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Date : 20100927

Dossier : A‑260‑10

Référence : 2010 CAF 245

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA,

le ministre des Affaires étrangères et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

 

appelants (défendeurs)

 

et

OMAR AHMED KHADR

intimé (demandeur)

 

 

ET ENTRE :

 

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA et

le ministre des Affaires étrangères

 

appelants (défendeurs)

 

et

 

OMAR AHMED KHADR

 

intimé (demandeur)

 

 

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2010.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                 LE JUGE STRATAS

 


Date : 20100927

Dossier : A‑260‑10

Référence : 2010 CAF 245

 

En présence de monsieur le juge Stratas

 

ENTRE :

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA,

le ministre des Affaires étrangères et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

 

appelants (défendeurs)

 

et

OMAR AHMED KHADR

intimé (demandeur)

 

 

ET ENTRE :

 

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA et

le ministre des Affaires étrangères,

 

appelants (défendeurs)

 

et

 

OMAR AHMED KHADR

 

intimé (demandeur)

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE STRATAS

 

[1]               L’intimé, M. Khadr, demande par écrit au moyen de la présente requête, en application de l’article 369 des Règles, qu’on procède à une instruction accélérée du présent appel.

 

[2]               La requête sera rejetée. Deux fois déjà, M. Khadr a sollicité cette mesure réparatrice. Notre Cour a rejeté sa demande les deux fois. Je suis lié par ces refus antérieurs, à moins que M. Khadr ne puisse démontrer, par la preuve de l’existence de faits nouveaux importants, qu’il y a eu un changement de situation important. Or, M. Khadr n’a pas fait cette démonstration.

 

A. Contexte

 

[3]               En réponse à la conclusion de la Cour suprême du Canada dans Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3, selon laquelle les droits garantis à M. Khadr par l’article 7 de la Charte ont été violés, la Cour fédérale (2010 CF 715) a ordonné aux appelants de dresser une liste de mesures de réparation susceptibles de corriger cette violation. Les appelants ont interjeté appel devant notre Cour. Ils ont également demandé qu’il soit sursis au jugement de la Cour fédérale jusqu’à ce que notre Cour tranche l’appel.

 

B.         Requête en sursis – la demande d’instruction accélérée de l’appel présentée par M. Khadr est rejetée

 

[4]               Les parties ont déposé leurs observations écrites concernant la requête en sursis. Dans ses observations écrites dans lesquelles il a fait valoir son opposition à la requête en sursis, M. Khadr a insisté sur [traduction] « l’urgence de la présente affaire », le « caractère urgent de la situation » et « l’imminence d’une poursuite pour crimes de guerre » aux États‑Unis et sur le déclenchement de cette poursuite seulement quatre semaines après la date de la présentation de ses observations. Faisant valoir que, si la Cour accueillait la requête des appelants et sursoyait à la décision de la Cour fédérale, elle devait aussi accélérer l’instruction de l’appel, M. Khadr a conclu ses observations écrites comme suit :

[traduction] M. Khadr soutient respectueusement que si la Cour, rejetant les observations de M. Khadr, décidait d’accueillir en totalité ou en partie la requête de la Couronne, elle devrait instruire et trancher sur le fond, de manière urgente, le présent appel. M. Khadr propose que l’appel soit instruit sur le fondement des dossiers de demande déposés auprès de la cour d’instance inférieure et des observations supplémentaires que les parties pourront fournir dans un bref délai. On pourrait instruire le présent appel par téléconférence ou vidéoconférence; les avocats de M. Khadr veilleront à être disponibles à tout moment qui pourra convenir à la Cour.

 

 

[5]               Notre Cour a accueilli la requête des appelants et a sursis à l’exécution de la décision de la Cour fédérale (2010 CAF 199), sans toutefois assortir le sursis de la condition demandée par M. Khadr.

 

[6]               Il est vrai, comme le soutient M. Khadr, que notre Cour n’a pas traité expressément dans ses motifs de la demande d’instruction accélérée faite par M. Khadr. Je conclus toutefois, à la lecture de l’ensemble des motifs de la Cour, que celle‑ci s’est bien demandé si l’instruction accélérée de l’appel était indiquée. La Cour n’a tout simplement pas admis qu’il y avait à l’époque une situation d’urgence justifiant le recours à la procédure d’instruction accélérée.

 

C.        La deuxième demande d’instruction accélérée de l’appel est rejetée

 

[7]               Le 27 juillet 2010, soit cinq jours après le rejet par notre Cour de la demande faite par M. Khadr de recourir à la procédure d’instruction accélérée, l’avocat de M. Khadr a envoyé à notre Cour une feuille d’envoi par fax. Encore une fois, il demandait une instruction accélérée de l’appel :

[traduction] Je confirme, à propos de la question susmentionnée, que le procès de l’intimé devant une commission militaire est toujours censé reprendre le 9 août 2010. Dans ces conditions, nous demandons que l’appel soit instruit de manière urgente, sur le fondement des dossiers de demande déposés auprès de la cour d’instance inférieure.

 

 

[8]               Le 29 juillet 2010, la Cour a répondu à cette demande par une directive donnée aux parties. S’il demeurait quelque doute que ce soit après la première décision, la Cour l’a dissipé. La Cour a rejeté la demande d’instruction accélérée de l’appel.

 

[9]               Dans sa directive datée du 29 juillet 2010, la Cour a déclaré qu’elle envisagerait de procéder à l’instruction accélérée si a) M. Khadr le lui demandait par une requête en bonne et due forme b) après s’être conformé aux exigences des Règles des Cours fédérales et avoir signifié une demande d’audience et c) en présentant des raisons valables à l’appui. Cette directive était conforme à celle donnée par le juge en chef en avril 2000 au sujet des demandes en vue d’une audition accélérée :

Demandes en vue d’une audition accélérée

 

Les demandes en vue d’une audition accélérée doivent faire l’objet d’une requête; elles ne doivent normalement pas être présentées avant le moment prévu dans les Règles aux fins de la présentation d’une demande d’audience.

 

Selon une juste interprétation de la directive du 29 juillet 2010, la Cour ne voulait pas permettre qu’on s’écarte de la politique habituelle énoncée dans la directive du juge en chef.

 

D.        Requête actuellement soumise à notre Cour en vue de l’instruction accélérée de l’appel

 

[10]           Dans sa requête, M. Khadr offre de déposer son mémoire des faits et du droit au plus tard cinq jours après la réception du mémoire des appelants. Il demande qu’on lui réserve la date d’audience la plus rapprochée que la Cour puisse offrir, n’importe où au Canada.

 

[11]           La requête de M. Khadr visant l’obtention d’une instruction accélérée de l’appel repose essentiellement sur les mêmes faits que ceux présentés à la Cour les deux fois précédentes. M. Khadr invoque la possibilité que la preuve obtenue en violation des droits que lui garantit l’article 7 de la Charte soit utilisée contre lui lors de son procès aux États‑Unis. La date prévue pour la reprise de ce procès est le 18 octobre 2010.

 

E.         Contraintes imposées à la Cour quant à la présente requête 

 

[12]           Pour statuer sur la requête de M. Khadr, je suis soumis à d’importantes contraintes. Même si j’étais disposé à accélérer le processus, il ne m’est pas loisible d’infirmer deux décisions antérieures par lesquelles la Cour a déjà refusé la mesure de réparation, tout simplement parce que je ne serais pas d’accord avec ces décisions. Un juge de la Cour ne siège pas en appel de décisions interlocutoires rendues par un autre juge de la Cour.

 

[13]           Je ne peux pas non plus réviser les décisions antérieures et décider si elles sont toujours justifiées au vu de la situation actuelle. Je ne suis pas d’accord, à cet égard, avec la possible idée maîtresse qui sous‑tend l’argument avancé par les appelants au paragraphe 24 de leurs observations écrites. Les appelants soutiennent en effet que [traduction] « la/les décision(s) prise(s) […] de ne pas accélérer l’instruction de l’appel est/sont toujours justifiée(s) ». On pourrait en déduire qu’il est possible d’inviter la Cour à évaluer la situation courante et d’infirmer les décisions antérieures si elles ne sont plus justifiées. Notre Cour n’a pas compétence pour agir ainsi, à moins, bien sûr, que les décisions antérieures en cause ne l’y autorisent.

 

[14]           Je sais que j’ai compétence – une compétence très restreinte et rarement exercée – pour infirmer des décisions interlocutoires antérieures. Un juge de la Cour peut infirmer une telle décision lorsque la partie requérante démontre, par la preuve de faits nouveaux importants, qu’il y a eu un changement de situation important (Del Zotto c. Canada (M.R.N.), [1996] 2 C.T.C. 22, au paragraphe 12, 195 N.R. 74 (C.A.F.); Gould c. Canada, 2009 CCI 107, au paragraphe 18, [2009] 6 C.T.C. 2165). Ce critère est très rigoureux : dans Del Zotto, la Cour a qualifié d’« extraordinaires » les circonstances dans lesquelles on y satisfaisait.

 

[15]           Je désire souligner que M. Khadr tente par la présente requête de faire infirmer entièrement les décisions interlocutoires rendues antérieurement par notre Cour, et non de faire modifier une mesure de réparation précédemment accordée. Le critère très rigoureux de l’existence de circonstances « extraordinaires », décrit au paragraphe précédent, s’applique à la première situation. Les critères pouvant s’appliquer à la deuxième situation ne sont pas en cause en l’espèce.

 

F.         Application de ces principes aux faits de la requête

 

[16]           Conformément aux principes susmentionnés, la Cour s’estime liée par les deux décisions antérieures de la Cour décrites aux paragraphes 4 à 9 des présents motifs. On a rejeté dans ces décisions la demande d’instruction accélérée présentée par M. Khadr. La Cour est liée par ces décisions.

 

[17]           Parmi les éléments de preuve présentés aux fins de la présente requête, M. Khadr a bien fait valoir un événement survenu après que la Cour eut rendu les deux décisions antérieures : il y a récemment eu ajournement de son procès aux États‑Unis pour cause de maladie d’un avocat et la date de la reprise du procès est maintenant fixée au 18 octobre 2010.

 

[18]           Ce fait n’est toutefois pas vraiment nouveau et il est bien loin de constituer le changement de situation important qui permettrait à la Cour d’exercer la compétence extraordinaire en cause. Les deux fois précédentes où M. Khadr a demandé à la Cour de procéder à une instruction accélérée, il a invoqué l’ouverture imminente de son procès aux États‑Unis. Les deux fois, tout en connaissant ce fait, la Cour a refusé d’accélérer l’instruction de l’appel. La situation actuelle est essentiellement la même que celle qui existait alors. La Cour est liée par ses décisions antérieures.

 

[19]           Par conséquent, pour les motifs susmentionnés, la requête est rejetée avec dépens.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑260‑10

 

INTITULÉ :                                                  LE PREMIER MINISTRE DU CANADA, LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES et LE MINISTRE DE LA JUSTICE c.
OMAR AHMED KHADR

 

                                                                        et

 

                                                                        LE PREMIER MINISTRE DU Canada, et LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES c.
OMAR AHMED KHADR

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             Le juge Stratas

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 27 septembre 2010

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Doreen Mueller

 

POUR LES APPELANTS (défendeurs)

 

Nathan J. Whitling

Dennis Edney

 

pour l’intimé (demandeur)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES APPELANTS (défendeurs)

 

Parlee McLaws LLP

Emonton (Alberta)

 

pour l’intimé (demandeur)

 

 

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