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Date : 20110509

Dossier : A‑209‑10

Référence : 2011 CAF 156

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

JAMIE MCAULEY

demandeur

et

CHALK RIVER TECHNICIANS AND TECHNOLOGISTS UNION

et

ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE

 

défendeurs

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2011

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                             LE JUGE SEXTON

 


Date : 20110509

Dossier : A‑209‑10

Référence : 2011 CAF 156

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE SEXTON              

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

JAMIE MCAULEY

demandeur

et

CHALK RIVER TECHNICIANS AND TECHNOLOGISTS UNION

et

ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 28 avril 2010 (2010 CCRI LD 2336) par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) a rejeté la plainte déposée par le demandeur en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (le Code).

[2]               Dans sa plainte, le demandeur affirme que le Chalk River Technicians and Technologists Union (le syndicat) l’a représenté de manière arbitraire et inéquitable. Le syndicat avait déposé un grief après le licenciement du demandeur, mais a finalement décidé de ne pas porter le grief à l’arbitrage. Le Conseil a rejeté la plainte.

 

[3]               Le demandeur soutient que le Conseil l’a privé de son droit à l’équité procédurale pour les raisons suivantes : 1) le Conseil n’a pas obligé le syndicat à produire de l’information et des documents très pertinents. Plus particulièrement, le demandeur craint que ni le syndicat ni le Conseil n’aient tenu compte d’éléments de preuve contradictoires sur la question de savoir s’il était encore en période d’essai au moment de son licenciement; 2) le Conseil n’a pas exigé que l’employeur participe d’une quelconque façon; 3) le Conseil lui a refusé la possibilité d’avoir une audience.

 

[4]               Le demandeur soutient également que le Conseil aurait dû déterminer que le syndicat avait agi de manière arbitraire étant donné l’absence de preuve montrant qu’il y ait véritablement eu enquête, le délai déraisonnable dans le traitement de son dossier et l’omission du syndicat de communiquer avec lui au sujet de sa plainte (mémoire du demandeur, au paragraphe 72).

 

[5]               Le 19 mai 2010, le demandeur a demandé au Conseil de réexaminer la décision en vertu de l’article 18 du Code (dossier d’appel du demandeur, onglet M, page 92). Le Conseil a accueilli la demande et rendu une deuxième décision le 22 juin 2010 (2010 CCRI LD 2373), par laquelle il a rejeté les arguments du demandeur (dossier du demandeur, onglet N, page 198). Le demandeur n’a pas contesté cette deuxième décision.

 

 

[6]               À la lumière des décisions rendues par la Cour dans les arrêts Vidéotron Télécom Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2005 CAF 90, aux paragraphes 10 à 12, et Veillette c. Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, 2011 CAF 32, au paragraphe 3, le demandeur doit contester les deux décisions, surtout si la décision sur la demande de réexamen confirme la première et si le fait d’annuler la première laisserait tout de même subsister la seconde, ce qui est le cas en l’espèce. À l’audience de la présente demande, les deux parties ont convenu que le jugement à être rendu s’appliquerait aux deux décisions.

 

Équité procédurale devant le Conseil

 

[7]               Sur la question de l’équité procédurale, je conclus que le Conseil n’a commis aucune des erreurs que lui reproche le demandeur.

 

[8]               Le Code prévoit, à l’article 16.1, que le Conseil peut trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d’audience. La Cour a déjà statué que l’existence d’une preuve contradictoire ne justifie pas automatiquement la tenue d’une audience (Guan c. Purolator Courrier Ltd., 2010 CAF 103; Nadeau c. Métallurgistes unis d’Amérique, 2009 CAF 100). 

 

[9]               En l’espèce, les éléments de preuve contradictoires concernent le statut du demandeur, c’est‑à‑dire la question de savoir s’il était un employé en période d’essai ou un employé comptant peu d’ancienneté. Le Conseil était au courant de la question, mais la trancher définitivement n’était pas essentiel à l’issue de l’affaire. En effet, d’après l’avis juridique que le syndicat avait obtenu avant de prendre sa décision, le grief aurait probablement été voué à l’échec même si le plaignant n’avait pas été un employé en période d’essai (dossier du défendeur, volume 1, onglet 5, page 30). Pour les mêmes motifs, la production de documents concernant la situation d’emploi du demandeur n’était pas nécessaire.

 

[10]           Le demandeur affirme également qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale parce qu’il n’a pas eu la possibilité de présenter sa version des faits et de répliquer aux allégations suivant lesquelles il avait volé du temps (mémoire du demandeur, aux paragraphes 51 et 52). Le demandeur invoque des facteurs atténuants, pertinents tant pour la plainte fondée sur l’article 37 que pour le bien‑fondé de son grief, que le syndicat avait omis de faire valoir devant le Conseil : les raisons légitimes de son absence, son dossier disciplinaire sans tache, son évaluation de rendement positive et sa situation d’emploi. J’ai deux réponses à cet argument.

 

[11]           Premièrement, une plainte fondée sur l’article 37 suppose une procédure différente de celle de l’arbitrage d’un grief. Ce n’est pas dans le cadre d’une telle procédure que le bien‑fondé d’un grief peut être examiné, ce qui explique pourquoi l’employeur n’est pas une partie principale dans les procédures fondées sur l’article 37 (McRaeJackson c. TCA‑Canada, [2004] C.C.R.I. no  290, au paragraphe 247; 115 CIRBR (2nd) 161 [McRaeJackson]). En l’espèce, le demandeur ne m’a pas convaincue que le Conseil aurait eu des motifs d’obliger l’employeur à participer à l’instance.

 

 

[12]           Deuxièmement, le Conseil était au courant des explications que le demandeur avait données pour ses absences et de son dossier disciplinaire sans tache (voir les observations écrites présentées par le demandeur au Conseil, dossier du demandeur, volume 1, onglet K aux paragraphes 12 et f.; dossier du défendeur, volume 1, onglet 5, page 28). Le demandeur n’a pas réussi à démontrer que des circonstances exceptionnelles justifiaient la tenue d’une audience. Je suis convaincue que le Conseil disposait bien de la version des faits du demandeur et des documents pertinents.

 

La plainte fondée sur l’article 37

 

[13]           Finalement, le demandeur conteste la conclusion du Conseil relativement à la conduite du syndicat. Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable aux décisions du Conseil concernant le devoir de représentation juste du syndicat est celle de la décision raisonnable (Grain Services Union (ILWU‑Canada) c. Friesen, 2010 CAF 339, au paragraphe 31).

 

[14]           Dans McRaeJackson, le Conseil a énoncé les critères qui s’appliquent aux plaintes fondées sur l’article 37 :

[27] Par conséquent, le Conseil juge normalement que le syndicat s’est acquitté de son devoir de représentation juste s’il a : a) fait enquête sur le grief et obtenu tous les détails relatifs à l’affaire, y compris la version de l’employé, b) déterminé si le grief était fondé, c) tiré des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief et d) informé l’employé des raisons de sa décision de ne pas donner suite au grief ou de ne pas le renvoyer à l’arbitrage.

 

 

 

[15]           En l’espèce, le Conseil a déterminé « que le syndicat a pris une décision motivée de ne pas poursuivre le grief, à la lumière de son examen de la preuve et de l’avis juridique qu’il a obtenu d’un avocat externe » (page 7 des motifs). Le Conseil a souligné que le syndicat avait fondé sa décision sur les facteurs suivants, qu’il considérait comme incontestés (ibid.) :

 

-         le plaignant était soit un employé en période d’essai, soit un employé comptant peu d’ancienneté (dossier d’appel du syndicat, onglet 5, page 27);

-         l’employeur disposait d’éléments de preuve établissant que le plaignant avait quitté le travail sans autorisation et avait donc été payé pour une période pendant laquelle il n’avait pas travaillé (ibid., page 29);

-         le plaignant avait reconnu avoir quitté le travail sans autorisation (ibid., page 28).

 

[16]           De l’avis du demandeur, le Conseil a eu tort de considérer que ces facteurs étaient incontestés parce que l’avis juridique qu’avait obtenu le syndicat [traduction] « était fondé sur des faits incomplets attribuables à une enquête négligente » (mémoire du demandeur, au paragraphe 18). Si le syndicat avait mené une enquête en bonne et due forme, la thèse du demandeur aurait été retenue. Cependant, après avoir examiné le dossier dont disposait le Conseil, je dois exprimer mon désaccord avec le demandeur. Le dossier appuie les conclusions du Conseil.

 

[17]           Par exemple, dans les observations écrites qu’il a présentées au Conseil, le demandeur explique avoir quitté son travail avant l’heure à deux occasions en raison de responsabilités familiales. Comme il ne pouvait trouver de superviseur ni laisser un message parce que la boîte vocale du superviseur était pleine, il est parti sans permission. Toutefois, le demandeur n’a signalé ses absences ni à son retour au travail, ni avant le jour de paye. L’avocat du demandeur a confirmé ce fait à l’audience de la demande. Aucune explication sérieuse n’a été fournie pour justifier cette omission. Le demandeur a donc été payé pour du temps pendant lequel il n’avait pas travaillé, au cours d’une absence qui n’avait été ni autorisée, ni signalée. Il s’agit de l’inconduite qui a mené au congédiement du demandeur. L’employeur a jugé que ces gestes étaient contraires [traduction] « à la franchise et à l’intégrité » nécessaires dans les relations d’affaires de l’organisation (dossier du demandeur, volume 1, onglet D à la page 143; affidavit du demandeur, ibid., aux pages 7 et 8, paragraphe 8).

 

[18]           Comme dernier motif de plainte, le demandeur soulève le délai déraisonnable qu’il a fallu au syndicat pour faire avancer son dossier et le fait que le syndicat n’a pas communiqué avec lui en temps opportun. Le Conseil s’est penché sur cette question dans ses motifs et a qualifié la situation de « regrettable », mais il a néanmoins conclu à l’absence de manquement au devoir de représentation juste.

 

[19]           À la lumière du dossier de preuve, le Conseil pouvait conclure comme il l’a fait. La décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du Code (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

 

 

[20]           Par conséquent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire sans frais, les défendeurs n’en ayant pas demandés. Le présent jugement s’applique aux deux décisions répertoriées 2010 CCRI LD 2336 et 2010 CCRI LD 2373.

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

            Gilles Létourneau, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            J. Edgar Sexton, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                     A‑209‑10

 

INTITULÉ :                                                   Jamie Mcauley c.
Chalk River Technicians and Technologists Union et Énergie atomique du Canada limitée

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            Le 4 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                        LE JUGE SEXTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 mai 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Russell MacCrimmon

POUR LE DEMANDEUR

 

Georgina Watts

 

POUR LE DÉFENDEUR CHALK RIVER TECHNICIANS AND TECHNOLOGISTS UNION

 

Dan Palayew

 

POUR LE DÉFENDEUR ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mann & Partners, LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Morrison Watts

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR CHALK RIVER TECHNICIANS AND TECHNOLOGIST UNION

 

Heenan Blaikie

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA LIMITÉE

 

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