prestations d’invalidité au titre du RPC, c’est‑à‑dire que le ministre considère que vous étiez invalide, au sens du RPC, à compter de décembre 2002?

10.         Reconnaissez‑vous que la lettre de M. Matte à la Commission d’appel des pensions, datée du 12 août 2010 (pièce A, à la page 238 de l’affidavit d’Allan Matte), indique aussi que le ministre ne citerait aucun témoin à l’audience prévue?

11.         Reconnaissez‑vous qu’il ressort donc de la lettre de M. Matte à la Commission d’appel des pensions, datée du 12 août 2010 (pièce A, à la page 238 de l’affidavit d’Allan Matte), que M. Matte présumait que l’audience devant la Commission d’appel des pensions aurait lieu comme prévu, puisqu’il écrit que le ministre ne citerait aucun témoin à l’audience?

12.         Reconnaissez‑vous que, dans sa lettre à la Commission d’appel des pensions, datée du 12 août 2010 (pièce A, à la page 238 de l’affidavit d’Allan Matte) M. Matte ne demande pas à la Commission d’appel des pensions de prononcer une ordonnance?

13.         Admettez‑vous n’avoir fourni aucun élément de preuve à l’appui de votre allégation selon laquelle l’ordonnance du juge Desmarais a été demandée par M. Matte?

14.         Admettez‑vous que la lettre de M. Matte à la Commission d’appel des pensions datée du 12 août 2010 (pièce A, à la page 238 de l’affidavit d’Allan Matte) ne signale pas qu’une offre de règlement vous a été présentée?

15.         Reconnaissez‑vous que c’est vous qui avez révélé à la Commission d’appel des pensions qu’une offre de règlement vous avait été présentée par le ministre?

16.         Reconnaissez‑vous que c’est vous qui avez révélé à la Commission d’appel des pensions que vous aviez rejeté l’offre de règlement du ministre?

17.         Reconnaissez‑vous avoir révélé à la Commission d’appel des pensions, dans une lettre datée du 23 décembre 2009 (pièce A de l’affidavit de Trevor Bark et pièce E de l’affidavit du demandeur) qu’une offre de règlement vous avait été présentée par le ministre et que vous l’aviez rejetée?

18.         Reconnaissez‑vous avoir révélé à la Commission d’appel des pensions, dans une lettre datée du 26 février 2010 (pièce B de l’affidavit de Trevor Bark) qu’une offre de règlement vous avait été présentée par le ministre et que vous l’aviez rejetée?

19.         Reconnaissez‑vous avoir révélé à la Commission d’appel des pensions, dans une lettre non datée intitulée « Lettre en réponse à l’offre du 15 décembre 2009 de M. Stevenson » (pièce A de l’affidavit de Trevor Bark et pièce E de l’affidavit du demandeur), qu’une offre de règlement vous avait été présentée par le ministre et que vous l’aviez rejetée?

20.         Reconnaissez‑vous que, dans votre affidavit, vous mettez en doute la capacité du juge Desmarais de demeurer impartial et indépendant?

21.         Reconnaissez‑vous que, dans votre affidavit, vous alléguez que le juge Desmarais est partial?

22.         Admettez‑vous n’avoir présenté aucun élément de preuve à l’appui des allégations faites dans votre affidavit contre le juge Desmarais?

23.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour vous accorder des dommages‑intérêts?

24.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour vous accorder des intérêts sur les sommes réclamées par vous?

25.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour vous accorder le remboursement de vos frais médicaux?

26.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour vous accorder des prestations avec effet rétroactif à la date à laquelle vous êtes né?

27.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour ordonner qu’un examen soit fait par le Barreau du Haut‑Canada?

28.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour ordonner qu’un examen soit fait par le Conseil canadien de la magistrature?

29.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour ordonner une modification au Régime de pensions du Canada?

30.         Reconnaissez‑vous que vous n’avez pas présenté de contestation au titre de la Charte canadienne des droits et libertés devant la Commission d’appel des pensions?

31.         Reconnaissez‑vous qu’à titre de demandeur de prestations d’invalidité du RPC, il vous incombe de présenter tout dossier médical que vous souhaiteriez que le décideur examine?

32.         Reconnaissez‑vous que le ministre n’est nullement tenu de prendre des dispositions en vue d’un examen médical indépendant (EMI)?

33.         Reconnaissez‑vous que l’ordonnance du juge Desmarais, datée du 20 août 2010 (pièce A, aux pages 5 et 6 de l’affidavit d’Allan Matte), signifie qu’on vous accorde des prestations d’invalidité au titre du RPC?

34.         Reconnaissez‑vous que l’ordonnance du juge Desmarais, datée du 20 août 2010 (pièce A, aux pages 5 et 6 de l’affidavit d’Allan Matte), vous accorde le versement rétroactif maximal autorisé au titre du RPC?

35.         Reconnaissez‑vous que la Commission d’appel des pensions n’a pas compétence pour vous accorder quoi que ce soit d’autre?

 

 

[18]          Le 7 avril 2011, la juge Trudel a instruit les requêtes et les requêtes incidentes. Elle a conclu que le ministre a agi de façon raisonnable en demandant au demandeur de répondre à ces questions, bien qu’elle ait suggéré, sans l’exiger, que les questions 6, 7, 9 à 14, 22 à 32 et 35 soient retirées au motif qu’elles relevaient de l’argumentation ou qu’elles portaient sur des questions de droit.

 

[19]          Par ordonnance datée du 7 avril 2011, la juge Trudel a demandé au ministre de signifier à M. McMeekin une nouvelle liste de questions au plus tard le 15 avril 2011, et elle a demandé à M. McMeekin de signifier et de déposer son affidavit en réponse aux questions au plus tard le 16 mai 2011, à défaut de quoi sa demande pourrait être rejetée sans autre délai. La requête et la requête incidente de M. McMeekin ont été rejetées, et la demande de gestion d’instance présentée par le ministre a également été rejetée. La juge Trudel a fourni aux parties un mémoire expliquant son ordonnance.

 

Les requêtes de M. McMeekin en l’espèce

[20]          M. McMeekin allègue dans son avis de requête que le ministre a omis de signifier sa liste de questions avant le 15 avril 2011. Dans son affidavit, il affirme qu’il n’a pas reçu ladite liste avant le 20 avril 2011. Toutefois, il ne nie pas l’avoir reçue et je conclus qu’il l’a reçue.

 

[21]          La lettre du ministre datée du 5 mai 2011 révèle que la liste des questions a été modifiée conformément aux suggestions de la juge Trudel. À cette lettre était jointe une copie de l’affidavit de Kathleen Gates, souscrit le 3 mai 2011, dans lequel elle affirme que les questions ont été remises le 8 avril 2011 (un vendredi) à Postes Canada pour livraison prioritaire et que d’après les registres de suivi des autorités postales, elles ont été livrées à M. McMeekin à son adresse à Hay River le 15 avril 2011 (le vendredi suivant).

 

[22]          Selon l’article 140 des Règles, le ministre pouvait faire signifier par différents moyens les questions à M. McMeekin. Il pouvait entre autres les envoyer par la poste à l’adresse de M. McMeekin, conformément à l’alinéa 140(1)b). C’est le mode de signification qu’a choisi le ministre. Les questions n’ont pas été envoyées par courrier ordinaire ou par courrier recommandé, mais par poste prioritaire. La date de prise d’effet de la signification de documents envoyés par poste prioritaire n’est régie par aucune règle. Toutefois, d’un point de vue pratique, il est raisonnable d’inférer que ce qui a été envoyé par poste prioritaire et effectivement livré le 15 avril 2011 aurait été reçu par le destinataire à cette date, ou du moins dans les 10 jours prévus au paragraphe 141(1) des Règles, qui porte sur la date de prise d’effet de la signification par courrier ordinaire. Par conséquent, je conclus que les questions ont été signifiées à M. McMeekin le vendredi 15 avril 2011, ou sinon, au plus tard le lundi 18 avril 2011.

 

[23]          Cela dit, on ne sait toujours pas si les questions ont été signifiées à M. McMeekin dans le délai imparti par la juge Trudel dans son ordonnance. Or, même s’il n’a pas reçu les questions le ou avant le 15 avril 2011, soit la date prescrite, il les a probablement reçues au plus tard trois jours après cette date. Je prends acte des plaintes régulièrement formulées par M. McMeekin au sujet des nombreuses années de retard qui ont suivi sa demande initiale de prestations d’invalidité, mais rien ne prouve que M. McMeekin aurait été lésé s’il avait reçu avec quelques jours de retard les questions auxquelles le ministre est en droit d’obtenir des réponses.

 

[24]          Dans les circonstances, je prolongerai le délai dans lequel M. McMeekin doit signifier et déposer son affidavit en réponse aux questions du ministre. Ce délai devait expirer le 16 mai 2011. Je le prolonge jusqu’au 31 mai 2011. Je précise aussi que, si M. McMeekin ne respecte pas ce nouveau délai, sa demande pourra être rejetée sans autre avis.

 

[25]          À mon sens, M. McMeekin n’a justifié aucune autre mesure relative à la signification des questions du ministre, pas plus que les autres ordonnances qu’il sollicite. En particulier, je ne vois pas la nécessité d’ordonner que les réponses aux questions soient données dans le cadre d’une audience à Edmonton. M. McMeekin a démontré sa capacité de communiquer par écrit et de rédiger, signifier et déposer un affidavit.

 

[26]          Voilà qui suffit à statuer sur les requêtes de M. McMeekin, mais j’ai d’autres observations à formuler.

 

[27]          Premièrement, contrairement à ce que semble comprendre M. McMeekin, la Cour n’a pas compétence, dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission d’appel des pensions, pour obliger le ministre à payer des dommages‑intérêts ou à présenter des modifications législatives. Il serait contre‑productif pour M. McMeekin de formuler à nouveau ce genre de demandes dans la présente instance.

 

[28]          Deuxièmement, la Cour n’a pas compétence pour ordonner le versement de prestations d’invalidité rétroactives, sauf en conformité avec le Régime de pensions du Canada. La Cour n’a pas non plus compétence pour ordonner le versement de prestations d’invalidité rétroactives à titre d’indemnité parce que le ministre, son personnel ou son procureur aurait eu un comportement fautif. Encore là, il serait contre‑productif pour M. McMeekin de formuler à nouveau ce genre de demandes dans la présente instance.

 

[29]          Troisièmement, les diverses demandes de M. McMeekin concernant les dépens, y compris les frais de déplacement liés à la présente instance, sont des questions qu’il vaut mieux soulever à la fin des présentes procédures judiciaires, et non pas dans le cadre de requêtes préalables à l’audience. En général, l’adjudication des dépens relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal qui entend la demande et elle est régie par certaines dispositions des Règles des Cours fédérales, notamment le tarif B, de sorte que les dépens octroyés seraient beaucoup moins élevés que ce que M. McMeekin demande maintenant. M. McMeekin aura le droit de solliciter des dépens conformément aux Règles des Cours fédérales et se les verra probablement accorder si sa demande est accueillie. Toutefois, il doit être conscient que le ministre peut aussi demander les dépens et qu’il peut les obtenir si la présente demande est rejetée.

 

[30]          Quatrièmement, il n’est pas certain que, dans le cadre de la présente instance, la Cour ait compétence pour prononcer une ordonnance en production de documents qui ne sont pas déjà au dossier, ou une ordonnance de mise sous scellés des dossiers détenus par le ministre. Même si elle était légalement possible, cette mesure serait exceptionnelle et ne saurait être justifiée, compte tenu des documents produits par M. McMeekin.

 

[31]          Cinquièmement, il semble que jusqu’à maintenant, M. McMeekin se soit déplacé entre Hay River et Edmonton pour déposer des documents au dossier dans la présente affaire. Or, il est possible qu’en procédant de la sorte, il engage des frais de déplacement inutiles. Le greffe d’Edmonton acceptera pour dépôt tout document qui sera transmis par service de messagerie ou par la poste.

 

[32]          Enfin, je note que M. McMeekin allègue dans l’affidavit joint à son dossier de requêtes que le ministre ou l’avocat du ministre se sont conduits de façon répréhensible en insistant auprès de la juge Trudel afin qu’elle rende son ordonnance du 7 avril 2011. Cette allégation ne s’appuie sur aucun élément de preuve au dossier. M. McMeekin doit être avisé que le fait de faire des allégations non fondées de conduite répréhensible en lien avec la procédure de la Cour est considéré comme un abus de procédure. Cet abus de procédure pourra entraîner le rejet de sa demande.

 

Résumé des conclusions

[33]          Pour les motifs exposés ci‑dessus, les requêtes de M. McMeekin seront rejetées. M. McMeekin devra signifier et déposer l’affidavit contenant ses réponses aux questions du ministre d’ici le 31 mai 2011, à défaut de quoi sa demande pourrait être rejetée sans autre avis. La demande de gestion d’instance du ministre sera rejetée.

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A‑317‑10

 

 

INTITULÉ :                                                                          Greg McMeekin c.
Ministre des Ressources naturelles et du Développement des compétences

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     LA JUGE SHARLOW

 

DATE DE L’ORDONNANCE :                                         Le 13 mai 2011

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

 

Greg McMeekin

POUR LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Dale Noseworthy 

Benoit Laframboise 

Allen Matte

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

POUR LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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