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Date : 20101005

Dossier : A-520-09

Référence : 2010 CAF 257

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

ALBERT RALPH

appelant

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimé

 

 

 

Audience tenue à St. John’s (Terre-Neuve), le 24 septembre 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                        LE JUGE STRATAS

 

 


Date : 20101005

Dossier : A-520-09

Référence : 2010 CAF 257

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE DAWSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

ALBERT RALPH

appelant

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]        L’Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique (l’Office) a été créé par le ministre des Pêches et des Océans (le ministre), au titre d’organisme administratif d’appel de dernier niveau pour les pêcheurs qui sont insatisfaits des décisions du ministère des Pêches et des Océans (MPO) en matière de délivrance de permis. La mission de l’Office est de formuler des recommandations au ministre sur les appels de permis et, dans ce but, elle :

 

i.          détermine si le requérant a été traité équitablement conformément aux politiques, méthodes et procédures de délivrance de permis du MPO;

 

ii.                   détermine si des circonstances atténuantes justifient de déroger aux politiques, méthodes ou procédures établies.

 

Le ministre prend la décision finale quant à l’opportunité d’accueillir ou de rejeter ces recommandations.

 

[2]        Albert Ralph est titulaire d’un permis de pêche qui lui a été délivré, à titre de pêcheur du noyau appartenant à une entreprise du noyau, par le MPO. En 1988, 1989 et 1990, le MPO a délivré à M. Ralph un permis lui donnant droit de participer à la pêche supplémentaire du crabe. En 1991, M. Ralph a de nouveau demandé un permis de pêche supplémentaire du crabe, qui lui a toutefois été refusé cette année-là par le MPO.

 

[3]        M. Ralph a interjeté appel devant l’Office de la décision de ne pas lui délivrer un permis de pêche supplémentaire du crabe. L’Office a recommandé au ministre de rejeter l’appel parce que les politiques et procédures du MPO avaient été appliquées correctement et que l’Office ne pouvait déterminer aucune circonstance atténuante justifiant de déroger aux politiques, pratiques ou procédures en vigueur. Après avoir reçu le rapport de l’Office, le ministre a rejeté l’appel de M. Ralph. Un juge de la Cour fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre aux termes de motifs dont la référence est 2009 CF 1239 et qui sont publiés sous (2009) 354 F.T.R. 312.

 

[4]        Dans le présent appel de la décision de la Cour fédérale, M. Ralph met en cause la conclusion de l’Office et, par la suite, du ministre, selon laquelle le MPO, en refusant de délivrer un permis, a appliqué les procédures correctement et qu’il n’existait pas de circonstances atténuantes justifiant de déroger aux politiques, pratiques et procédures en vigueur.

[5]        Pour les motifs suivants, je rejetterais l’appel sans frais.

 

Les faits

[6]        Les faits additionnels suivants sont pertinents pour l’examen des questions litigieuses présentées à la Cour.

 

[7]        Pour  obtenir la délivrance d’un permis de pêche supplémentaire du crabe en 1988, le requérant devait, aux termes du plan de gestion du crabe, satisfaire aux conditions suivantes :

 

a)      être résidant de la zone de gestion pour laquelle des permis sont disponibles;

b)      posséder ou exploiter un bateau de pêche commerciale enregistré d’au moins 35 pieds de LHT ou 10 tonnes brutes et d’au plus 64 pi 11 po de LHT;

c)      posséder un permis de pêche de poisson de fond pour la zone 2+3KL ou le secteur 1.

 

[8]        Les demandes de permis de pêche supplémentaire du crabe présentées par M. Ralph en 1988, 1989 et 1990 l’ont été relativement au navire à moteur « Misty Dawn » (voir aux pages 89, 101 et 103 du cahier d’appel). Selon la description qui en était donnée dans le permis de pêche du crabe de 1988 et dans la demande de pêche limitée de 1989, tous les deux signés par M. Ralph, le navire à moteur Misty Dawn avait une longueur de 35 pieds de LHT. La jauge brute n’était pas précisée.

 

[9]        Le 7 avril 1989, le « Plan de gestion du crabe de 1989 pour Terre-Neuve » a été annoncé au public.  La deuxième exigence pour obtenir la délivrance d’un permis de pêche supplémentaire du crabe, soit l’alinéa b) du paragraphe 7 ci-dessus, a été révisée dans ce plan de gestion. La référence à la jauge brute a été supprimée. Il était plutôt demandé au requérant de satisfaire à la condition suivante :

[traduction]

b)           exploiter un bateau de pêche commerciale enregistré d’au moins 35 pieds de LHT et d’au plus 64 pi 11 po de LHT.

 

Les exigences a) et c) n’ont pas été modifiées.

 

[10]      En avril 1990, M. Ralph a demandé au MPO que le permis de pêche de poisson de fond à l’engin fixe qui lui avait été délivré relativement au navire à moteur Misty Dawn soit abandonné et délivré de nouveau à son fils, Shawn Ralph. L’enregistrement du navire a également été transféré à Shawn Ralph. Rien n’indique que M. Ralph ait détenu un permis de pêche de poisson de fond après avoir abandonné son permis. Dans la [traduction] « Demande de renonciation à des droits », M. Ralph a reconnu que toute nouvelle demande du droit de participer à la pêche du crabe serait assujettie à la politique de délivrance de permis ou au plan de gestion en vigueur au moment de la demande.

 

[11]      Aucun permis de pêche du crabe supplémentaire n’a été délivré à M. Ralph en 1991 ou par la suite.

 

[12]      En 1993, le plan de gestion de la pêche du crabe prévoyait de stopper la délivrance de permis de pêche supplémentaire du crabe.

 

[13]      En avril 1993, M. Ralph a demandé par écrit au MPO le rétablissement de son permis de pêche supplémentaire du crabe. Il a envoyé de nouvelles lettres en janvier 1994 et en mars 1994. En avril 1994, le MPO a répondu en déclarant ce qui suit :

[Traduction] La présente vise à accuser réception de vos lettres ayant trait au permis de pêche supplémentaire du crabe.

 

Les renseignements au dossier indiquent que votre permis de pêche du crabe a été renouvelé en 1990. Cependant, comme votre navire de 35 pieds a été réinscrit à l’égard de votre fils, Shawn, aux fins d’acquérir un enregistrement de navire (politique d’absorption) d’une longueur pouvant atteindre 64 pieds 11 pouces de LHT, vous ne satisfaites plus  aux critères en ce qui a trait aux exigences de navire de manière à conserver le permis pêche du crabe.

 

En 1989, les critères pour la délivrance d’un permis de pêche supplémentaire du crabe ont été modifiés, la longueur des navires admissibles devant maintenant être de 35 pieds de LHT ou plus. De plus, le plan de gestion du crabe de 1993 prévoit de stopper la délivrance de nouveaux permis.

 

À la lumière de ces modifications, nous ne sommes pas en mesure de répondre positivement à votre demande.

 

Les décisions de l’Office et du ministre

[14]      La décision de l’Office portant rejet de l’appel de M. Ralph était brève. Après avoir examiné les renseignements qui lui avaient été présentés, l’Office écrit :

[Traduction]

RECOMMANDATION : APPEL REJETÉ

 

L’Office a passé en revue toutes les informations que l’appelant, ses représentants et le ministère des Pêches et des Océans ont présentées. Il recommande que l’appel soit rejeté au motif que M. Ralph détenait bel et bien un permis de pêche de poisson de fond pour un navire d’une longueur de plus de 35 pi en 1988 et que son permis de pêche supplémentaire du crabe a été délivré sur la foi de ce critère, et non en fonction du critère d’un bateau d’une longueur de moins de 35 pi et de 10 tonnes brutes. En 1990, dans sa politique concernant la délivrance de nouveaux permis de pêche supplémentaires du crabe, le ministère des Pêches et des Océans a établi qu’il fallait détenir un permis de pêche de poisson de fond pour un navire d’une longueur de plus de 35 pi. Étant donné que M. Ralph avait transféré son permis de pêche de poisson de fond avec engins fixes pour un navire d’une longueur de plus de 35 pi à son fils Shawn Ralph, il n’avait plus le droit de détenir un permis de pêche supplémentaire du crabe. L’Office n’a pu trouver aucune circonstance atténuante dans cette affaire, et les politiques et les procédures du ministère des Pêches et des Océans ont été appliquées correctement. 

 

[15]      Le ministre a rendu sa décision en se fondant sur la recommandation de l’Office. La décision du ministre était rédigée comme suit :

[Traduction] L’honorable Loyola Hearn m’a demandé de répondre à votre lettre concernant la demande de rétablissement de votre permis de pêche supplémentaire du crabe. Comme vous le savez, cette demande a été déférée à l’Office des appels relatifs aux permis de pêche de l’Atlantique et elle a été entendue le 11 décembre 2007, au Battery Hotel & Suites, St. John’s (Terre-Neuve et Labrador).

 

Le ministre a pris une décision fondée sur un examen détaillé de toutes les informations disponibles, et je suis au regret de vous informer qu’il a rejeté votre appel. Il a conclu que, dans votre cas, le ministère des Pêches et des Océans avait interprété et appliqué correctement la politique de délivrance de permis.

 

[16]      La Cour a statué que, lorsque le ministre adopte la recommandation de l’Office, la décision de l’Office est inexorablement liée à celle du ministre au sens où la décision de l’Office constitue l’une des bases de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Voir Jada Fishing Co. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2002), 288 N.R. 237, aux paragraphes 12 et 13 (C.A.F.). Il s’ensuit que les deux ensembles de motifs doivent être interprétés conjointement.

 

La première question litigieuse : la conclusion selon laquelle les procédures du MPO ont été appliquées correctement

[17]      Devant l’Office, M. Ralph a soutenu que, lorsque son permis de pêche du crabe supplémentaire lui avait été délivré en 1988, la politique du MPO exigeait que le requérant exploite un navire d’au moins 35 pieds LHT ou de 10 tonnes brutes. Au moment où il s’est qualifié pour le permis, M. Ralph était le propriétaire enregistré de deux navires. L’un satisfaisait à l’exigence relative à la longueur, l’autre, à l’exigence relative à la jauge. M. Ralph a en outre soutenu que, lors du transfert de l’enregistrement de son navire de 35 pieds en 1990, le navire à moteur Misty Dawn, il n’a pas transféré le droit à son permis de pêche supplémentaire du crabe. Ceci s’explique par la raison que M. Ralph avait l’intention de continuer à pêcher le crabe en utilisant son autre navire qui satisfaisait à l’exigence relative à la jauge brute.

 

[18]      Comme cela ressort de ses motifs, l’Office a rejeté cette observation. L’Office a conclu que le permis de 1988 avait été délivré parce que M. Ralph était le propriétaire d’un navire d’une longueur de 35 pieds et non en raison de la jauge brute d’un navire quelconque. Dès que M. Ralph a transféré son navire de 35 pieds et abandonné son permis de pêche de poisson de fond à l’engin fixe à l’égard de son navire de plus de 35 pieds, il n’était plus admissible à recevoir un permis de pêche supplémentaire du crabe.

 

[19]      En ce qui a trait à la demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre, la juge de la Cour fédérale (la juge) a conclu que la décision du ministre de refuser de délivrer un permis de pêche supplémentaire du crabe était susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable. Puis, elle a estimé que :

 

i.                     Le ministre détient un large pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à la délivrance de permis. La cour s’est appuyée sur le pourvoi Comeau's Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, aux paragraphes 36 et 37.

ii.                   Aux termes de l’article 10 du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, un permis expire à la fin de l’année pour laquelle il a été délivré. Le ministre délivre à nouveau les permis annuellement conformément aux politiques en vigueur.

iii.                  Le ministre avait le droit de modifier la politique de gestion du crabe en 1989.

iv.                 Dès que M. Ralph a renoncé à son permis de pêche de poisson de fond à l’engin fixe relativement au navire à moteur Misty Dawn, il ne pouvait plus se conformer à la nouvelle politique réglementaire.

v.                   Lorsque M. Ralph a renoncé à ce droit, il a reconnu que sa capacité future à réintégrer la pêche du crabe dépendrait de toute modification de la politique.

vi.                 La décision du ministre était raisonnable. Elle tenait compte comme il se devait de la nouvelle politique relative à la délivrance de permis de pêche supplémentaire du crabe.

 

[20]      En ce qui a trait au présent appel de cette décision, la Cour est tenue de rechercher si la juge a déterminé la bonne norme de contrôle judiciaire et si elle a appliqué la norme correctement à la décision du ministre. Voir : Société canadienne des postes c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 56, (2010) 399 N.R. 127, au paragraphe 84, ainsi que la jurisprudence qui y est citée.

 

[21]      En l’espèce, les parties conviennent que la juge a appliqué la bonne norme de contrôle judiciaire, à savoir celle de la décision raisonnable. Les questions dont l’Office et le ministre étaient saisis étaient des questions mixtes de fait et de droit et de telles questions sont généralement susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable. Je conviens que la juge a appliqué la bonne norme de contrôle judiciaire.

 

[22]      En ce qui a trait à l’application de cette norme de contrôle judiciaire, M. Ralph n’a démontré aucune erreur de la part de la juge. Je conviens, essentiellement pour les motifs énoncés par la juge, que le ministre a raisonnablement conclu que les politiques et les procédures du MPO ont été correctement appliquées lorsque le MPO a décidé de ne pas délivrer un permis de pêche supplémentaire du crabe à M. Ralph en 1991.

 

[23]      L’avocat de M. Ralph a soutenu avec force devant la Cour que l’Office était parvenu erronément à la conclusion que la délivrance à M. Ralph de son permis de pêche supplémentaire du crabe avait reposé sur le fait que la longueur du navire à moteur Misty Dawn était de 35 pieds. Les documents de délivrance de permis selon lesquels la longueur du navire était tout à la fois de 10,61 mètres et de 35 pieds ont été invoqués. L’avocat a soutenu que, puisque 10,61 mètres équivalent à 34,81 pieds, le MPO et l’Office savaient, ou auraient dû savoir, que la longueur du navire à moteur Misty Dawn n’était pas de 35 pieds.

 

[24]      À mon avis, cette observation n’est d’aucun secours à M. Ralph pour les deux raisons suivantes. Premièrement, comme il a demandé des permis de pêche supplémentaire du crabe sur le fondement de la longueur du navire à moteur Misty Dawn et qu’il a reçu un permis sur ce fondement, il est difficile à M. Ralph de maintenant soutenir que son navire ne satisfaisait pas à l’exigence relative à la longueur. Ce qui est plus important, en 1991, soit lors de la première année où un permis de pêche supplémentaire du crabe n’a pas été délivré à M. Ralph, le plan de gestion du crabe exigeait que les requérants exploitent un navire de pêche commerciale enregistré d’au moins 35 pieds de longueur et détiennent  un permis de pêche de poisson de fond à l’égard d’un navire entre 35 pieds et 64 pieds et 11 pouces de LHT. Après que M. Ralph ait transféré le navire à moteur Misty Dawn et le permis de pêche de poisson de fond à l’engin fixe à son fils, il ne satisfaisait plus aux critères de qualification parce qu’il ne détenait plus ni permis de pêche de poisson de fond, ni enregistrement de navire à l’égard d’un navire d’une longueur de plus de 35 pieds. Le plan de gestion du crabe applicable exigeait que les pêcheurs sollicitant un permis de pêche supplémentaire de crabe détiennent un permis de pêche de poisson de fond. M. Ralph n’en détenait pas un, de sorte que le fait qu’il était propriétaire d’un navire d’un certain tonnage n’était pas pertinent.

 

 

La deuxième question en litige : les circonstances atténuantes

[25]      M. Ralph a soutenu également devant la Cour que l’Office n’avait pas pris en considération la question de savoir si, à la lumière des faits singuliers qui lui étaient présentés, il existait des circonstances atténuantes, et n’avait pas donné de motifs suffisants sur cette question. Les faits qui ont censément donné lieu à des circonstances atténuantes sont les suivants :

 

a)         M. Ralph a déclaré que plusieurs pêcheurs dans sa région ont conservé des permis de pêche supplémentaire du crabe tout au cours des années 1990 pour des navires d’une longueur de moins de 35 pieds, mais d’une jauge de plus de 10 tonnes.

b)         M. Ralph a déclaré avoir fondé sa décision de 1990 de transférer son navire de 35 pieds à son fils sur le fait qu’il pouvait encore obtenir un permis de pêche supplémentaire du crabe pour la raison qu’il était propriétaire d’un navire d’une jauge brute de 10 tonnes.

 

[26]      Dans Shawn Ralph c. Procureur général du Canada, 2010 CAF 256, la Cour s’est penchée sur les principes ayant trait à l’obligation de motiver sa décision et à l’évaluation de la suffisance des motifs donnés. La Cour a conclu, sur le fondement des faits qui lui étaient présentés, que l’Office était tenu, en droit, de motiver sa décision. En ce qui a trait à la suffisance des motifs, la Cour a conclu que le décideur administratif n’était pas tenu d’écrire des motifs sur des arguments qui, à la lumière des faits et du droit, n’avaient aucune chance de succès. J’incorpore aux présents motifs par renvoi les paragraphes 17 à 19 des motifs donnés dans l’arrêt Shawn Ralph.

 

[27]      En appliquant ces principes aux faits dont la Cour est saisie, je conclus que l’Office était, en droit, tenu de formuler les motifs de sa décision. Ceci tient compte de l’importance financière pour M. Ralph du refus de l’accès à la pêche supplémentaire du crabe ainsi que de la nature du processus administratif. Comme cela est expliqué dans Shawn Ralph, au paragraphe 22, le ministre n’a pas l’avantage d’entendre ou de voir les éléments de preuve présentés à l’Office. Par conséquent, l’Office doit donner des motifs pour que le ministre puisse évaluer la recommandation de l’Office et prendre sa décision.

 

[28]      Quant à la suffisance des motifs de l’Office en ce qui a trait aux circonstances atténuantes, aucune preuve ne lui a été présentée relativement à tout traitement différentiel incorrect des pêcheurs de crabe. Au paragraphe 13 de ses motifs, l’Office a noté que le droit de pêcher le crabe à l’aide d’un navire de moins de 35 pieds se limitait aux pêcheurs qui avaient acquis le permis de pêche supplémentaire du crabe en application du critère du navire d’une jauge brute de plus de 10 tonnes. L’Office est parvenu à la conclusion de fait que M. Ralph n’avait pas acquis son permis au titre de ce critère. Il n’a pas été démontré que la conclusion était déraisonnable. Il s’ensuit que toute exemption accordée aux pêcheurs qui se sont qualifiés au titre du critère de la jauge brute ne pouvait s’appliquer à M. Ralph, qui ne pouvait pas s’en prévaloir, car celui-ci s’était qualifié au titre d’un critère différent. Sur le fondement probatoire qui avait été présenté à l’Office, les motifs de celui-ci ont traité de manière suffisante de la question du traitement différentiel.

 

[29]      Quant à la croyance de M. Ralph selon laquelle, une fois le navire à moteur Misty Dawn transféré, il pourrait obtenir un permis de pêche supplémentaire du crabe sur le fondement de la jauge brute de son autre navire, M. Ralph n’a présenté aucune preuve indiquant qu’après avoir renoncé à son permis de pêche de poisson de fond en 1990 en faveur de son fils, il a détenu quelque autre permis de pêche de poisson de fond. En tout temps de 1988 à 1991, l’obtention d’un permis de pêche supplémentaire du crabe était assujettie à l’exigence que le requérant détienne un permis de pêche de poisson de fond. Quelle que soit la longueur ou la jauge de tout navire dont M. Ralph était le propriétaire en 1991, M. Ralph ne satisfaisait pas aux critères pour la délivrance d’un permis de pêche supplémentaire du crabe, car il ne détenait pas un permis de pêche de poisson de fond. M. Ralph n’a pas montré à quel titre sa croyance selon laquelle il pourrait obtenir un permis à l’égard d’un autre navire était pertinente, alors qu’il ne détenait pas un permis de pêche de poisson de fond. Des considérations non pertinentes ne peuvent pas constituer des circonstances atténuantes. Il s’ensuit que M. Ralph n’a pas démontré que cette question pouvait être soutenue de façon suffisante pour que l’Office soit tenu d’expliquer expressément pourquoi la croyance de M. Ralph selon laquelle il lui serait possible d’obtenir un permis sur le fondement de la jauge brute d’un autre navire constituait une circonstance atténuante.

 


Conclusion

[31]      Pour les motifs exposés, je rejetterais l’appel. Comme dans la décision Shawn Ralph, étant donné la manière brève dont l’Office a rejeté la prétention relative aux circonstances atténuantes, il est approprié en l’espèce que chaque partie assume ses propres dépens.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

       Pierre Blais, juge en chef »

 

 

« Je suis d’accord

       David Stratas, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-520-09

 

INTITULÉ :                                                                           Albert Ralph c.

Procureur général du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     St. John’s (Terre-Neuve et Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 24 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge en chef Blais

                                                                                                Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 5 octobre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

E. Mark Rogers

 

POUR L’APPELANT

 

W. Dean Smith

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOC ATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rogers Bussey Lawyers

St. John’s (Terre-Neuve)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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