Cour d’appel fédérale |
CANADA |
Federal Court of Appeal |
ENTRE :
et
LA COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA
défenderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 septembre 2010.
Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 septembre 2010.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE SEXTON
CANADA |
Federal Court of Appeal |
Date : 20100928
Dossier : A-16-10
Référence : 2010 CAF 250
CORAM : LE JUGE NADON
LE JUGE SEXTON
LA JUGE SHARLOW
ENTRE :
LONA McKINNON (FOSKER)
demanderesse
et
LA COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA
défenderesse
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 28 septembre 2010.)
[1] La demande de contrôle judiciaire est présentée à l’encontre de la décision du juge‑arbitre R. J. Marin, datée du 30 novembre 2009, qui a accueilli l’appel de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission), annulé la décision du conseil arbitral et rétabli la décision initiale de la Commission.
[2] La demanderesse a fait une demande de prestations de maladie pour la période du 7 mai au 1er juillet 2006, durant laquelle elle se serait absentée du travail pour récupérer d’une chirurgie. Elle a déclaré à la Commission n’avoir touché aucun revenu durant cette période. Au cours de l’enquête qu’elle a menée, la Commission a reçu de l’employeur des bordereaux de paye indiquant que la demanderesse était retournée au travail le 30 mai 2006. La demanderesse a d’abord réagi en affirmant que les paiements auraient été faits pour des heures accumulées avant sa chirurgie. La Commission a conclu que la demanderesse avait reçu en trop un montant de 2 010 $ versé en prestations et qu’elle avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. La Commission lui a infligé une pénalité de 1 005 $
[3] À l’audience devant le conseil arbitral, la demanderesse a témoigné qu’elle n’avait reçu aucun paiement durant la période en question, ni même pour les heures qu’elle avait accumulées. Le conseil arbitral a accueilli l’appel en justifiant comme suit sa décision sur ce point central :
[traduction]
Nous sommes d’avis que les témoignages de la prestataire et de son mari sont dignes de foi parce qu’ils étaient cohérents. Nous sommes d’avis que les bordereaux de paye de l’employeur étaient incohérents et mal faits. Nous sommes d’avis que la prestataire a toujours déclaré qu’elle n’avait jamais reçu les montants que l’employeur lui a censément versés au cours de la période de prestations.
[4] Dans un appel subséquent, le juge‑arbitre a annulé la décision du conseil arbitral et rétabli la décision de la Commission. Premièrement, le juge‑arbitre a conclu que le conseil arbitral n’avait pas accordé suffisamment d’importance à une déclaration que l’employeur avait faite à Développement des ressources humaines Canada. Deuxièmement, le juge‑arbitre a écrit que le conseil arbitral avait écarté des éléments de preuve importants, notamment des renseignements relatifs aux dossiers de paye de l’employeur et la première explication fournie par la demanderesse selon laquelle elle avait été payée pour des heures accumulées. Le juge‑arbitre a dit que, si le conseil arbitral souhaitait rejeter ces éléments de preuve, il devait justifier pourquoi il choisissait de le faire. Le juge‑arbitre a annulé la décision du conseil arbitral et rétabli la décision initiale de la Commission.
[5] La présente demande soulève deux questions : Le juge‑arbitre a‑t‑il fait erreur en concluant que les motifs du conseil arbitral étaient insuffisants? Le cas advenant qu’il n’ait pas fait cette erreur, s’est‑il trompé en rétablissant la décision de la Commission?
[6] La demanderesse soutient que le juge‑arbitre a fait erreur en exigeant que le conseil arbitral traite expressément de chacun des éléments de preuve contradictoires dans ses motifs et en substituant sa propre analyse de la preuve à celle du conseil arbitral. Il est bien établi que la norme de contrôle applicable à la décision d’un juge‑arbitre sur une question de droit est celle de la décision correcte : MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance‑emploi), 2009 CAF 306, 396 N.R.157.
[7] Comme notre Cour l’a affirmé dans Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, au paragraphe 3, le conseil arbitral ne peut écarter un élément de preuve important ou le rejeter sans explication. Par ailleurs, il est important de se rappeler que le conseil arbitral ne se compose pas d’avocats et que son processus se veut informel et efficace pour les parties au litige. Ses décisions ne devraient donc pas être examinées à la loupe : Roberts c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration) (1985), 60 N.R. 349, au paragraphe 10 (C.A.F.). Il n’est pas nécessaire que le conseil arbitral analyse chacun des éléments de preuve dans ses motifs, l’exigence fondamentale étant plutôt que le conseil arbitral explique dans ses motifs comment il est parvenu à sa décision : Clifford c. Ontario (Attorney General), 2009 ONCA 670, 98 O.R. (3d) 210, au paragraphe 20.
[8] Dans la présente affaire, le conseil arbitral a expliqué sa décision en écrivant qu’il avait jugé les témoignages de la demanderesse et de son mari dignes de foi en raison de leur cohérence. Étant donné que les conclusions relatives à la crédibilité se fondent sur une multitude de facteurs tangibles et intangibles, il est difficile pour un tribunal d’exprimer de manière détaillée pourquoi il juge un témoignage crédible. Les motifs du conseil arbitral sont suffisants à cet égard.
[9] Le conseil arbitral a également bien tenu compte de la preuve qui pesait contre la demanderesse. Il a fait état en particulier des bordereaux de paye – le premier élément de preuve contre la demanderesse – et il a jugé qu’ils étaient [traduction] « incohérents et mal faits ». Le conseil arbitral a noté que la déclaration que l’employeur avait faite à Ressources humaines et Développement des compétences Canada était incompatible avec la preuve des talons de chèque de paye.
[10] Le conseil arbitral a tenu compte de la preuve qui pesait contre la demanderesse et, dans ses motifs, il a expliqué pourquoi il choisissait de la rejeter : il a jugé que la preuve de la demanderesse était plus cohérente. Le conseil arbitral était mieux placé que le juge‑arbitre ou la Cour pour apprécier la preuve et la crédibilité des témoins et sa conclusion était raisonnable. Il n’était pas tenu d’accorder plus d’importance à la déclaration que l’employeur a faite à Ressources humaines et Développement des compétences Canada qu’au témoignage de la demanderesse.
[11] La demande est accueillie. La décision du juge‑arbitre sera annulée et l’affaire lui sera renvoyée avec la directive de rejeter l’appel de la décision du conseil arbitral interjeté par la Commission.
« J. Edgar Sexton »
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-16-10
APPEL D’UNE DÉCISION DU JUGE‑ARBITRE R. J. MARIN, DATÉE DU 30 NOVEMBRE 2009, NO DE DOSSIER CUB73661
INTITULÉ : LONA McKINNON (FOSKER)
c.
LA COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 septembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE NADON
LE JUGE SEXTON
LA JUGE SHARLOW
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LE JUGE SEXTON
COMPARUTIONS :
Leslie M. Flemming |
POUR LA DEMANDERESSE
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Derek Edwards |
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lake Country Community Legal Clinic Bracebridge (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada |
POUR LA DÉFENDERESSE
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