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Date : 20101217

Dossier : A‑395‑09

Référence : 2010 CAF 350

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

SCOTT OKE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2010

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LA JUGE SHARLOW

                                                                                                    LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

 


Date : 20101217

Dossier : A‑395‑09

Référence : 2010 CAF 350

CORAM :      LA JUGE SHARLOW         

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

ENTRE :

SCOTT OKE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

INTRODUCTION

[1]               M. Scott Oke a acheté un véhicule récréatif (VR) et l’a placé dans une flotte de VR qu’un tiers louait à l’industrie cinématographique. Pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005, il a demandé d’importantes déductions pour amortissement (DPA) relativement à son VR, mais le ministre a refusé ces déductions en appliquant la restriction prévue au paragraphe 1100(15) du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (le Règlement). M. Oke a soutenu que la restriction ne s’appliquait pas à sa situation parce que, conformément au paragraphe 1100(17.3) du Règlement, ses activités liées à son VR s’inscrivaient dans l’exploitation d’une entreprise dont il s’occupait personnellement de façon continue. Dans la décision Oke c. Canada, 2009 CCI 386, [2009] A.C.I. no 297 (les « motifs »), la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les activités de M. Oke liées à son VR ne constituaient pas une entreprise et a rejeté son appel. M. Oke interjette maintenant appel de la décision de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑après, je rejetterais l’appel.

 

FAITS

[3]               Pendant la période en cause, M. Oke avait un emploi à titre de directeur principal des ventes. Il a pris conscience de la possibilité d’avoir un revenu additionnel en achetant et en louant un VR. Il est entré en contact avec M. Clements, directeur de Coast‑to‑Coast RV Inc., entreprise de gestion et de location de VR qui loue sa flotte de VR à des sociétés de production cinématographique. Au début, M. Clements ne voulait pas inclure le VR de M. Oke dans sa flotte, mais il a finalement consenti lorsque M. Oke l’a convaincu qu’il s’occuperait de l’entretien régulier de son VR.

 

[4]               M. Oke a tenu parole et s’est occupé de l’entretien de son VR, tâche que la plupart des autres propriétaires de VR de la flotte confiaient à M. Clements. Celui‑ci devait tout de même effectuer les réparations d’urgence étant donné qu’il était la personne‑ressource pour les clients de Coast‑to‑Coast. M. Oke veillait également à ce que son VR soit assuré, bien qu’il ait tiré parti des tarifs plus avantageux que M. Clements était en mesure d’obtenir.

 

[5]               M. Oke s’est intéressé à l’entreprise de M. Clements et a assumé plusieurs tâches se rapportant à la location des VR, y compris le sien. M. Oke a pris part à des présentations publiques où M. Clements « moussait » sa flotte de véhicules auprès de producteurs de films. Il aidait à assurer le transport des véhicules récréatifs entre Coast‑to‑Coast et les sites de tournage. Il révisait également les contrats entre Coast‑to‑Coast et les producteurs de films. Toutefois, M. Clements négociait lui‑même ces contrats, sans aide de M. Oke.

 

[6]               Le tableau ci‑dessous présente les renseignements suivants concernant les cotisations fiscales de M. Oke pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2005 : les revenus bruts tirés de son VR, les dépenses avant amortissement, les déductions pour amortissement demandées et les déductions pour amortissement permises par le ministre :

 

Année

Revenu brut

Dépenses

DPA demandées

DPA permises

2003

14 700 $

9 405 $

35 018 $

5 295 $

2004

12 795 $

7 384 $

27 513 $

5 411 $

2005

19 425 $

3 260 $

22 259 $

16 165 $

 

Comme on peut le voir, l’application de la restriction prévue au paragraphe 1100(15) a empêché M. Oke de se servir des déductions pour amortissement pour générer une perte au cours d’une année d’imposition.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[7]               Le cadre législatif est le suivant. Le paragraphe 1100(15) du Règlement limite les déductions pour amortissement que peut demander un contribuable relativement à un « bien donné en location à bail », terme défini au paragraphe 1100(17). Selon cette définition, il importe de se demander si le bien est utilisé « principalement pour gagner ou produire un revenu brut constitué d’un loyer, d’une redevance ou d’un revenu de location […] ». Pour décider si un revenu est un loyer, il faut se reporter au paragraphe 17.2, qui est libellé comme suit :

(17.2) Pour l’application des paragraphes (1.11) et (17), est considéré comme un loyer dérivé d’un bien au cours d’une année d’imposition le revenu brut dérivé, au cours de cette année :

a) du droit d’une personne ou société de personnes (à l’exclusion du propriétaire du bien) d’utiliser ou d’occuper le bien ou une partie de ce bien;

b) de services offerts à une personne ou société de personnes qui sont accessoires à l’utilisation ou à l’occupation du bien ou d’une partie de ce bien par la personne ou société de personnes.

 

 

(17.2) For the purposes of subsections (1.11) and (17), gross revenue derived in a taxation year from

 

 

 

(a) the right of a person or partnership, other than the owner of a property, to use or occupy the property or a part thereof, and

 

(b) services offered to a person or partnership that are ancillary to the use or occupation by the person or partnership of the property or the part thereof

shall be considered to be rent derived in the year from the property.

 

 

[8]               Il y a une exception à cette disposition déterminative au paragraphe 17.3 du Règlement :

(17.3) Le paragraphe (17.2) ne s’applique pas, au cours d’une année d’imposition donnée, à un bien qui appartient

 

[…]

 

b) à un particulier, dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée;

[…]

(17.3) Subsection (17.2) does not apply in any particular taxation year to property owned by

 

 

 

(b) an individual, where the property is used in a business carried on in the year by the individual in which he is personally active on a continuous basis throughout that portion of the year during which the business is ordinarily carried on; or

 

[9]               Il s’ensuit que si le paragraphe 17.3 s’applique, le revenu dérivé d’une activité qui requiert l’utilisation d’un bien n’est pas considéré comme étant un loyer; si ce revenu n’est pas un loyer, le bien n’est pas un bien utilisé principalement pour produire un loyer et, par conséquent, le bien n’est pas un bien donné en location à bail. S’il ne s’agit pas d’un bien donné en location à bail, la restriction prévue au paragraphe 1100(15) ne s’applique pas.

 

LA DÉCISION VISÉE PAR L’APPEL

[10]           Après avoir exposé les faits et les dispositions pertinentes du Règlement, le juge de la Cour de l’impôt, le juge C. Miller, a amorcé son analyse en signalant que M. Oke devait satisfaire à deux conditions pour se prévaloir du paragraphe 1100(17.3). Il fallait qu’il exploite une entreprise qui utilisait le VR et qu’il s’occupe personnellement de cette entreprise de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée. L’argumentation présentée au juge de la Cour de l’impôt portait principalement sur l’étendue de la participation de M. Oke dans l’entreprise de location de VR. Le juge de la Cour de l’impôt a estimé que les parties étaient passées trop rapidement à la deuxième condition, omettant d’aborder la première question, soit celle de savoir si M. Oke exploitait une entreprise qui utilisait le VR.

 

[11]           Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que le VR était utilisé dans le cadre d’une entreprise, mais qu’il ne s’agissait pas de l’entreprise de M. Oke – il s’agissait plutôt de l’entreprise de M. Clements, Coast‑to‑Coast. Après avoir signalé que le VR de M. Oke n’était qu’un véhicule parmi la trentaine de VR au sein de la flotte gérée par M. Clements, que seul M. Clements négociait les conditions des contrats de location avec les producteurs de films, que M. Clements s’occupait des réparations d’urgence de l’ensemble des VR et de l’entretien régulier de tous les VR sauf celui de M. Oke, le juge de la Cour de l’impôt s’est posé la question suivante : « Sommes‑nous en présence de deux entreprises? Coast‑to‑Coast et l’entreprise de M. Oke? » Le juge de la Cour de l’impôt a répondu sans équivoque à sa question : « Je conclus qu’il n’y en avait qu’une : Coast‑to‑Coast » (motifs, au paragraphe 20).

 

[12]           Le juge de la Cour de l’impôt a ensuite examiné chacun des éléments avancés par M. Oke pour démontrer qu’il exploitait une entreprise. Cet examen a révélé que, dans l’ensemble, ce que faisait M. Oke ne différait pas de ce qu’aurait fait tout autre propriétaire de VR ayant un véhicule dans la flotte. Par exemple, M. Oke a soutenu qu’il décidait des contrats pour lesquels il fallait faire des démarches. Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que M. Oke avait fait des démarches auprès d’un seul client, Coast‑to‑Coast. M. Clements était celui qui faisait les démarches auprès des clients de l’industrie cinématographique.

 

[13]           En fin de compte, le juge de la Cour de l’impôt n’était pas convaincu que M. Oke exploitait une entreprise. Il a reconnu que la situation de M. Oke différait un peu de celle des autres propriétaires de la flotte, mais a conclu que dans l’ensemble « il y a vraiment trop peu d’éléments montrant que M. Oke exploitait une entreprise pour me convaincre qu’il tirait son revenu d’une entreprise et non simplement d’un bien » (motifs, au paragraphe 22).

 

[14]           Ayant conclu que M. Oke n’exploitait pas une entreprise, le juge de la Cour de l’impôt n’a pas eu à examiner la question de savoir s’il s’occupait personnellement d’une entreprise de façon continue. Par conséquent, il a rejeté l’appel de M. Oke.

 

OBSERVATIONS DE M. OKE

[15]           L’appel de M. Oke devant notre Cour reposait sur l’argument selon lequel le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en appliquant une interprétation indûment restrictive de ce qui constitue une entreprise aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

 

[16]           M. Oke a d’abord présenté la définition du terme « entreprise » qui figure au paragraphe 248(1) de la Loi :

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

 

 

[17]           M. Oke s’est ensuite penché sur la jurisprudence. Il a cité la définition du terme « entreprise » qui se trouve dans de nombreuses décisions afin d’étayer sa position selon laquelle le critère pour conclure à l’existence d’une entreprise est très peu exigeant. En particulier, il a fait renvoi à l’affirmation de la Cour d’appel d’Angleterre selon laquelle [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit est une entreprise » (Smith c. Anderson, (1880) 15 Ch. D. 247 (C.A. Angl.) à la page 258). Selon la Cour suprême du Canada, cette définition du terme « entreprise » est à l’origine du critère servant à distinguer le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien (voir Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, 212 D.L.R. (4th) 577, au paragraphe 51 (Stewart)).

 

[18]           L’appelant a également renvoyé à la décision Drumheller c. Ministre du Revenu national, [1959] C.T.C. 275 (C. de l’É.), pour étayer son affirmation. Dans cette décision, la Cour de l’Échiquier du Canada a affirmé :

[traduction] En particulier, l’expression « activités de quelque genre que ce soit » me semble suffisamment large pour englober les activités des genres déjà signalés dans la définition; autrement dit, les commerces, industries, professions ou métiers, ainsi que tout autre type de projet qu’on pourrait concevoir.

 

[19]           Après avoir fait renvoi à des décisions où, se fondant sur les faits, les tribunaux ont conclu que certaines activités correspondaient à la définition du terme « entreprise », M. Oke a invoqué l’arrêt Stewart, précité. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a écarté l’« expectative raisonnable de profit » comme critère devant servir à décider si les activités d’un contribuable constituent une source de revenu aux fins de l’impôt. Dans cette affaire, le contribuable avait acheté quatre biens locatifs qu’il louait à des parties sans lien de dépendance en vue de tirer un revenu de location. Malheureusement, il n’a pas réalisé de profit de cette activité en raison de taux d’intérêt élevés.

 

[20]           La Cour suprême a établi un critère à deux volets pour décider si l’activité d’un contribuable constitue une source de revenu. Le premier volet consiste à établir si l’activité du contribuable est exercée en vue de réaliser un profit ou s’il s’agit d’une démarche personnelle. S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, il faut ensuite établir si la source du revenu est une entreprise ou un bien (Stewart, précité, au paragraphe 50).

 

[21]           En l’espèce, rien ne portait à croire que les activités de M. Oke se rapportant à la location de son VR comportaient un élément personnel. Ces activités avaient pour but la réalisation d’un profit. Selon M. Oke, il s’ensuit qu’il y avait une source de revenu et que, étant donné qu’elle correspondait à une « activité de quelque genre que ce soit », le juge de la Cour de l’impôt aurait dû conclure qu’il s’agissait d’une entreprise. Même si l’objectif de M. Oke était d’acquérir des connaissances dans le secteur de la location des VR, il s’agirait quand même d’un projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial et, par conséquent, d’une entreprise.

 

[22]           M. Oke a ensuite traité de la nature de sa participation au sein de l’entreprise, de façon à démontrer qu’il satisfaisait au deuxième volet du critère établi au paragraphe 1100(17.3) du Règlement. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé concernant le premier volet, il n’est pas nécessaire que je me penche sur cette facette de l’affaire.

 

ÉNONCÉ DES QUESTIONS EN LITIGE

[23]           L’issue du présent appel repose sur l’aptitude de M. Oke à démontrer que ses activités se rapportant à la location de son VR constituent une entreprise. L’arrêt Stewart nous enseigne que même s’il y a une activité commerciale, il ne s’ensuit pas nécessairement que cette activité constitue une source de revenu tiré d’une entreprise. Il pourrait s’agir d’un revenu tiré d’un bien. Dans la présente affaire, l’activité commerciale avait trait à la location d’un bien. La question à trancher dans le présent appel n’est pas de savoir si l’activité de M. Oke était une entreprise plutôt qu’une activité personnelle, mais de savoir si l’activité commerciale de M. Oke était une entreprise (générant un revenu tiré d’une entreprise) ou si cette activité générait simplement un revenu tiré d’un bien.

 

ANALYSE

[24]           Le présent appel vise la décision d’un juge de première instance rendue au terme de l’instruction d’un litige. Par conséquent, les normes de contrôle applicables sont celles exposées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 : la norme de la décision correcte pour les erreurs de droit, la norme de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait et pour les questions mixtes de fait et de droit. S’il est possible de dégager une erreur de droit d’une question mixte de fait et de droit, la norme de la décision correcte s’applique à cette question de droit.

 

[25]           En l’espèce, la question de savoir si les activités de M. Oke constituaient une entreprise est une question mixte de fait et de droit. Décider du critère devant servir à trancher ce qui constitue une entreprise ou un revenu tiré d’une entreprise par opposition à un revenu tiré d’un bien, est une question de droit. 

 

[26]           Tel qu’il a été signalé précédemment, il existe une distinction entre l’activité commerciale et l’activité personnelle. Entre ces deux possibilités, le critère pour conclure à l’existence d’une entreprise est très peu exigeant, comme l’atteste la définition établie dans la Loi, qui renvoie à des « activités de quelque genre que ce soit ». Toutefois quand il s’agit de qualifier une activité commerciale particulière, le critère est un peu plus exigeant. Dans l’arrêt Stewart, précité, la Cour suprême du Canada a abordé brièvement les facteurs pertinents (au paragraphe 51) :

Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité.  De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240. 

 

 

[27]           L’accent mis sur le niveau d’activité se trouve dans un courant jurisprudentiel ayant trait à des biens locatifs : Wertman c. M.R.N., [1964] C.T.C. 252, 64 D.T.C. 5158 (C. de l’É.); Walsh c. M.R.N., [1965] C.T.C. 478, 65 D.T.C. 5293 (C. de l’É.); Burri c. La Reine, [1985] 2 C.T.C. 42, 85 D.T.C. 5287 (C.F. 1re inst.) – et dans l’arrêt Canadian Marconi c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 522, [1986] 2 C.T.C. 465, 86 D.T.C. 6526 (C.S.C.) [Canadian Marconi], où ce raisonnement est appliqué de manière plus générale.

 

[28]           L’effet cumulatif de ces décisions a été résumé par Peter W. Hogg, Joanne E. Magee, Jinyan Li, Hogg et divers collaborateurs dans Principles of Canadian Income Tax Law, 7e édition (Toronto : Carswell, 2010), à la page 160 :

[traduction] À première vue, évidemment, les loyers obtenus de la location d’un immeuble résidentiel, d’un immeuble de bureaux ou d’un centre commercial sont des revenus tirés d’un bien. Les loyers sont versés pour l’utilisation du bien, et non pour des services fournis par le locateur. La difficulté provient du fait qu’un locateur va souvent fournir aux locataires, en plus du droit d’occuper les lieux loués, des services de divers genres. Lorsque les services fournis n’englobent que les services du genre habituellement fournis dans le cadre d’une location, par exemple, l’entretien de l’édifice, le chauffage, la climatisation, l’alimentation en eau, l’électricité et le stationnement, le loyer est encore considéré comme étant un revenu tiré d’un bien. Mais si les services fournis dépassent ce qui est habituellement fourni dans le cadre de la location d’un immeuble de bureaux, d’un immeuble résidentiel ou d’un centre commercial (ou de quelque autre bien), il devient plus plausible de classer les activités du propriétaire comme une entreprise, au lieu de la simple location d’un bien. S’il s’agit d’un immeuble résidentiel, les services fournis qui favoriseraient la classification en tant qu’entreprise incluraient les services normalement fournis par un hôtel, soit le ménage, le service de buanderie, la restauration et le service aux chambres, etc. L’exemple ultime est, évidemment, un hôtel, où l’envergure des services fournis aux clients fait en sorte qu’il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’une entreprise. Lorsque la gamme de services fournis par le locateur est moins complète que celle d’un hôtel, il faut alors examiner le niveau des services pour décider si la nature et l’ampleur de ces services permettent de qualifier le revenu comme étant un revenu tiré d’une entreprise.

 

 

[29]           Ce courant jurisprudentiel favorise une démarche comparative pour trancher la question de savoir si un revenu est tiré d’une entreprise ou de l’utilisation d’un bien. Plus le niveau d’activité est élevé, plus il est probable que le contribuable exploite une entreprise; plus le niveau d’activité est faible, plus il est probable que le revenu découle de l’utilisation d’un bien.

 

[30]           En l’espèce, la Cour de l’impôt a comparé le niveau d’activité de M. Oke à celui des autres propriétaires ayant des VR dans la flotte de Coast‑to‑Coast et a constaté qu’il n’y avait pas de différence importante entre le niveau d’activité de M. Oke relativement à son propre VR et celui des autres propriétaires (aucun rôle actif, de l’aveu de M. Oke). À mon avis, il s’agissait du critère approprié. Au terme de cette analyse, le juge de la Cour de l’impôt a conclu qu’« il y a vraiment trop peu d’éléments montrant que M. Oke exploitait une entreprise pour me convaincre qu’il tirait son revenu d’une entreprise et non simplement d’un bien » (motifs, au paragraphe 22). Étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, la norme de contrôle applicable a été respectée.

 

[31]           Cela concorde avec la conclusion antérieure du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle il n’y avait qu’une seule entreprise dans ce scénario, soit Coast‑to‑Coast.

 

CONCLUSION

[32]           Essentiellement, l’argument de M. Oke était qu’il s’adonnait à une activité commerciale. Le juge de la Cour de l’impôt a signalé avec raison que la question à trancher était celle de savoir si cette activité commerciale constituait une entreprise ou si elle correspondait simplement à l’utilisation d’un bien pour générer un revenu.

 

[33]           Le juge de la Cour de l’impôt a appliqué le critère approprié pour distinguer le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien, et est arrivé à une conclusion dont le caractère raisonnable ne peut être contesté.

 

[34]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑395‑09

 

INTITULÉ :                                                   SCOTT OKE et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE PELLETIER

 

MOTIFS CONCOURANTS :                       LA JUGE SHARLOW

                                                                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 17 décembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Susan G. Tantaryn

POUR L’APPELANT

 

Annette Evans

Ricky Tang

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Susan G. Tantaryn Professional Corp.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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