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Cour d'appel fédérale

    CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110131

Dossier : A-197-10

Référence : 2011 CAF 32

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MARIO VEILLETTE

demandeur

et

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES MACHINISTES ET DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DE L'AÉROSPATIALE

et

AIR CANADA INC.

 

défenderesses

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 décembre 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 janvier 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE NADON

                                                                                                                            LA JUGE TRUDEL

 


Cour d'appel fédérale

    CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20110131

Dossier : A-197-10

Référence : 2011 CAF 32

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MARIO VEILLETTE

demandeur

et

ASSOCIATION INTERNATIONALE DES MACHINISTES ET DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DE L'AÉROSPATIALE

et

AIR CANADA INC.

 

défenderesses

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Question préliminaire et questions en litige

 

[1]               Nous sommes saisis d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) rendue le 22 avril 2010 (2010 CCRI LD 2331).

 

[2]               À l’insu de notre Cour, le demandeur, M. Veillette, a logé au Conseil une demande de réexamen de sa décision comme le lui permet l’article 18 du Code canadien du travail (Partie 1 – Relations du travail) L.R.C. 1985, ch. L-2. Le Conseil a accepté la demande de réexamen. Dans une deuxième décision (2010 CCRI LD 2466) datée du 1er décembre 2010 et portée à notre connaissance seulement quelques jours avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire de la première décision, le Conseil a rejeté les arguments soulevés par le demandeur.

 

[3]               Par Directive adressée aux parties le 9 décembre 2010, la Cour s’est enquise de l’intention du demandeur relativement à sa demande de contrôle judiciaire fixée pour audition au lundi 13 décembre 2010, compte tenu de la décision de notre Cour dans l’arrêt Vidéotron Télécom Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2005 CAF 90. Selon cette décision, le demandeur doit contester les deux décisions, surtout si la décision sur la demande de réexamen confirme la première et si le fait d’annuler la première laisserait tout de même subsister la seconde.

 

[4]               Il s’en est suivi un échange de correspondance entre les parties et la Cour. De cet échange, il ressort que le demandeur qui bénéficie de l’aide juridique désirait procéder à l’audition des deux décisions le 13 décembre 2010. On aura compris que la défenderesse, l’Association internationale des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA), s’est opposée à cette façon de procéder, malgré le fait, comme l’invoque le demandeur, que l’article 55 des Règles des Cours fédérales permette à la Cour, dans des circonstances spéciales, de modifier une règle ou d’exempter une partie de son application.

 

[5]               Dans un souci d’équité pour les parties et d’éviter un ajournement ainsi que des frais et des délais additionnels, les membres de la formation saisis de la question ont examiné attentivement les deux décisions du Conseil ainsi que les motifs de contestation du demandeur. Ils ont noté et soumis aux parties à l’audience que les motifs de contestation énoncés dans la demande de contrôle judiciaire et ceux soulevés dans la demande de réexamen se recoupent intégralement dans leur essence.

 

[6]               De fait, dans les deux instances, le demandeur se plaint :

 

a)               que le Conseil a violé les règles de justice naturelle et d’équité procédurale en ne tenant pas d’audience publique avec témoins alors qu’il lui fallait jauger la crédibilité des témoins;

 

b)               que le Conseil a manqué aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale en validant une procédure d’arbitrage accélérée, sans motif juridique valable;

 

c)               que le Conseil, en présence d’une preuve contradictoire en ce qui concerne l’arbitrage en anglais, a préféré la version du syndicat sans explication acceptable; et

 

d)               que le Conseil, en ce qui a trait à l’obtention d’une expertise médicale, a fait supporter par le demandeur le fardeau de preuve alors que cette responsabilité incombait au syndicat qui le représentait.

 

[7]               Après discussion et suite à une proposition faite par la Cour, les parties ont convenu du recoupement et que la décision de notre Cour à intervenir sur ces questions dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire de la première décision déterminerait le sort de la deuxième décision rendue suite à la demande de réexamen. En d’autres termes, les deux décisions du Conseil survivraient ou succomberaient.

 

[8]               Il fut également convenu avec les parties de leur permettre de soumettre des représentations écrites quant à la deuxième décision du Conseil. Afin d’accommoder les parties aux prises avec certaines contraintes de temps, le demandeur s’est vu accordé jusqu’au 14 janvier 2011 pour produire un court mémoire n’excédant pas dix (10) pages. Les défenderesses, pour leur part, ont eu jusqu’au 21 janvier 2011 pour produire un mémoire sujet à la même contrainte quant à sa longueur.

 

[9]               Cette approche suggérée par les membres de la formation et acceptée par les parties fut dictée par les circonstances très particulières de l’espèce, notamment l’identité des motifs de contestation du demandeur dans la procédure de réexamen et celle de contrôle judiciaire, le très court délai entre le prononcé de la deuxième décision suite au réexamen et l’audition de la demande de contrôle judiciaire, le fait que notre décision scellerait le sort des deux décisions du Conseil, le fait que le demandeur était encore dans les délais pour contester la deuxième décision et qu’il aurait alors fallu ajourner l’audition de la demande de contrôle judiciaire, et, enfin, le fait que les parties étaient prêtes à plaider, sans compter que, dans la plus pure tradition de la Cour d’appel fédérale, les membres de la formation s’étaient bien instruits des faits et des sources du litige et préparés pour l’audition.

Analyse des prétentions du demandeur et des décisions du Conseil

 

[10]           À l’audition, la procureure du demandeur a soumis un plan d’argumentation dans lequel elle a énoncé les questions en litige dans les termes suivants qui diffèrent de ceux que l’on retrouve à l’Avis de demande de contrôle judiciaire et dans son mémoire des faits et du droit :

 

A.              Par sa décision du 22 avril 2010, le Conseil a-t-il outrepassé sa compétence et/ou omis d’observer un principe de justice naturelle qu’il était légalement tenu de respecter en arrivant à la conclusion à l’effet que le demandeur n’a pas été contraint d’accepter la procédure d’arbitrage accéléré?

 

B.              Par sa décision du 22 avril 2010, le Conseil a-t-il outrepassé sa compétence et/ou omis d’observer un principe de justice naturelle qu’il était légalement tenu de respecter en arrivant à la conclusion à l’effet que le demandeur n’a pas été en mesure d’obtenir une expertise médicale pouvant réfuter celle que détenait l’employeur? et

 

C.              Par sa décision du 22 avril 2010, le Conseil a-t-il outrepassé sa compétence et/ou omis d’observer un principe de justice naturelle qu’il était légalement tenu de respecter en arrivant à la conclusion à l’effet que le demandeur n’a formulé aucune demande que ce soit à l’égard du fait que l’audience se soit déroulée en anglais?

 

[11]           Je reprendrai plutôt les motifs tels que formulés dans l’Avis de demande de contrôle judiciaire et j’en fusionnerai deux pour fin d’étude.

 

L’omission de tenir une audition publique avec témoins

 

[12]           Tant lors de la première que de la deuxième décision, le Conseil a estimé qu’il pouvait disposer du litige sur la foi de la documentation écrite. L’article 16.1 du Code l’autorise à procéder de cette façon même lorsque des questions de crédibilité se soulèvent : voir Nadeau c Métallurgistes unis d’Amérique, 2009 CAF 100. Je ne suis pas convaincu que, dans les circonstances, on nous a fourni des motifs valables d’interférer avec cet aspect de ses décisions.

 

La validation d’une procédure d’arbitrage accélérée et la préférence octroyée à la version contraire du syndicat sans explication acceptable

 

 

[13]           Dans sa deuxième décision, le Conseil a reconnu « que les motifs énoncés dans la décision LD 2331 pour rejeter les prétentions du requérant et accepter celles de l’intimé relativement à l’arbitrage accéléré et la langue de l’arbitrage étaient insuffisants » : voir la deuxième décision, à la page 11. Il s’est alors appliqué à fournir les justifications pour cette conclusion du conseil prise lors de sa première décision.

 

[14]           Le demandeur soutient dans son mémoire supplémentaire que le Conseil en réexamen a reconnu que, dans sa première décision, il n’avait pas respecté les principes d’équité procédurale et de justice naturelle. Il associe une motivation insuffisante de la décision au non-respect de ces principes. Et il en conclut qu’à « partir de ce moment, la décision devenait invalide et il ne pouvait se permettre de spéculer sur le fait qu’elle aurait été la même nonobstant ces manquements » : voir mémoire supplémentaire au paragraphe 9.

 

[15]           Avec respect, je ne vois rien dans la décision du Conseil en réexamen qui constitue un aveu de manquement de sa part aux principes d’équité procédurale ou de justice naturelle.

 

[16]           En outre, on ne saurait faire une équation entre le contenu de ces principes et celui de l’obligation de fournir des motifs suffisants à l’appui d’une décision et, de là, conclure nécessairement à l’invalidité de la décision. Même un manquement aux principes de justice naturelle ou de l’équité procédurale n’entraîne pas nécessairement une invalidité de la décision comme l’énonce une jurisprudence plus récente que celle sur laquelle l’appelant s’appuie : voir Canada (Minister of Human Resources Development v. Hogervorst, 2007 CAF 41; Mobil Oil Canada Ltd. v. Canada Newfoundland (Offshore Petroleum Board), [1994] 1 R.C.S. 202, à la page 228; Halifax Employers Ass. Inc. v. Council of ILA Locals for the Port of Halifax, 2006 CAF 82; Société des arrimeurs de Québec c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3810, 2008 CAF 237; Palonek v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), 2007 CAF 281; et Cartier c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 384.

 

[17]           Dans le cas d’une faiblesse ou d’une insuffisance au niveau de la motivation d’une décision, il est possible d’y remédier, comme l’a fait le Conseil, dans le contexte de la procédure de réexamen de sa première décision dans la mesure où cette dernière était et demeure la bonne décision à rendre.

 

[18]           Au terme du réexamen et se fondant sur sa jurisprudence antérieure, le Conseil a conclu que la procédure d’arbitrage accélérée était un processus de règlement des griefs acceptable et que le choix de la procédure appropriée dans un cas donné appartient au syndicat et non à l’employé : voir la page 12 de la seconde décision. Cette procédure était celle qui avait cours alors qu’Air Canada était assujettie à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, c. C-36 vu le grand nombre de griefs. Les deux parties, i.e. employeur et syndicat, s’accordaient pour dire que le processus d’arbitrage développé et mis en place avec l’arbitre Teplitsky permettait un règlement ou un arbitrage rapide et efficace des litiges. Elles ont convenu de continuer à l’appliquer par la suite.

 

[19]           En outre, le Conseil a estimé que la décision du syndicat de recourir à la procédure accélérée était fondée sur des motifs raisonnables vu la faible preuve dont il disposait en faveur du demandeur et celle incriminante de l’employeur. Compte tenu de toutes les circonstances, il n’a vu dans la décision du syndicat aucun manquement à son devoir de représentation juste : voir la page 13 de la deuxième décision.

 

[20]           L’appelant estime qu’il avait son mot à dire dans le processus de détermination du grief à l’encontre de la décision de son employeur, impliquant par là qu’il pouvait dicter à son Syndicat la conduite des procédures : voir les paragraphes 10 et 11 de son mémoire supplémentaire. Il reproche au Syndicat de s’être érigé en juge de sa conduite et d’avoir conclu qu’il avait commis une faute parce qu’il avait donné des massages : ibidem, aux paragraphes 13 à 15.

 

[21]           Encore là, je ne crois pas que les prétentions de l’appelant reflètent la réalité du déroulement des procédures et des faits l’entourant. Confronté à une preuve médicale et testimoniale fortement défavorable pour l’appelant, sur laquelle je reviendrai plus loin, le Syndicat a dû faire des choix tactiques pour en minimiser l’impact. L’appelant n’est maintenant pas d’accord avec ceux-ci. Cela ne veut toutefois pas dire comme l’a décidé le Conseil qu’il y a eu manquement du Syndicat à son devoir de représentation juste.

 

[22]           Pour ce qui est de la langue de l’audition, le Conseil en réexamen a vérifié les courriels échangés entre les parties et s’est dit satisfait que cette question n’avait été soulevée par l’appelant qu’après l’audience. Il a aussi entériné une conclusion apparaissant à la première décision du Conseil. Enfin, il a réitéré que la charge du grief appartient au syndicat et, bien sûr, qu’il doit afficher dans l’administration de celui-ci une conduite exempte d’arbitraire, de discrimination ou de mauvaise foi, ce qui, de l’avis du Conseil, fut fait.

 

[23]           Voici comment le Conseil s’est exprimé sur le sujet à la page 13 de sa deuxième décision :

 

            En ce qui concerne la langue anglaise utilisée lors de l’audience d’arbitrage tenue le 1er avril 2009, c’est à bon droit que le Conseil a conclu dans la décision LD 2331 :

 

Outre ce constat, aucun élément de la plainte à l’étude ne montre que le plaignant a formulé auprès de son représentant syndical, soit au cours des rencontres qu’il a eues avec lui pour préparer son dossier de grief, soit au cours des heures précédant l’audience, ni même au cours de l’audience elle-même, quelque demande que ce soit à l’égard du fait que l’audience se soit déroulée en anglais.

 

            En réexamen, le Conseil a vérifié les courriels échangés entre les parties et ce n’est qu’après l’audience que le requérant a soulevé cette question, soit le 27 avril 2009 (pièce P-12).

 

            Toutefois, même si le Conseil avait conclu que le requérant avait précisé avant la date de l’audience d’arbitrage qu’il souhaitait que l’audience ait lieu en français, le syndicat aurait quand même eu le droit d’agir comme il l’a fait. En effet, c’est le syndicat qui a la charge du grief et de son renvoi à l’arbitrage et le Conseil n’a pas la compétence pour évaluer la qualité de la représentation devant l’arbitre, à moins qu’il y ait preuve d’une conduite arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi du syndicat.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[24]           Je ne saurais dire que ces conclusions du Conseil sont soit erronées, soit déraisonnables. En conséquence, je ne vois aucun mérite dans ces motifs de révision judiciaire.

 

Le transfert du fardeau de la preuve relativement à l’obtention d’une expertise médicale

 

[25]           Pour bien comprendre cet argument de la procureure de l’appelant, il me faut énoncer certains faits spécifiques à la question.

 

[26]           Aux environs du 11 avril 2008, le demandeur s’est infligé une blessure au coude droit, soit une épicondylite traumatique. Celle-ci serait survenue alors qu’il tournait la manivelle d’une passerelle située sur un avion. En conséquence, il s’est absenté de son travail jusqu’à une tentative de retour en juin qui fut vaine car la lésion au coude droit n’était pas suffisamment résorbée.

 

[27]           Le 22 septembre, toujours de la même année, il a repris le travail, mais avec une assignation à des travaux légers à raison de vingt (20) heures par semaine. Progressivement, à compter du 18 octobre, il s’est rapproché de son métier de mécanicien-tôlier pour finalement, le 18 novembre 2008, le reprendre.

 

[28]           Le 26 novembre, il fit l’objet d’une suspension préalable à son renvoi au motif que, durant son absence du travail pour incapacité, alors qu’il recevait des prestations d’invalidité de la CSST, il aurait travaillé comme massothérapeute. Ce travail aurait amplifié les symptômes de sa blessure. Selon l’employeur, l’appelant l’aurait fraudé ainsi que la CSST en abusant du système de réclamation des accidents de travail. De là, le grief de l’appelant.

 

[29]           Dans le cadre de ce grief, l’employeur a informé le syndicat qu’il détenait un rapport d’expertise médicale concernant le plaignant. Selon ce rapport, ce dernier devait s’abstenir de tout mouvement répétitif de son coude droit.

 

[30]           En outre, l’employeur a dit disposer d’une preuve établissant que, moyennant paiement en espèces, le demandeur avait effectué au moins deux massages d’une durée de plus d’une heure chacun. Les deux massages auraient été pratiqués les 13 et 25 septembre 2008 alors qu’il était prestataire de la CSST pour invalidité. Le syndicat savait que le demandeur avait donné au moins un autre massage, un fait que son employeur ignorait.

 

[31]           L’employeur a sollicité l’opinion du docteur Yvan Comeau, chirurgien orthopédiste et membre de la Société des médecins experts du Québec. Suite à la preuve par filature audio et vidéo de l’appelant, on a demandé au médecin expert :

 

a)         si les activités auxquelles s’est livré l’appelant sont compatibles avec la lésion diagnostiquée et/ou si elles vont à l’encontre de l’invalidité et des limitations fonctionnelles émises par le médecin traitant; et

 

b)         si, à son avis, l’appelant a pu simuler ses symptômes et/ou en amplifier les conséquences.

 

[32]           Sur la foi de la filature audio et vidéo, au cours de laquelle l’appelant se dit très occupé avec ses différents types de massothérapie et affirme faire environ dix (10) massages par semaine, et sur celle du rapport du médecin traitant qui met l’appelant en arrêt complet de travail jusqu’au 18 septembre 2008 et qui, à compter de cette date, l’assigne à des travaux légers avec les restrictions suivantes : « Éviter mouvements répétitifs, vibrations, contrecoups coude droit », le médecin expert conclut que l’appelant contrevenait aux recommandations de son médecin traitant en se livrant à des traitements de massothérapie le 13 septembre 2008 car son médecin « lui interdisait toutes activités manuelles le moindrement soutenues avec ses membres supérieurs, puisqu’il le gardait en arrêt complet de travail » : voir le rapport au Dossier du demandeur, vol. 1, à la page 186.

 

[33]           Il appuie également sa conclusion sur le fait que l’appelant « s’est livré à des activités intensives sollicitant de façon particulière les épicondylites. Sans compter qu’il s’est livré à ce genre d’activités même durant les fins de semaine alors que son médecin voulait qu’il profite de cette période pour le repos » : ibidem, à la page 187.

 

[34]           Enfin, le médecin expert, s’il ne peut affirmer que les activités de massothérapeute de l’appelant ont aggravé la lésion, n’hésite pas à conclure que l’appelant a amplifié son tableau clinique pour justifier son maintien en arrêt de travail d’avril jusqu’à la mi-septembre. Il ajoute qu’il « n’y a aucun doute que Monsieur Veillette aurait été incapable de pratiquer ses traitements de massothérapie s’il avait subi une épicondylite sévère justifiant un arrêt de travail » : ibidem. « Il n’y a aucun doute que Monsieur Veillette, en cours d’évolution, a simulé des symptômes au docteur Masri et a adopté un comportement nettement amplificateur lorsque je l’ai rencontré » : ibidem, à la page 189.

 

[35]           Le syndicat fut mis au courant de la preuve audio-visuelle de l’employeur ainsi que des conclusions de l’expertise du docteur Comeau. Il a donc tenu une rencontre avec l’appelant pour l’informer de ces nouveaux éléments et de la bonne marche à suivre.

 

[36]           À cette occasion, selon le procureur du syndicat, l’appelant a admis le fait, mais « a prétendu que le fait de donner des massages impliquait les mêmes mouvements que la thérapie qu’il subissait en vue de guérir sa blessure » : voir réponse du syndicat, dossier du demandeur, vol. 1, à la page 173, au paragraphe 9.

 

[37]           Devant cette affirmation de l’appelant, le syndicat lui a demandé d’obtenir de son médecin traitant une attestation en ce sens que l’appelant n’a pu obtenir.

 

[38]           C’est dans ce contexte factuel que la procureure de l’appelante énonce ce qui suit au paragraphe 53 de son mémoire des faits et du droit :

 

53.     Ainsi, en mettant la « faute » sur le demandeur de ne pas avoir été en mesure d’obtenir une expertise médicale, le Conseil renverse la responsabilité du syndicat sur lui alors que c’est ce dernier qui n’a pas respecté ses obligations envers le demandeur. Ce faisant, le Conseil déni injustement et sans fondement le fait que l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) a manqué à son devoir de juste représentation vis-à-vis du demandeur.

 

 

[39]           Il est vrai que, dans sa première décision, à la page 21, le Conseil avait noté que « le plaignant n’a pas été en mesure d’obtenir une expertise médicale pouvant réfuter celle que détenait l’employeur ».

 

[40]           Dans sa deuxième décision, le Conseil a reconnu qu’il y avait dans cet énoncé une erreur de fait car il ne fut pas demandé à l’appelant d’obtenir une telle expertise médicale : voir la deuxième décision à la page 15.

 

[41]           Il n’est cependant pas nié que le syndicat ait demandé à l’appelant d’obtenir de son médecin traitant une attestation de compatibilité des traitements de massothérapie qu’il a faits avec son épicondylite. Le syndicat était confronté à une preuve, le moins que l’on puisse dire, dommageable pour l’appelant. En charge de la poursuite du grief, il avait le fardeau de réfuter cette preuve s’il le pouvait. Il n’y a jamais eu transfert de ce fardeau.

 

[42]           Mais pour l’assumer ce fardeau, le syndicat avait besoin de la collaboration de l’appelant. Et le médecin traitant qui a fait le diagnostic et ordonné l’arrêt complet de travail s’avérait la personne indiquée pour fournir l’attestation médicale demandée. Or, tel que déjà mentionné, l’appelant n’a pas été en mesure de l’obtenir de son médecin traitant.

 

[43]           Quoiqu’il en soit, le Conseil a reconnu son erreur de fait dans sa deuxième décision et l’a rectifiée. Je suis d’accord avec le Conseil qu’il ne s’agissait pas d’une erreur de droit qui remettait en question l’interprétation du Code et qui opérait un transfert du fardeau de la preuve.

 

Conclusion

 

[44]           Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, sans frais dans les circonstances. J’indiquerais au jugement à intervenir que les présents motifs s’appliquent au soutien de la décision 2010 CCRILD 2466 rendue par le Conseil en réexamen le 1er décembre 2010.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-197-10

 

INTITULÉ :                                                   Mario Veillette c. Association

                                                                        internationale des machinistes et

                                                                        des travailleurs et travailleuses

                                                                        de l’aérospatiale et Air Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LA JUGE TRUDEL

                                                                                               

DATE DES MOTIFS :                                  Le 31 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Myriam Bohémier

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Michael Cohen

 

 

Me Rachelle Henderson

POUR LA DÉFENDERESSE

(Ass. inter. des machinistes et al.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(Air Canada Inc.)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Myriam Bohémier

Brossard (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Melançon, Marceau, Grenier et Sciortino

Montréal (Québec)

 

Centre Air Canada - Affaires juridiques

Dorval (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

(Ass. inter. des machinistes et al.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(Air Canada Inc.)

 

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