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Date : 20101110

Dossiers : A‑177‑10

A‑178‑10

 

Référence : 2010 CAF 303

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

Dossier : A‑177‑10

S. ROSS KEUS

 

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

ET ENTRE :

Dossier : A‑178‑10

 

T. BRUCE KEUS

 

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 9 novembre 2010.

Jugement rendu à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 10 novembre 2010.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                  LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

LE JUGE STRATAS


Date: 20101110

Dossiers : A‑177‑10

A‑178‑10

 

Référence : 2010 CAF 303

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

Dossier : A‑177‑10

S. ROSS KEUS

 

appelant

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

ET ENTRE :

Dossier : A‑178‑10

 

T. BRUCE KEUS

 

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DAWSON

[1]        S. Ross Keus et T. Bruce Keus (les appelants) sont des frères qui ont conclu un contrat de société en vue d’exploiter une entreprise de pêche commerciale. Chacun d’eux a déposé une déclaration de revenus pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002, et a réclamé certaines déductions.  Chacun d’eux a fait l’objet d’une nouvelle cotisation.  Chacun d’eux a interjeté appel de cette nouvelle cotisation à la Cour canadienne de l’impôt (Cour de l’impôt). Les appels ont été entendus ensemble par une juge de la Cour de l’impôt qui a rendu jugement sous le régime de la procédure informelle. Les motifs prononcés par la juge sont répertoriés sous la référence 2010 CCI 294.

 

[2]        Chaque frère interjette maintenant appel de la décision de la Cour de l’impôt. Les appels ont été réunis par ordonnance de la Cour. 

 

Question en litige

[3]        La seule question à trancher consiste à savoir si la juge a commis une erreur en concluant que les appelants ne pouvaient pas déduire certains intérêts débiteurs.

 

Les faits

[4]        Les faits suivants ne sont pas contestés. En 1996, les appelants ont acheté une entreprise de pêche pour 200 000 $. En raison de la valeur de l’équipement, la banque n’a consenti à leur prêter que 65 000 $ pour financer l’achat.

 

[5]        Pour obtenir les fonds nécessaires à la réalisation de l’achat, les parents des appelants, Elizabeth et Cornelius Keus, ont obtenu deux prêts bancaires. Un prêt, d’un montant de 100 000 $, a été garanti par une hypothèque sur la résidence des parents.  L’autre prêt, d’un montant approximatif de 35 000 $ était un prêt personnel. Aucun dossier n’a été constitué à l’époque en vue d’étayer l’entente qui serait intervenue entre les appelants et leurs parents.

 

La décision de la juge

[6]        La juge a tiré la conclusion de fait que les frais d’intérêts découlant des deux prêts incombaient à Cornelius et à Elizabeth Keus. La juge a également tiré la conclusion de fait que les frais d’intérêts n’incombaient pas aux appelants. Il s’ensuit que, sur le plan juridique, les frais d’intérêts relèvent de l’exception prévue à l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) concernant les déductions sur le revenu d’entreprise. Il s’ensuit également que les frais d’intérêts n’étaient pas déductibles sous le régime de l’alinéa 20(1)c) de la Loi.

 

Les thèses des parties

[7]        Les appelants ne prétendent pas que la juge a commis une erreur de droit. Ils ne prétendent pas non plus qu’elle aurait commis une erreur manifeste et dominante relativement à une conclusion de fait en particulier. Ils affirment plutôt qu’il ressort [traduction] « clairement de la preuve » que les parents leur avaient prêté l’argent pour réaliser l’achat de l’entreprise de pêche. Ils disent qu’il est possible de [traduction] « considérer, sur le fondement de la preuve », que le prêt accordé aux appelants par les parents était assujetti aux mêmes conditions que le prêt accordé aux parents par la banque. C’est pourquoi ils prétendent que la relation entre eux et leurs parents en était une de débiteur et de créancier. De manière subsidiaire, ils font valoir que les parents ont agi à titre de mandataires des appelants lorsqu’ils ont conclu le prêt avec de la banque.

 

[8]        L’intimée soutient que ce sont‑là de nouveaux arguments que les appelants ne peuvent faire valoir en appel parce qu’ils n’ont présenté à la Cour de l’impôt aucune preuve suffisante pour les étayer. De plus, l’intimée fait valoir que la juge n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en concluant que les frais d’intérêts incombaient aux parents.

 

Examen des thèses des parties

[9]        Dans Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd., [2002] 1 R.C.S. 678, au paragraphe 32, la Cour suprême du Canada a de nouveau énoncé le principe applicable lorsqu’une partie veut soulever une nouvelle question en appel. Le juge Binnie écrit :

[…] À moins que les parties n’aient traité de façon exhaustive une question de fait au procès en présentant leur preuve, et de préférence au cours des plaidoiries devant le juge, il y a toujours un risque très réel que le dossier d’appel ne comporte pas tous les faits pertinents ou l’opinion du juge de première instance sur quelque question de fait cruciale, ou encore que n’ait jamais été obtenue une explication qui aurait pu être donnée par une partie ou par un ou plusieurs de ses témoins en déposant.  Comme l’a dit le juge Duff dans l’arrêt Lamb c. Kincaid, (1907), 38 R.C.S. 516, p. 539 :

[traduction]  Selon moi, un tribunal d’appel ne devrait pas recevoir un tel argument soulevé pour la première fois en appel, à moins qu’il ne soit clair que, même si la question avait été soulevée en temps opportun, elle n’aurait pas été éclaircie davantage. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[10]      Ce principe repose sur un motif évident. Il favorise l’équité du procès et de l’appel.

 

[11]      La partie qui veut soulever une nouvelle question doit s’acquitter d’un lourd fardeau.  Elle doit établir que tous les faits pertinents ont été présentés au procès et que la partie adverse n’a pu répondre de manière satisfaisante. Voir : Block Bros. Realty Ltd. c. Boese, [1988] B.C.J. No. 416 (C.A.).

 

[12]      Les nouvelles questions que les appelants veulent soulever sont celles de savoir s’il y avait entre eux et leurs parents une relation de créancier et de débiteur, ou bien s’il s’agissait d’une relation de mandant et de mandataire. Les deux questions reposent dans une grande mesure sur des faits.

 

[13]      Les appelants n’ont pas démontré au procès :

i)                    qu’ils avaient interrogé leurs témoins sur les faits pertinents relatifs à ces questions;

ii)                   qu’ils avaient contre‑interrogé le vérificateur cité comme témoin pour le compte de l’Agence du revenu du Canada sur les faits pertinents relatifs à ces questions;

iii)                 qu’ils avaient présenté à la juge des observations écrites sur ces questions.

 

[14]      Les appelants sont loin d’avoir démontré que toute la preuve pertinente a été présentée à la Cour de l’impôt ou que le défendeur n’aurait pas pu présenter une preuve pertinente sur ces questions s’il avait su qu’elles seraient soulevées. Par conséquent, les appelants ne peuvent soulever ces nouvelles questions en appel.

 

[15]      De plus, le dossier de preuve, aussi équivoque qu’il puisse l’être sur ces questions, ainsi que les conclusions de fait auxquelles la juge est parvenue, mènent à la conclusion inévitable que les appelants n’ont établi l’existence ni d’une relation de débiteur et de créancier ni d’une relation de mandant et de mandataire.

 

[16]      Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens en faveur du défendeur.

 

[17]      Une copie des présents motifs sera versée au dossier du tribunal A‑178‑10.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

 

 

 

« Je suis d’accord.

      Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

      David Stratas, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                  A‑177‑10

 

INTITULÉ :                                                   S. ROSS KEUS c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 9 novembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                                                                        LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 novembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joseph M. J. Cooper

POUR LES APPELANTS

 

Catherine M. G. McIntyre

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blackburn English

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES APPELANTS

 

POUR L’INTIMÉE

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑178‑10

 

INTITULÉ :                                                   T. BRUCE KEUS c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 9 novembre 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                                                                        LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 novembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joseph M. J. Cooper

POUR LES APPELANTS

 

Catherine M. G. McIntyre

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blackburn English

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES APPELANTS

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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