Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cour d'appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal


Date : 20101001

Dossier : A-273-10

Référence : 2010 CAF 253

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Mainville

 

ENTRE :

LA NATION CRIE DE LITTLE RED RIVER no 447

appelante

et

JOHN M. LABOUCAN

intimé

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2010.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   LE JUGE MAINVILLE

 


Date : 20101001

Dossier : A-273-10

Référence : 2010 CAF 253

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Mainville

 

ENTRE :

LA NATION CRIE DE LITTLE RED RIVER no 447

appelante

et

JOHN M. LABOUCAN

intimé

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE MAINVILLE

  • [1] La Nation crie de Little Red River no 447 demande un sursis de l’ordonnance de la juge Gauthier, de la Cour fédérale, en attendant son appel de cette ordonnance devant la Cour. Cette ordonnance a annulé la décision prise par le chef et cinq membres du Conseil de destituer John M. Laboucan du poste de conseiller auquel il avait précédemment été élu, ainsi que de ses portefeuilles auprès de la collectivité.

 

  • [2] Pour les motifs exposés ci‑après, le sursis est refusé.

 

  • [3] La juge Gauthier a conclu que la réunion du 19 octobre 2009 au cours de laquelle la décision a été prise avait été tenue en secret et dans le seul but de destituer M. Laboucan. Elle a conclu que ni M. Laboucan, ni quatre autres conseillers qui s’opposaient à la destitution de M. Laboucan, ni les membres de la bande n’avaient été avisés de la réunion. Elle a aussi conclu que la réunion avait eu lieu loin de la collectivité afin que la tenue de la réunion ne se sache pas.

 

  • [4] La juge Gauthier a conclu par ailleurs que la décision allait à l’encontre des politiques adoptées par le Conseil et constituait un manquement flagrant à l’obligation du chef et du Conseil d’agir équitablement. Elle a noté en outre ce qui suit au paragraphe 54 de ses motifs : « Après examen de la question durant l’audience, la Cour est persuadée que la défenderesse comprend que, puisque sa décision est annulée, le demandeur devrait se trouver dans la position où il se serait autrement trouvé en octobre 2009. »

 

  • [5] Dans sa requête, la Nation crie de Little Red River ne conteste directement aucune des conclusions de la juge Gauthier. Elle fait plutôt valoir que, selon l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, son Conseil est un organe législatif équivalent à une assemblée législative provinciale. Elle ajoute que son Conseil bénéficie des privilèges et immunités parlementaires et que, par conséquent, l’expulsion des membres de son Conseil ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire.

 

  • [6] Conformément à cette position, la Nation crie de Little Red River affirme qu’un préjudice irréparable lui serait causé si les tribunaux entravaient les activités de son Conseil et que, subsidiairement, comme la Cour doit se prononcer en l’espèce sur une question de compétence constitutionnelle et de violation de compétence constitutionnelle, il est nécessaire de présumer l’existence d’un préjudice irréparable. Des arguments semblables sont avancés en ce qui concerne la prépondérance des inconvénients.

 

  • [7] La question à trancher dans la présente requête consiste à établir si la Nation crie de Little Red River peut satisfaire au critère bien établi de l’octroi d’un sursis, à savoir a) qu’il y a une question sérieuse à juger dans l’appel; b) qu’un préjudice irréparable sera subi si le sursis n’est pas accordé; c) que la prépondérance des inconvénients milite en faveur de l’octroi du sursis : Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

 

  • [8] Je conclus que l’appelante n’a satisfait à aucun des éléments du critère.

 

  • [9] Bien que les questions soulevées en l’espèce par la Nation crie de Little Red River soient novatrices et audacieuses, cela ne signifie pas nécessairement qu’elles sont sérieuses au regard du critère. La Nation crie de Little Red River n’a pas démontré que les questions qu’elle soulève dans la présente instance ont été soumises à la Cour fédérale. La juge Gauthier n’a fait aucune mention de ces questions dans ses motifs, et la Nation crie de Little Red River n’a pas indiqué dans son dossier de requête quand et comment la juge a été saisie de ces questions. La conclusion incontournable, c’est que la Cour fédérale ne s’est pas penchée sur ces questions.

 

  • [10] Quoique la Nation crie de Little Red River fasse maintenant des allégations fondées sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 dans sa requête, aucune preuve n’a été présentée à l’appui de ces allégations. En règle générale, une partie ne peut pas soulever en appel un argument nouveau qui n’a pas été soulevé en première instance et au sujet duquel il aurait pu être nécessaire de soumettre des éléments de preuve au procès; il s’agit principalement d’éviter de causer un préjudice à la partie adverse qui aurait pu présenter des éléments de preuve concernant l’argument : S.S. « Tordenskjold » c. S.S. « Euphemia », (1908), 41 R.C.S. 154, aux pages 163 à 167; Fralick c. Grand Trunck Ry. Co. (1910), 43 R.C.S. 494, à la page 519; Adricon Ltée c. East Angus (Ville d’), [1978] 1 R.C.S. 1107, aux pages 1116 et 1117; Perka c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 232, à la page 240. Ce principe s’applique lorsque des questions constitutionnelles sont soulevées pour la première fois en appel : Bell ExpressVu c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 58 et 59; Pardham c. Coca-Cola Ltd., 2003 CAF 11, au paragraphe 31; Somodi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 268.

 

  • [11] De plus, la preuve n’appuie pas l’affirmation selon laquelle la Nation crie de Little Red River subirait un préjudice irrémédiable si M. Laboucan occupait le poste de conseiller auquel il a été élu.

 

  • [12] C’est plutôt M. Laboucan qui subira un préjudice irréparable si un sursis est accordé. En outre, la prépondérance des inconvénients milite manifestement en faveur de M. Laboucan.

 

  • [13] En effet, M. Laboucan se voit refuser un poste auquel il a été dûment élu. La Nation crie de Little Red River n’affirme pas en l’espèce qu’il occupe le poste en raison de fraude électorale ou qu’il a commis quelque autre méfait grave ayant une incidence sur sa fonction. Elle affirme plutôt qu’il ne peut pas occuper son poste parce que le chef et cinq autres conseillers en ont décidé ainsi. Dans les circonstances particulières de ces instances, le refus continu du poste constitue un préjudice irréparable, non seulement pour M. Laboucan, mais aussi pour les intérêts des électeurs qu’il représente au Conseil.

 

  • [14] Qui plus est, le dossier indique que le mandat tire à sa fin et que des élections au Conseil devraient avoir lieu au printemps 2011. Si le sursis est accordé, il est probable que M. Laboucan n’occupera pas son poste avant les prochaines élections, ce qui le privera de tout recours valable si l’appel de la Nation crie de Little Red River est rejeté. À ce point de vue-là aussi, la prépondérance des inconvénients joue en faveur de M. Laboucan.

 

  • [15] M. Laboucan soutient qu’il convient en l’espèce d’adjuger des dépens en sa faveur immédiatement, sans égard à l’issue de l’appel. Il demande une somme forfaitaire de 2 000 $, débours compris, ce qui équivaut à peu près à l’extrémité supérieure de la fourchette de la colonne IV et aux débours applicables liés à la présente requête. Je suis d’accord.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

j.c.a.

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  A-273-10

 

INTITULÉ :  LA NATION CRIE DE LITTLE RED RIVER no 447 c. JOHN M. LABOUCAN

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE MAINVILLE

 

DATE DES MOTIFS :  Le 1er octobre 2010

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Priscilla Kennedy

POUR L’APPELANTE

 

Janet Hutchison

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVIS LLP,

Edmonton (Alberta)

POUR L’APPELANTE

 

CHAMBERLIN HUTCHISON,

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.