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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100910

Dossier : A-93-10

Référence : 2010 CAF 224

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

                        En présence de monsieur le juge Pelletier

 

ENTRE :

2786885 CANADA INC.

Appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Défenderesse

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

 

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2010.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE PELLETIER

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100910

Dossier : A-93-10

Référence : 2010 CAF 224

 

                        En présence de monsieur le juge Pelletier

 

ENTRE :

2786885 CANADA INC.

Appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

[1]               La Couronne a déposé une requête en radiation de requête de l’appelante fondée sur deux motifs, le premier étant que l’avis d’appel a été déposé hors délai et le deuxième étant que l’appel n’a aucune chance d’avoir gain de cause. L’appelante a déposé une requête en rejet de la requête de la Couronne. Pour les motifs qui suivent, les deux requêtes seront rejetées.

 

[2]               L’appelante a déposé un avis d’appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt rejetant son appel. L’appel a été entendu à Montréal (Québec) le 13 janvier 2010. À la fin de l’audience, le juge de la Cour de l’impôt a tenu les propos suivants :

 

[traduction]

L’HONORABLE JUGE : Je suis prêt à rendre ma décision. Écoutez, je suis très sympathique à votre situation. Il semble qu’une erreur a été commise, puis n’a pas été rectifiée. Néanmoins, je ne peux pas vous aider, car le dépôt d’appels devant notre Cour est régi par des règles très strictes. Elles prévoient un délai d’un an, auquel nous ne pouvons pas déroger. Ainsi, je ne peux pas vous accorder la moindre réparation, car l’appel a été déposé au-delà des exigences de la Loi, et au-delà du délai prévu par la Loi. Ainsi, je ne peux même pas examiner le fond de votre demande, à savoir si vous avez tort ou raison. Vous semblez avoir raison, mais je ne peux même pas m’avancer si loin, en raison du délai. Il existe un délai d’un an à compter de l’avis de cotisation pour interjeter appel, mais ce délai n’a pas été respecté. Malheureusement, je ne peux rien faire dans ce cas; je devrai donc rejeter votre appel pour ce seul motif. Ce n’est pas que je crois que vous ayez tort. Ce n’est pas pour cette raison.

 

 

[3]               Le 19 janvier 2010, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a signé le jugement formel, lequel mentionne :

[traduction]

Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour les années d’imposition 1993, 1994, 1995 et 1996 sont rejetés.

 

 

 

[4]                Le juge de la Cour de l’impôt, en signant le jugement formel ainsi, ne faisait que suivre la pratique établie de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[5]               Le 20 janvier 2010, l’agent du greffe de la Cour canadienne de l’impôt a certifié une copie conforme du jugement.

 

[6]               Le 17 février 2010, l’appelante a déposé son avis d’appel devant notre Cour.

 

[7]               La Couronne a déposé une requête en radiation de l’avis d’appel au motif qu’il a été déposé au-delà du délai de 30 jours pour interjeter appel. L’appelante soutient que l’appel a été déposé à temps puisque le jugement visé est le document écrit daté du 19 janvier 2010. Les observations écrites de la Couronne reposent sur la prétention voulant que le délai pour interjeter appel de la décision ait commencé à courir au moment de la décision verbale rendue le 13 janvier 2010. Elle n’avance aucune jurisprudence à l’appui de sa position.

[8]               L’appelante cite la décision de notre Cour dans Vidéotron Ltée c. Netstar Communications Inc., 2003 CAF 56, [2003] A.C.F. no 150, laquelle soutient sa prétention voulant que [traduction] « le jugement porté en appel a été entériné le 20 janvier 2010, et a été inscrit ainsi au greffe de cette Cour. Par conséquent, il est réputé avoir été rendu le 20 janvier 2010 aux fins du présent appel, du fait de la signature par le juge de l’audience de son jugement le 19 janvier 2010 » : avis de requête de l’appelante en réponse à la requête du défendeur, paragraphe 3. Je comprends que ceci signifie que l’appelante estime que le délai pour interjeter appel n’a pas commencé à courir avant le dépôt au greffe le 20 janvier 2010 du jugement signé par le juge de la Cour de l’impôt le 19 janvier 2010. Or, le 20 janvier 2010 est seulement la date de certification de la copie conforme du jugement par l’agent du greffe.

 

[9]               Les délais pour interjeter appel à la Cour d’appel fédérale, y compris les appels à l’encontre de procédures en vertu de la procédure informelle prévue à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, sont prévus à l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, lequel dispose de ce qui suit :

27 (2) L’appel interjeté dans le cadre du présent article est formé par le dépôt d’un avis au greffe de la Cour d’appel fédérale, dans le délai imparti à compter du prononcé du jugement en cause ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour d’appel fédérale peut, soit avant soit après l’expiration de celui-ci, accorder.

Le délai imparti est de :

 

 

 

 

 

 

 

a) dix jours, dans le cas d’un jugement interlocutoire;

b) trente jours, compte non tenu de juillet et août, dans le cas des autres jugements.

 

27 (2) An appeal under this section shall be brought by filing a notice of appeal in the Registry of the Federal Court of Appeal

 

(a) in the case of an interlocutory judgment, within 10 days after the pronouncement of the judgment or within any further time that a judge of the Federal Court of Appeal may fix or allow before or after the end of those 10 days; and

 

 

 

 

 

(b) in any other case, within 30 days, not including any days in July and August, after the pronouncement of the judgment or determination appealed from or within any further time that a judge of the Federal Court of Appeal may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

[10]           La jurisprudence de notre Cour soutient que le délai pour déposer un avis d’appel commence à courir dès lors que le jugement est prononcé verbalement en public, le cas échéant. Voir Carlile c. Canada, [1993] A.C.F. no 841 au paragraphe 4, Vidéotron Ltée c. Netstar Communications Inc., 2003 CAF 56, [2003] A.C.F. no 150 au paragraphe 6.

 

[11]           De plus, les articles 17.6 et 18.24 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, prévoient que les appels déposés à la Cour d’appel fédérale en vertu de la procédure générale et de la procédure informelle, respectivement, devront être conformes à l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales. L’article 167 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), (DORS/90-688a), prévoit le traitement des dossiers déposés devant la Cour comme suit :

167 (1) Dans le cas d’un appel, d’une requête interlocutoire ou de toute autre demande ayant pour objet de statuer au fond, en tout ou en partie, sur un droit en litige entre les parties, la Cour rend un jugement et, dans le cas de toute autre demande ou requête interlocutoire, elle rend une ordonnance.

 

 

(2) Le jugement est daté du jour de la signature, qui constitue la date du prononcé du jugement.

 

167 (1) The Court shall dispose of an appeal or an interlocutory or other application that determines in whole or in part any substantive right in dispute between or among the parties by issuing a judgment and shall dispose of any other interlocutory or other application by issuing an order.

 

(2) A judgment shall be dated on the day it is signed and that day is the date of the pronouncement of the judgment.

 

 

[12]           Il n’existe aucune disposition équivalente dans les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle), DORS/90-688b.

 

[13]            Cette disposition vient complimenter l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales en précisant la date du prononcé d’un jugement dans le cas d’un jugement écrit. Je ne suis pas convaincu que ceci a pour effet de déplacer la date du prononcé d’un jugement lorsqu’un jugement verbal a été rendu avant un jugement écrit. Dans Carlile c. Canada, monsieur le juge Mahoney de notre Cour a qualifié de « nullité redondante » la rédaction d’un jugement écrit après le prononcé d’un jugement verbal : Carlile c. Canada, paragraphe 4. N’ayant aucune assistance des parties sur cette question, je préfère m’abstenir de la trancher. Ce dit, le fait qu’il puisse être possible de créer un vide entre le prononcé d’un jugement verbal dans un débat public et la production du jugement écrit subséquent quant à la même question ne signifie pas qu’il soit souhaitable d’agir ainsi. En outre, la meilleure stratégie consisterait à s’assurer que le jugement écrit soit signé le jour même du prononcé du jugement verbal de façon à s’assurer qu’aucune confusion ne puisse survenir.

 

[14]           Dans l’espèce, il existe un vide que la Couronne souhaite utiliser pour tirer profit du fait que l’appelante s’en est remise à la date du jugement écrit. J’estime qu’il s’agit d’une tactique désolante, rendue possible par une pratique navrante. À mon sens, le public ne devrait pas être pénalisé de la sorte. Le paragraphe 27(2) permet à un juge de notre Cour de proroger le délai pour interjeter appel. Sans trancher la question à savoir si cela est nécessaire ou non dans l’espèce, je prorogerai le délai pour interjeter appel de l’appelante jusqu’au 18 février 2010, le résultat étant que l’avis d’appel de celle-ci a été déposé à temps.

 

[15]           La deuxième partie de la requête de la Couronne est mal présentée. En somme, il s’agit d’une requête en jugement sommaire. La requête vise à demander à notre Cour de trancher l’appel en fonction des affidavits déposés par les parties devant elle plutôt qu’à la lumière du dossier déposé devant le juge de la Cour de l’impôt. La Couronne n’avance aucune jurisprudence à l’appui d’une telle façon de procéder. Les règles encadrant les jugements sommaires figurent à la partie IV des Règles des Cours fédérales, DORS/98-06; elles s’appliquent, conformément à l’article 169, « aux instances, autres que les demandes et les appels ». Or, l’espèce porte sur un appel. La partie IV ne s’y applique pas. Aucune disposition des Règles des Cours fédérales ne prévoit le rejet sommaire d’un appel, sauf dans le cadre d’un examen de l’état de l’instance en vertu de l’article 382.4. Bien entendu, la Cour, dans l’exercice de sa compétence inhérente, a toujours le pouvoir de disposer sommairement d’appels qui constituent un abus de ses procédures. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas dans l’espèce.

 

[16]           Par conséquent, je rejetterai l’avis de requête de la Couronne sans frais. Je vais également rejeter l’avis de requête de l’appelante visant le rejet de la requête de la Couronne, sans frais, au motif qu’elle est superflue. Il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’opposer une requête à une autre. Il suffit que la partie en défense établisse, dans son dossier de requête, le fond de son argument voulant que la requête de la partie requérante doive être rejetée.

 

 

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

J.C.A.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-93-10

 

INTITULÉ :                                                                           2786885 CANADA INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE PELLETIER

 

DATE DU JUGEMENT :                                                     Le 10 septembre 2010

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

STEPHEN M. BYER

POUR L’APPELANTE

 

DANNY GALARNEAU

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PRÉSIDENT, 2786885 CANADA INC.

VERDUN (QUÉBEC)

 

POUR L’APPELANTE

 

LARIVIÈRE MEUNIER

QUÉBEC (QUÉBEC)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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