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Date : 20110110

Dossier : A‑237‑10

Référence : 2011 CAF 6

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ZOLTAN ANDREW SIMON

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

intimée

 

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 2 décembre 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                  LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                                                                                                                       LE JUGE MAINVILLE

 

 


Date : 20110110

Dossier : A‑237‑10

Référence : 2011 CAF 6

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

ZOLTAN ANDREW SIMON

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]        Le juge de la Cour fédérale a ordonné la radiation de la déclaration produite par M. Simon dans le dossier de la Cour fédérale no T‑639‑10 sans autorisation de la modifier. Le juge a également conclu que M. Simon devrait payer les dépens fixés à 500 $ à Sa Majesté, défenderesse. Il a fondé sa décision sur sa conclusion que la demande de M. Simon ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale. Voir : 2010 CF 617.

 

[2]        Monsieur Simon interjette appel de l’ordonnance de la Cour fédérale. Il prie notre Cour d’annuler l’ordonnance et de rendre certains jugements déclaratoires. Les jugements déclaratoires sollicités par M. Simon ne peuvent être prononcés en appel d’une ordonnance radiant la déclaration. Par conséquent, notre Cour doit uniquement déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur de droit en radiant la déclaration sans autorisation de la modifier.

 

[3]        Pour les motifs suivants, j’accueillerais le présent appel en partie et je modifierais l’ordonnance portée en appel afin d’autoriser M. Simon à produire une déclaration modifiée ou, à titre subsidiaire, à demander une prorogation de délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

 

Les faits

[4]        Les faits qui présentent un intérêt en l’espèce sont énoncés aux paragraphes 2 à 4 des motifs du juge. Il a écrit ce qui suit :

2.         En janvier 1999, le demandeur a parrainé la demande de résidence permanente au Canada de Margarita Reyes, alors son épouse, et de ses deux fils. Il a signé avec elle une entente de parrainage par laquelle il s’engageait à pourvoir à ses besoins fondamentaux. Il nie catégoriquement avoir conclu une telle entente avec le Canada.

 

3.         En juin 2000, Mme Reyes a quitté le demandeur en emmenant ses fils. Ils ont commencé à recevoir des prestations d’assistance sociale de la province de la Colombie‑Britannique. M. Simon n’était pas au courant de ces prestations ni du fait que la province de la Colombie‑Britannique lui imposait, en sa qualité de répondant, l’obligation de rembourser ces prestations d’assistance sociale jusqu’à une date indéterminée en 2007.

 

4.         En 2008 puis en 2009, la province de la Colombie‑Britannique a saisi le solde créditeur de son compte à Revenu Canada.

 

 

La décision faisant objet de l’appel

[5]        La requête de la défenderesse visant la radiation de la déclaration est fondée sur quatre motifs. La défenderesse a fait valoir ce qui suit :

1.                  La déclaration n’exposait pas suffisamment les faits substantiels.

2.                  La déclaration ne révélait aucune cause d’action valable.

3.                  La déclaration était frivole, vexatoire ou constituait un abus de procédure.

4.                  La déclaration était similaire à une action que le demandeur avait intentée devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique.

 

[6]        Le juge a ainsi qualifié la demande de M. Simon :

8.         M. Simon soutient qu’il n’a aucune « dette exigible » parce qu’il ne s’est pas engagé auprès du gouvernement du Canada à rembourser les prestations versées par la Colombie‑Britannique, que les prestations versées à Mme Reyes étaient excessives et inappropriées et que, de toute manière, les sommes qui lui sont réclamées sont frappées de prescription. En somme, il soutient n’avoir jamais eu de dette envers la province de la Colombie‑Britannique provenant du recouvrement des prestations versées à Mme Reyes et que la province a indûment saisi son compte à Revenu Canada.

 

Le juge a conclu que l’action intentée par le demandeur en Colombie‑Britannique était sans intérêt.

 

[7]        Par conséquent, le juge a motivé sa conclusion comme suit :

10.       Ce qui importe, c’est que le désaccord financier n’est pas directement entre le demandeur et le Canada et que le véritable litige ne relève pas de la compétence de la Cour. Il m’est d’avis que c’est auprès des autorités provinciales, devant la Cour supérieure de la Colombie‑Britannique, soit dans l’instance déjà introduite ou dans le cadre d’une nouvelle instance, que le demandeur devrait présenter sa déclaration et solliciter le remboursement des sommes qu’il estime avoir été saisies indûment.

 

La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en ordonnant la radiation de la déclaration sans autorisation de la modifier?

[8]        Les requêtes en radiation sont régies par l’article 221 des Règles des Cours fédérales, lequel prévoit qu’un acte de procédure peut être radié avec ou sans autorisation de le modifier. Pour qu’une telle requête soit accueillie, il doit être évident et manifeste ou hors de tout doute raisonnable que l’action n’a aucune chance d’être accueillie. Voir : Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, aux paragraphes 30 à 33. J’ajouterais que pour être radiée sans autorisation d’être modifiée, la déclaration doit comporter un vice qui ne peut être corrigé par une modification. Voir l’arrêt Minnes c. Minnes (1962), 39 W.W.R. 112 (C.A. C.‑B.), cité par la Cour suprême dans Hunt c. Carey Canada Inc., au paragraphe 28; et l’arrêt Ross c. Scottish Union and National Insurance Co. (1920), 47 O.L.R. 308 (C.A.), cité par la Cour suprême dans Hunt Carey Canada Inc., aux paragraphes 23 et 24.

 

[9]        Sans aucun doute, la Cour fédérale était fondée à ordonner la radiation de la déclaration de M. Simon pour les motifs suivants :

1.                  En contravention de l’article 174, la déclaration ne contenait pas un exposé concis des faits substantiels sur lesquels M. Simon s’est fondé.

2.                  En contravention de l’article 174, la déclaration comprenait beaucoup de moyens de preuve.

3.                  En contravention de l’alinéa 221(1)a), la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable.

4.                  En contravention de l’alinéa 221(1)c), la déclaration était frivole ou vexatoire parce qu’elle comportait des erreurs à un point où la défenderesse ne pouvait savoir comment répondre à la demande. De plus, la Cour serait incapable de diriger ou de gérer l’instance. Voir : Kisikawpimootewin c. Canada, 2004 CF 1426, [2004] A.C.F. no 1709, citant Ceminchuk c. Canada, [1995] A.C.F. no 914 (prot.).

5.                  Enfin, bien qu’une partie puisse soulever des points de droit dans un acte de procédure (article 175), une déclaration ne peut constituer un argument juridique. Les observations juridiques détaillées figurant dans la déclaration de M. Simon, notamment les nombreux renvois à la jurisprudence et à des décisions hypothétiques, contreviennent à l’article 174 parce qu’elles ne constituent pas un exposé concis des faits substantiels.

 

[10]      Toutefois, le juge n’a pas ordonné la radiation de la déclaration sur ce fondement. Il a plutôt conclu que les questions énoncées dans la déclaration ne relevaient pas de la compétence de la Cour fédérale.

 

[11]      Je conviens que de nombreux aspects de l’exposé des faits de M. Simon ne relèvent pas de la compétence de la Cour fédérale parce qu’ils sont uniquement liés à la propriété de la demande présentée en Colombie‑Britannique visant le remboursement de prestations d’assistance sociale versées à son ancienne épouse. Pour que la Cour fédérale ait compétence, le critère à trois volets établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ITO‑International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752 (ITO) doit être respecté. Ni la Loi sur les Cours fédérales ni d’autres lois ne donnent compétence à la Cour fédérale pour statuer sur l’existence ou l’étendue de toute responsabilité de M. Simon envers le gouvernement de la Colombie‑Britannique à l’égard des prestations d’assistance sociale. L’absence d’une telle loi est fatale pour le premier volet du critère fondé sur l’arrêt ITO.

 

[12]      Cela dit, je suis d’avis que le juge a ignoré un aspect important de la demande de M. Simon : la question de savoir si l’Agence du revenu du Canada a versé à tort de l’argent qu’elle devait à M. Simon, en application de la Loi de l’impôt sur le revenu au gouvernement de la Colombie‑Britannique, sans lui fournir d’explication. Rien n’indique qu’une ordonnance de saisie‑arrêt a été rendue par un tribunal compétent. Peut‑être que l’argent que l’on devait autrement à M. Simon a été appliqué à sa présumée dette de parrainage conformément au paragraphe 164(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.). La façon dont l’Agence de revenu du Canada a traité l’argent autrement dû à M. Simon relève indubitablement de la compétence de la Cour fédérale. À mon humble avis, il s’ensuit que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en concluant qu’aucune des questions dont s’est plaint M. Simon ne relevait de sa compétence.

 

[13]      La Cour fédérale a eu raison d’ordonner la radiation de la déclaration, mais pas au motif qu’elle n’avait pas compétence.

 

[14]      Après avoir ordonné la radiation d’un acte de procédure, le tribunal doit déterminer si ledit acte sera radié avec ou sans autorisation de le modifier conformément à l’article 221.

 

[15]      Il n’est pas évident et manifeste que si elle est modifiée, la déclaration de M. Simon selon laquelle l’Agence du revenu du Canada a commis une erreur dans sa façon de traiter l’argent auquel il avait autrement droit ne révélerait pas une cause d’action valable. Par conséquent, la Cour fédérale a commis une erreur en ordonnant la radiation de la déclaration sans autorisation de la modifier.

 

[16]      Trois points devraient être établis concernant le droit de M. Simon de modifier un acte de procédure ou d’en produire un autre.

 

[17]      Premièrement, il est important de prévenir M. Simon que tout acte de procédure supplémentaire doit être conforme aux règles de la Cour fédérale régissant les actes de procédure. Le défaut de se conformer à ces règles risquerait de causer la radiation dudit acte.

 

[18]      L’exigence selon laquelle l’acte de procédure doit contenir un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde est une exigence technique ayant un sens précis en droit. Chaque élément constitutif d’une cause d’action doit être invoqué avec suffisamment de détails. Un récit des faits et du moment où ces faits se sont déroulés risque de ne pas remplir les exigences des Règles. Monsieur Simon serait bien avisé de demander des conseils juridiques, du moins en ce qui concerne les éléments qui doivent figurer dans l’acte de procédure qu’il voudrait présenter.

 

[19]      Deuxièmement, il est peu probable que les documents liés au bien‑fondé de la demande de remboursement présentée par les autorités en Colombie‑Britannique relèvent de la compétence de la Cour fédérale. Toute demande qui ne relève pas de la compétence de la Cour fédérale risquera là encore d’être radiée.

[20]      Troisièmement, en droit, certaines réparations demandées contre des entités fédérales ne peuvent l’être que par un avis de demande en vue de solliciter le contrôle judiciaire. Il s’agit d’une question juridique plutôt complexe et, là encore, M. Simon ferait mieux de demander des conseils juridiques.

 

Conclusion

[21]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel en partie et je modifierais l’ordonnance de la Cour fédérale afin d’accorder l’autorisation de produire une déclaration modifiée ou, à titre subsidiaire, de demander une prorogation de délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

 

[22]      Dans les circonstances, je n’adjugerais aucuns dépens.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑237‑10

 

 

INTITULÉ :                                                   ZOLTAN ANDREW SIMON c.
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Edmonton (Alberta)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 décembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                                                                        LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Zoltan Andrew Simon

Pour son propre compte

 

POUR L’APPELANT

 

Camille N. Audain

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Zoltan Andrew Simon

Pour son propre compte

 

POUR L’APPELANT

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉE

 

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