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Date : 20101122

Dossier : A-500-09

Référence : 2010 CAF 316

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

 

MICHAEL DAGG

 

appelant

et

 

 

MINISTRE DE L’INDUSTRIE

 

intimé

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2010

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                         LA JUGE TRUDEL

                                                                                                            LE JUGE MAINVILLE

 


Date : 20101122

Dossier : A-500-09

Référence : 2010 CAF 316

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE MAINVILLE

 

ENTRE :

 

MICHAEL DAGG

 

appelant

et

 

 

MINISTRE DE L’INDUSTRIE

 

intimé

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]        La Cour est saisie d’un appel formé à l’encontre d’une ordonnance de la Cour fédérale dont les motifs sont exposés sous la référence 2009 CF 1265. L’unique question soulevée en l’espèce est de savoir si le juge a commis une erreur de principe en rejetant la requête pour dépens soumise par M. Dagg. Voici les faits à l’origine de cette question.

 

 

Les faits

[2]        Se prévalant de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1 (la Loi), M. Dagg a présenté, par lettre en date du 15 janvier 2008 adressée à Industrie Canada, une demande d’accès à certains documents. Industrie Canada lui a fait savoir que, pour traiter sa demande, il lui faudrait proroger en application du paragraphe 9(1) le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi d’une durée maximale de 150 jours. Industrie Canada n’a pas répondu à la demande dans le délai ainsi prorogé. M. Dagg a saisi le commissaire à l’information (le commissaire) d’une plainte concernant ce retard. Les dispositions de la Loi mentionnées dans les présents motifs sont reproduites en annexe.

 

[3]        Le commissaire a fait enquête et, par lettre en date du 10 juillet 2009, il a informé M. Dagg des résultats de son enquête. Il lui indiquait en substance ce qui suit :

[traduction]

L’enquête a confirmé que le recours à la prorogation prévue à l’article 9 était nécessaire et que la durée de celle‑ci était raisonnable. C’est pourquoi le délai de réponse a été prolongé. Comme vous le savez, le ministère n’a pas répondu dans le délai ainsi prorogé, de sorte que, conformément au paragraphe 10(3) de la Loi, il est réputé avoir refusé de communiquer les documents. Nous estimons qu’aucune justification légitime n’excuse le non‑respect du délai de réponse.

 

Par suite de notre enquête, [Industrie Canada] nous a transmis un plan de travail ainsi que la date à laquelle il s’engage à répondre à votre demande. [Industrie Canada] s’efforce de vous fournir une réponse d’ici le 28 septembre 2009. En conséquence, nous considérons l’affaire comme classée. [Non souligné dans l’original.]

 

[4]        Le 21 août 2009, M. Dagg a déposé une demande de révision judiciaire de refus d’accès. Il a exercé ce recours à l’intérieur du délai de 45 jours prévu à l’article 41 de la Loi pour soumettre une telle demande, mais avant la date convenue dans l’engagement, à savoir le 28 septembre 2009. À cette date, Industrie Canada a fourni à M. Dagg les documents demandés. Le ministère a invoqué certaines exceptions prévues par la Loi, mais aucune n’a été contestée.

 

[5]        M. Dagg a alors présenté une requête pour rejet de la demande de révision judiciaire en raison de son caractère théorique et pour obtention des dépens.

 

La décision de la Cour fédérale

[6]        En rendant sa décision, le juge a d’abord signalé avec raison qu’aux termes de l’article 41 de la Loi trois conditions doivent être remplies pour qu’un demandeur d’accès puisse s’adresser à la Cour fédérale. Une seule de ces conditions est en cause en l’espèce, à savoir l’existence d’un refus d’accès aux documents demandés.

 

[7]        Le juge a ensuite examiné la décision Statham c. Société Radio-Canada, 2009 CF 1028 récemment rendue par la Cour fédérale, et formulé le commentaire suivant :

[traduction]

Il est significatif que la Cour ait considéré, dans Statham, que la Loi donne au Commissariat à l’information [le commissaire] le pouvoir de remédier, à la fin de son enquête, à un refus présumé. Cette interprétation a pour effet d’empêcher l’exercice du recours devant la Cour fédérale prévu à l’article 41 de la Loi lorsque [le commissaire] a approuvé la date ultérieure convenue dans l’engagement pris par l’institution fédérale.

 

[8]        Estimant que les faits de Statham et de l’affaire dont il était saisi étaient semblables, le juge a donc conclu :

[traduction]

27.       […] il convient que je défère à l’interprétation que mon collègue a faite du paragraphe 37(1) dans Statham, précité, et que je l’applique aux faits de la présente requête. En conséquence le [commissaire] a remédié au refus présumé lorsqu’il a approuvé le nouveau délai de réponse, expirant le 28 septembre 2009. Le recours en révision judiciaire était prématuré car il n’y avait pas eu refus de la demande d’accès au sens de l’article 41.

 

[9]        Sur la question des dépens, le juge a statué ainsi :

[traduction]

28.       Puisque j’ai conclu en application de Statham, précité, que notre Cour n’a pas compétence pour entendre la demande sous‑jacente de révision judiciaire sous le régime de l’article 41 de la Loi, mais que la Cour d’appel ne s’est pas encore prononcée sur ce point de droit, je ne condamne aucune partie aux dépens.

 

Examen de la question

[10]      M. Dagg soutient que le refus du juge de lui accorder les dépens constitue une erreur de droit. Il dit croire qu’il n’a reçu les documents demandés que parce qu’il a entrepris son recours en Cour fédérale, et il réclame le remboursement des frais de justice qu’il a engagés, lesquels se chiffrent à 3 405 $.

 

[11]      La Cour ne peut intervenir à l’égard de l’ordonnance du juge en matière de dépens que si ce dernier a commis une erreur de principe ou si l’attribution des dépens est nettement erronée. Voir Hamilton c. Open Window Bakery Ltd., [2004] 1 R.C.S. 303, au paragraphe 27.

 

[12]      Dans l’arrêt Statham c. Société Radio-Canada, 2010 CAF 315, notre Cour a estimé que la Cour fédérale avait considéré à tort que la Loi donne au commissaire le pouvoir de « remédier » à un refus présumé en conférant à une date indiquée dans un engagement la valeur d’une prorogation effective des délais établis dans la Loi. Notre Cour a également statué qu’il n’y a pas de distinction entre le refus présumé d’accès et le refus fondé sur des exceptions ou exclusions prévues par la Loi.

 

[13]      Il découle de ces conclusions que, lorsque M. Dagg a déposé sa demande de révision judiciaire, Industrie Canada était réputé, en application du paragraphe 10(3), avoir refusé l’accès aux documents. Il en était ainsi parce que le ministère n’avait pas communiqué les documents dans le délai prorogé établi en application du paragraphe 9(1) de la Loi. La communication a eu lieu après le dépôt de la demande de révision judiciaire, et M. Dagg a alors correctement considéré que sa demande de révision était devenue théorique.

 

[14]      En appliquant la décision rendue par la Cour fédérale dans Statham, le juge a commis une erreur de principe. La demande de révision judiciaire de M. Dagg n’était pas prématurée. Les trois conditions d’exercice de ce recours étaient remplies, et la Cour fédérale a toujours eu compétence pour l’entendre en vertu de l’article 41 de la Loi. Plus tard, lorsque les documents ont été communiqués, la demande est devenue théorique.

 

[15]      En l’absence de cette erreur de principe, le juge aurait examiné la question des dépens en considérant que le recours en révision avait été valablement exercé mais qu’il était devenu théorique. Le juge aurait également pris en compte que les documents avaient été communiqués après l’introduction de la demande de révision, quelque 20 mois suivant le dépôt de la demande d’accès. Compte tenu de ces facteurs, je conclus, dans la situation particulière de la présente espèce, que la Cour aurait dû rendre une ordonnance portant que M. Dagg avait droit à ses dépens devant la Cour fédérale.

 

[16]      Se pose la question du montant de ces dépens. M. Dagg réclame les dépens sur une base procureur‑client. Il est bien établi en jurisprudence que ce type de dépens n’est accordé « que s’il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d’une des parties ». Voir Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, à la page 134. On ne peut qualifier ainsi la conduite d’Industrie Canada.

 

[17]      Suivant la règle 407 des Règles des Cours fédérales, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B, sauf ordonnance contraire de la Cour. Je suis d’avis que M. Dagg a droit à ses dépens en Cour fédérale, taxés en application de cette règle.

 

[18]      Pour parvenir à cette conclusion, j’ai pris en compte l’argument de l’intimé selon lequel l’adjudication de dépens en l’espèce [traduction] « pourrait très bien encourager le dépôt de demandes de révision avant l’expiration des délais de communication, les demandeurs sachant qu’ils peuvent obtenir les dépens dans le cas de demandes théoriques de ce genre ». Toutefois, les dépens entre parties n’indemnisent pas celui qui les engage, il s’agit seulement d’une contribution au défraiement des dépens procureur-client. Puisque les demandeurs dépenseront toujours plus en frais de justice qu’ils ne recevront à titre de dépens, il n’y a rien de dangereux à adjuger des dépens à M. Dagg en l’espèce. En outre, les craintes de l’intimé découlent d’une prémisse erronée, à savoir que le commissaire jouit du pouvoir de proroger les délais établis dans la Loi.

 

[19]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel et, rendant l’ordonnance que le juge aurait dû rendre, j’adjugerais à l’appelant ses dépens en Cour fédérale, taxés selon le milieu de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales. Puisque l’appelant a eu gain de cause devant notre Cour, je luis adjugerais ses dépens en appel.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Trudel, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Robert M. Mainville, j.c.a. »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE

 

            Voici le texte des articles 7, 9, 10 et 41 de la Loi sur l’accès à l’information :

Notification

 

7. Le responsable de l’institution fédérale à qui est faite une demande de communication de document est tenu, dans les trente jours suivant sa réception, sous réserve des articles 8, 9 et 11 :

a) d’aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce qu’il sera donné ou non communication totale ou partielle du document;

b) le cas échéant, de donner communication totale ou partielle du document.

 

. . .

 

Prorogation du délai

 

9. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut proroger le délai mentionné à l’article 7 ou au paragraphe 8(1) d’une période que justifient les circonstances dans les cas où :

a) l’observation du délai entraverait de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution en raison soit du grand nombre de documents demandés, soit de l’ampleur des recherches à effectuer pour donner suite à la demande;

 

b) les consultations nécessaires pour donner suite à la demande rendraient pratiquement impossible l’observation du délai;

c) avis de la demande a été donné en vertu du paragraphe 27(1).

Dans l’un ou l’autre des cas prévus aux alinéas a), b) et c), le responsable de l’institution fédérale envoie à la personne qui a fait la demande, dans les trente jours suivant sa réception, un avis de prorogation de délai, en lui faisant part de son droit de déposer une plainte à ce propos auprès du Commissaire à l’information; dans les cas prévus aux alinéas a) et b), il lui fait aussi part du nouveau délai.

 

Avis au Commissaire à l’information

 

(2) Dans les cas où la prorogation de délai visée au paragraphe (1) dépasse trente jours, le responsable de l’institution fédérale en avise en même temps le Commissaire à l’information et la personne qui a fait la demande.

 

 

 

Refus de communication

 

10. (1) En cas de refus de communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi, l’avis prévu à l’alinéa 7a) doit mentionner, d’une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à l’information et, d’autre part :

a) soit le fait que le document n’existe pas;

b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou, s’il n’est pas fait état de l’existence du document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si le document existait.

 

 

 

 

 

Dispense de divulgation de l’existence d’un document

(2) Le paragraphe (1) n’oblige pas le responsable de l’institution fédérale à faire état de l’existence du document demandé.

 

Présomption de refus

(3) Le défaut de communication totale ou partielle d’un document dans les délais prévus par la présente loi vaut décision de refus de communication.

 

 

 

 

 

. . .

 

Révision par la Cour fédérale

 

41. La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

 

Notice where access requested

 

7. Where access to a record is requested under this Act, the head of the government institution to which the request is made shall, subject to sections 8, 9 and 11, within thirty days after the request is received,

(a) give written notice to the person who made the request as to whether or not access to the record or a part thereof will be given; and

(b) if access is to be given, give the person who made the request access to the record or part thereof.

 

[...]

 

Extension of time limits

 

9. (1) The head of a government institution may extend the time limit set out in section 7 or subsection 8(1) in respect of a request under this Act for a reasonable period of time, having regard to the circumstances, if

(a) the request is for a large number of records or necessitates a search through a large number of records and meeting the original time limit would unreasonably interfere with the operations of the government institution,

 

(b) consultations are necessary to comply with the request that cannot reasonably be completed within the original time limit, or

(c) notice of the request is given pursuant to subsection 27(1)

by giving notice of the extension and, in the circumstances set out in paragraph (a) or (b), the length of the extension, to the person who made the request within thirty days after the request is received, which notice shall contain a statement that the person has a right to make a complaint to the Information Commissioner about the extension.

 

 

Notice of extension to Information Commissioner

(2) Where the head of a government institution extends a time limit under subsection (1) for more than thirty days, the head of the institution shall give notice of the extension to the Information Commissioner at the same time as notice is given under subsection (1).

 

Where access is refused

 

10. (1) Where the head of a government institution refuses to give access to a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall state in the notice given under paragraph 7(a)

 

 

 

(a) that the record does not exist, or

 

(b) the specific provision of this Act on which the refusal was based or, where the head of the institution does not indicate whether a record exists, the provision on which a refusal could reasonably be expected to be based if the record existed, and shall state in the notice that the person who made the request has a right to make a complaint to the Information Commissioner about the refusal.

 

Existence of a record not required to be disclosed

(2) The head of a government institution may but is not required to indicate under subsection (1) whether a record exists.

 

Deemed refusal to give access

(3) Where the head of a government institution fails to give access to a record requested under this Act or a part thereof within the time limits set out in this Act, the head of the institution shall, for the purposes of this Act, be deemed to have refused to give access.

 

[…]

 

Review by Federal Court

 

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                       A-500-09

 

INTITULÉ :                                                     MICHAEL DAGG c.

MINISTRE DE L’INDUSTRIE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            Le 15 septembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                      LA JUGE TRUDEL

                                                                           LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :                                    Le 22 novembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Kris Klein

Shaun Brown

POUR L’APPELANT

 

 

Robert MacKinnon

Brian Harvey

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

The Law Office of Kris Klein

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR L’APPELANT

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

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