Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20101027

Dossier : A-496-09

Référence : 2010 CAF 285

 

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

Sa majesté la reine

appelante

et

INNOVATIVE INSTALLATION INC.

intimée

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2010

Jugement rendu à l’audience à Toronto, (Ontario), le 27 octobre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                    LE JUGE EVANS


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20101027

Dossier : A-496-09

Référence : 2010 CAF 285

 

CORAM:       LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

Sa majesté la reine

appelante

et

INNOVATIVE INSTALLATION INC.

intimée

 

 

motifs du jugement de la cour

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2010)

 

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Sa Majesté à l’encontre de la décision par laquelle le juge McArthur (le juge) de la Cour canadienne de l’impôt (2009 CCI 580) a accueilli l’appel d’Innovative Installations Inc. (Innovative) à l’égard de la cotisation de 120 000 $ que le ministre du Revenu national a établie en vertu de la partie III de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), relativement à un dividende de 160 000 $ qu’Innovative a déclaré le 14 juin 2004.

 

[2]               Le juge a statué que, contrairement à la position de Sa Majesté, Innovative avait le droit d’ajouter à son compte de dividendes en capital la somme de 160 000 $ sans être soumise à l’impôt. Cette somme avait été versée par la compagnie d’assurance-vie Sun Life au décès du dirigeant d’Innovative, Rod Peacock, conformément à la police d’assurance‑vie collective des créanciers établie par la Sun Life pour la Banque Royale du Canada (la RBC). Innovative avait un prêt commercial auprès de la RBC, qui a offert à Innovative (et à d’autres clients à qui elle avait consenti des prêts) d’adhérer à une police d’assurance‑vie collective des créanciers pour prévoir le remboursement d’un prêt au décès d’une personne essentielle pour que le débiteur puisse rembourser le prêt à la banque. 

 

[3]               Selon les modalités de la police collective, Innovative payait les primes à la RBC dans le cadre des versements de remboursement de son prêt et la RBC les remettait à la Sun Life. La somme assurée représentait le montant du solde du prêt. Au décès d’une personne désignée comme « collaborateur essentiel » du débiteur, Sun Life payait le produit de la police à la RBC en qualité de titulaire de la police. La RBC était tenue par contrat d’utiliser ce produit pour acquitter la dette de l’emprunteur.

 

[4]               Au moment du décès de M. Peacock, Innovative devait 196 922 $ à la RBC. Entre le moment de son décès et le paiement du produit de la police par la Sun Life à la RBC, Innovative avait versé un montant de 21 422 $ au titre du remboursement du prêt. La RBC a appliqué le produit de la police au remboursement du solde du prêt (175 500 $) et a versé le reste (21 422 $) dans le compte bancaire d’Innovative à la RBC.

 

[5]               Un dividende payable par une société privée est réputé, suivant le choix de la société, être un dividende en capital jusqu’à concurrence du montant du compte de dividendes en capital de la société et n’est pas inclus dans le calcul du revenu des actionnaires (paragraphe 83(2) de la Loi). L’article 89 précise ce qui est inclus dans le « compte de dividendes en capital » d’une société. Aux fins du présent appel, la disposition applicable est le sous‑alinéa 89(1)d)(ii), dont voici un extrait :

…les montants dont chacun représente le produit d’une police d’assurance-vie dont la société n’était pas bénéficiaire au plus tard le 28 juin 1982 que la société a reçu au cours de la période et après le 23 mai 1985 par suite du décès d’une personne, …

 

 

[…]

…all amounts each of which is the proceeds of a life insurance policy of which the corporation was not a beneficiary on or before June 28, 1982 received by the corporation in the period and after May 23, 1985 in consequence of the death of any person

 

[6]               Le juge a statué que, bien que la Sun Life ait versé le produit de la police à la RBC, comme l’exigeait la police d’assurance collective, Innovative a « reçu » le « produit d’une police d’assurance‑vie » lorsque la RBC l’a appliqué au remboursement de la dette d’Innovative, comme l’exigeait le contrat. Selon son raisonnement, la police était principalement au bénéfice d’Innovative, qui avait payé les primes. Par conséquent, lorsque la RBC a utilisé le produit au bénéfice d’Innovative en remboursant sa dette, Innovative l’a « reçu » aux fins du sous‑alinéa 89(1)d)(ii). À l’égard d’Innovative, la RBC était simplement l’intermédiaire par lequel le produit a été transmis.

 

[7]               Nous ne sommes pas convaincus que le juge a commis une erreur en tirant cette conclusion. Sa Majesté a fait valoir deux arguments principaux à l’appui de son appel.

 

[8]               Premièrement, selon elle, le juge a commis une erreur en concluant que le compte de dividendes en capital d’Innovative incluait le produit de la police d’assurance‑vie collective, parce qu’il a ainsi à tort omis de tenir compte de la forme des opérations pour accorder plutôt de l’importance à la réalité économique de la situation.

 

[9]               Nous ne sommes pas d’accord avec elle. La conclusion du juge est compatible avec les modalités du contrat entre la RBC et la Sun Life, et entre la RBC et Innovative. Une fois que la Sun Life avait versé le produit de la police à la RBC conformément à la police, la RBC était tenue de l’appliquer au bénéfice d’Innovative en remboursant le prêt. Le juge a souligné à juste titre qu’il aurait été incongru de conclure qu’Innovative n’avait pas « reçu » le produit parce qu’elle avait souscrit l’assurance par l’entremise de la RBC, mais l’aurait « reçu » si elle avait souscrit l’assurance directement auprès de la Sun Life. L’alinéa 89(1)d) n’exige pas qu’une société reçoive le produit directement de l’assureur ou qu’elle soit désignée comme bénéficiaire de la police. Elle n’avait qu’à avoir « reçu » le produit par suite du décès de M. Peacock.

 

[10]           Deuxièmement, Sa Majesté déclare que le juge a commis une erreur en considérant qu’il s’agissait d’un cas de réception implicite en ce qu’Innovative a simplement bénéficié du produit de la police. Le concept de la réception implicite n’était pas indiqué en l’espèce parce qu’Innovative n’avait pas antérieurement de créance quant au produit de la police.

 

[11]           Nous ne partageons pas cet avis. Même si la Sun Life était tenue par contrat de verser le produit à la RBC, la RBC était contractuellement tenue par les modalités de la police d’assurance collective de créditer le produit à Innovative en remboursant le solde du prêt. Innovative aurait pu poursuivre la RBC dans le cas où elle aurait omis d’appliquer le produit de la police et, si nécessaire, aurait vraisemblablement pu se joindre à la RBC dans le cadre d’une action à l’encontre de la Sun Life si celle-ci omettait de verser le produit de la police à la RBC au décès de M. Peacock.

 

[12]           Dans son argumentation, Sa Majesté a soutenu que, compte tenu de la décision du juge, la RBC et Innovative pouvaient toutes les deux être considérées comme les bénéficiaires du produit de la police. Cette préoccupation n’est pas fondée. Aux fins du sous‑alinéa 89(1)d)(ii), il n’y avait qu’un seul bénéficiaire du produit de la police : Innovative.

 

[13]           Pour ces motifs, l’appel de Sa Majesté sera rejeté avec dépens.

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-496-09

 

(Appel du jugement rendu le 12 novembre 2009 par le juge C.H. McARTHUR DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT dans le dossier 2008-724(IT)(G)). 

 

Intitulé :                                                   Sa Majesté la reine c. INNOVATIVE INSTALLATION INC.

 

Lieu de l’audience :                             Toronto (Ontario)

 

Date de l’audience :                           Le 27 octobre 2010

 

Motifs du jugement

de la cour                                                (Les juges EVANS, SHARLOW, STRATAS)

 

PRONONCÉS à l’audience PAR :       le juge EVANS

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marie-Thérèse Boris

Ricky Y.M. Tang

Pour l’appelante

 


Stephen S. DU

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Du Markowitz LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.